Les Poètes du terroir T I/E. Souvestre

Les Poètes du terroir du XVe au XXe siècleLibrairie Ch. Delagrave Tome premier (p. 390-391).

ÉMILE SOUVESTRE

(1806-1854)


Il naquit à Morlaix le 15 avril 1806, d’un père ingénieur des ponts et chaussées. Successivement commis chez le libraire Mellinet, de Nantes, maître de pension dans cette même ville, professeur à Brest, à Mulhouse et à l’École d’administration de Paris, où il s’était fixé en 1836, Émile Souvestre tira d’une plume facile, un peu négligée, ses meilleures ressources, afin de soutenir les siens. Il écrivit dans des revues de Bretagne, prit la rédaction d’un journal de Brest, Le Finistère, et collabora au Magasin pittoresque. Sa production est considérable, quand on songe qu’il mourut à quarante-huit ans (Montmorency, 8 juillet 1854). Il a aimé son pays natal avec passion et s’est, toute sa vie, appliqué à le faire connaître. Avec des livres comme : Les Derniers Bretons (Paris, Charpentier, 1835-1837, et Calmann-Lévy, 1854, 4 vol. in-12), Le Foyer breton (Paris, W. Coquebert, 1844, et Calmann-Lévy, 1853, in-12), En Bretagne (Paris, Calmann-Lévy, 1867, in-12), il a contribué plus qu’aucun autre, sauf Brizeux, à vulgariser la littérature et les coutumes du pays celtique. Comme poète, il n’a laissé que deux petits volumes imprimés à Nantes : Trois Femmes poètes inconnues (Mellinet-Malassis, 1829, in-12) et Rêves poétiques (Mellinet, 1830, in-12). Ses vers sont faibles, mais ils ont de la grâce et de la douceur.

Bibliographie. — Vinet, Études sur la littérature franc., III, 1851, in-12, — Charton, Étude sur É. Souvestre, Magasin pittoresque, 1854, p. 401. — J. Rousse, La Poésie bretonne au dix-neuvième siècle, Paris, Lethielleux, 1895, in-18, — Le Goffic, L’Âme bretonne, Paris, Champion, 1901, in-18.



BALLADE
sur un thème populaire[1]

Filons malgré la nuit, filons :
Sire Bertrand[2] est dans les chaînes,

Il faut le prix de trois ranrons
Pour le ramener dans nos plaines :
Fuseaux, tournez un mois entier
Pour racheter le prisonnier.

Dans un pays maudit du ciel,
Et loin de l’air de sa montagne.
Que son sort doit être cruel !
Comment vivre ailleurs qu’en Bretagne ?
Fuseaux, tournez un mois entier
Pour racheter le prisonnier.

Hélas ! partout dans nos hameaux
On voit des armes étrangères,
L’Anglais enlève nos troupeaux
Et brûle nos pauvres chaumières,
Et, tristes, nous allons prier
Pour le retour du prisonnier.

Tremblez, vous qui causez nos maux,
Et riez de notre espérance ;
Comme le fil sur nos fuseaux,
Sur vous s’amasse la vengeance.
Tremblez, avant un mois entier,
Vous reverrez le prisonnier.

(Rêves poétiques, 1830.)



  1. Cette ballade est extraite du poème Duguesclin en Bretagne.
  2. On sait que Bertrand Duguesclin était prisonnier en Espagne du prince de Galles.