Les Paysans/II
Œuvres complètes de H. de BalzacA. Houssiaux18 (p. 485-494).

VII. Le Lévrier

Vers le milieu du mois de septembre, Emile Blondet qui était allé publier un livre à Paris, revint se délasser aux Aigues, et y penser aux travaux qu’il projetait pour l’hiver. Aux Aigues, le jeune homme aimant et candide des premiers jours qui succèdent à l’adolescence reparaissait chez ce journaliste usé.

— Quelle belle âme ! était le mot du comte et de la comtesse.

Les hommes habitués à rouler dans les abîmes de la nature sociale, à tout comprendre, à tout réprimer, se font une oasis dans le cœur, ils oublient leurs perversités et celles d’autrui ; ils deviennent dans un cercle étroit et réservé de petits saints, ils ont des délicatesses féminines, et se livrent à une réalisation momentanée de leur idéal, ils se font angéliques pour une seule personne qui les adore, et ils ne jouent pas la comédie, ils mettent leur âme au vert, ils ont besoin de se brosser leurs taches de boue, de panser leurs blessures. Aux Aigues, Emile Blondet était sans esprit, il ne disait pas une épigramme, il avait une douceur d’agneau, il était d’un platonique suave.

— C’est un bon jeune homme, il me manque quand il n’est pas là, disait le général. Je voudrais bien qu’il fît fortune, et ne menât pas sa vie de Paris…

Jamais le magnifique paysage et le parc des Aigues n’avait été plus voluptueusement beau qu’il l’était alors. Aux premiers jours de l’automne, au moment où la terre, après son accouchement, débarrassée de ses productions exhale d’admirables odeurs végétales, les bois surtout sont délicieux, ils commencent à prendre ces teintes de vert bronzé, chaudes couleurs de terre de Sienne, qui composent les belles tapisseries sous lesquelles ils se cachent comme pour défier le froid de l’hiver.

La nature pimpante et piquante comme une brune au printemps, devient mélancolique et douce comme une blonde, les gazons se dorent, les fleurs d’automne poussent leurs pâles corolles, ce n’est plus les marguerites qui percent les pelouses de leurs yeux blancs, mais de rares calices violâtres, le jaune abonde, les ombrages sont plus foncés, le soleil plus oblique déjà y glisse des lueurs orangées, et furtives, de longues traces lumineuses qui s’en vont vite comme les robes traînantes des femmes qui disent adieu.

Le second jour après son arrivée, un matin Emile était à la fenêtre de sa chambre qui donnait sur une de ces terrasses à balcons modernes d’où l’on découvrait une belle vue. Ce balcon régnait le long des appartements de la comtesse, sur la face qui regardait les forêts et le paysage de Blangy. L’étang, qu’on eût nommé un lac si les Aigues avaient été plus près de Paris se voyait un peu, ainsi que son long canal, la source venue du pavillon du Rendez-vous traversait une pelouse de son ruban moiré et pailleté par le sable.

Au dehors du parc, on apercevait contre les villages et les murs, les cultures de Blangy, quelques prairies en pente où paissaient des vaches, des propriétés entourées de haie, avec leurs arbres fruitiers, des noyers, des pommiers, puis comme cadre les hauteurs, où s’étalaient par étages les beaux arbres de la forêt. La comtesse était sortie en pantoufles, elle regardait ses fleurs qui versaient leurs parfums du matin, elle avait un peignoir de batiste sous lequel paraissait le rose de ses belles épaules, elle avait un joli bonnet coquet posé d’une façon à exprimer la mutinerie, ses cheveux s’en échappaient follement, ses pieds brillaient en couleur de chair sous son bas clair. Elle allait sans ceinture, et laissait voir un joli jupon de dessous brodé, mal attaché sur son corps à la paresseuse, qui se voyait aussi quand le vent entr’ouvrait le peignoir….

— Ah ! vous êtes là ! dit-elle.

— Oui…

— Que regardez-vous ?

— Belle question ! vous m’avez arraché à la nature. Dites donc, comtesse, voulez-vous faire ce matin, avant de déjeuner, une promenade dans les bois…

— Quelle idée ! j’ai la marche en horreur.

— Nous ne marcherons que très peu, je vous conduirai en tilbury, nous emmènerons Joseph pour le garder… Vous n’avez jamais mis le pied dans votre forêt, et j’y remarque un singulier phénomène… Il y a par places une certaine quantité de têtes d’arbres qui ont la couleur du bronze florentin, les feuilles sont sèches…

— Eh bien ! je vais m’habiller…

— Nous ne serons pas partis dans deux heures ; passez seulement une robe, et mettez des brodequins… Je vais dire d’atteler.

