Les Quarante Médaillons de l’Académie/29

XXIX

M. BERRYER

C’est la Politique, — c’est-à-dire — ce qui devrait être interdit à l’Académie, — et ce qui scandaleusement y règne, — c’est la Politique, non la Littérature, qui a fait de M. Berryer un académicien. Il n’y pensait même pas. Mais on le voulait… pour avoir la grande voix légitimiste dans le concert contre l’Empire, et il se laissa faire ! Et, comme les enfants gâtés qui se sentent des enfants gâtés, et vont devenir des enfants terribles, il déploya, le jour même de sa réception, l’impertinente indifférence d’un homme qui oblige plus qu’il n’est obligé… Il est d’étiquette de lire son discours à l’Académie. « Je ne sais pas lire, dit-il ; je ne sais pas écrire ; je ne sais que parler. » Et il le prouva, car il lut fort mal. Superbe mal portée ! Grand seigneur étudié au Théâtre-Français !

Quant au talent inacadémique de M. Berryer, c’est un acteur, ce n’est pas un orateur. Et encore, un acteur qui n’est pas le maître de son art ! car on voit toujours qu’il joue la comédie et qu’il le sait… Sa voix est belle, mais il l’écoute trop. Son geste est ample, mais il le suit trop du regard… et il pue, d’ailleurs, la grand’manche. C’est comme les lapins du poëte :


Sentant encor les choux dont ils furent nourris.


Les choux dont fut nourrie l’éloquence de M. Berryer, c’est la cour d’assises… Quand les événements parlementaires d’une époque sans grandeur firent de lui un homme politique, il n’a jamais été pour moi le ministre plénipotentiaire ou le directeur d’un parti. Ni Bolingbroke, ni Mirabeau ! Non, non, mais toujours l’avocat, le simple avocat en cour d’assises de la légitimité ! Tête nulle en politique, comme doit l’être toute tête d’avocat qui ne voit dans tout que des chicanes à faire et des malices à combiner ! Ayant, du reste, l’expansion, la verve facile, l’épicuréisme, la main tendue… à trop de gens, et le qu’est-ce que cela fait ?… des orateurs, ces grands lâches, non ! — mais ces grands lâchés, qui devraient porter une ceinture et qui n’en portent pas, laissant tout aller comme cela peut, et cela fait parfois de vilains spectacles. Rappelez-vous le trop de facilité des mœurs de Fox, dont le cœur était excellent ? Il y a un peu du tempérament de Fox dans M. Berryer. Mais quelle infériorité de talent, facile à expliquer… La salle des Pas-Perdus et des Conférences pendant quarante ans ! Croyez-vous que Fox lui-même y aurait résisté ?…

« Quand les hommes s’assemblent, — disait madame Roland, — leurs oreilles s’allongent. »