Les Pornographes sacrés/Les Diaconales

Charles Unsinger (p. 155-212).
LES DIACONALES
MANUEL DES CONFESSEURS
par
Évêque du Mans[1]


LES DIACONALES
MANUEL DES CONFESSEURS


CHAPITRE PREMIER
De la luxure en général

La luxure, qui tire son nom du mot luxer, est ainsi appelée parce que le propre de ce vice est de relâcher, de détruire les forces de l’âme et du corps : aussi l’appelle-t-on quelquefois dissolution ; et on dit de ceux qui se livrent avec passion aux jouissances de l’amour, qu’ils sont dissolus. On définit la luxure ainsi : l’appétit désordonné aux plaisirs vénériens.

Ces plaisirs sont appelés vénériens parce qu’ils ont pour but la génération à laquelle les païens faisaient présider la déesse Vénus.



CHAPITRE II
Des différentes espèces de luxure naturelle consommée

La luxure est naturelle lorsqu’elle n’est pas en opposition avec la propagation du genre humain. — L’union des deux sexes en dehors du mariage est donc un acte purement charnel, à la condition d’être pratiqué d’une manière propre à la génération. Cet acte est accompli par le fait de l’écoulement de la matière séminale de l’homme dans l’intérieur des parties sexuelles de la femme.

On compte six espèces de luxure :

La fornication,
Le stupre,
Le rapt,
L’adultère,
L’inceste,
Le sacrilège.


ARTICLE PREMIER
De la fornication

La fornication est l’union intime et d’un consentement mutuel d’un homme libre et d’une femme libre, mais ayant déjà perdu sa virginité.

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Il y a trois sortes de fornication : la fornication simple, le concubinage, la prostitution.

§ I
De la fornication simple

La fornication simple est celle qui résulte d’un commerce passager avec une ou plusieurs femmes.

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§ II
Du concubinage

Le concubinage est le commerce d’un homme libre avec une femme libre, et qui, demeurant soit dans la même maison, soit dans des maisons séparées, vivent ensemble.

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§ III
De la prostitution

La prostitution est un métier ou un acte : comme métier, c’est la condition d’une femme prête à recevoir le premier venu et ordinairement pour de l’argent ; comme fait, c’est l’union charnelle d’un homme avec une telle femme, ou d’une telle femme avec l’homme qui se présente pour forniquer.

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ARTICLE DEUXIÈME
Du stupre

On appelle généralement stupre toute union charnelle illicite. Ainsi, dans le Lévitique, verset 21, chap. 9, et dans les Nombres, verset 5, chap. 13, — l’union charnelle de la fille d’un prêtre et l’adultère sont qualifiés de la même manière. Si quelqu’un accomplit l’acte charnel en employant la violence, il tombe, — pour notre diocèse, — dans un cas réservé.

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Le stupre est qualifié par beaucoup de théologiens violence, et mieux, par d’autres, défloration illicite d’une vierge.

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ARTICLE TROISIÈME
Du rapt

Le rapt, par sa nature, est une violence faite à toute personne ou à ses parents dans le but d’assouvir la passion.

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Le rapt diffère de l’adultère parce que l’adultère viole la justice d’une autre manière que le rapt. De même le viol d’une jeune fille ivre ou endormie constitue un grave péché contre la justice ; ce n’est pas un rapt mais une tromperie ; il en est de même de la corruption sans violence d’une personne qui n’a pas l’usage de la raison ou qui ignore ce genre de péché.

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On demande ce que doit faire une femme prise de force afin de ne pas être coupable envers Dieu.

Réponse. 1o Elle doit intérieurement repousser toute participation au plaisir, quelle que soit d’ailleurs la violence extérieure qui lui est faite, sans quoi elle pécherait mortellement.

2o Elle doit se défendre de toutes ses forces avec ses pieds, ses mains, ses ongles, ses dents et tous autres instruments, mais de manière à ne pas tuer ou gravement mutiler l’agresseur. Beaucoup de théologiens pensent que la vie et les principaux membres sont plus précieux que l’honneur qu’ils supposent ici n’être que matériellement atteint. Beaucoup d’autres, cependant, soutiennent l’opinion contraire, par des raisons puisées dans notre Théologie morale, T. 5, p. 392, 4e édit.

3o Si elle espère qu’il puisse lui être porté secours elle doit crier et invoquer l’assistance d’autrui ; car si elle n’oppose pas les résistances qui paraissent en son pouvoir, elle semble consentir.

Or, il vaudrait mille fois mieux mourir que de céder à un pareil danger. Aussi, une jeune fille qui se trouve dans cette extrémité, craignant, avec raison, de consentir aux sensations vénériennes, est-elle tenue de crier, même au péril évident de sa vie, et alors elle est martyre de la chasteté. C’est ce que décident généralement les auteurs contre ce petit nombre de probabilistes. Mais le danger prochain de consentement écarté, il est généralement admis que la jeune fille n’est pas tenue de crier au péril de sa vie et de sa réputation, parce que la vie et la réputation sont des biens de l’ordre le plus élevé. Mais il est presque impossible, comme le dit Billuart, t. 13, p. 368, que le danger n’existe pas.


ARTICLE QUATRIÈME
DE L’ADULTÈRE

L’adultère, comme son nom l’indique, dit saint Thomas, consiste à entrer dans le lit d’autrui. Il peut être commis de trois manières :

1o Entre un homme marié et une femme libre ;

2o Entre un homme libre et une femme mariée ;

3o Entre un homme marié et la femme d’un autre.

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On demande : Si une femme qui se livre au coït avec un autre homme, son mari consentant, commet un adultère :

Réponse. Quelques probabilistes se sont prononcés pour la négative ; ils ont au moins prétendu que dans ce cas il n’était pas nécessaire de déclarer en confession la circonstance d’adultère. Mais Innocent XI a condamné la proposition suivante :

L’union charnelle avec une femme mariée, du consentement du mari, ne constitue pas un adultère ; il suffit donc de dire en confession que l’on a forniqué.

Cette décision du souverain pontife est basée sur une raison évidente. En effet, le mari, par la force même du contrat et de la raison qui a présidé à l’institution du mariage, a le droit de se servir de sa femme selon l’ordre de la propagation de l’espèce, mais il ne peut ni la céder, ni la prêter, ni la louer à un autre sous peine de pécher contre l’essence du mariage ; son consentement ne peut donc enlever en rien à la malice de l’adultère.


ARTICLE CINQUIÈME
De l’inceste

L’inceste est l’union charnelle entre parents par consanguinité ou par alliance aux degrés prohibés.

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Les théologiens ne sont pas d’accord sur le point de savoir s’il y a une seule ou plusieurs espèces d’inceste. Un grand nombre prétendent qu’ils sont de différentes espèces parce qu’il y a une malice spéciale dans l’union charnelle entre parents par consanguinité qu’on ne trouve pas lorsqu’elle a lieu entre parents par alliance. Lorsqu’il s’agit du coït d’un fils avec sa mère ou d’un père avec sa fille l’inceste est encore différent de l’inceste entre parents d’un degré plus éloigné de consanguinité ou d’affinité. C’est ainsi que pense Concina qui dit, T. 15, p. 282, que cette opinion est la plus ordinaire et la plus probable.

Cependant l’opinion contraire nous paraît plus probable et plus ordinaire ; tous les incestes, en effet, sont contraires à la même vertu : le respect dû à ses parents. Ils diffèrent donc par leur plus ou moins de gravité, mais non par une malice particulière ; ils sont de la même espèce.

Quoi qu’il en soit de cette controverse au point de vue spéculatif, il est certain que l’obligation existe de déclarer en confession si l’inceste a eu lieu entre parents par alliance ou par consanguinité, en ligne directe ou collatérale et à quel degré : sans cela, la malice de cet acte ne serait pas suffisamment dévoilée. À qui persuaderait-on, en effet, que l’union charnelle d’un fils avec sa mère, d’un frère avec sa sœur, etc., est suffisamment déclarée sous la dénomination générale d’inceste ? On doit donc déclarer les divers degrés auxquels le mariage est prohibé.

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ARTICLE SIXIÈME
Du sacrilège

Le sacrilège, en tant que péché de luxure, est la profanation d’une chose sacrée par l’acte charnel. Il constitue, indubitablement, une espèce de luxure à part, car, outre le péché contre la chasteté, il renferme évidemment quelque chose de contraire au respect dû à Dieu.

Par chose sacrée on entend une personne consacrée à Dieu, un lieu destiné au culte et tous autres objets spécialement consacrés.

On entend par lieu consacré au culte ou lieu sacré celui que l’autorité publique a destiné à la célébration des offices divins ou à la sépulture des fidèles ; tels sont les églises et les cimetières bénits.

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Tout acte vénérien accompli volontairement, même d’une manière cachée, dans un lieu sacré, entraîne la malice du sacrilège, attendu, suivant l’opinion générale, que c’est une irrévérence envers le lieu saint et envers Dieu.

Le lieu saint se trouverait souillé par la publicité de cet acte et par l’écoulement de la matière séminale, quoiqu’elle ne fût pas répandue sur le pavé. Décret, Tit.68, ch. 3, et de la Consécr., Tit. 1, ch. 20. — Ce n’est cependant pas par la publicité que le lieu est souillé, mais c’est par elle que la profanation est connue et l’usage en est interdit jusqu’à la purification. — Billuart, T. 13, p. 404.

Beaucoup d’auteurs prétendent que les regards, les baisers, les discours déshonnêtes et les attouchements impurs dans le lieu sacré, même sans danger prochain d’éjaculation, entraînent la malice du sacrilège, tant à cause du respect dû à Dieu qu’à cause du danger d’éjaculation qui en est inséparable. D’autres appuient l’opinion contraire sur l’axiome suivant : Il ne faut pas aggraver ce qui a un caractère odieux. Et, d’ailleurs, c’est seulement par l’écoulement de la matière séminale que le lieu sacré se trouve souillé. Il résulte de cette diversité même d’opinions entre les savants que la circonstance du lieu sacré doit être dévoilée, surtout si l’acte est par trop honteux, comme de regarder ou de toucher les parties vénériennes.

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L’union charnelle même légitime entre époux, accomplie sans nécessité dans un lieu sacré, entraîne la malice du sacrilège ; les auteurs s’accordent généralement sur ce point. D’après Dist. 68, c. 3. Si cependant cet acte est accompli dans le lieu sacré par pure nécessité, comme lorsque deux époux y sont détenus en temps de guerre et qu’ils sont en danger prochain d’incontinence s’ils ne pratiquent pas le coït, le lieu n’est pas souillé et les époux ne pèchent pas, disent un grand nombre de théologiens ; car l’Église n’est pas censée prohiber un acte en soi licite dans une pareille circonstance.

Mais l’opinion la plus ordinaire, et nous la partageons, est que l’union charnelle entre époux est, dans ce cas, illicite et sacrilège, parce qu’il est impossible que la nécessité soit telle que l’Église fléchisse sur la sévérité d’une loi qui a eu pour but le respect dû à Dieu. Chacun, d’ailleurs, par la prière, le jeûne et autres moyens peut calmer les aiguillons de la chair, comme il serait tenu de le faire si sa moitié était absente, malade ou décédée. C’est cette seule opinion qu’il faut admettre dans la pratique. Voy. Billuart, T. 13, p. 406, et saint Liguori, c. 3, no 458.

Par choses sacrées on entend tous les objets autres que personnes et lieux qui sont consacrés au culte divin, comme les ornements et les vases sacrés. Il est certain que c’est un honteux sacrilège d’abuser de ces choses pour commettre des actes honteux, comme de se servir superstitieusement de l’eau bénite, des saintes huiles ou de l’eucharistie dans un but de luxure, et d’en frotter les parties sexuelles.

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Le prêtre qui, en administrant les sacrements, en célébrant la sainte messe, ou revêtu des ornements sacrés pour la célébrer, ou même en descendant de l’autel, se procure une éjaculation volontaire ou se délecte dans les plaisirs vénériens, ne peut être excusé d’un double sacrilège. Saint Liguori, c. 3, no 463.

