Les Poètes du terroir T I/Bretagne, Chants populaires

Bretagne, Chants populairesLibrairie Ch. Delagrave Tome premier (p. 343-350).
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CHANTS POPULAIRES


LA FILLETTE DE LANNION


Dans la ville de Lannion, il y a une jeune fille — Qui a trois amoureux dont elle est (également) éprise.

Le premier est piqueur de pierre, l’autre est couvreur. — L’autre est cuisinier, c’est celui-ci qui l’emporte.

J’ai donné à la jeune fille des chaussures deux fois cousues. — J’aimerais, gracieuse, être avec vous couché.

Venez avec moi, Monic, venez avec moi dans ma maison, — Et vous n’aurez rien à faire que vous promener.

Je vous mettrai dans un lit, à côté du feu, — Sous des tapis de velours, des draps de toile fine.

Et une pomme d’orange sera à chaque coin du lit, — Et un petit rossignol au-dessus chantera.

Je vous mettrai dans une chaise, au seuil de ma porte, — D’où vous verrez les barques bondir sur la mer.

… Je vois venir les barques, et elles sont tendues de noir. — Seigneur Dieu ! mon Dieu ! Je suis veuve à coup sûr.

Taisez-vous, taisez-vous, Monic, taisez-vous, ne pleurez pas, — Votre mari est mort, est mort et enterré ;

Votre mari est mort, est mort et enterré — Sous le marchepied dans l’église de la Trinité.

Si vous avez envie d’entendre qui a fait cette chanson, — C’est un jeune couvreur, de la ville de Lannion.


PLAC’HIC LANHUON

Ebars en kèr Lanhuon a zo eur plac’h iaouanc
Hac a dreuz tri amourous da bore a deus c’hoant.

Ar c’hentan zo piquer-min, egile zo toër,
Egile zo quiginer, da heman eo an affer.

Me am eus roët d’ezhi boutou diou wec’h griet.
Me agarrie, coantennic, beza ganeoc’h cousket.

Deut-hu ganen-me, Monic, deut-hu ganen d’amzi,
Na pô netra da ober, uemet cm bourmeni.

M’ho lacaï en eur guele ebars en tal an tan,
Dindan tapisso voulouz, linsellio lien moan ;

Hac eun aval orangés vô a bep corn d’ezhan,
Hac eur rossignol bihan war-c’hore o canan.



Me ho lacaï’n eur gador ebars eu toul ma dor,
Lec’h ma welfet al listri o vragal war ar mor…

… Me’wel arri al listri, hac hi stignet en du,
Aotro Doue ! ma Doue ! Intanvez ez oun sur !

— Tavit, tavit, Monic, tavit, na ouelet ket !
Ho pried a zo marv, zo ’marv ha douaret ;

Ho pried a zo marv, marv ha douaret,
Dindan ar marchepied, en iliz an Drindet…

M’oc’h eus c’hoant da glevet piou hen eus gret ar zôn,
M’è eun toër iaouane, euz a gér Lanhuon.


MARGUERITE LA JOLIE
(dialecte de vannes)

Ecoutez tous, et écoutez — Une chansonnette nouvelle, qui a été levée — À Marguerite de Kerghyar, — La fille la plus proprette qu’il y ait sur terre.

Et sa mère lui disait : — Chère Marguerite, que vous êtes jolie ! — Que me sert d’être si belle, — Puisque vous ne me mariez toujours pas ?

Quand la pomme est rouge, — 11 faut la cueillir, et tout de suite ; — La pomme tombe de l’arbre ; — Si on ne la cueille, elle se gâte.

Ma fillette jolie, ne vous désolez ! — Avant un an vous serez mariée. — Et si je meurs avant un an ?… Mettez-moi dans une tombe neuve.

Mettez-moi trois bouquets sur ma tombe, — Un de roses, doux de laurier. — Quand iront des mariés au cimetière, — Ils prendront chacun un bouquet.

Et ils se diront l’un à l’autre : — Voici une jeune fille ici, — Laquelle est morte au beau milieu de son envie — De porter des miroirs d’argent[1].