— Il faut faire ce que vous voulez. Vous êtes mon hôte.

— Général, nous allons promener, voulez-vous venir ? dit Blondet en allant réveiller le comte qui fit entendre le grognement d’un homme que le sommeil du matin tient encore.

Un quart d’heure après, le tilbury roulait sur les allées du parc, suivi à distance par un grand domestique en livrée.

La matinée était une matinée de septembre. Le bleu foncé du ciel éclatait par places au milieu des nuages pommelés qui semblaient le fond et l’éther ne paraissait que l’accident ; il y avait de longues lignes d’outre-mer à l’horizon, mais par couches qui alternaient avec d’autres nuages à grains de sables ; ces tons changeaient et verdissaient au-dessus des forêts. La terre sous cette couverture était tiède comme une femme à son lever, elle exhalait ces odeurs, suaves et chaudes, mais sauvages ; l’odeur des cultures était mêlée à l’odeur des forêts. L’angélus sonnait à Blangy et les sons de la cloche se mêlaient au bizarre concert des bois au matin, qui meublent le silence. Il y avait par places des vapeurs montantes, blanches et diaphanes. En voyant ces beaux apprêts, il avait pris fantaisie à Olympe d’accompagner son mari qui devait aller donner un ordre à un garde dont la maison n’était pas éloignée ; le médecin de Soulanges lui avait recommandé de marcher sans se fatiguer, elle craignait la chaleur du midi, et ne voulait pas se promener le soir ; Michaud emmena sa femme, et fut suivi par celui de ses chiens qu’il aimait le plus, un joli lévrier gris de souris marqué de taches blanches, gourmand comme tous les lévriers, plein de défauts comme un animal qui sait qu’on l’aime et qui plaît.

Ainsi, quand le tilbury vint à la grille du Rendez-vous, la comtesse qui demanda comment allait madame Michaud sut qu’elle était allée dans la forêt avec son mari.

— Ce temps-là, inspire tout le monde, dit Blondet en lançant son cheval dans une des six avenues de la forêt, au hasard.

— Hà çà, Joseph, tu connais les bois ?

— Oui, Monsieur.

Et d’aller. Cette avenue était une des plus délicieuses, elle tourna bientôt et devint un sentier de la forêt où le soleil descendait par les déchiquetures du toit de feuillage, où la brise apportait les senteurs du serpolet, du chèvrefeuille, et des feuilles qui tombent en rendant un soupir, où les gouttes de rosée semées dans les feuilles s’égrenaient dans les herbes au passage de la légère voiture, et à mesure qu’elle allait, les deux promeneurs entrevoyaient les fantaisies mystérieuses des bois. Ces fonds frais, où la verdure est humide et sombre, où la lumière se veloute en s’y perdant, ces clairières à bouleaux élégants dominés par un arbre centenaire, l’hercule de la forêt ; ces magnifiques assemblages de troncs noueux, moussus, blanchâtres, à sillons creux, qui dessinent des maculatures gigantesques, et cette bordure de fines herbes, de fleurs grêles qui viennent sur les berges des ornières. Les oiseaux chantaient. Certes il y a des voluptés inouïes à conduire une femme, qui, dans les hauts et bas des allées glissantes, où la terre est grasse et tapissée de mousse, fait semblant d’avoir peur ou réellement a peur, et se colle à vous, et vous fait sentir une pression involontaire, la fraîcheur de son bras, le poids de son épaule élastique, et qui se met à sourire si l’on vient à lui dire qu’elle empêche de conduire. Le cheval est dans le secret de ces interruptions, il regarde à droite et à gauche.

Ce spectacle nouveau pour la comtesse, cette nature si vigoureuse en ses effets, si peu connue et si grande, la plongea dans une rêverie molle, elle s’accota sur le tilbury et se laissa aller au plaisir, ses yeux étaient occupés, son cœur parlait, elle écoutait cette voix intérieure en harmonie avec la sienne, lorsqu’il la regardait à la dérobée, et il jouissait de cette méditation qui avait dénoué la capote, et qui livrait au vent du matin les boucles et la chevelure avec un abandon voluptueux. Comme ils allaient au hasard, ils arrivèrent à une barrière, et n’en avaient pas la clé ; Joseph vint, pas de clé.