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APPENDICE
Des clercs qui excitent à des passions honteuses

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Plusieurs souverains pontifes ont ordonné aux pénitents que leurs confesseurs porteraient à des actions déshonnêtes de les dénoncer au tribunal de l’Inquisition ou aux évêques du lieu : nous citerons Paul IV, 6 avril 1564 ; Clément VIII, 3 décembre 1592, et Paul V, 1608.

Enfin Benoît XIV, par sa constitution, le Sacrement de pénitence du 1er juin 1741, ordonna :

1o De dénoncer et de punir, selon les circonstances, tous ceux qui, en confession ou à l’occasion de la confession, par paroles, signes, mouvements, attouchement, écrits à lire, pendant ou après la confession, auraient excité à des actions honteuses ou tenu des propos déshonnêtes ;

2o D’avertir les prêtres chargés d’entendre les confessions qu’ils sont tenus d’exiger de leurs pénitents la dénonciation de ceux qui, de quelque façon que ce soit, les auraient excités à des actions honteuses ;

3o Il défendit de dénoncer comme coupables les confesseurs innocents ou de les faire dénoncer par d’autres et se réserva, pour lui et ses successeurs, le cas d’une si exécrable turpitude, à moins que le confesseur ne fût à l’article de la mort ;

4o Il déclara que les prêtres qui se seraient souillés d’un crime aussi infâme ne pourraient jamais absoudre leurs complices, même en temps de jubilé, à moins que ce ne fût à l’article de la mort et prononça l’excommunication majeure réservée au Saint-Siège contre celui qui oserait le faire.

Ces diverses constitutions pontificales n’ont jamais été publiées en France, c’est pourquoi elles n’obligent pas strictement, à moins de statuts diocésains spéciaux.


CHAPITRE III
Des différentes espèces de luxure consommée contre nature.

La luxure consommée contre nature consiste dans l’effusion de la matière séminale d’une façon contraire à la génération, soit en dehors de l’union charnelle, soit dans cette union.

On en compte trois espèces différentes :

Les plaisirs voluptueux ou pollution ;

La sodomie ;

La bestialité ;


ARTICLE PREMIER
De la pollution

La pollution qu’on appelle aussi plaisir voluptueux ou incontinence secrète consiste dans l’effusion de la semence en dehors de toute union charnelle.

La semence est une humeur ou sécrétion gluante que le Créateur a destinée à la génération et à la conservation de l’espèce : elle diffère donc essentiellement de l’urine qui est formée par la sécrétion des aliments et que la nature, pour se soulager, rejette comme les excréments.

Il y a trois sortes de pollutions.

1o La pollution simple et qualifiée ;

2o La pollution volontaire ou involontaire ;

3o La pollution volontaire en soi ou dans sa cause.

La pollution est simple quand il ne vient pas s’y ajouter une malice étrangère, par exemple, lorsque quelqu’un dégagé de tout lien avec un homme ou avec une femme trouve son plaisir dans la masturbation.

On la dit qualifiée lorsqu’à sa propre malice vient s’y ajouter une autre, soit de la part de l’objet auquel on pense, soit de la part de celui sur lequel on pratique ou de celui qui pratique la masturbation :

1o La masturbation revêt la malice de l’adultère, de l’inceste, du stupre, du sacrilège, de la bestialité ou de la sodomie, selon que celui qui s’y adonne pense à une femme mariée, à sa parente, etc. Ainsi commettrait un horrible sacrilège celui qui porterait des désirs de concupiscence sur la bienheureuse Vierge en se livrant à la masturbation devant sa statue ;

2o De la part de celui sur lequel on pratique la masturbation, s’il est marié ou consacré à Dieu par un vœu ou par les ordres sacrés ;

3o De la part de celui qui pratique la masturbation, si, par exemple, c’est un religieux ou un prêtre.

Toutes ces circonstances doivent nécessairement être dévoilées en confession parce qu’elles changent la nature du péché.

La pollution volontaire est celle qu’on pratique directement ou dont on recherche volontairement la cause. Elle est involontaire lorsqu’elle se produit sans la coopération de la volonté soit à l’état de veille, soit pendant le sommeil.

Comme la pollution tout à fait involontaire ne peut être un péché, nous n’en parlerons pas ici, en tant que péché.

C’est pourquoi nous traiterons :

1o De la pollution volontaire en soi ;

2o De la pollution volontaire dans sa cause ;

3o De la pollution nocturne ;

4o Des mouvements désordonnés ;

5o De la conduite des confesseurs à l’égard de ceux qui ont l’habitude de se livrer à la pollution.


§ I
De la pollution volontaire en soi.

Plusieurs probabilistes ont prétendu, avec Caramuel, que la masturbation n’était pas défendue par la loi naturelle ; que l’éjection de la semence pouvait être comparée à un excès de sang, de lait, d’urine et de sucre et que, par conséquent, si ce n’étaient les prohibitions de la loi positive, il serait permis de provoquer l’éjaculation comme utile à la santé toutes les fois que la nature le demanderait. En cela ils sont contraires à l’opinion de tous les théologiens.

Proposition. — La masturbation considérée en elle-même est un grave péché contre nature.

Cette proposition est conforme à l’Écriture sainte, à l’autorité d’Innocent XI, à l’opinion unanime des théologiens et de la raison.

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Il a été certainement dans l’esprit du Créateur d’affecter la semence humaine et l’acte vénérien tout entier à la procréation et à la perpétuité de l’espèce. S’il était permis de se livrer une fois à la masturbation, il n’y aurait pas de raison pour n’y pas revenir, et c’est ce qu’on ne peut admettre. De plus, on est exposé par le plaisir qui est inséparable de la masturbation, au danger d’en contracter l’habitude ; et nous établirons plus loin que c’est une grave faute de se livrer à la masturbation à cause des fâcheux résultats qu’elle entraîne…

… D’où on doit conclure, qu’il n’est jamais permis de provoquer directement l’éjaculation même quand il s’agit de conserver la santé ou la vie, car, pratiquée même dans ce but, la fornication est un acte illicite ; et la comparaison faite par Caramuel de la semence humaine avec le sang, le lait, l’urine et la sueur, n’a pas de valeur, puisque la destination de l’une est tout à fait différente de celle des autres. On ne doit pas non plus se baser sur ce qu’il est quelquefois permis de pratiquer la saignée ou d’amputer un membre et même les vases spermatiques, — le phallus et les testicules, — car le sang et les membres sont subordonnés à la santé de l’individu et peuvent être enlevés dans le but de lui conserver la vie ; le sperme, au contraire, n’a pas été créé en faveur de l’individu mais bien pour la conservation de l’espèce. Du reste, une saignée ou une amputation ne peuvent entraîner aucun danger, et on ne saurait en dire autant de la masturbation.


§ II
De la pollution volontaire dans sa cause.

On distingue ordinairement deux causes de pollution : une prochaine et une éloignée. Les causes prochaines tendent par elles-mêmes à l’éjaculation, comme les attouchements des parties génitales sur soi ou sur autrui, les regards que l’on porte sur elles, les paroles obscènes ou amoureuses, et les pensées honteuses.

Les causes éloignées influent d’une manière moins directe sur la pollution : ce sont les excès dans le boire et le manger, l’étude des questions vénériennes, la confession, etc.

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Il est certain :

1o Que celui qui, volontairement, même pour un instant, sans intention et pour une cause accidentelle se complaît dans la masturbation, pèche mortellement. C’est ce que personne ne niera.

2o Il en est de même de celui qui fait une action influant directement sur l’éjaculation, en touchant ou regardant amoureusement sur soi ou sur autrui les parties qui doivent rester voilées et qui paraît désirer l’éjaculation qui peut en résulter, ne chercherait-il pas à la provoquer ; c’est de toute évidence.

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3o En cas de grave nécessité, l’action qui tend à un but légitime ne fournit pas matière à pécher… Ainsi ne pèche pas le chirurgien qui, pour guérir une infirmité ou faire un accouchement, touche ou regarde les parties pudiques d’une femme et qui, à cette occasion, éprouve les effets de la masturbation, pourvu cependant qu’il n’y consente pas, s’exposerait-il même au danger du consentement. Mais, il serait obligé de renoncer à son art s’il tombait fréquemment dans ce danger ; car la nécessité de son propre salut doit l’emporter sur toutes les autres.

4o Ne pèche pas celui qui, pour son utilité ou celle d’autrui, fait une action qu’il sait être de nature à amener l’éjaculation… Aussi, est-il permis d’étudier, dans un but honnête, les choses vénériennes, d’entendre les confessions de femmes, de converser avec elles d’une manière utile et honnête, de leur rendre visite et de les embrasser à la manière des parents…

5o On pèche mortellement en faisant une action véniellement mauvaise si elle influe sur la pollution d’une manière prochaine : cela résulte de ce qui vient d’être dit. Ainsi, celui qui est trop sensible aux aiguillons de la chair, qui éjacule lorsque ses regards se portent sur certaines parties du corps d’une femme, ou lorsqu’il touche ses mains ou s’il presse ses doigts, ou s’il cause avec elle ou quand il l’embrasse d’une manière honnête mais sans motif, ou lorsqu’il assiste à des bals, celui-là devra s’abstenir de ces actions sous peine de péché mortel.

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§ III
De la pollution nocturne

Par pollution nocturne on entend l’éjaculation qui se produit pendant le sommeil. Si le sommeil est imparfait, l’éjaculation peut être semi-volontaire, et le péché, par conséquent, véniel. L’éjaculation n’étant nullement volontaire dans le sommeil parfait ne peut entraîner de péché ; car, dans ce cas, elle ne peut être mauvaise que dans sa cause.

Il est certain que celui ou celle qui a préparé une cause dans l’intention de provoquer l’éjaculation pendant le sommeil, en prenant certaines positions dans son lit, ou par des attouchements voluptueux, ou par des lectures de roman, pèche mortellement.

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On demande : 1o Ce que doit faire celui qui, en s’éveillant, s’aperçoit qu’il est sur le point d’éjaculer ?

Réponse. Il doit élever son esprit vers Dieu, l’invoquer, faire le signe de la croix, s’abstenir de provoquer l’écoulement de la semence, renoncer au plaisir voluptueux ; pourvu qu’il agisse ainsi, il peut se considérer comme exempt de péché, et il n’est pas tenu de contenir l’impétuosité de la nature ; car déjà la sécrétion des humeurs s’est faite dans les vases spermatiques ; il est nécessaire que l’éjaculation se fasse immédiatement ou plus tard, sans quoi le sperme venu des reins se corromprait au détriment de la santé.

On demande : 2o S’il est permis de se réjouir de l’éjaculation lorsqu’elle se produit dégagée de tout péché, en tant qu’elle décharge la nature, ou de la désirer à ce point de vue ?

Réponse. Les auteurs enseignent généralement qu’il est permis de se réjouir des bons effets de la pollution involontaire qui se produit soit pendant le sommeil, soit pendant la veille. Car, sous ce rapport, elle opère un bon résultat.

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On demande : 3o Ce que l’on doit penser de la distillation du sperme ?

Réponse. — La distillation est l’écoulement qui se fait goutte à goutte, et sans mouvements de concupiscence, d’une semence imparfaite ou autre humeur muqueuse. Si elle se produit sans plaisir vénérien, comme il arrive quelquefois à cause de la faiblesse des organes ou des chatouillements provenant d’un prurit insupportable, il ne faut pas, disent Cajetan et les théologiens en général, s’en occuper plus que de la sueur.


§ IV
Des mouvements désordonnés

Ces mouvements consistent en certaines commotions des parties génitales qui disposent plus ou moins à l’éjaculation ; ils peuvent être graves ou légers ; graves lorsqu’ils sont accompagnés d’un danger prochain d’éjaculation ; légers dans le cas contraire.

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On demande : Si celui qui reste indifférent aux mouvements voluptueux qui se produisent en dehors de sa volonté, qui ne les approuve ni ne les désapprouve, commet un péché et quelle en est la gravité ?

Réponse. Tout le monde est d’accord pour reconnaître qu’une pareille indifférence est un péché véniel, car l’esprit est tenu d’éprouver de la répugnance pour les mouvements voluptueux désordonnés.