Sur la grand’route, avant (de m’enterrer) exposez-moi ; — Cloche pour moi ne sonnera point.

— Cloche sur la terre ne sonnera point, — Prêtre me chercher ne viendra point.



MARC’ HARIT COANT
yez gened

Chileuët hol, o chileuët
En sonic nevez ’zo savet,
Da Varc’ harit oc’h kergluyar,
Proprican plac’h war ann douar.

Hac he mamon a lâre d’èhi :
— Marc’harit keh, coantic oc’h-c’hui !

— Petra vern d’eing bud o ken brao,
Pa n’am dimezet kot atao ?

Pa ve ann avalenn en ru,
Rèd ê gutul, ha doc’htu ;
Coei ra euz, ar voenn ann aval,
Map n’hen gutuler, ia da fall.

— Ma merc’hie coant,’n em frealhet,
A-benn ur bloe e vec’h dimèt.
— Ha mar marvan a-raoc ur bloc,
Ma laket en eur bez neve.

Lakct tri boket war ma bo,
Unan a roz, daou a lore.
P’az eï re dimêt d’ar vered,
E kemerint peb a voked ;

Har e làrint ’n eil d’egile :
— Chetu ur plac’h iaouane ame
Pini a zo marv en he c’hoant
Da zoug mirouerou arc’hant !

War ann hent-braz kent ma laket :
Clo’h evidoa na zono ket;


LES FILLES DE KERITY
chanson de bord


Ecoutez tous, et vous entendrez — Une chanson nouvellement composée : — Ehamptira, tra la la laire ! — Ehamptira, tra la la la !

Une chanson nouvellement composée : — Aux filles de Kérity elle est faite.

Je vois les filles de Kérity — Descendre la côte de l’Abbaye ;

Avec elles des pannerées — De crêpes de froment, des bouteilles !

Le capitaine disait — À ses matelots, alors :

Mettons la chaloupe à flot, — Pour aller avec elle, à la grève,

Pour aller avec elle, à la grève. — Rejoindre les filles qui sont en mal d’[amour].

Si c’était la volonté de Dieu, — Qu’ici fût la Terre-Neuve !

Si c’était la volonté de la Vierge. — Nous ferions ici notre pêche ;

Nous ferions ici notre pêche ; — Entre le Yulc’h et Molène,

Entre le Yulc’h et Molène : — Chez Jeanne Hamon, la saleuse (de morues) ;

Chez Jeanne Hamon, la saleuse, — Nous viendrions vous voir souvent.

Adieu ; Perros et Ploubazlanec, — Sainte-Barbe, Pointe de la Trinité !

Adieu, Tète de Bréhat, pour de bon ! — Adieu ma douce ! Je vais vous quitter.




MERC’HED KERITI


Zilaouet hol hac a glewfet (bis)
Eur zôn zo newe gompozet :
Ehamptira, tra la la laire, elc.

Eur zôn zo newe gompozet :
Da verc’hed Keriti’ c’h è grèt.

Me a wel merc’hed Keriti
O tiskenn gra aun Abati ;

Ganthe a zo pannerodo
Crampous gwinis, boutaillado !

Ar c’habitenn a lavare
Na d’he vartoloded neuze :

Lecomp ar chaloup war ar flod.
M’efomb ganthi da vord ann ôd ;


M’eforab ganthi da vord ann ôd,
Da vèt ar merc’hed zo’n c’hoant pôtr.

Ma vije bolonto Doue,
Vije aman’n Douar-Newe !

Ma vije bolonte’r Were’hés,
Rajemb aman hon feskerés,

Rajemb aman hon feskerés ;
Entre ar Yulc’h ha Molanés ;

Entre ar Yulc’h ha Molanés,
’N ti Jan Hamon, ar zalerès ;

’N ti Jan Hamon, ar zalerès,
Teufemp d’ho kwelet aliès.

Adieu, Perros ha Pleranec,
Santés Barba, Beg ann Drinded !

Adieu, Penn-Briat, ewit mad.
Adieu, ma dous ! c’h’ an d’ho cuitâd.

