Librairie académique Perrin (p. 20-24).

IV

SOUS L’ANCIENNE ALLIANCE

Sous l’ancienne Alliance, la vie future apparaît plutôt comme une glorieuse et lointaine perspective que comme une immédiate réalité ; les morts sont recueillis vers leurs pères dans le schéol que Job appelle : « un pays d’ombre, de confusion, d’obscurité, où la lumière est semblable aux ténèbres » (Jobx, 22) et il est défendu aux évocateurs d’esprits de troubler leur repos. (ISamxxviii, 15.) Les corps même renaîtront : « Quand ma peau aura été détruite, de ma chair je verrai Dieu », dit Job. (xix, 26.)

« Réveillez-vous et tressaillez de joie, habitants de la poussière, s’écrie Isaïe. Car ta rosée, Éternel, est une rosée vivifiante, et la terre redonnera le jour aux ombres. » (Isaïexxvi, 19.)

Les prophètes annoncent que la mort sera vaincue : « Il anéantit la mort pour toujours ; le Seigneur, l’Éternel essuiera les larmes sur tous les visages. (Isaïexxv, 8.)

Je les rachèterai de la puissance du séjour des morts, je les délivrerai de la mort. Ô mort, où est ta peste ? Séjour des morts, où est ta destruction ? » (Oséexiii, 14.)

Dieu prend à lui le mystérieux patriarche Enoch qui, sur la terre, nous est-il dit, marchait avec lui (Genèsev, 24). Il ensevelit lui-même Moïse dont nul ne connaîtra la sépulture (Deut., xxxiv, 6) et le prophète Élie monte au Ciel dans un tourbillon. (II, Rois, ii.)

Déjà donc ceux qui vivaient ici-bas dans la foi et l’amour de Dieu, c’est-à-dire en communion avec lui, se sentaient participants de l’immortalité divine ; car « on cherche la vie dans ce qu’on aime » et nul n’exprime ce sentiment avec plus de touchante éloquence que les psalmistes.

L’un d’eux, Asaph, s’irrite longtemps de la prospérité insolente des méchants, puis, soudain, éclairé par la réflexion et la prière, il se réfugie dans les sanctuaires de Dieu et là, entrevoyant la vie à venir, il comprend que la justice éternelle aura le dernier mot. « Lorsque mon cœur s’aigrissait, dit-il alors, j’étais stupide et sans intelligence… Cependant, Seigneur, je suis toujours avec toi. Tu m’as saisi par la main droite, tu me conduiras par ton conseil, puis tu me recevras dans la gloire. Pour moi, m’approcher de Dieu, c’est mon bien. Ma chair et mon cœur peuvent se consumer, Dieu sera toujours le rocher de mon cœur et mon partage. » (Pslxxiii.)

« Où irai-je loin de ton esprit ? Où fuirai-je loin de ta face ? chante le roi David… Si je me couche au séjour des morts, t’y voilà (Pscxxxiv, 7, 8). Garde-moi, ô Dieu, car je cherche en toi mon refuge, tu es mon souverain bien… Aussi mon cœur est dans la joie, mon esprit dans l’allégresse. Et mon corps repose en sécurité. Car tu ne livreras pas mon âme au séjour des morts. Tu ne permettras pas que celui qui t’aime voie la fosse. Tu me feras connaître le sentier de la vie. Il y a d’abondantes joies devant ta face, des délices éternelles à ta droite. » (Psaume xvi, 1, 9, 11.)

Ces paroles furent appliquées par les apôtres Pierre et Paul (Actes, ii et xiii) à la résurrection de Notre-Seigneur Jésus, car pour le Christ seul, elles furent parfaitement accomplies, elles cessèrent d’être une prophétie pour devenir une réalité présente. Par sa mort et sa résurrection, nous enseignent l’Écriture sainte et la tradition de l’Église, Jésus opéra une révolution dans le monde mystérieux de l’invisible ; il brisa les portes du schéol ténébreux, illuminant les limbes où l’attendaient tant de morts, et il mit ses rachetés passés, présents et futurs, en possession de la vie éternelle.

« Il est descendu aux enfers » (l’hadès, le séjour des trépassés), affirme le Credo. D’après le Nouveau Testament, entre sa mort et sa résurrection, le Christ est allé annoncer le salut à des âmes encore captives du sépulcre. (I, Pierre, iii, 18-20.)

Gaudence, ancien évêque de Brescia, expose ainsi cette transformation : « Jadis, avant l’arrivée du Sauveur, la mort se faisait craindre de tous, même des saints, et ceux qui pleuraient une personne défunte, la pleuraient comme si elle avait péri ; mais une fois que le Christ fut ressuscité d’entre les morts, la mort a cessé d’être terrible. »



LE JUGE

Ô Christ quand tu viendras comme Roi, comme Juge,
Lorsque tu paraîtras soudain à tous les yeux,
Aurai-je peur de toi, mon Sauveur, mon Refuge,
Tremblerai-je devant l’abîme ouvert des cieux ?

Mon cœur frémira-t-il d’angoisse et d’épouvante
Quand vers moi descendra l’essaim léger des morts,
Ceux que cherche en pleurant ma tendresse fervente,
Ceux vers qui vont tous mes désirs et mes efforts ?

Comme un enfant perdu qui retrouve sa mère,
Ô Jésus, je courrai d’un grand élan vers toi !
Mes larmes te diront toute ma peine amère,
Tout mon ardent amour, mon espoir et ma foi.

Et vous qui le suivrez parmi la multitude,
Vous que j’aimai toujours, qu’un moment je perdis,
Vous, l’âme de mon âme et sa béatitude,
Vous revoir me sera l’aube du paradis.