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§ V
De la conduite des confesseurs à l’égard de ceux qui se livrent à la masturbation

Il n’y a pas de vice plus nuisible sous tous les rapports aux jeunes gens et aux jeunes filles que l’habitude de se livrer à la pollution, c’est-à-dire, de se masturber.

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En effet, ceux qui ont pris cette mauvaise habitude tombent dans l’endurcissement, l’hébétement, le dégoût de la vertu et le mépris de la religion.

Voici le moyen pour le confesseur de découvrir si son pénitent se livre à la masturbation : d’abord interroger le pénitent sur les pensées, les paroles déshonnêtes, les nudités devant d’autres personnes et les attouchements sur soi ou sur d’autres, ou ce qu’il a permis à d’autres de lui faire. S’il n’est pas encore arrivé à l’âge de puberté, il ne doit pas être interrogé sur la masturbation ; car il n’est pas probable qu’il l’ait pratiquée, à moins qu’il ne paraisse très corrompu. Mais s’il est pubère, qu’il ait pratiqué des attouchements impudiques avec d’autres personnes et surtout qu’il ait couché avec des enfants plus âgés que lui, il est moralement certain qu’il y a eu éjaculation, et il est suffisamment clair que la masturbation s’est faite.

Le confesseur peut cependant dire prudemment :

Avez-vous ressenti des mouvements dans le corps (ou dans la chair) ? — Avez-vous éprouvé dans les parties secrètes une agréable délectation après laquelle les mouvements se sont calmés ?

Si le pénitent répond oui, il est raisonnable de penser qu’il s’est masturbé ; car les mouvements violents suivis d’un plaisir semblable indiquent d’une manière certaine que l’éjaculation s’est produite, qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre sexe.

L’écoulement est toujours extérieur chez les mâles ; mais l’éjaculation ne se produit pas de la même manière chez les femmes, puisqu’il est probable aujourd’hui que les femmes ne répandent pas de sperme. Cependant, à la suite de mouvements désordonnés, il y a souvent écoulement intérieur, et rarement extérieur, d’une espèce d’humeur muqueuse. Pendant que cet écoulement a lieu, se produisent des sensations extrêmement agréables, qu’on désigne plus particulièrement sous le nom de jouissance.

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ARTICLE DEUXIÈME
De la sodomie

Saint Thomas, 2. 2, q. 154, art. 11, définit ainsi cette monstrueuse corruption qui tire son nom des habitants de Sodome : Accouplement entre deux personnes du même sexe, par exemple d’un homme avec un homme, ou d’une femme avec une femme.

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Peu importe le vase dans lequel pratiquent le coït, les mâles entre eux ou les femmes entre elles, que ce soit dans le vase de devant ou dans celui de derrière, — dans la matrice ou dans l’anus — ou sur une autre partie du corps, puisque la malice de la sodomie consiste dans l’affection pour le sexe interdit, et que, dans son genre, elle est complète, par l’application en manière d’union charnelle, des parties génitales sur une partie du corps d’une personne du même sexe. Il n’y a cependant pas sodomie, parce qu’il n’y a pas union charnelle, lorsqu’on applique seulement les mains, les pieds ou la bouche sur les parties génitales d’un autre, — homme ou femme — l’éjaculation se produirait-elle des deux côtés.

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Il y a une autre espèce de sodomie qui consiste dans l’union charnelle entre personnes de différents sexes, mais hors du vase naturel : dans la partie de derrière, c’est-à-dire dans l’anus, ou dans la bouche, entre les seins, entre les jambes ou les cuisses, etc. Quoique ce genre d’infamie ne tombe pas sous les peines portées contre la sodomie proprement dite, il n’en est pas moins certain que cet acte contre nature constitue un crime énorme et, dans notre diocèse, c’est un cas réservé.


ARTICLE TROISIÈME
De la bestialité

La bestialité résulte de l’accomplissement des actes vénériens avec des êtres appartenant à l’animalité, c’est-à-dire avec des animaux, des bêtes.

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Quelle que soit l’espèce à laquelle appartienne l’animal, le péché ne change pas de nature, et la différence des sexes ne l’aggrave pas beaucoup, parce que sa malice vient de ce qu’il est contre nature. Il n’est donc pas nécessaire de faire connaître en confession l’espèce, le sexe et les autres qualités des bêtes, mais il faut dire si le péché a été accompli par l’écoulement de la semence ou s’il y a eu seulement essai. Dans notre diocèse, l’un et l’autre de ces cas sont réservés.

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CHAPITRE IV
Des péchés de luxure non consommée

La luxure non consommée est celle qui n’arrive pas jusqu’à l’écoulement de la semence. À cette espèce se rapportent : la délectation morose ou contemplative, les baisers, les attouchements et regards impudiques, la parure des femmes, les peintures et sculptures indécentes, les paroles déshonnêtes, les danses, bals et spectacles. Nous traiterons rapidement ces divers sujets au point de vue pratique.


ARTICLE PREMIER
De la délectation morose

Sous ce titre sont comprises toutes les pensées mauvaises en fait de luxure, à savoir : le désir, le plaisir et la délectation morose ou contemplative.

Le désir est un acte de la volonté qui a pour objet une action mauvaise comme la fornication, ou qui a pour but d’arriver à l’accomplissement de cette action.

Le plaisir, au contraire, se rapporte au passé : c’est la délectation dans le souvenir d’une mauvaise action, comme, par exemple, quand on évoque le souvenir d’un acte charnel déjà accompli, ou de mauvais propos qui ont été tenus.

La fornication morose ou contemplative n’est autre chose que le ressouvenir d’une action mauvaise que l’imagination nous représente comme réelle, mais sans désir de l’accomplir ; par exemple, lorsqu’on s’imagine qu’on se livre à la fornication.

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On demande : s’il est permis aux personnes mariées et veuves de prendre plaisir à la pensée de l’acte charnel — le coït — à venir ou passé ?

Réponse : 1o Les fiancés et les veufs ne pèchent pas en pensent que le plaisir est attaché à ces actes, ni en prévoyant qu’ils éprouveront ce plaisir ou en se souvenant qu’ils l’ont éprouvé ; car il est évident que cette notion n’est pas le plaisir dans l’acte vénérien.

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Réponse : 2o Pèchent mortellement les personnes fiancées, ou les personnes veuves, qui donnent leur consentement à la délectation charnelle que produit en elles la prévision de l’acte futur ou le souvenir de l’acte passé ; car elles se figurent l’acte charnel comme s’accomplissant actuellement et elles y prennent volontairement plaisir. Or, l’acte charnel s’accomplissant actuellement est, à leur égard, une fornication, puisqu’elles ne sont pas mariées.

Réponse : 3o L’époux qui, en l’absence de son épouse, prend plaisir à l’acte charnel comme s’accomplissant actuellement, commet probablement un péché mortel, surtout si les esprits génitaux en sont gravement agités, non pas précisément parce qu’il consent à une chose qui lui est défendue, mais parce qu’il s’expose ordinairement à un grave danger d’éjaculation.

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ARTICLE DEUXIÈME
Des baisers, des attouchements, des regards impudiques et de la parure des femmes

Nous ferons observer qu’il ne s’agit pas ici des baisers, attouchements, etc., entre personnes mariées, mais entre personnes libres : nous parlerons ailleurs des personnes mariées.


§ I
Des baisers

1o Les baisers sur les parties honnêtes du corps, comme la main et la joue, ne sont pas mauvais de leur nature, même entre personnes de sexe différent : cela est conforme à l’opinion générale et à la pratique partout admise dans le monde.

D’où il suit : 1o Qu’on ne trouve aucune espèce de mal dans les baisers que les enfants incapables de passions sont dans l’habitude d’échanger.

2o Qu’il n’y a pas de péché dans les baisers que donnent aux enfants qui leur sont confiés les mères, les nourrices, etc.

3o Ni, ordinairement du moins, dans ceux que d’autres personnes, hommes ou femmes, donnent aux enfants en bas âge de l’un ou l’autre sexe.

4o Les baisers même honnêtes, motivés par la passion, donnés ou reçus, entre personnes du même sexe ou de sexe différent, sont des péchés mortels. Mais les baisers sur les parties inusitées du corps, par exemple sur la poitrine, sur les seins, ou à la mode des colombes en introduisant la langue dans la bouche d’une autre personne, sont présumés avoir la passion pour mobile, ou du moins mettent dans un grave danger d’y succomber et pour cette raison, ne peuvent être excusés de péché mortel.

5o Il est certain qu’on doit regarder comme péchés mortels les baisers, mêmes honnêtes, qui mettent dans le danger prochain de pollution ou de mouvements de violente passion, à moins que, par hasard, il n’y ait de graves raisons de les donner ou de les permettre ; car c’est pécher mortellement que de s’exposer au danger sans nécessité.

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§ II
Des attouchements impudiques

1o Je suppose des attouchements faits sur soi ou sur d’autres sans intentions lubriques ; car alors ce seraient des péchés mortels.

2o Si ces attouchements sont faits par pure nécessité, comme pour soigner des infirmités, ce ne sont nullement des péchés, mettraient-ils en mouvement les esprits génitaux et exciteraient-ils la pollution, pourvu qu’il n’y ait pas consentement ; cela résulte de ce que nous avons dit plus haut en parlant de la pollution.

3o On ne saurait excuser du péché mortel ceux qui, sans cause légitime, se livrent à des attouchements honteux sur des personnes de l’un ou l’autre sexe, à cause du danger évident de la commotion des esprits et de la pollution.

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4o Une femme pècherait mortellement si, même sans être dominée par la passion, elle permettait des attouchements sur ses parties pudiques ou sur celles qui les avoisinent, sur les cuisses ou bien sur les seins ; car alors elle s’exposerait évidemment au danger vénérien et participerait, en plus, à la passion d’autrui ; elle devrait repousser aussitôt l’agresseur, le réprimander, le frapper, repousser violemment la main, le fuir ou crier si elle pouvait compter sur du secours. Billuart, t. 13, p. 473.

5o Celui qui se complaît sans motif dans les attouchements des parties vénériennes commet un péché véniel ou mortel, suivant le danger qu’il court de ne pas s’arrêter là. En effet, le danger n’est pas le même pour tout le monde ; chez beaucoup de personnes, les sens sont ébranlés par les moindres attouchements qui les mettent dans le danger prochain de pollution ; d’autres ont l’insensibilité du bois et de la pierre. Ces derniers, donc, ne sont point tenus à une aussi grande vigilance que ceux qui sont plus portés aux actes vénériens.

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6o On ne doit pas regarder comme constituant des péchés mortels les attouchements faits, en jouant ou par légèreté, sur les parties honnêtes d’une autre personne, soit du même sexe, soit de sexe différent, lorsqu’il n’y a pas grave danger d’exciter les passions.

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Mais au contraire, le jeune homme qui attire une jeune fille sur ses genoux, l’y retient assise ou l’étreint en l’embrassant, commet, du moins ordinairement, un péché mortel, et on ne peut pas davantage excuser d’un semblable péché la femme qui s’y prête volontiers.

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7o C’est un péché mortel, rentrant dans la catégorie de la bestialité, de toucher, d’une manière lascive, les parties génitales des animaux. C’est encore un péché mortel de les manier par curiosité, par plaisanterie ou légèreté, jusqu’à l’écoulement de la semence, non pas à cause de la déperdition de la semence de la bête, mais parce que cette action excite fortement les passions de celui qui s’y livre. Voy. S. Liguori, l. 3, n° 420, Collet, Billuart et beaucoup d’autres.

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§ III
Des regards impudiques

L’expérience prouve que les regards influent moins sur l’acte vénérien que les attouchements ; il est certain cependant que ce sont très souvent des péchés mortels ou véniels, suivant l’intention, le consentement ou le danger qui en résulte.

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Ne pèchent peut-être pas mortellement, même ceux ou celles qui se regardent entre eux à l’état de nudité et qui n’ont pas atteint l’âge de puberté, parce que de pareilles passions n’existent pas encore chez eux. On devrait autrement décider s’ils couraient un grave danger.