(Soniou Breiz Izel, chansons pop.
de la Basse Bretagne recueil-
lies et trad. par F.-M. Luzel et
A. Le Braz.)

C’était Anne de Bretagne, — avec des sabots, (bis)
Revenant de ses domaines
En sabots, mirlitontaine, ah ! ah ! ah !
Vive les sabots de bois !

Revenant de ses domaines, — avec des sabots, (bis)
Entourée de châtelaines
En sabots, mirlitontaine, ah ! ah ! ah !
Vive les sabots de bois !

Entourée de chàtelain’s, — avec des sabots, (bis)
Voilà qu’aux portes de Rennes,
En sabots, mirlitontaine, ah ! ah ! ah !
Vive les sabots de bois !

Voilà qu’aux portes de Rennes — avec des sabots, (bis)
L’on vit trois beaux capitaines
En sabots, mirlitontaine, ah ! ah ! ah !
Vive les sabots de bois !

L’on vit trois beaux capitain’s, — avec des sabots, (bis)
Offrir à leur souveraine
Eu sabots, mirlitontaine, ah ! ah ! ah !
Vive les sabots de bois !

Offrir à leur souveraine — avec des sabots, (bis)
Un joli pied de verveine
En sabots, mirlitontaine, ah ! ah ! ah !
Vive les sabots de bois !

Un joli pied de verveine ; — avec des sabots, (bis)
S’il fleurit tu seras reine
En sabots, mirlitontaine, ah ! ah ! ah !
Vive les sabots de bois !

Elle a fleuri, la verveine ; — avec des sabots, (bis)

Anne de France fut reine
En sabots, mirlitontaine, ah ! ah ! ah !
Vive les sabots de bois !

Anne de France fut reine — avec des sabots, (bis)
Les Bretons sont dans la peine

En sabots, mirlitontaine, ah ! ah ! ah !
Vive les sabots de bois !

Les Bretons sont dans la peine — avec des sabots, (bis)
Ils n’ont plus de souveraine
En sabots, mirlitontaine, ah ! ah ! ah !
Vive les sabots de bois !


DU GUESCLIN
chanson du pays de fougerai

Dans la forêt, sous les chênes,
Du Guesclin va se cacher (bis)

Avec trois bons gars de Rennes,
En bùch’rons s’sont déguisés.
Vol’ m’alouett’, chant m’alouette,
Sur la lande et dans les prés.

Un fagot dessur la tête,
Et de gros sabots aux pieds, (bis)

À la fir les uns des autres,
À Foug’ray s’en sont allés.
Vol’ m’alouett’, chant m’alouette,
Sur la lande et dans les prés.

Au chatiau, devant la porte,
Tout dret se sont arrêtés ; (bis)

L’ennemi par la fenêtre,
Les regardait s’avancer.
Vol’ m’alouett’, chant m’alouette,
Sur la lande et dans les prés.

Du Guesclin dit à tue-tête :
— Du bois voulez-vous acheter (bis)

— Entrez vit’, f…tues canailles.
Cinq deniers venez chercher.
Vol’ m’alouett’, chant m’alouette,
Sur la lande et dans les prés.

Les bùch’rons dessur leurs z’aches,
Aussitôt ils ont sauté ; (bis)

Se dém’nant comme des diables,
Les Anglais ont émondés.

Vol’ m’alouett’, chant m’alouette,
Sur la lande et dans les prés.

À cett’heur’c’n’est plus de même,
Les soldats ont ben du [2] ; (bis

Du Guesclin est dans les chaînes,
Des Anglais c’est l’prisonnier.
Vol’ m’alouett’, chant m’alouette,
Sur la lande et dans les prés.

À tout prix, cher connétable.
Par rançon, il faut payer ; (bis

Femm’et fill’s filent la qu’nouille
Pour rach’ter leur chevalier.
Vol’ m’alouett’, chant m’alouette,
Sur la lande et dans les prés.

Chansons de la Haute Bretagne,
publ. par Ad. Orain, 1902.)



  1. Les mariées, le jour de leurs noces, portaient des petils miroirs d’argent sur leur coiffure.
  2. Deuil, chagrin.