Les Principes et les Mœurs de la République/Les mœurs républicaines/V


V

l’humanité.


C’est beaucoup d’aimer la liberté et l’égalité : il n’y a point de république là où ce double amour ne domine pas dans l’âme des citoyens, et c’est ici la première source d’où jaillit la vie républicaine ; mais cela ne suffit pas encore. La liberté et l’égalité ne font, comme nous l’avons dit dans la première partie de cette étude (voyez plus haut p. 12[1]), qu’exprimer le droit, le droit absolu, le droit strict ; mais celui qui se bornerait à respecter ce droit chez les autres, s’y attachât-il avec amour, n’établirait pas encore entre eux et lui ce lien plus intime qui doit resserrer l’union des citoyens par l’amour des hommes et consommer ainsi l’harmonie de la république. Ce sentiment qu’on nomme d’un seul mot, si heureux, l’humanité, est le complément nécessaire des vertus civiques. Il inspirera aux citoyens favorisés de la fortune une sympathie active pour ceux qu’elle a déshérités, apaisera les haines qui transforment en ennemis des concitoyens de conditions diverses faits pour s’aimer et s’entr’aider, et concourra à dissiper un antagonisme qui trouble la société et menace l’existence même de la république. Citoyens, soyez humains les uns à l’égard des autres ; la pratique de cette simple maxime aplanira bien des difficultés, et, beaucoup mieux que la force armée, assurera la paix sociale. Elle doit être la vertu républicaine par excellence.

  1. 1re  partie : LES PRINCIPES RÉPUBLICAINS Chap. IV — Qu’est-ce que la fraternité ? (Note Wikisource)