Pèche mortellement celui qui se complaît à regarder ses propres parties pudiques, car il est presque impossible que ces regards ne fassent pas naître chez lui des mouvements lubriques. Il en serait autrement s’il les regardait par pure curiosité, et surtout s’il y avait lieu de présumer qu’il n’a pas couru un grave danger. Il n’y aurait pas de péché si, tout danger de lubricité écarté d’ailleurs, ces regards étaient nécessaires ou utiles.

C’est un péché mortel de regarder complaisamment — morose — les seins nus d’une belle femme, à cause du danger inséparable de ces regards.

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Ce n’est pas un péché mortel de regarder, par simple curiosité, les parties génitales des animaux ou d’assister à leur coït ; car il n’en résulte pas, d’ordinaire, un grave danger.

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§ IV
De la parure des femmes

S. Thomas, 22, q. 169, art. 2, Sylvius, t. 3, p. 871, Pontas, Collet, Billuart, etc., donnent un traité spécial sur la parure des femmes.

Les soins du corps peuvent être étudiés sous un quadruple point de vue :

1o Le protéger contre les injures de l’air ;

2o Couvrir les parties pudiques ;

3o Conserver, selon la mode, la décence qui convient

à son état ;

4o Augmenter sa beauté et plaire à autrui.

Les premier et deuxième aspects de la question sont nécessaires ; le troisième est convenable et licite, car il est conforme à la raison que chacun conserve, selon la mode, la décence qui convient à son état. Nous parlerons donc de la parure considérée au quatrième point de vue.

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C’est évidemment un péché mortel de prendre les vêtements d’un autre sexe avec des intentions ou grave danger de lubricité, ou lorsqu’il en résulte un grand scandale. Il n’y a point de péché lorsqu’on les prend par nécessité, par exemple, pour se cacher ou parce qu’on n’en a pas d’autres, pourvu qu’il n’en résulte ni scandale ni danger.

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Ceux qui, dans les réunions publiques, portent des vêtements étrangers et bizarres et des masques peuvent rarement être excusés de péché mortel à cause de l’inconvenance, du danger et du scandale qui en résultent. Sont également coupables de péché mortel ceux qui confectionnent ou vendent ces vêtements ou ces masques pour servir uniquement à un pareil usage. Il n’en est pas ainsi de ceux qui regardent les personnes masquées et s’en amusent, à moins que sous un autre rapport, comme clercs par exemple, ils ne donnent matière à scandale.

8° C’est un péché mortel, pour une femme, de se découvrir les seins ou de les laisser voir sous une étoffe trop transparente ; car c’est là une grave provocation à la lubricité, dit Sylvius, t. 3, p. 872. Par contre, ce n’est pas un péché mortel de découvrir un peu la gorge en se conformant à la mode, lorsque c’est sans mauvaises intentions et qu’il n’en résulte aucun danger ; c’est la décision de S. Antoine, de Sylvius, de S. Liguori, l. 2, n° 55, etc.

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ARTICLE TROISIÈME
Des discours déshonnêtes, des livres obscènes, des danses ou des bals et des spectacles
§ I
Des discours déshonnêtes

Les discours déshonnêtes de leur nature ne sont pas mauvais en soi comme le prouve l’exemple des médecins, des théologiens, des confesseurs, etc., qui, sans pécher, peuvent traiter les sujets honteux.

Il y a péché mortel, au contraire, dans toute parole obscène et dans de simples équivoques lancées dans un but de lubricité ou de délectation charnelle volontaire, ou bien faisant courir à soi-même ou aux autres un grave danger de consentement. Bien plus, ces péchés s’aggravent en raison du nombre de personnes qui écoutent et auxquelles ils sont nuisibles. Cela est de toute évidence, d’après ce que nous venons de dire.

Ce serait, par conséquent, un péché mortel de parler d’une manière gravement obscène, de prononcer le nom des parties pudiques de l’autre sexe, de parler du coït et des modes du coït, le ferait-on sans délectation, par légèreté, pour exciter le rire : car ces propos sont de nature à provoquer des mouvements lubriques, surtout chez les personnes non mariées et encore jeunes, selon ces paroles de S. Paul aux Corinth., I, Epit. 15, 33 : Les mauvais discours corrompent les bonnes mœurs.

Ce n’est pas un péché mortel de tenir des discours légèrement obscènes et équivoques sous le frivole prétexte du besoin de parler, ou de les tenir en plaisantant, à moins que ceux qui les entendent ne soient assez faibles pour en être scandalisés.

Les entretiens sur des sujets voluptueux, dans des lieux écartés, entre des personnes de sexe différent, surtout s’ils se prolongent et se répètent souvent, sont très dangereux et le signe du naufrage prochain de la chasteté ; on doit donc les éviter avec soin quoiqu’on ne puisse pas toujours les considérer comme des péchés mortels.

Les jeunes confesseurs doivent éviter, avec le plus grand soin d’exciter une trop vive sensibilité chez les jeunes filles ou les femmes et de s’en faire aimer.

Nous conseillons surtout aux jeunes confesseurs de ne jamais retenir les jeunes femmes auprès d’eux, de ne pas les visiter, de ne pas parler familièrement avec elles, et, à plus forte raison de ne pas les embrasser et de ne pas les introduire dans leur chambre.


SUPPLÉMENT AU TRAITÉ DU MARIAGE

Il existe des questions nombreuses d’une grave importance et sur lesquelles on est appelé à se prononcer chaque jour, concernant le traité du mariage, et que la prudence ne permet pas d’exposer dans un cours public de théologie. Les prêtres qui sont à la veille d’être revêtus des redoutables fonctions de directeur des âmes ne devant pas ignorer ces questions, nous avons l’habitude de les exposer et de les développer devant nos diacres. On peut ramener ces questions à deux principales, savoir :

1o De l’empêchement par impuissance ;

2o Du devoir conjugal.



PREMIÈRE QUESTION
De l’empêchement par impuissance

L’essence du mariage est l’acte charnel consommé et accompli — le coït. — Le mariage est consommé par l’écoulement de la semence de l’homme, ou sperme, dans le vase naturel de la femme — le vagin — ou par l’accouplement de l’homme et de la femme, — le membre viril introduit dans la matrice — de telle manière qu’ils ne forment qu’une seule et même chair, selon ces paroles de la Genèse : Et ils seront deux dans une même chair.

Toutes les fois que le membre viril devenu rigide a pénétré dans le vagin, et que l’écoulement de la semence de l’homme a eu lieu, le mariage est réputé consommé, abstraction faite d’un écoulement analogue chez la femme, chose que d’ailleurs on ne peut pas reconnaître positivement et qui, d’après beaucoup de personnes, n’est absolument nécessaire ni à la conception ni à l’accomplissement de l’acte conjugal. L’impuissance n’est donc pas autre chose que l’impossibilité de consommer le mariage dans les conditions plus haut exposées.

Par conséquent, ceux qui n’ont qu’un testicule ne sont pas impuissants, car ils peuvent introduire leur membre dans le vagin d’une femme et répandre la semence prolifique. On ne doit pas non plus regarder comme impuissants les vieillards même décrépits. On a vu, en effet, des centenaires avoir des enfants de leur commerce avec de très jeunes filles.

Les femmes stériles ne sont pas, pour ce motif, impuissantes ; car il peut arriver que l’introduction du membre viril ait lieu et qu’elles reçoivent la semence de l’homme sans la retenir ou que toute autre cause les empêche de concevoir. Lorsque l’écoulement de la semence a lieu dans le vase naturel, — c’est-à-dire dans la matrice, — l’acte conjugal est accompli et l’impuissance n’existe pas, quoique, par suite de circonstances accidentelles, la conception n’ait pas lieu. Sont au contraire réellement impuissants les vieillards trop faibles pour introduire leur membre dans le vagin d’une femme, ou tellement décrépits que, chez eux, l’éjuculation ne puisse plus se manifester. Il en est de même de ceux auxquels manquent les deux testicules ou qui, par accident, ont eu les testicules broyés, parce qu’ils ne peuvent produire la semence prolifique.

On constate plusieurs espèces d’impuissance :

L’impuissance naturelle est celle qui provient d’une cause naturelle et intrinsèque ; chez l’homme, par exemple, une froideur invincible qui s’oppose à une érection suffisante, une trop grande surexcitation qui occasionne l’écoulement de la semence avant que l’acte charnel ait pu s’accomplir, ou bien l’absence de la verge ou des testicules ; chez la femme, le rétrécissement des parties génitales, qui s’oppose à l’introduction du membre viril, ce qui se rencontre chez beaucoup de femmes.

L’impuissance absolue est celle qui rend une personne impuissante à l’égard de toute autre ; c’est le cas d’un homme privé de ses deux testicules ou qui est d’un tempérament absolument froid.

L’impuissance relative diffère de l’impuissance absolue en ce qu’elle se rapporte à telle ou telle personne et non à la généralité ; une femme, par exemple, peut avoir le vagin trop étroit pour le membre viril de son mari et non pour celui d’un autre homme ; enfin, un homme peut se trouver sous l’influence d’un maléfice ou éprouver de la froideur pour une jeune fille et non pour une autre.

L’impuissance perpétuelle est celle dont on ne guérit pas avec le temps, pour laquelle se trouvent sans effet les remèdes naturels et licites.

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On demande : Si un homme et une femme, bien instruits de leur commune impuissance ou de celle de l’un d’eux, peuvent contracter mariage avec l’intention de se prêter un mutuel secours et de rester toujours dans la chasteté.

Réponse : Sanchez, l. 7. disp. 97, n° 13, et beaucoup d’autres théologiens qu’il cite affirment que le mariage est licite dans ce cas, et ils appuient leur opinion des preuves suivantes : ceux qui ont contracté mariage, quoique atteints d’une pareille infirmité, peuvent habiter ensemble comme frère et sœur, en évitant le danger de tomber dans le péché ; si donc ils pensent raisonnablement que ce danger n’est pas à craindre, ils peuvent s’épouser en vue de s’aider mutuellement, malgré la connaissance qu’ils ont de leur impuissance. C’est ainsi que la bienheureuse Vierge et S. Joseph contractèrent un vrai mariage avec l’intention formelle de se conserver chastes et de ne pas user du coït.

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On demande : Ce que doit faire une femme qui sait positivement que son mari est impuissant et qui a un enfant des œuvres d’un autre homme, lorsque son mari, qui se croit le père de cet enfant, veut user de ses droits conjugaux.

Réponse : Il faut d’abord s’assurer si la femme ne considère pas comme certaine une impuissance qui est tout au plus douteuse ; mais en supposant que l’impuissance soit certaine, elle ne doit autoriser aucune licence, devrait-elle s’exposer à de grands désagréments en repoussant son mari, car elle ferait des actes intrinsèquement mauvais ; dans cette fâcheuse hypothèse, elle doit s’y prendre de son mieux pour persuader à son mari qu’il doit, dorénavant, vivre dans la continence sous prétexte, par exemple, qu’il est vieux ou qu’un seul enfant suffit à leur bonheur, et en affirmant qu’elle a en horreur l’acte conjugal, etc. Si un jour le mari vient à partager cette manière de voir, elle pourra lui parler en ces termes : Afin de ne pas succomber à la tentation et pour ne pas être détournés de notre résolution, faisons ensemble vœu de continence perpétuelle. Si le mari consent à faire ce vœu, la femme pourra se considérer comme étant à l’abri de nouvelles sollicitations ; elle pourra repousser ses caresses, s’il voulait encore user des licences conjugales, et cela sans donner lieu à aucun soupçon de sa part ; elle donnera pour prétexte à ses refus leur double vœu. La femme ne doit pas oublier qu’elle est tenue de réparer le préjudice qu’elle a causé à son mari ou à ses héritiers, en introduisant un bâtard dans la famille, ainsi que nous l’avons dit dans le traité de la restitution.

On demande : quelle est la conduite à tenir lorsqu’on ne sait pas d’une manière positive si l’impuissance est temporaire ou si elle est perpétuelle.

