Les Poètes du terroir T I/Léon Durocher

Les Poètes du terroir du XVe au XXe siècleLibrairie Ch. Delagrave Tome premier (p. 491-492).

LÉON DUROCHER

(1862)


Poète chansonnier et auteur dramatique fort apprécié dans les milieux montmartrois, M. Léon Durocher est né à Pontivy en 1862. C’est un Breton de Paris qui a fait état de sa province. « Elevé parmi les genêts d’or, a-t-on écrit, M. Durocher grandit dans le culte des lettres gréco-latines, et, transporté au bord de la Seine, entendit bourdonner en lui l’appel nostalgique du pays breton. » Aristophane, à défaut de Virgile, lui permit d’entendre Brizeux, mais il ne cessa de prêter au murmure des vagues et au tintement des cloches de la ville d’Is les rumeurs dos foules et les éclats d’orchestre de la trop fameuse « butte ». Pendant l’Exposition de 1900, il tint un cabaret breton et institua à Montfort-l’Amaury, sur les ruines du domaine de la reine Anne, un pèlerinage annuel d’un pittoresque forain.

M. Léon Durocher a publié : Clairons et Binious (Paris, 1886, in-18) ; Binious et Tambourins, lettre-préface de F. Mistral (Paris, Vanier, 1889, {{in-8°) ; La Marmite enchantée, comédie préhistor. en un acte (Paris, édit. de « La Plume », s. d., in-18) ; Chansons de Là-Haut et de Là-Bas (Paris, Flammarion, s. d., in-18), etc. ; il a, de plus, collaboré au Voltaire, aux Chroniques, à Paris-Moderne, au Triboulet, à La Plume, à L’Hermine, au Clocher breton, etc.



POURQUOI FILES-TU ?


I


Pourquoi files-tu là-bas sur la grève ?…
Est-ce pour draper le lit dont je rêve,
Le vieux lit breton veuf de notre amour ?…
Ne te presse pas ! Car la mer écume ;
Et les matelots perdus dans la brume
Ne voient point briller l’heure du retour.


Pendant que mon Yvonnette
File et tourne son fuseau,
File auvent, ma goélette,
File entre le ciel et l’eau !

II


Pourquoi files-tu dans la chambre close ?…
Est-ce pour draper le bel enfant rose
Dont tu dois cueillir le premier bonjour ?
Double les baisers sur sa tête blonde,
Puisque notre enfant doit venir au monde
Avant qu’au foyer je sois de retour.

Pendant que mon Yvonnette
File et tourne son fuseau,
File au vent, ma goélette,
File entre le ciel et l’eau !

III


Pourquoi files-tu près de la chaumière ?
Est-ce pour dormir, dis ! sous la bruyère,
Côte à côte, au pied du clocher à jour ?…
Ne t’occupe pas de moi, ma jolie !
Car c’est l’Océan qui dans sa folie
Drape les marins perdus sans retour.

Pendant que mon Yvonnette
File et tourne son fuseau,
File au vent, ma goélette,
File entre le ciel et l’eau !

(Chansons de Là-Haut et de Là-Bas.)