— Eh bien ! promenons-nous, Joseph gardera le tilbury, nous le retrouverons bien…

Emile et la comtesse s’enfoncèrent dans la forêt, et ils parvinrent à un petit paysage intérieur, comme il s’en rencontre souvent dans les bois. Vingt ans auparavant, les charbonniers ont fait là leur charbonnière, et la place est restée battue ; tout y a été brûlé dans une circonférence assez vaste. En vingt ans la nature a pu faire là le jardin de ses fleurs, un parterre pour elle, comme un jour un artiste se donne le plaisir de se peindre un tableau pour lui. Cette délicieuse corbeille est entourée de beaux arbres, dont les têtes retombent en vastes franges, ils dessinent un immense baldaquin à cette couche où repose la déesse. Les charbonniers ont été par un sentier chercher de l’eau dans une fondrière, une mare toujours pleine, où l’eau est pure. Ce sentier subsiste, il vous invite à descendre par un tournant plein de coquetterie, et tout à coup il est déchiré ; ils vous montre un pan coupé où mille racines descendent à l’air en formant comme un canevas de tapisserie. Cet étang inconnu est bordé d’un gazon plat, serré ; il y a des arbres aquatiques, et le banc de gazon que s’est fait un jovial charbonnier. Les grenouilles sautent chez elles, un lièvre s’en va ; vous êtes maître de cette adorable baignoire parée des joncs vivants les plus magnifiques. Sur vos têtes les arbres pendent tous dans des attitudes diverses ; c’est des troncs qui descendent en forme de boas constrictors ; c’est des fûts de hêtres droits comme des colonnes grecques. Les limaçons ou les limaces se promènent en paix. Une tanche vous montre son museau ; l’écureuil vous regarde. Enfin, quand Emile et la comtesse, fatigués, se furent assis, le rossignol fit entendre un chant que tous les oiseaux écoutèrent, un de ces chants fêtés avec amour, et qui s’entendent par tous les organes ensemble.

— Quel silence ! dit la comtesse émue et à voix basse.

Ils regardèrent les taches vertes de l’eau, qui sont des mondes où la vie s’organise, les lézards qui s’enfuyaient en les voyant, conduite par laquelle il a mérité le nom d’ami de l’homme ; " Il prouve ainsi combien il le connaît ", dit Emile. Cette poésie pénétrante les pénétrait, ils se montraient les grenouilles, qui, plus confiantes, revenaient à fleur d’eau sur des lits de cresson, et montraient leurs yeux d’escarboucles. En ce moment Blondet dit à l’oreille de la comtesse :

— Entendez-vous ?…

— Quoi !

— Un bruit singulier.

— Voilà bien les gens de cabinet qui ne savent rien de la campagne ; c’est un pivert qui fait son trou Je gage que vous ne savez même pas le trait le plus curieux de la conduite de cet oiseau ; dès qu’il a donné un coup de bec, et il en donne des milliers pour creuser un chêne deux fois plus gros que votre corps, il va voir derrière s’il a percé l’arbre, et il y va à chaque instant.

— Ce bruit, chère institutrice d’histoire surnaturelle, n’est pas le bruit fait par un animal ; il y a je ne sais quoi d’intelligent qui annonce l’homme.

La comtesse fut saisie d’une peur panique ; elle se sauva dans la corbeille de fleurs en reprenant son chemin, et voulut quitter la forêt.

— Qu’avez-vous !

— Il m’a semblé voir des yeux…., dit-elle quand elle eut regagné un des sentiers par lesquels ils étaient venus à la charbonnière.

En ce moment, ils entendirent la sourde agonie d’un être égorgé subitement, et la comtesse, dont la peur redoubla, se sauva si vivement, que Blondet put à peine la suivre. Elle courait, elle courait comme un feu follet ; elle n’entendit pas Emile qui lui criait : — " Vous vous trompez !… " Elle courait toujours. Blondet put arriver sur ses pas, et elle le mena très loin. Enfin, ils furent arrêtés par Michaud et sa femme qui venaient bras dessus bras dessous. Emile essoufflé, la comtesse essoufflée, furent quelque temps sans pouvoir parler, puis ils s’expliquèrent. Michaud se joignit à Blondet pour se moquer de la comtesse, et le garde remit les deux égarés dans le chemin pour regagner le tilbury. En arrivant à la barrière, madame Michaud dit :

— Prince !

— Prince ! Prince ! cria le garde ; et il siffla, resiffla, point de lévrier.

Emile parla des singuliers bruits qui avaient commencé l’aventure.

— Ma femme a entendu ce bruit, et je me suis moqué d’elle.

— On a tué le Prince ! dit la comtesse, et on l’a tué en lui coupant la gorge d’un seul coup ; car ce que j’ai entendu était le dernier soupir d’un chien….

— Diable ! dit Michaud, la chose vaut la peine d’être éclaircie.