Réponse : Il s’agit de l’impuissance naturelle et intrinsèque ou bien de l’impuissance par maléfices. Dans le premier cas, à moins qu’il ne s’agisse d’un défaut de conformation ou de l’absence d’une partie essentielle des organes de la génération, il appartient uniquement aux médecins de se prononcer sur la nature et la durée de cette impuissance, dont les signes principaux sont chez l’homme :

1o La difformité des parties génitales, de la verge, par exemple son volume trop grand ou trop petit ;

2o Une insensibilité absolue mettant empêchement à l’écoulement de la semence prolifique ;

3o Une aversion naturelle pour tout commerce charnel et pour tout acte vénérien ;

4o Une mauvaise conformation des testicules.


Cette impuissance se reconnaît chez la femme :

1o Lorsque l’utérus ou vagin est trop étroit ou complètement fermé ;

2o Lorsqu’il est mal placé ou que La matrice se trouve dans une position anormale.


Les canonistes, et surtout les évêques, ont à se prononcer sur l’impuissance qui provient des maléfices et qu’on reconnaît à certains indices :

1o Lorsque la femme, qui d’ailleurs aime son mari, ne peut supporter son approche croyant qu’il ne pourra pas se livrer avec elle à l’acte conjugal ;

2o Lorsque deux époux, au moment de se livrer au coït, sont subitement pris d’une haine violente l’un pour l’autre, quoiqu’ils s’aiment d’ailleurs ;

3o Lorsqu’un mari, qui n’est pas impuissant avec les autres femmes, ne peut accomplir le coït avec la sienne, quoiqu’elle n’ait pas le vagin trop étroit et qu’elle n’oppose pas de résistance à l’accomplissement de l’acte conjugal

Quoi qu’en disent certaines personnes dont l’opinion — suivant St Thomas, Suppl., q. 58, art. 2 — a sa source dans l’infidélité ou l’incrédulité, il est certain que l’impuissance peut provenir d’un maléfice. C’est ce que supposent de nombreux conciles et presque tous les rituels, et c’est ce que reconnaissent tous les théologiens.

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On demande : Quelles sont les précautions dont le confesseur doit user à l’égard des époux et quels sont les conseils qu’il doit leur donner.

Il doit examiner avec une extrême attention si l’impuissance, qu’on attribue à une cause naturelle, ne provient pas d’un excès de passion ou d’autres causes dont on peut prévenir les effets ; car alors il faudrait employer des remèdes naturels pour combattre l’impuissance ; les médecins indiquent et prescrivent certains remèdes pour cet objet. Il existe plusieurs causes naturelles qui éloignent l’homme du coït et qu’on peut faire disparaître avec ou sans le secours des médecins, par exemple la difformité de la femme, son haleine puante, la négligence dans ses vêtements et sa toilette, le dégoût qu’elle inspire à son mari, le mépris dont elle est l’objet, etc. En effet, la beauté et les autres qualités qui rendent une femme aimable sont des excitants très puissants pour l’accomplissement de l’acte conjugal. Dans ce cas, un confesseur prudent doit surtout leur conseiller d’agir, avec bonne foi et des intentions pures, sans passions désordonnées, sans haine, sans tiédeur, en écartant tout sentiment d’inimitié ou de dégoût ; il doit les engager à se prêter aux positions les plus propices pour accomplir l’acte charnel ; il doit conseiller à la femme de prendre plus de soin de sa toilette, de se montrer aimable pour son mari, de chercher à exciter ses sens par des caresses et par des parures licites, enfin de s’ingénier à trouver les moyens, suivant les paroles de l’apôtre lui-même, de plaire à son mari.

On demande : Si une femme, qui est impuissante parce qu’elle a la vagin trop étroit, est tenue de consentir à ce qu’on fasse une incision à la matrice lorsque les médecins déclarent que cette opération la mettra en état d’accomplir l’acte conjugal.

Tous les théologiens déclarent que la femme n’est pas obligée de se soumettre à cette opération, lorsqu’il doit en résulter un gros danger pour sa vie.

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On demande : Si le mariage est valide lorsque la femme, affligée d’un rétrécissement, a été, par son commerce avec un autre homme, rendue capable de se livrer à l’acte conjugal.

Réponse : L’opinion la plus ordinaire est que le mariage est valide, car on doit juger alors que l’impuissance n’était pas permanente ; cependant, si la femme avait le vagin tellement étroit à l’égard de son mari que ce dernier n’eût jamais pu la connaître en usant des moyens naturels et licites, l’impuissance devrait, dans ce cas, être considérée comme respectivement permanente ; dans cette hypothèse, le mariage serait nul : or, il est évident que la femme ne doit pas faire disparaître ce cas de nullité, par son commerce avec un autre homme ; mais les époux peuvent contracter, devant l’Église, un nouveau mariage d’un consentement mutuel, après que la femme a été rendue capable de se livrer à l’acte conjugal avec son mari, à la suite de fornications avec un autre homme.

On demande : Si on peut abandonner à leur bonne foi des époux atteints d’une impuissance permanente, qui ignorent la nullité de leur mariage et qui, après trois ans passés, essaient encore et sans succès, d’accomplir l’acte conjugal.

S’il était établi qu’ils sont dans la bonne foi et qu’un avertissement resterait sans effet, il serait peut-être convenable de les laisser dans l’ignorance ; car dans ce cas on tolérerait un moindre mal, c’est-à-dire un péché matériel pour en éviter un plus grand, c’est-à-dire un péché formel. Il paraît peu probable que deux époux croient toujours de bonne foi qu’il leur est permis de tenter un acte qu’ils n’accomplissent jamais et qu’ils ne peuvent pas accomplir. Mais il peut arriver que l’ignorance dans laquelle ils sont à cet égard devienne une excuse, sinon de tout péché, du moins du péché mortel. C’est pourquoi nous pensons qu’on doit les avertir et les détourner du péché ; mais il est ordinairement plus prudent de leur laisser ignorer la gravité du péché.

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SECONDE QUESTION
Du devoir conjugal.

Nous divisons cette seconde question en trois chapitres : Le premier traitera du devoir conjugal demandé et rendu ;

Le deuxième, de l’usage du mariage ;

Le troisième, de la conduite des confesseurs à l’égard des personnes mariées.


CHAPITRE PREMIER
Du devoir conjugal demandé et rendu.

Nous diviserons le présent chapitre en trois articles :

Dans le premier nous traiterons de l’acte conjugal considéré en soi.

Dans le second, du devoir conjugal demandé ;

Et dans le troisième, du devoir conjugal rendu.


ARTICLE PREMIER
De l’acte conjugal considéré en soi.

Nous avons prouvé, dans le traité du mariage, contre plusieurs hérétiques, que le mariage considéré en soi était bon et honnête.

Donc, si on rencontre quelque difficulté dans la matière, c’est au sujet du coût pratiqué uniquement par passion ou pour prévenir l’incontinence.


§ I
Du coït pratiqué uniquement par passion.

C’est un péché de se livrer à l’acte conjugal dans le seul but de se procurer du plaisir, mais le péché est seulement véniel. La preuve que le coït entre époux constitue un péché résulte : 1o De l’autorité d’Innocent XI, qui condamna, en 1679, la proposition suivante, qui avait pour objet de le déclarer licite : L’acte conjugal pratiqué pour le seul plaisir qu’il procure est exempt de tout péché, même véniel.


§ II
De l’acte conjugal pratiqué dans le but de prévenir l’incontinence.

On demande : Si c’est un péché de demander le devoir conjugal dans le seul but de prévenir l’incontinence et quelle espèce de péché a été commis. Les théologiens sont divisés : beaucoup d’entre eux, prétendent qu’il n’y a pas de péché dans le coït entre époux.

Mais beaucoup d’autres prétendent que c’est un péché véniel de se livrer à l’acte conjugal pour éviter l’incontinence.

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On demande : S’il est permis d’user du mariage par motif de santé.

Réponse : Il est certain qu’il n’est permis ni de contracter mariage ni d’en user uniquement dans le but de conserver ou de recouvrer la santé ; car une semblable fin est étrangère au mariage : on commettrait donc un péché véniel en pratiquant l’acte conjugal pour cette raison-là, car il serait dépourvu d’un but légitime. C’est l’opinion de S. Thomas, Suppl., q. 94, art. 5, sur la 4e, et celle des théologiens en général. Mais il n’y a pas de péché à contracter mariage et à user de l’acte conjugal en se proposant le soulagement de la nature et la conservation de la santé.

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ARTICLE DEUXIÈME
De la demande du devoir

Les époux ne sont pas tenus de demander le devoir conjugal pour eux-mêmes ; car personne n’est tenu d’user de son droit. Ils y sont cependant quelquefois tenus d’une manière accidentelle, savoir :

1o Lorsqu’il est nécessaire d’avoir des enfants pour prévenir de graves préjudices que pourraient en éprouver la religion ou la république ; c’est de toute évidence.

2o Si l’un des époux, l’épouse principalement, fait connaître à certains signes le désir d’user du remède que la pudeur l’empêche de demander, l’autre époux doit prévenir le désir, et c’est plutôt, dans ce cas, rendre le devoir implicitement demandé que le demander réellement.

Mais il existe des cas nombreux dans lesquels il n’est pas permis de demander le devoir, sous peine de péché mortel ou véniel : nous allons traiter cette matière dans un double paragraphe.


§ I
De ceux qui pèchent mortellement en exigeant le devoir conjugal.

L’époux pèche mortellement en exigeant le devoir conjugal dans les cas suivants :

1o S’il a fait vœu de chasteté avant ou après le mariage : car il est tenu, par la force même de son vœu, de s’abstenir de tout acte vénérien qui ne lui est pas commandé par un juste motif. C’est ainsi établi par les Décrétales, l. 3, tit. 32, c. 12. Mais il est tenu de rendre le devoir lorsque son conjoint le demande ; en effet, ou il a fait son vœu après avoir contracté mariage et alors il n’a pu aliéner les droits de son conjoint ; ou le vœu est antérieur au mariage, et il a commis un grave péché en se mariant, mais il n’a pas moins donné à son conjoint ce qu’il avait promis à Dieu, et l’époux qui n’avait pas connaissance de ce vœu a acquis ses droits conjugaux ; il peut donc user de ses droits sans que l’autre époux puisse opposer des refus. C’est l’opinion de tous les théologiens.

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2o L’époux qui aurait un commerce charnel, naturel et complet avec une personne parente de son conjoint, par consanguinité, au premier ou au second degré, perdrait le droit de demander le devoir conjugal et commettrait un péché mortel en l’exigeant ; car il aurait établi l’affinité entre lui et son conjoint ; on appelle cette affinité empêchement survenant à un mariage contracté d’une manière valide.

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Celui qui sait d’une manière certaine que son mariage est nul, pour cause d’un empêchement d’affinité provenant d’un commerce illicite, par exemple, ne peut demander ni rendre le devoir conjugal sous quelque prétexte que ce soit, car il commettrait positivement un péché de fornication : la raison l’indique clairement, et les Décrétales, l. 5, tit. 39, chap. 44, sont très explicites sur ce point.

Mais s’il a contracté mariage en doutant de sa validité, ou si, l’ayant contracté, il doute de cette même validité, il doit rejeter ces doutes comme des scrupules, et il peut demander le devoir conjugal, s’il vient à s’apercevoir que ces doutes ne sont fondés sur aucune raison.

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§ II
De ceux qui pèchent véniellement en exigeant le devoir conjugal

1. Quelques théologiens, dont saint Liguori, l. 6, n° 915, cite l’autorité, prétendent, après saint Thomas, que c’est un péché mortel de pratiquer le coït avec sa femme pendant le temps des menstrues, c’est-à-dire de l’écoulement du sang qui se produit ordinairement chaque mois chez les femmes capables de devenir enceintes, à cause du préjudice causé à l’espèce, et de la défense divine portée dans le Lévitique, 20, 18 ; mais d’autres enseignent plus ordinairement que c’est bien là un péché à cause de l’indécence qui en résulte ; ils accordent qu’il n’est que véniel, car le coït pratiqué à l’époque des menstrues ne nuit nullement ou du moins nuit bien peu à la propagation de l’espèce.

