Les Plaisirs de l’ancien régime, et de tous les âges/Petite leçon à ma Flûte




PETITE LEÇON

A MA FLUTE.



Mon Vit ne faites pas la bête,
Gardez-vous de lever la crête ;
Chaque Iris n’est pas la Descay,
Le présent n’est pas le passé ;
La Hollande n’est pas la France,
Ni son clinquant ce qu’on pense :
En vain jettez-vous l’hameçon,
Leyde n’est rien moins qu’Alençon :
Et, de vous travailler sans lucre,
Ce serait profaner un sucre,
Dont Alençon a fait grand cas,
Et que maintenant il n’a pas.
Rengainez donc votre colère,
Toute peine vaut son salaire,
Et cela ne ferait pas bien,
Si vous alliez foutre pour rien.

Vous direz qu’Aminte vous mire,
Mon pauvre Vit, je vous admire,
Par ma foi vous êtes bien fou !
La maussade n’a pas un sou ;
Que son Pucelage l’étrangle,
Avec sa bouche faite en angle,
Et son puant nez de faucon,
Croit-elle qu’on fourre en son Con
Un Vit, dont l’ardeur peu commune,
Vaut tous les trésors de Neptune ?
Non, non ; mon Vit, encore un coup,
Gardez-vous bien d’être si fou.
Rien n’est constant dessus la terre,
La fortune nous fait la guerre ;
Mais j’espère encor quelque jour
Quelques pistoles de l’Amour.
Si les filles de cette ville,
Vous croyaient tellement utile,
Que vous puissiez, en un moment,
Leur donner un contentement
Capable d’éteindre la rage
Que leur cause leur pucelage,
Et perpétuer la douceur
Qu’un simple Vit apporte au cœur,

Je pense bien que leur matrice,
Au travers de leur avarice,
Fendant la presse jusqu’à vous,
Vous demanderait quelques coups,
Et du tranchant de sa languette
Saurait déchirer ma brayette.
Mais, mon Vit, il vous faut songer
Qu’ici vous êtes un étranger,
De qui l’heure n’est pas venue,
Dont la valeur est inconnue,
Et qu’on cherchera, quelque jour,
Aux rayons du flambeau d’amour.
Déjà l’histoire d’Amarante,
La jeune Célimène enchante,
Et Sylvie, Aminte et Cloris,
Frappant du pied sur mes écrits,
Lorsqu’elles vous lisent si brave,
Leur Con bâille, brisant l’entrave,
Pisse le sperme, et de travers
Voit Amarante dans mes Vers.
Hé bien, mon Vit, la patience
Amène tout en abondance ;
J’attends d’elles, de jour en jour,
Quelque cartel de leur amour.

Alors mon Vit, comme un grand maître,
Faites bien peter le salpêtre,
Et marquez, par des faits nouveaux,
Que je n’ai rien écrit de faux ;
Pourvu que l’argent soit leur guide,
Poussez, je vous lâche la bride,
Et moi-même, avecque la main,
Je vous ouvrirai le chemin :
Mais que, comme un engin de balle
Qu’on vent dans Paris, à la halle,
Vous vous donniez pour un florin,
Vous, de qui le nez tout sucrin,
Quand il furette un Con, l’embaume,
Et bondit comme balle en paume,
S’agrandissant comme un compas,
Non, je n’y consentirai pas,
Et je, si vous faites la bête,
Vous jette un sceau d’eau sur la tête.
Çà donc, y dussiez-vous pourrir,
Rentrez chez vous sans discourir,
Et vous nichez sous votre plume,
Jusqu’à ce que l’or vous allume.
C’est ainsi que, dans mon dépit,
Je fais des leçons à mon Vit ;

Que je réprime sa furie,
Qui jusqu’à l’excès est murie ;
Et qu’avec un peu de raison
Je le retiens à la maison.
Pour vous, Messieurs, vous êtes libres,
Si vous connaissez mes calibres,
Capables de vos vitelets,
Gratuitement remplissez-les :
Mais moi, qui n’ai, de la Nature,
Qu’un Vit exempt de la morsure,
Du monstre qui mort comme un chien,
Je ne veux point foutre pour rien.


Vignette pour Les Plaisirs de l’Ancien régime, et de tous les âges.
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