Toubon, libraire-éditeur (1 Voir et modifier les données sur Wikidatap. 44-52).


CHAPITRE VII

Abram Hammet


Au bout de trois quarts d’heure, qui parurent trois siècles à Kenneth, Nick se montra au pied de la falaise. Il étudia les lieux et se mit activement à l’œuvre. L’escalade était hérissée d’obstacles et de dangers. Mais, tantôt faisant poignée et marchepied des saillies de la roche, tantôt se taillant des degrés avec sa hachette, il travailla si bien qu’en moins de deux heures, il arrivait auprès de Kenneth et l’aidait à descendre de son perchoir. Une fois en bas, le jeune homme chercha des yeux le canot. Il avait disparu. Jean et Chris l’avaient sans doute emmené avec eux durant la nuit.

Une légère discussion s’éleva entre les deux amis pour savoir s’ils entreraient dans la caverne. Cette idée était impolitique, aussi l’abandonnèrent-ils.

— Suivez-moi, dit Nick, et je vais vous montrer un meilleur chemin pour monter là-haut. Calamité m’a guidé comme un tambour-major, par une diablesse de route que je n’aurais pas trouvée tout seul. Ce n’est pas qu’elle fût des plus commodes, hum ! Mais prenez un coup, jeune homme, car vous avez l’air d’un fantôme. C’était tout de même un méchant site que vous aviez choisi là pour planter votre tente.

Kenneth mouilla ses lèvres au flacon que Nick lui avait passé.

— Mais, du diable, continua celui-ci, si mon grand-père ne s’était pas mis dans de plus mauvais draps, un jour, pendant qu’il faisait le tour du monde. Il voyageait toujours dans une voiture à un cheval, virée devant-derrière, de façon à voir tout ce qu’on pouvait voir, eh ! eh ! Or donc, un jour, il lui prit fantaisie de grimper sur le mont Vésuve, histoire de se récréer l’imagination et de donner un peu d’exercice à son cheval, qui fainéantait depuis un bon bout de temps à l’écurie.

— Voilà une nouvelle manière de monter au Vésuve, dit Kenneth en souriant.

— Bénie soit votre simplicité ! Cette manière était très-commune du temps de mon grand-père. Je vous disais donc qu’il se promenait sur le Vésuve. Comme c’était un dimanche, l’institution était religieusement calme. Mais, comme mon oncle tournait autour du cratère…

— Grand-père, suggéra Kenneth.

J’ai dit, grand-père ! Comme mon grand-père tournait le cratère, une des roues dépassa le bord, et, paf ! mon oncle fit la culbute dans le trou, quoique heureusement pour l’humanité, il eût laissé ses manuscrits, collections et rares spécimens dans la voiture, qui reprit son équilibre dès que mon grand-père eut été versé. Et voilà mon oncle dégringolé à plus de cent pieds, si ses calculs sont justes.

— Je suppose qu’il fut grièvement blessé ! fit Kenneth.

— Lui ! je vous en souhaite ! pas le moins du monde, répliqua Nick avec une imperturbable tranquillité. Il tomba sur un lit de cendres tièdes, et m’a assuré n’avoir jamais éprouvé une sensation plus agréable, quoiqu’il s’élevât une sorte de poudrerie qui empêcha mon grand-père d’écrire une description détaillée de l’intérieur. Convenez que c’était bien ennuyant ! Mon grand-père essaya de voir le fond. Mais je vous en fiche ! C’était si creux, si creux, qu’on aurait pu regarder pendant deux jours sans apercevoir la fin finale. Mon grand-père était d’opinion que ça avait été habité par des pirates. Pourtant, il ne put jamais expliquer complétement à la satisfaction de ses amis, comment les pirates entraient et sortaient.

— Et comment sortit-il lui-même ?

— À l’éruption suivante, répondit Nick avec une merveilleuse gravité. Elle vous le souleva du trou, et, par un vrai hasard, il tomba sur son siège dans sa voiture.