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C’est pour cela que si l’écoulement, qui ne dure pas ordinairement au delà de deux ou trois jours, était de trop longue durée et presque continuel, comme cela arrive quelquefois, le mari pourrait, sans pécher, demander le devoir conjugal, car il serait très désagréable pour lui de toujours s’abstenir du coït.

Selon l’opinion générale, la femme qui rend le devoir conjugal pendant le temps du flux ordinaire ne commet pas de péché ; bien plus, elle est tenue de le rendre si son mari n’adhère pas à des observations faites avec douceur, à moins qu’il ne dût en résulter un grave préjudice pour sa santé, comme cela arrive d’ordinaire lorsque le flux est abondant.

Ce qui vient d’être dit du temps des menstrues s’applique également au temps de la grossesse et du flux de l’enfantement. Voy. saint Liguori, l. 6.

2. Ce n’est pas un péché mortel de demander le devoir conjugal pendant le temps de la grossesse, pourvu qu’il n’y ait pas danger d’avortement ; c’est l’opinion très ordinaire des théologiens, et c’est la conséquence de ce que nous avons dit au sujet de la demande du devoir ayant pour but d’éviter l’incontinence. Comme le fœtus humain se trouve tellement enveloppé dans la matrice que la semence de l’homme ne peut le toucher, on ne peut pas facilement présumer le danger d’avortement, et on ne doit pas tracasser les pénitents sur ce point par des interrogations importunes.

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3. Saint Charles conseille aux personnes mariées de s’abstenir, d’un consentement mutuel, de l’acte conjugal les jours de fêtes solennelles, les jours de dimanche, les jours de jeûne et les jours où ils ont reçu ou doivent recevoir la sainte Eucharistie : c’est conforme aux statuts de plusieurs rituels et, en particulier, de celui du Mans, p. 140. Plusieurs théologiens, cités par Sanchez et saint Liguori, pensent que la demande du devoir pendant les jours dont nous venons de parler, et principalement celui où on doit recevoir la sainte Eucharistie, n’est pas exempte de péché mortel, à moins qu’elle ne soit excusée par des motifs raisonnables comme une tentation grave ; car le plaisir charnel distrait notablement l’âme des choses spirituelles dont on doit s’occuper dans ces jours-là.

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Tous les théologiens disent avec saint François de Sales, — Introduction à la vie dévote, 2e partie, chap. 20, — que la femme qui, le jour où elle a reçu ou doit recevoir la sainte Eucharistie, rend le devoir que demande son mari, ne commet pas de péché ; bien plus, qu’elle est tenue de le rendre si son époux ne veut pas céder à ses prières.

À cette occasion, les théologiens se demandent si celui qui a éprouvé la pollution pendant le sommeil peut recevoir la sainte Eucharistie. Ils répondent avec saint Grégoire le Grand, dans sa lettre au sublime Augustin, apôtre de la Grande-Bretagne, rapportée dans le Décret, part. 1re, dist. 6, chap. 1, en faisant la distinction suivante : Ou cette pollution provient d’un excès de force ou de la faiblesse, et, dans ce cas, il n’y a pas le moindre péché ; ou bien elle provient de certains excès, dans l’usage des aliments, et c’est alors un péché véniel ; elle peut encore être le résultat des pensées qui l’ont précédée, et elle peut, dans ce cas, constituer un péché mortel. Dans le premier cas, on ne doit éprouver aucun scrupule ; dans le second, elle n’empêche pas de recevoir le sacrement ou de célébrer les saints mystères si on y est engagé par quelque motif d’excuse, comme la circonstance d’un jour de fête ou de dimanche ; mais dans la troisième, nous dit saint Augustin, on doit s’abstenir de participer ce jour-là au saint mystère à cause d’une telle pollution.


ARTICLE TROISIÈME
De l’obligation de rendre le devoir conjugal

Nous avons à parler :

1o De l’obligation de rendre le devoir conjugal ;

2o Des raisons qui dispensent de le rendre ;

3o De ceux qui pèchent mortellement en le rendant ;

4o De ceux qui commettent le péché d’Onan ;

5o De ceux qui pèchent véniellement en rendant le devoir.


§ I
De l’obligation de rendre le devoir conjugal

L’Écriture sainte et la raison imposent à chacun des époux la stricte obligation de rendre le devoir conjugal à l’autre lorsque la demande lui en est faite d’une manière expresse ou tacite :

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D’où il résulte : 1o que c’est un péché mortel de refuser, même une fois, sans motif légitime, de rendre le devoir à l’époux qui le demande avec raison et instance ; mais si celui qui le demande acceptait facilement les motifs de refus et qu’il n’en résultât point de danger d’incontinence, il n’y aurait nul péché, ou, du moins, le péché ne serait pas mortel, à refuser une fois et même deux fois de se prêter aux désirs de son conjoint.

2o L’un des époux ne peut pas, lorsque l’autre s’y oppose, faire une longue absence à moins d’absolue nécessité ; car une pareille absence équivaudrait au refus de rendre le devoir conjugal et la justice en serait gravement blessée.


§ II
Des raisons qui dispensent de rendre le devoir conjugal

De même qu’un motif légitime dispense quelquefois de la restitution, une raison légitime dispense aussi de rendre le devoir conjugal. On compte plusieurs de ces raisons, savoir :

1. Si l’époux qui demande le devoir n’est pas en possession de lui-même : si, par exemple, il est dans la démence ou s’il est ivre, il n’y a pas d’obligation pour le conjoint de lui rendre le devoir, car ce serait céder à la demande d’une brute. Cependant, si l’homme qui demande, étant dans cet état, est capable de consommer l’acte conjugal, la femme doit se rendre à ses désirs ; bien plus, elle est tenue de le faire si elle a des raisons de craindre qu’ayant repoussé son mari, celui-ci ne tombe dans l’incontinence ou ne se livre à d’autres femmes.

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2. Celui qui ne peut rendre le devoir conjugal sans grave danger pour sa santé en est dispensé ; car il est préférable d’exister et d’être bien portant que de rendre le devoir. Il faut en dire de même lorsqu’il y a grave danger de nuire à la propagation de l’espèce.

Par conséquent : 1o il n’y a pas d’obligation de rendre le devoir à un mari atteint d’une maladie contagieuse, comme une maladie vénérienne, la peste, la lèpre, etc. Cependant, Alexandre III dit qu’il faut rendre le devoir à un lépreux, mais Sanchez, l. 9, disp. 24, n° 17, saint Liguori, l. 6, n° 930, et beaucoup d’autres qu’ils citent, enseignent que cela s’entend ainsi pour le cas où, en rendant le devoir, on ne se mettrait pas dans le danger de contracter la lèpre ; car il répugne d’admettre qu’un époux soit tenu de s’exposer à un pareil danger.

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3. L’époux n’est pas tenu de rendre le devoir à celui qui a perdu le droit de le demander en commettant un adultère ; car on ne doit plus fidélité à celui qui a violé ses promesses : mais s’il était lui-même coupable d’adultère, il ne pourrait pas refuser le devoir, car les injures se trouveraient compensées.

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4. On n’est pas tenu de rendre le devoir conjugal à celui qui le demande trop fréquemment, plusieurs fois dans la même nuit, par exemple ; car l’abus est contraire à la raison et peut modifier d’une manière fâcheuse l’état de santé de l’un et de l’autre conjoint. La femme doit cependant, autant que la chose est en son pouvoir, dit Sanchez, l. 9, disp. 2, n° 12, se prêter aux désirs libidineux de son mari, lorsqu’il éprouve de violents aiguillons de la chair.

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5. La femme n’est pas tenue de rendre le devoir conjugal pendant le flux de ses menstrues ou celui qui accompagne ses couches, à moins qu’elle n’ait quelque motif de craindre que son mari tombe dans l’incontinence ; si cependant elle ne peut, par ses prières, le détourner de l’acte conjugal, elle doit rendre le devoir, car il y a toujours à craindre le danger d’incontinence, les disputes ou autres désagréments. C’est l’opinion de saint Bonaventure et de beaucoup d’autres que cite Sanchez, l. 9, disp. 21, n° 16.

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6. Il n’est pas permis de refuser le devoir conjugal dans la crainte d’avoir un trop grand nombre d’enfants. Cependant, pour le cas où les parents n’auraient pas les moyens de nourrir selon leur condition une famille trop nombreuse, Sanchez, l. 19, disp. 25, n° 3, et plusieurs autres théologiens pensent qu’il serait permis de refuser le devoir, pourvu qu’il n’y eût pas danger d’incontinence.


§ III
De ceux qui pèchent mortellement en rendant le devoir conjugal

I. Si l’époux qui réclame de son conjoint le devoir commettait un péché mortel en le demandant au milieu de circonstances extraordinaires tenant à l’acte lui-même, par exemple, en le demandant dans un lieu public ou sacré, ou avec grave danger d’avortement, ou au détriment de sa propre santé ou de celle de son époux, ou au risque évident de répandre la semence hors du vase naturel, alors qu’il aurait pu pratiquer le coït d’une autre manière, il est certain que celui qui rendrait le devoir dans ces circonstances pécherait aussi mortellement ; car il participerait à ce crime et en revêtirait la malice.

II. Si l’homme était tellement décrépit ou débile qu’il ne pût pas accomplir l’acte charnel et qu’il n’eût pas espoir de l’accomplir, il pécherait mortellement en exigeant le devoir conjugal, car il ferait un acte contraire à la nature, et, par la même raison, la femme pécherait mortellement en le demandant. Mais si l’homme accomplissait de temps en temps l’acte charnel, quoiqu’il lui arrivât souvent de ne pas pouvoir l’accomplir, la femme pourrait rendre le devoir et même serait tenue de le rendre, car dans le doute d’un bon résultat le mari ne pourrait pas se priver de son droit : le mari lui-même, dans ce cas, fait un acte licite en demandant le devoir lorsqu’il a quelque raison d’espérer qu’il arrivera à consommer l’acte charnel ; et s’il répand la semence hors du vase naturel, cet accident ne peut pas lui être imputé à péché. Mais il doit certainement s’abstenir lorsqu’il n’y a pas espoir d’arriver à l’accomplissement de cet acte, l’éjaculation. Voy. Sanchez, l. 19, disp. 17, n° 24, S. Liguori, l. 6, n° 954, d. 2, et beaucoup d’autres théologiens dont ils rapportent l’autorité.

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§ IV
De ceux qui commettent le péché d’Onan

Ce péché a lieu lorsque l’homme retire son membre après l’avoir fait pénétrer dans le vagin afin de répandre sa semence hors du vase naturel de la femme et dans le but d’empêcher la génération. Il tire son nom d’Onan, second fils du patriarche Judas, qui fut forcé d’épouser Thamar, veuve de son frère Her, mort sans postérité, afin de perpétuer la race de son frère : Onan sachant que les enfants qui naîtraient de la femme de son frère ne seraient pas considérés comme étant les siens, répandait la semence par terre pour ne pas donner naissance à des enfants que porteraient le nom de son frère. (Gen. 38, 9.)

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Il est certain : 1o que l’homme qui agit ainsi, quelle que soit la raison de sa conduite, pèche mortellement, à moins que sa bonne foi ne l’excuse ; il ne peut être absous à moins qu’il ne se repente de sa faute et qu’il ne prenne la ferme résolution de ne plus tomber dans le péché : car il est évident qu’il a commis une énormité contre le but du mariage ; c’est pourquoi Dieu l’a frappé (Onan), parce qu’il avait commis une action détestable.

Il est certain : 2o par la même raison, que la femme qui engage le mari à agir ainsi ou qui consent à cette action détestable, ou, à plus forte raison, qui fait sortir de son vagin le membre viril contre le gré de son mari, avant que l’écoulement de la semence ait eu lieu, commet un péché mortel et est tout à fait indigne de l’absolution. Les femmes, très souvent, en accomplissant l’acte charnel, au moment de l’éjaculation, font sortir le membre viril du vagin, ou se prêtent complaisamment à la même manœuvre de la part de l’homme, pour éviter d’être engrossées.

Il est certain : 3o que la femme, ordinairement du moins, est tenue d’avertir son mari, et de le détourner, selon son pouvoir, de cette action perverse ; la charité l’y oblige.

