Les Poètes du terroir T I/Auvergne, Chansons locales

Auvergne, chansons localesLibrairie Ch. Delagrave Tome premier (p. 84-88).

CHANSONS LOCALES


LA GRANDE[1]

Allons au bois, ma petite,
Allons-y tous les deux,
Nous cueillerons des fleurs
De toutes les couleurs ;
Tes fleurs nous mêlerons
Avec mes fleurs !

Nenni, lui dit la poulette,
Je n’y veux pas aller.
Quand tout serait mêlé
Ne pourrions plus trier,
Vous le premier seriez
Qui bien rirait !

Tous deux se prirent, s’en allèrent
À l’ombre d’un buisson.
Du plaisir qu’ils goûtèrent
D’y faire ainsi l’amour

A l’ombre ils demeurèrent
Tout le jour !

Joue, mon ami Pierri,
Rejoue du flageolet.
— Du flageolet jouer,
Ma vie, je n’en peux mais !
L’ombrette de l’ormeau
M’a rendu las !


LO GRONDO

Onous el bouos, poulette,
Onous li touti dous,
N’en culiereu loï flours
De toutes los couleurs :
N’en mesclaren los tios
Omé los mios !

Noun, so dit lo peuletto,
Li boli pas ona,
Quond ourions tout mescla
Pourrion pas plus tria,
Bous lou prémié sérias
Que boun riria !

Se prènou, s’en onèrou
A l’oumbre d’uu bouissoun.
Del plosé que n’obio
De li faïri l’omour,

A l’oumbro demourérou
Tout le jiour !

Jiogo, moun omi Pierri,
Jiogo del flagioulit.
— Del flagioulit jiouga,
Noun, bou, zo podi pas !
L’ombretto del berguas
M’o rendu las !

LA BERGÈRE DU PUY DE DÔME

Quand j’étais petite, mignonne labourez violette,
Quand j’étais petite,
Petite Margoton.

Je gardais les brebis,
Les brebis et les moutons.

Je n’en gardais pas beaucoup,
Je n’en gardais que deux.

Il y en a un qui était borgne.
L’autre était boiteux.

Sur le chemin, vint à passer
Monsieur de Chazeron.

Si vous étiez plus grande,
Je vous mènerais avec moi.

Monsieur, pour mon jeune âge,
M’abandonneriez-vous ?

L’herbe qui est dans la prairie
Croît la nuit et le jour.

Ainsi font les jeunes filles
Quand elles sont prises d’amour.



QUEND YEU ZERA PETITO…

Quand yen zera petito, mignonne labouré, violette,
Quand yeu zera petito,
Petito Margotou. (ter)

Yeu gardava la houillas (mignonne…),
Yeu gardava la houillas,
Las houillas et los moutous. (ter)

N’en gardava pas guèire (mignonne…).
N’en gardava pas guèire,
N’eu gardava mas dous. (ter)

N’ia un que zeiro barlio (mignonne…),
N’ia un que zeiro barlie.
L’autre zeiro boitoux. {ter)




Soubre le chami n’impasse (mignonne…),
Soubre le chami n’impasse
Moucheu des Chazeiroux. (ter)

Sche vous cira pus grande (mignonne…).
Sche vous cira pus grande,
Vous menay’imbé nous. (ter)

Mouchou, par mon jeun’âge (mignonne…),
Moucheu, par mon jeun’Age,
M’abandonnaya vous ? (ter)

L’herba qu’est dien la prade (mignonne…),
L’herba qu’est dien la prade,
Creit la neit men le jour. (ter)

N’en fait las juénas fillas (mignonne…),
N’en fait las juénas fillas,
Quand l’ey sont preit d’amour. (ter)


CHANSON DU FAUBOURG DE SAINT-ALYRE À CLERMONT

Jeanne qui filait
Au milieu d’un pré,
Son fuseau tomba ;
Je l’ai ramassé.

Je lui dis : Petite,
File doucement ;
Quand tu seras grando,
Nous nous marierons. (bis)

La jeune fillette
Me fait les yeux doux,
D’amour, de tendresse ;
J’en suis bien jaloux.
Comme un chasseur,
Je la tins de près ;
Je ne suis pas parleur,
Je garde le secret. (bis)

Bonjour, ma maîtresse,
Votre serviteur ;
Baisez la main,
Faites trois baisers ;
Tu seras heureuse.
N’appréhende pas
D’être malheureuse,
Tant que tu m’aimeras. (bis)



DJUANO QUE FIALAVO…

Djuano que fialavo
Au meitan d’un pra,
Sou fuzé lombavo ;
Y le nai massa.

Yeu ly dit : Potioto,
Fiala douçamen.
Quand chera grandeto
Nous maridrain. (bis)

La d’jeuno filletto
Me fait leu yeux doux,
D’amour, de tendresse
N’in se bo d’jalloux.
Coumo un chasseir,
La tenis de près ;
Pas ètre parloir
Garda le secret. (bis)

Ben d’jour, ma metresso,
Votre servitou ;
Baisa la menetto.
Fazei très poutous ;
Te chera cirouzo
N’apreinda pas
D’ètre malheirouzo,
Tant que m’aimaras. (bis)

CHANSON DE TAUVE

Dans un frais bocage,
Trois jolis tendrons,

Lesquelles, lesquelles,
Toutes seules.
Se promenaient.

Garçon de la Rodde,
À quoi pensez-vous ?
Lesquelles, lesquelles
Demoiselles
Ne sont pas pour vous.

Gardez votre langue
Pour un autre jour,
Lesquelles, lesquelles
Demoiselles
Se moquent de vous.

Si vous en voulez une,
Apportez des écus,
Lesquelles, lesquelles
Demoiselles
Les aiment beaucoup.


IN FRAIS BOUCAGE…

In frais boucage
Treis joulies tendrons

Daqué leide, daqué leide,
Touta soulas
Les s’y proumenons.
Garçons de la Rodde
Daqué pensez-vous ?
Daqué leide, daqué leide,
Damoïselles
Ne sont pas pour vous.

Gardas voutra linga
Pour in autre jour,
Daqué leide, daqué leide,
Damoïselles
Se moquons de vous.

Che n’en voulia una
Pouta d’aus écus,
Daqué leide, daqué leide,
Damoïselles
Los aimouns biaucoup.

(J.-B. Douillet, Album auvergnat ; Moulins, 1848.)
  1. Cette chanson, sorte de mélopée fort populaire en Auvergne, a été publiée par M. Marius Versepuy dans la Renaissance Provinciale de mai 1907.