Durant cette mirobolante narration, Nick s’était frayé un chemin sur la rive du lac, — souvent forcé de se mettre à l’eau jusqu’à la ceinture, parfois se suspendant à des pointes de rocher, les étreignant avec ses bras et ses jambes pour réussir à se placer dessus, et aidant ensuite Kenneth à le rejoindre. Calamité remplissait avec sagacité son rôle de guide. Grâce à lui, ils arrivèrent sains et saufs, mais non sans peine, sur l’esplanade où Nick avait laissé son cheval.

— Deux fois sauvé par vous ! dit Kenneth en se jetant à terre, car il était harassé.

— Ce n’est rien, rien du tout ! je ne fais pas la moindre attention à ces petites difficultés. Oubliez-moi ça. On en a bien vu d’autres dans la famille des Nicks. Ma mère était toujours en difficultés. Castors et loutres ! Elle a eu vingt et un enfants qui, tous, ont eu la rougeole avant de pouvoir marcher seuls. Toutes mes tantes et sœurs ont eu aussi des difficultés d’une façon ou d’une autre — surtout d’une autre.

Nick allongea un regard complaisant sur Firebug et Calamité. Évidemment nulle « difficulté » ne pouvait froisser sérieusement la bonne nature de ce personnage ou lui causer cinq minutes d’affliction réelle.

— Ce brave animal mériterait un meilleur nom que celui que vous lui avez donné, dit Kenneth, étendant la main sur la tête hérissée du chien, avec l’intention de le caresser.

Calamité grogna, et se retira comme offensé dans sa dignité d’une pareille familiarité. Se plaçant majestueusement derrière son maître, il regarda Kenneth avec une expression qui pouvait se traduire ainsi, sans faire la moindre violence à la langue canine : « Je vous tirerai de difficulté, quand vous ne pourrez le faire vous-même ; mais ne soyez pas assez présomptueux pour aspirer à mon amitié. »

— Veuillez l’excuser, dit Nick, car il est d’un tempérament misanthropique. Dans son enfance, il a été un peu aigri par des chiens plus grands que lui qui avaient la détestable manie de lui faire la guerre.

— C’est une excellente bête, quoique un peu bizarre. Je voudrais bien la posséder, si c’était possible, dit Kenneth.

Calamité leva son museau vers Nick comme pour voir ce qu’il pensait de cette insinuation.

— Vous pourriez le posséder, répondit Whiffles, mais il ne vous posséderait jamais. Personne autre que moi ne lui convient. Il aime mes façons ; n’est-ce pas Calamité ?

Calamité répliqua par des « ouaou ! ouaou ! »

C’était sa manière d’endosser les paroles de Nick, qui poursuivit :

— Il connaît deux ou trois choses. Je vous montrerai quelques-uns de ses tours, quand nous aurons le temps. Il comprend tout ce qu’on dit, aussi bien que nous. Dites-lui que vous êtes son obligé, c’est tout ce qu’il exige pour ses services, excepté, de temps en temps, un bon morceau de viande.

À ce moment, Calamité bondit sur ses pattes et dressa les oreilles.

— Il flaire quelqu’un, c’est sûr, fit Nick.

La nuit était venue ; mais elle n’était pas sombre, et l’on pouvait distinguer les objets à une distance considérable. Kenneth suivit la direction des yeux du chien, et aperçut à deux cent mètres environ un cavalier qui s’avançait au sommet de la montagne.

— Ce n’est pas un Indien, dit Whiffles. Je le vois à sa mine et il sa monture. Qui ça peut-il être ?

Le cavalier approcha à cent pieds environ de nos gens, avant de remarquer leur présence. Puis il ralentit l’allure de son cheval, examina soigneusement Nick et Kenneth, et marcha droit à eux.

— Comment ça va, étranger ? lui demanda Whiffles.

— Aussi bien que je désire, répliqua le cavalier. J’espère qu’il en est de même pour vous, amis.

— C’est un quaker, je le jure, oui bien ! exclama Nick.

— Ne jure pas ! répondit froidement le nouveau venu.

— Le Seigneur bénisse votre simplicité ! Je ne jure pas. C’est contre mes principes, oui bien, tonnerre ! Mais j’avais un cousin qui jurait à s’époumoner, je le jure, oui bien. Cependant, ça ne fait rien de rien. Mettez pied à terre et joignez-nous, si vous n’avez rien de mieux à faire. Nous allons manger une bouchée et camper ici pour la nuit.