Il est certain : 4o que la femme peut et doit rendre le devoir conjugal si, averti par elle, le mari promet de compléter l’acte par l’éjaculation dans la matrice, et s’il est fidèle à sa promesse au moins quelques fois ; car sur le doute de l’abus qu’il peut faire de son droit, elle ne peut pas se refuser au coït ; mais c’est aussi son devoir de réprimander son mari quand celui-ci retire le membre viril du vagin avant l’éjaculation ; si elle ne protestait pas contre cette action, elle commettrait un péché mortel.

La difficulté consiste donc maintenant à décider si, en sûreté de conscience, elle peut rendre le devoir conjugal lorsqu’elle sait, d’une manière certaine, que son mari retirera son membre du vagin avant l’éjaculation, lorsqu’elle ne peut douter que ses prières ni ses avertissements ne parviendront pas à le détourner de sa résolution.

Beaucoup de théologiens prétendent que, dans ce cas, la femme doit se refuser à rendre le devoir, même pour éviter la mort dont elle serait menacée :

1o Parce que le mari, en retirant son membre du vagin, commet une action essentiellement mauvaise, et que la femme participerait à sa malice en se rendant à sa demande ;

2o Parce que l’homme, dans l’hypothèse, ne demande pas l’acte conjugal, mais réclame de sa femme ses complaisances pour introduire le membre viril dans les parties sexuelles et pour s’exciter à la pollution ;

3o Parce que si le mari exigeait de sa femme sa participation à un acte sodomique, celle-ci ne pourrait y consentir pour aucun motif, même pour éviter la mort : or, dans le cas supposé, la demande du mari se réduit à l’acte sodomique, puisque le parfait accomplissement de l’acte conjugal en est exclu. Voy. Habert, t. 7, p. 745, Collator, de Paris, t. 4, p. 348, plusieurs docteurs de la Sorbonne cités par Collet, t. 16, p. 244 ; Collator Andeg., sur les États, t. 3, dernière partie ; Bailly, etc.

Beaucoup d’autres enseignent que la femme qui acquiesce à la demande de son mari, et qui se prête à l’acte conjugal dans la position ordinaire, est exempte de tout péché, si elle désapprouve entièrement la conduite de son mari, car elle fait une chose licite et use d’un droit qui lui appartient.

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La femme ne pèche pas, dans ces circonstances, en rendant le devoir conjugal, pourvu qu’elle soit excusée par de graves raisons ; or les raisons sont réputées graves :

1o Lorsqu’elle doit craindre la mort, des coups ou des injures grossières ; la réponse de la sacrée congrégation de la Pénitence, et la raison indiquant clairement qu’il doit en être ainsi.

2o Lorsque la femme a lieu de craindre que son mari n’introduise une concubine sous le toit conjugal et ne vive maritalement avec elle ; car il n’y a pas de femme sensée qui ne préfère supporter toute espèce de sévices plutôt que d’assister, dans sa propre maison, à un commerce aussi injurieux pour elle.

3o Le mari n’entretiendrait-il pas une concubine sous le toit conjugal, s’il était à craindre qu’il n’entretînt ailleurs des relations avec une femme, ou qu’il ne fréquentât des courtisanes, il nous paraît que l’épouse aurait des motifs d’excuse légitime, quoique la sacrée congrégation de la Pénitence n’ait pas répondu sur ce point ; car une pareille conduite de la part du mari occasionnerait à celle-ci de graves désagréments, tels que disputes, dissensions, dissipation du bien commun, scandales, etc.

4o Il faut remarquer, cependant, que la gravité de ces désagréments doit être appréciée selon les circonstances de personnes.

Ce qui est réputé léger à l’égard d’une femme peut être très grave à l’égard d’une autre ; ainsi les rixes passagères, les dissensions, et même les coups, ont peu d’importance dans les familles de paysans ; mais cette nature de sévices serait intolérable pour une femme timide, ayant une certaine éducation et habituée aux bonnes manières d’une société raffinée.

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5o La femme peut également rendre le devoir conjugal quand elle sait, d’une manière certaine, que son mari, irrité par son refus, blasphémera contre Dieu et contre la religion, qu’il proférera des injures contre son confesseur et les prêtres en général, et qu’il prononcera des paroles scandaleuses devant ses domestiques et ses enfants ; car en voulant prévenir un péché elle serait cause qu’il en serait commis d’autres aussi graves ou même plus graves : elle n’aboutirait donc à aucun résultat favorable par sa résistance, et elle s’attirerait inutilement de graves désagréments.

6o La crainte du divorce, de la séparation, de la honte ou d’un scandale grave serait, à plus forte raison, suffisante pour se rendre aux désirs de son mari.

7o Il n’est pas nécessaire que la femme persiste dans son refus de se prêter au coït jusqu’à ce qu’elle ait éprouvé les violences, les injures et les autres désagréments dont nous avons parlé plus haut ; car il lui arriverait souvent, dans ce cas, de ne pas parvenir à détourner le mal déjà fait, en rendant ou offrant le devoir conjugal, et, d’ailleurs, elle n’est pas tenue de subir ces mauvais traitements pour empêcher son mari de commettre un péché : il suffit donc que ses craintes de mauvais traitements ne soient pas dépourvues de fondement.

8o La femme n’est pas davantage tenue d’avertir son mari chaque fois qu’il demande le devoir conjugal avec l’intention de retirer son membre du vagin avant l’accomplissement de l’acte charnel, lorsqu’elle sait par expérience qu’elle n’obtiendra aucune satisfaction. Elle doit cependant, du moins quelquefois, montrer qu’elle ne donne pas son consentement au crime de son mari. Elle doit, surtout, prendre soigneusement garde de ne pas y donner un consentement tacite, par crainte d’avoir des enfants, ou pour tout autre motif. Elle doit être dans la disposition de mourir plutôt que de s’opposer à la génération lorsque c’est de sa volonté que dépend, le fait de l’éjaculation.

Dans tous ces cas, il est permis à la femme tout ce qui lui serait permis si le mari accomplissait l’acte conjugal selon les règles.

Nos principes exposés plus haut sont maintenant admis d’une manière générale. Néanmoins il y a encore beaucoup de questions inquiétantes que nous avons exposées au souverain pontife, dans l’année qui vient de s’écouler, de la manière suivante :


Bienheureux Père,

L’évêque du Mans, se prosternant aux pieds de Votre Sainteté, vous expose humblement ce qui suit :

On ne trouve presque pas de jeunes époux qui veuillent avoir une trop nombreuse famille, et ils ne peuvent cependant pas, raisonnablement, s’abstenir de l’acte conjugal.

Ils se sentent ordinairement très offensés lorsque leurs confesseurs les interrogent sur la manière dont ils usent des droits matrimoniaux ; on n’obtient pas, par les avertissements, qu’ils se modèrent dans l’exercice de l’acte conjugal, et ils ne peuvent se déterminer à trop augmenter le nombre de leurs enfants.

Aux murmures de leurs confesseurs, ils opposent l’abandon des sacrements de pénitence et de l’Eucharistie, donnant ainsi de mauvais exemples à leurs enfants, à leurs domestiques et aux autres chrétiens ; la religion en éprouve un préjudice considérable.

Le nombre des personnes qui s’approchent du tribunal diminue d’année en année, dans beaucoup d’endroits, et c’est surtout pour cette raison-là, de l’aveu d’un grand nombre de curés qui se distinguent par leur piété, leur science et leur expérience.

Quelle était donc la conduite des confesseurs d’autrefois ? disent beaucoup de personnes. Chaque mariage ne produisait pas, généralement, un plus grand nombre d’enfants qu’il n’en produit aujourd’hui. Les époux n’étaient pas plus chastes et néanmoins ils ne manquaient pas au précepte de la confession pascale.

Tout le monde reconnaît que l’infidélité d’un époux entraîne de très graves péchés. Or, c’est à peine si on peut persuader à quelques personnes qu’elles sont tenues, sous peine de péché mortel, de rester parfaitement chastes dans le mariage, ou de courir le risque d’engendrer un grand nombre d’enfants.

Le susdit évêque du Mans, prévoyant les grands maux qui peuvent résulter d’une semblable manière d’agir, sollicite, dans sa douleur, de votre Béatitude, une réponse aux questions suivantes :

1o Les époux qui usent du mariage, de manière à empêcher la conception commettent-ils un acte en soi mortel ?

2o Cet acte étant considéré comme mortel en soi, peut-on considérer les époux qui ne s’en accusent pas comme étant dans une bonne foi qui les excuse d’une grave faute ?

3o Doit-on approuver la conduite des confesseurs qui, pour ne pas blesser les personnes mariées, s’abstiennent de les interroger sur la manière dont ils usent du mariage ?


RÉPONSE


La sacrée congrégation de la Pénitence, après avoir mûrement examiné les questions qui lui sont posées, répond à la première :

Lorsque tout ce qu’il y a de contraire aux règles, dans l’acte conjugal, provient de la malice du mari qui, au lieu de consommer cet acte, retire son membre du vagin et répand sa semence hors du vase naturel, la femme peut, si après les avertissements qu’elle est tenue de donner et qui demeurent sans résultat, son mari insiste en la menaçant de coups et de la mort, se prêter passivement à ses désirs et sans pécher (comme l’enseignent les théologiens dont les décisions font autorité), à la condition que, dans ces circonstances, elle permettra simplement le péché de son mari, et cela par un grave motif d’excuse, car la charité qui lui commande de s’opposer à la conduite de son mari, n’oblige pas lorsqu’il doit en résulter de semblables inconvénients.

La sacrée congrégation répond à la 2me et à la 3me question : que le susdit confesseur se rappelle cet adage : — On doit traiter saintement les choses saintes ; — qu’il pèse bien ce que dit saint Alphonse de Liguori, cet homme savant et très expert dans la matière, dans sa pratique des confesseurs, § 4, no 7 :

Le confesseur n’est pas tenu, ordinairement, de parler des péchés que les époux commettent relativement au devoir conjugal, et il n’est pas convenable de poser des questions sur cette matière, si ce n’est à la femme, pour lui demander, le plus modérément possible, si elle a rendu le devoir… Il doit garder le silence sur tout le reste, à moins qu’on ne lui pose des questions ; — qu’il ne manque d’ailleurs pas de consulter les autres auteurs approuvés.

Donné à Rome, le 8 juin 1842.


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Deux questions nous embarassaient encore, nous les avons soumises à la Sacrée-Pénitencerie.

On demande : 1o Pèchent-ils mortellement ceux qui coïtent à la manière d’Onan ou le membre viril enfermé dans un fourreau défendu, vulgairement appelé capote anglaise — (qui coeunt onanastice vel condomistice, id est intendo nefario instrumento quod vulgo dicetur condom 14o éd. p. 187.) ?

Réponse : C’est crime que de se servir d’un pareil fourreau ; le péché est mortel.

On demande : La femme sachant que son mari pour coïter recouvre toujours son membre viril d’une capote anglaise, doit-elle se prêter au coït ?

Réponse. — Non, elle se rendrait complice d’un crime abominable et commettrait un péché mortel.

(Décisions rendues par le pape et le collège des cardinaux, le 8 juin 1842 et le 25 mai 1851.)

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L’épouse doit donc, par tous les moyens en son pouvoir, les caresses, toute espèce de marques d’amour, les prières et les exhortations, amener son mari à accomplir l’acte conjugal selon les règles, ou le décider à s’en abstenir complètement et à vivre d’une manière chrétienne ; l’expérience prouve que plusieurs femmes sont parvenues à vaincre la résistance de leurs maris en s’attachant ainsi à gagner leurs bonnes grâces.

On demande : 1o Si l’épouse peut demander le devoir à son mari lorsqu’elle sait qu’il en abusera.

Réponse. — Plusieurs théologiens affirment que la femme peut demander le devoir conjugal et ne fait qu’user de son droit. C’est l’opinion de Pontius, de Tamburini, de Sporer, etc. Mais d’autres, comme cela résulte de ce que nous avons dit, exigent une raison qui lui permette de demander le devoir d’une manière licite, car sans cela elle donnerait à son mari une occasion prochaine de péché ; mais c’est à peine si cette raison peut se présenter, alors qu’elle peut trouver d’autres moyens de surmonter les tentations. Mais étant posée une cause grave de fait, par exemple, la difficulté de surmonter la tentation, elle ne pécherait nullement ; car il est permis de demander, avec des intentions droites et pour de graves raisons, une chose bonne en soi à celui qui peut l’accorder.

