Les Petits poèmes grecs/Anacréon/Ode LI

LI.

Sur la rose

Je chante la rose nouvelle au retour du printemps qu’elle couronne. Mon amie, soutiens mes accents. La rose est le souffle pur des dieux, la rose est la joie des mortels, l’ornement des Grâces, la fleur chérie de Vénus dans la saison délicieuse des amours ; la rose est agréable aux Muses, elle fournit de charmantes allégories ; il est doux d’avancer en tremblant la main dans un sentier épineux pour cueillir la rose ; il est doux en l’effeuillant de l’échauffer et de frapper cette fleur d’amour dans des mains délicates et gracieuses.

Comme la rose est chère aux poètes dans les repas et sur les autels de Bacchus ! Hélas ! que deviendrions-nous sans les roses ! L’Aurore a des doigts de roses, les Nymphes ont des bras de roses, Vénus a le teint des roses, selon le langage des poètes ; la rose est précieuse dans les maladies, elle embaume les tombes, elle sait braver le temps : la vieillesse conserve encore les plus suaves parfums de sa jeunesse. Racontons sa naissance. Quand la mer engendra de son écume la belle Vénus, glissant sur l’onde azurée ; quand Jupiter fit sortir de son cerveau l’altière Pallas, amante des horreurs des combats, la Terre enfanta la rose, fleur admirable qui s’épanouit en mille couleurs. La foule des déités heureuses, présente à sa naissance, versa sur elle une goutte de nectar. Alors on vit s’entrouvrir sur la branche épineuse la rose superbe, fleur immortelle consacrée à Bacchus.