— C’est une offre amicale et j’accepte ton hospitalité, dit le quaker en descendant de son cheval.

— Quant à l’hospitalité, c’est celle de la belle étoile, dit Nick. La voûte du ciel nous servira de toit.

— Elle est assez élevée et assez bonne, repartit l’étranger. Mais y a-t-il ici du fourrage pour mon cheval ?

— Voyez là-bas, étranger ; Firebug fait un festin de roi.

Le quaker interrogea Kenneth du regard.

— Firebug est le nom de son cheval, répondit ce dernier.

— Ami trappeur, si tu n’y as pas d’objection, je lâcherai ma bête vers la tienne.

— La contrée vous appartient aussi bien qu’à moi pour cela. Faites-y paître votre animal, et laissez de côté ce tu et toi ; car, en vérité, je n’aime pas la façon de parler.

— Ni moi la tienne, répondit paisiblement l’étranger.

— Alors, nous sommes quittes. Mais que vois-je attaché à votre croupière ?

— C’est un quartier de venaison, pour restaurer l’homme extérieur, répliqua le quaker avec un accent nasillard prononcé.

— C’est heureux ! je m’en vas faire du feu, et tant avec nos propos qu’avec notre pemmican, ta venaison et notre whiskey, nous ferons un bon souper.

L’étranger dessella son cheval et l’envoya pâturer vers Firebug. S’asseyant ensuite près de Kenneth, il surveilla avec un intérêt évident les préparatifs de Nick, tandis que Calamité le regardait d’un air soupçonneux. Nick remarqua les regards vindicatifs que le chien jetait sur le nouveau venu et voulut faire cesser ses craintes.

— N’ayez pas peur de cet animal, dit-il, il ne vous touchera pas tant que vous vous tiendrez tranquille ; mais s’il vous arrive de vous remuer, il est bien possible qu’il vous donne un coup de dent ou deux. C’est, d’ailleurs, le chien le plus innocent qui soit au monde.

— Comment t’appelles-tu, ami ? demanda l’étranger.

— Nick Whiffles, pour vous servir, répliqua le trappeur.

— Alors, ami Nick, je te conseillerai de mieux élever ton chien, répondit froidement le quaker.

— La sauce qui est bonne pour l’oie est bonne aussi pour le jar, dit Nick. Donc, ami quaker, comment t’appelles-tu ?

— Mon nom, Nick, est un nom dont je n’ai pas honte. Il a été porté avec beaucoup d’honneur et de profit par plusieurs générations. Abram est une appellation dont on peut parler, avec faveur, partout où la secte des Amis est connue, quoique j’espère, ajouta-t-il, avec une inflexion un peu nasale, qu’elle ne sera point pour moi un motif d’inconvenante fierté.

— Je serais grandement scandalisé s’il en était ainsi, riposta Nick, rejannant assez fidèlement le quaker.

— Ne donne pas à ta voix l’accent de la raillerie, car les risées de l’impie retombent sur sa tête, comme les vapeurs qui montent de la terre redescendent sur nous en pluie !

Abram Hammet posa ses mains sur son estomac, et, fermant à demi ses yeux, en déprimant les muscles de son visage, il s’écria d’un ton lent mais vibrant : o-h, a-h !

Kenneth regarda le quaker en souriant, tandis que Nick le lorgnait avec une expression comique et en marmottant sur la même clé : « o-h, a-h ! »

— Je crois, monsieur, que vous avez été pris d’une crampe subite à l’estomac. Peut-être qu’une petite goutte de réchauffe-poitrine vous soulagerait ? insinua le trappeur.

— Tu parles, Nick Whiffles, comme ceux qui courent après les vanités de cette vie. Sache que le whiskey est une chose que mon palais et mes principes tiennent également en abomination ! repartit sévèrement Hammet.

— Mais quand une pauvre créature humaine est malade comme vous l’êtes, il n’y a rien de meilleur, insista Nick, plaçant la bouteille dans la main du quaker.