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On demande : 2o Si le mari peut répandre la semence hors du vase de la femme, lorsque les médecins ont déclaré que la femme ne peut pas enfanter sans un danger de mort évident ?

Nous répondons négativement avec tous les théologiens, parce que l’éjaculation hors des parties sexuelles de la femme est une action contre nature et détestable. Il faut accomplir l’acte si le danger de mort n’est pas très probable, ou il faut s’en abstenir complètement, si le danger est moralement certain. Dans ce cas, les époux n’ont pas d’autre moyen de salut que la continence. Leur condition est déplorable, mais on ne saurait la changer. Alors, ces malheureux époux doivent s’abstenir de coucher dans le même lit, afin de rester plus facilement dans la continence et de pouvoir vivre saintement.

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§ V
De ceux qui pèchent véniellement en rendant le devoir

1o Lorsque celui des époux qui a demandé le devoir commet un péché véniel en se livrant à l’acte conjugal, par exemple, lorsqu’il l’a demandé en vue seulement du plaisir vénérien, il paraît y avoir certain péché à le rendre, pour le conjoint, lorsqu’il n’existe pas de motif d’excuse, car on fournit ainsi matière à péché véniel. Mais lorsque la demande est formelle, celui qui rend le devoir est suffisamment excusé ; car il doit craindre, en refusant, d’exciter des rixes, des haines, des scandales, et de donner naissance au danger de plus graves péchés.

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On demande : 1o Si une femme qui n’a encore mis au monde que des enfants morts peut, néanmoins, demander ou rendre le devoir conjugal ?

Réponse : Sanchez, l. 7 disp. 102 n° 8, S. Liguori, l. 6, n° 953, et beaucoup d’autres disent que cette femme ne pèche ni en rendant ni en demandant le devoir, car : 1o elle fait une chose en soi licite et à laquelle elle a droit, tandis que la mort du fœtus est le résultat d’un accident et ne peut lui être imputée ; 2o il vaut mieux donner naissance à un être humain avec un péché originel que de le laisser dans le néant, comme Sanchez essaie de le démontrer dans ses savantes dissertations.

On demande : 2o Si la femme qui, de l’avis des médecins, ne peut pas accoucher sans un danger de mort évident, est tenue de rendre le devoir conjugal à son mari lorsqu’il le demande avec instance.

Réponse : Nous avons déjà prouvé que le mari, dans ce cas, ne peut demander le devoir pour quelque motif que ce soit ; la femme ne peut donc pas davantage le rendre, car elle ne peut disposer de sa vie. Mais le péché n’est mortel que si le danger est manifeste.



CHAPITRE II
De l’usage du mariage

Nous examinerons dans ce chapitre :

1o Quand les époux tombent dans le péché en usant du mariage ;

2o Ce qu’il faut décider des attouchements voluptueux et réciproques.


ARTICLE PREMIER
QUAND LES ÉPOUX PÈCHENT EN USANT DU MARIAGE

1o Les époux commettent un péché mortel, non seulement lorsque leur union charnelle a lieu hors du vase naturel, ou que, par des moyens adroits, ils répandent la semence hors de ce vase, mais encore lorsqu’ils préludent à l’acte vénérien dans le vase qui ne lui est pas destiné, par exemple, en introduisant le membre viril dans l’anus de la femme, avec l’intention de terminer la jouissance dans la matrice ; car ils prennent ainsi un moyen qui s’écarte des voies naturelles, et comme cet acte tend, par lui-même, à faire répandre la semence hors du vagin, cette pratique n’est pas autre chose qu’une véritable sodomie. Voy. Sanchez, l. 9, disp. 17, n° 4, S. Liguori, l. 6, n° 916, et beaucoup d’autres dont ils rapportent les décisions.

2o D’après l’opinion générale, c’est un péché mortel, tant de demander que de rendre le devoir conjugal, lorsqu’on ne doit pas l’accomplir dans la position naturelle, mais en se plaçant de côté pour la copulation, parce qu’il y a danger de répandre la semence hors du vase : la raison en est évidente. Mais si ce danger n’est pas à craindre, c’est seulement un péché véniel de demander ou de rendre le devoir conjugal de cette manière, si elle ne s’écarte que légèrement de la position naturelle, car une pareille inversion n’est pas essentiellement contre nature, étant admis qu’elle ne s’oppose pas à la génération. On doit cependant la blâmer sévèrement, surtout si l’homme, pour augmenter ses jouissances, prend sa femme par derrière, à la mode des animaux, ou s’il se place sous elle, en intervertissant les rôles : cette inversion est souvent le signe de concupiscences mortellement mauvaises chez celui qui ne sait pas se contenter des moyens ordinaires de pratiquer le coït.

Mais lorsqu’il y a nécessité d’en agir ainsi, à l’époque de la grossesse, par exemple, ou parce qu’on ne peut supporter d’autres positions, il n’y a nul péché à prendre ces diverses postures, pourvu qu’il n’y ait pas danger de répandre la semence hors du vase.

3o Pèchent mortellement les époux qui se livrent à des actes obscènes et qui répugnent à la pudeur naturelle, et surtout ceux qui pratiquent l’union charnelle dans un vase autre que celui qui est destiné à cet acte ; c’est ce qui arrive lorsque la femme prend dans sa bouche le membre viril de son mari, ou le place entre ses seins, ou l’introduit dans son anus, etc., etc.; on ne peut jamais s’appuyer sur les licences du mariage pour excuser de pareilles lubricités.

4o Pèchent mortellement les personnes mariées qui pratiquent l’acte conjugal d’une manière qui s’oppose à la génération, par exemple si l’homme répand sa semence hors du vase, comme nous l’avons dit, s’il s’oppose à l’écoulement complet de la semence, si la femme rejette le sperme ou fait des efforts pour le rejeter, si elle reste passive afin d’empêcher la conception, etc. Saint Antoine, Sanchez et beaucoup d’autres cités par saint Liguori, l. 6, n° 918, prétendent qu’il n’y a pas de péché lorsque le mari, du consentement de sa femme, retire son membre du vagin, avant l’écoulement de la semence, afin de ne pas donner naissance à des enfants, à la condition, cependant, que ni le mari ni la femme ne tomberont dans le danger de pollution. Cependant, Navarrus, Sylvestre, Ledesma, Azor et beaucoup d’autres pensent avec raison que, dans ce cas, le péché est mortel, tant à cause du danger de pollution dans lequel se trouve toujours le mari, qu’en raison de l’injure grave faite à la nature en laissant l’acte conjugal imparfait. C’est cette dernière opinion seulement qu’on doit suivre dans la pratique.

5o Les époux pèchent encore mortellement dans l’accomplissement de l’acte conjugal, s’ils ont des désirs adultères, c’est-à-dire s’ils se figurent que c’est une autre personne qui est présente et s’ils prennent volontairement plaisir en pensant que c’est avec cette personne que le commerce a lieu. Il en est de même lorsqu’ils accomplissent l’acte conjugal dans un but mortellement mauvais, par exemple, si l’homme demande ou rend le devoir conjugal avec le désir que sa femme meure dans les douleurs de l’enfantement.

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ARTICLE DEUXIÈME
Des attouchements entre époux

1o Les attouchements voluptueux qui ont pour but de parvenir à l’acte charnel légitime sont, sans aucun doute, licites, à la condition de ne pas entraîner le danger de pollution ; ils sont, en effet, comme les accessoires de cet acte : ils ne peuvent donc être défendus.

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2o Les attouchements entre époux sont des péchés mortels lorsqu’il en résulte un danger de pollution : car la masturbation n’est pas plus permise aux personnes mariées qu’à celles qui ne le sont pas ; on ne peut donc pas davantage les excuser de se mettre volontairement dans le danger de pollution. Mais les embrassements et les autres attouchements honnêtes que les personnes mariées ont l’habitude de se faire pour entretenir un amour mutuel ne sont pas des péchés lorsqu’ils ne mettent pas dans le danger de pollution.

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On ne doit pas regarder les époux comme coupables de péché mortel lorsqu’ils affirment, de bonne foi, que leurs sens ne sont pas ébranlés ou qu’il n’y a pas danger probable de pollution, ce qui est assez ordinaire pour les personnes mariées depuis longtemps et accoutumées aux actes vénériens. Nous ne saurions blâmer en aucune façon une épouse pieuse qui, par timidité, ou par crainte d’irriter son mari, ou dans Le but de conserver la paix dans le ménage, permettrait des attouchements libidineux, affirmant d’ailleurs qu’ils ne produisent chez elle aucun mouvement désordonné, ou que, du moins, ces mouvements sont légers.

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Sanchez, l. 9, disp. 44, n° 15, et plusieurs autres avec lui, disent que l’époux qui, en l’absence de son conjoint, prend plaisir à se livrer à des attouchements sur lui-même ou à porter ses regards sur ses parties sexuelles, mais sans qu’il y ait danger de pollution, commet seulement un péché véniel, parce qu’il fait des actes secondaires qui tendent à l’acte principal licite en soi, c’est-à-dire à l’union charnelle, mais qui, dans ce cas, sont sans nécessité. Ils sont d’avis qu’il faut en dire autant de la délectation dans l’acte conjugal qu’on se représente comme s’accomplissant.

D’autres, au contraire, plus ordinairement, comme Layman, Diana, Sporer, Vasquez, saint Liguori, etc., peu suspects d’une trop grande sévérité, donnent comme probable que c’est un péché mortel, tant parce que l’époux n’a le droit de disposer de son corps qu’accidentellement et, selon l’ordre, pour accomplir l’acte charnel, qu’en raison de la tendance de ces attouchements à la pollution et du danger prochain qui en est inséparable, lorsqu’on s’y arrête et qu’ils produisent une commotion dans les esprits.

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CHAPITRE III
De la conduite des confesseurs à l’égard des personnes mariées

Le confesseur doit avoir soin de les faire revenir au tribunal sacré peu de temps après que le mariage aura été contracté, et alors il développera les règles exposées plus haut sur l’obligation de rendre le devoir conjugal, sur l’époque à laquelle il faut le rendre et le demander, sur la manière dont le coït doit être pratiqué pendant les menstrues, la grossesse, etc.

L’expérience prouve que beaucoup de personnes mariées ne déclarent pas les péchés commis dans le mariage, à moins qu’elles ne soient interrogées là-dessus. Or, le confesseur peut les interroger de la manière suivante sur les choses permises entre époux : Avez-vous quelque chose à avouer qui répugne à votre conscience ? Si elles répondent négativement et qu’elles paraissent suffisamment instruites et d’ailleurs timorées, il ne sera pas nécessaire d’aller plus loin. Mais si elles paraissent ignorantes et que leur sincérité soit suspecte, le confesseur devra insister. Il demandera au pénitent s’il a refusé à son conjoint de lui rendre le devoir conjugal : si le pénitent ne comprend pas cette manière de parler, le confesseur peut lui demander : avez-vous refusé l’acte que l’on fait pour avoir des enfants, le coït ? S’il répond qu’il a refusé, il faut savoir pour quelle raison, et on jugera à ses réponses si le péché est mortel ou s’il n’y a pas de péché.

Le confesseur doit généralement s’enquérir auprès du pénitent s’il s’est livré à des actes déshonnêtes contre la sainteté du mariage. Si le pénitent répond affirmativement, il convient de lui faire dire en quoi consistent ses infractions, de peur de lui enseigner ce qu’il ignore ; et on ne devra pas d’abord l’accuser à la légère de péché mortel.


Fin des citations

  1. Sur la page en regard du titre on lit :
    AVIS ESSENTIEL

    Toute demande de cet ouvrage doit être accompagnée d’une autorisation de M. le supérieur du grand séminaire du diocèse ou du vicaire général ; sans cette formalité indispensable il ne sera délivré aucun exemplaire.