— Puisque tu persistes, je consentirai à souiller mes lèvres avec ce breuvage profane ; mais je te préviens que tu ne trouveras pas en moi un être adonné, comme les autres, à la gourmandise et aux appétits de la chair.

Abram Hammet rejeta gravement sa tête en arrière, de sorte que son nez pointait le zénith, et logeant le goulot de la bouteille dans sa bouche, il l’y tint religieusement et solennellement, pendant un espace de temps assez long pour inspirer à Nick de sérieuses inquiétudes sur la fausse route que parcourait rapidement sa liqueur. Cessant de tourner sa brochette de bois, fichée dans le quartier de venaison qu’il faisait rôtir, notre trappeur s’était agenouillé, la bouche ouverte, les bras ballants, devant l’étranger qui, après avoir asséché le flacon jusqu’à la dernière goutte, le lui rendit en disant :

— C’est vraiment amer comme les eaux de Marah, et ça m’a, en descendant, corrodé comme le feu d’Hadès. O-h, a-h !

Une odeur de viande brûlée, avertit Nick que son rôti venait de tomber dans le brasier.

Plaçant les mains sur ses hanches et soupirant du fond de sa poitrine, il considéra un instant d’un air piteux la viande qui flambait, la bouteille vide, Kenneth, le chien Calamité, puis Abram Hammet. Après quoi, il se baissa, retira la venaison des cendres et dit d’une voix mélancolique :

— Vous jouissez d’une bonne santé, monsieur, n’est-ce pas, et vous n’êtes sujet à aucune petite difficulté ?

— Quant à la santé, j’ai traversé l’enfer, et Satan m’a criblé comme du blé. Il a plu à la Providence de briser ma constitution et de m’abreuver à la coupe de la faiblesse et aux ondes de l’affliction. Mes forces sont en partie perdues, et ce n’est que par une grande énergie morale, jointe à un violent travail de la chair que je parviens à supporter les fatigues du voyage à travers ce pays de Bélial.

— Oh ! vous êtes une malheureuse créature épuisée, n’est-ce pas ?

— En vérité ; la fleur de mes forces a disparu. O-h, a-h !

— Triste, triste ! et vous n’avez pas d’appétit, je suppose, demanda Nick, lui passant une grosse tranche de viande sur un morceau d’écorce de bouleau.

— Tu as dit juste, ami Nick. Je suis, pour ainsi dire, privé des plaisirs de l’appétit et des jouissances de la table. Mais il serait incivil de ne pas faire honneur à ton hospitalité. Il est de mon devoir de nourrir convenablement l’homme extérieur, quoiqu’en moi l’esprit se révolte contre la grossièreté des mets et des boissons.

En disant ces mots, Hammet attaquait voracement la venaison fumante, qui eut bientôt disparu entre ses dents longues et pointues.

— Je crains qu’elle ne soit pas assaisonnée à votre goût ? dit Nick d’un ton narquois.

— Ta cuisine n’est ni trop ni pas assez bonne, mais tu peux, si tu veux, me servir un autre morceau de rôti. Et coupe-le, ami, un soupçon plus gros que celui que je viens de manger.

Nick tailla une tranche pesant au moins deux livres, lui fit sentir un peu le feu et la passa a demi crue à Abram, en faisant un clin d’œil à Kenneth. Cette deuxième tranche suivit la précédente avec une célérité inouïe.

— Étranger, s’écria Nick incapable de retenir plus longtemps son admiration, vous devriez prendre médecine, oui bien, je le jure ! vous êtes atteint de quelque consomption ou de quelque autre diablesse de difficulté. N’auriez-vous point, par hasard, une famille de vers solitaires dans l’estomac ?

— En vérité, je me le suis demandé maintes fois, en divers temps et circonstances, répondit Hammet avec un air d’innocence parfait.

— Je n’en ai jamais en une famille moi-même, mais j’avais une tante qui en était infestée, la pauvre femme ! Néanmoins, ils l’affectaient différemment de vous. Elle avait un appétit énorme, je vous le garantis ! Durant les trois dernières années de sa vie, elle ne quitta jamais la table. Elle a ruiné cette branche de la famille des Whiffles, en dévorant tout ce qu’ils possédaient. On a calculé que ce qu’elle mangea, chaque année, eût suffi pour approvisionner une grande caravane à travers le désert de Sahara ou un navire de guerre pour un voyage autour du globe.

— Ami Nick, tu ajoutes l’exagération et rien n’est plus abominable.

— Le mensonge est une chose qui n’a jamais été engendrée ou nourrie par la génération des Whiffles, répondit Nick avec une profonde assurance. Il n’est homme, femme ou enfant parmi eux qui voulût tromper, même pour sauver sa vie. Mon grand-père périt sur le bûcher, parce qu’il refusa de mentir pour le pape de Rome. C’était à l’époque où l’inquisition tuait les croyants, brisait les familles et faisait une masse de difficultés.

— Je m’aperçois que tu es tombé sous le joug de l’iniquité. Si je restais longtemps dans ta compagnie, j’essayerais de te corriger de ta légèreté et de l’aberration de les sentiments.

Le digne Abram Hammet, plaçant ses mains sur son estomac, poussa son « O-h, a-h ! »

Nick, laissant tomber son assiette improvisée, répéta en écho « o-h, a-h ! » d’une manière si plaisante que Kenneth éclata de rire.

— Ne tourne pas en ridicule un des élus du Seigneur, mais songe plutôt à ta condition spirituelle, ô païen que tu es !

Nick alluma sa pipe et fuma, tandis que Hammet entonnait du nez une mélodie quakeresse.

— Peut-être, lui dit Nick, quand il eut fini ses exercices, que vous aimeriez à dormir un brin, quoique l’on ne soit pas fort à son aise ici.

— Je t’ai déjà dit que je me souciais peu d’être à mon aise et des autres vanités. Je puis très-bien reposer avec la terre pour matelas et le ciel pour abri, répliqua humblement Abram.

— Peut-être n’auriez-vous pas d’objection à accepter un coin de ma couverte ? continua Nick ironiquement, car il se souvenait encore de l’engloutissement de son whiskey.

— En vérité, j’aime à encourager un esprit chrétien et j’accepterai même ton offre ; bien que, je l’avoue franchement, pour moi, tu sois un mécréant et un gentil.

— Oh ! qu’à cela ne tienne ! répliqua le trappeur, haussant les épaules. Arrangez-vous aussi confortablement que vous pourrez.

— En vérité, ami Nick, je me laisserai gouverner par toi ; et en retour de ta bonté, je prierai le Seigneur d’avoir pitié de tes péchés.

— Cela dit, Abram Hammet s’enroula aussitôt dans la couverte du chasseur, sans lui laisser autre chose que la lisière, pour s’envelopper s’il en avait envie.

— Peut-être, lui demanda encore Nick, après avoir contemplé un moment en silence son nouvel ami, peut-être aimeriez-vous à avoir ma selle sous votre tête. Si vous vous endormez la tête si basse, vous aurez le cauchemar, j’en ai peur, tonnerre ! Mon frère est mort d’un cauchemar, juste parce qu’il avait oublié de mettre sa selle sous sa tête.

— Fais comme il te plaira, ami Nick ; mais je n’emploie jamais la mienne à cet usage ; car elle est neuve et belle et je crains de salir le cuir par la transpiration des cheveux. Tu peux, si tu veux, la déposer à côté de moi, afin que je sois sûr qu’elle ne se gâtera pas. O-h, a-h ! Fais un bon feu, ami Nick, et aie l’œil sur mon cheval. C’est une excellente bête.

Nick Whiffles mit un faux empressement à placer les selles comme le voulait le quaker ; puis d’un ton de gravité comique, lui demanda s’il désirait encore quelque chose et lui souhaita une bonne nuit.

Kenneth dormait d’un profond sommeil.

Le trappeur, ayant jeté quelques morceaux de bois dans le feu, s’étendit près du foyer, fuma une pipe en bredouillant mille absurdités dont Abram Hammet était le principal sujet, et finalement imita l’exemple de ses deux compagnons.