Emile et le garde laissèrent les deux dames avec Joseph et les chevaux, et retournèrent au bosquet naturel fait par l’ancienne charbonnière. Ils descendirent à la mare ; il en fouillèrent les talus, et ne trouvèrent aucun indice. Blondet était remonté le premier ; il vit dans une des touffes d’arbres de l’étage supérieur un de ces arbres à feuillage desséché ; il le montra à Michaud, et il voulut aller le voir. Tous deux s’élancèrent en droite ligne à travers la forêt, évitant les troncs, tournant les buissons de ronces ou de houx impénétrables, et trouvèrent l’arbre.

— C’est un bel orme ! dit Michaud ; mais c’est un ver, un ver qui a fait le tour de l’écorce au pied, et il se baissa, prit l’écorce et la leva :

— Tenez, voyez quel travail !….

— Il y a beaucoup de vers dans votre forêt, dit Blondet.

En ce moment, Michaud aperçut à quelques pas une tache rouge et la tête de son lévrier. Il poussa un soupir :

— Les gredins ! madame avait raison !…

Blondet et Michaud allèrent voir le corps, et trouvèrent que, selon les observations de la comtesse, on avait tranché le cou à Prince, et pour l’empêcher d’aboyer, on l’avait amorcé avec un peu de petit salé qu’il tenait entre sa langue et le voile du palais.

— Pauvre bête, elle a péri par où elle péchait !

— Absolument comme un prince, répliqua Blondet.

— Il y avait là quelqu’un qui ne voulait pas être surpris par moi, dit Michaud, et qui conséquemment faisait un délit grave ; mais je ne vois point de branches ni d’arbres coupés.

Blondet et le garde se mirent à fureter avec précaution, regardant la place où ils posaient un pied avant de le poser. A quelques pas, Blondet montra un arbre devant lequel l’herbe était foulée, abattue, et deux creux marqués.

— Il y avait là quelqu’un d’agenouillé, et c’était une femme ; car les jambes d’un homme ne laisseraient pas, à partir des deux genoux, une aussi ample quantité d’herbe couchée ; voici le dessin de la jupe…

Le garde examina le pied de l’arbre et trouva le travail d’un trou commencé ; mais point ce ver de peau forte, luisante, squameuse, formée de points bruns, terminé par une extrémité déjà semblable à celle des hannetons, et dont il a déjà la tête, les antennes, les pattes et deux crocs nerveux avec lesquels il coupe les racines.

— Mon cher, je comprends maintenant la grande quantité d’arbres morts que j’ai remarqués ce matin de la terrasse du château et qui m’a fait venir ici pour chercher la cause de ce phénomène. Les vers se remuent ; mais c’est vos paysans qui sortent du bois…

Le garde laissa échapper un juron, et il courut, suivi de Blondet, rejoindre la comtesse, en la priant d’emmener sa femme avec elle. Il prit le cheval de Joseph, qu’il laissa regagner le château à pied, et il disparut avec une excessive rapidité pour couper le chemin à la femme qui venait de tuer son chien, et la surprendre avec la serpe ensanglantée et l’outil à faire les incisions du tronc. Blondet s’assit entre la comtesse et madame Michaud, et leur raconta la fin de Prince et la plus triste découverte qu’il avait occasionnée.

— Mon Dieu ! disons-le au général avant qu’il ne déjeune, s’écria la comtesse ; il pourrait mourir de colère.

— Je le préparerai, dit Blondet.

— Ils ont tué le chien, dit Olympe en laissant couler des larmes.

— Vous aimiez donc bien Prince, dit la comtesse, ma chère, pour pleurer ?

— Je ne pense pas à Prince, mais à mon mari ; j’ai peur qu’il ne lui arrive malheur !

— Comme ils nous ont gâté cette matinée.

— Comme ils gâtent le pays ! dit la jeune femme.

Ils trouvèrent le général à la grille.

— D’où venez-vous donc ? dit-il.

— Vous allez le savoir, répondit Blondet d’un air mystérieux en faisant descendre madame Michaud, dont la tristesse frappa le comte.

Un instant après, le général et Blondet étaient sur la terrasse des appartements.

— Vous êtes bien suffisamment muni de courage moral, vous ne vous mettrez pas en colère….

— Non, dit le général ; mais finissez-en, ou je crois que vous voulez vous moquer de moi…

— Voyez-vous ces arbres à feuillages morts ?

— Oui.

— Voyez-vous ceux qui sont pâles ?

— Oui.

— Eh bien ! autant d’arbres morts, (autant d’arbres) tués par vos paysans que vous croyez avoir gagnés par vos bienfaits. Et Blondet raconta les aventures de la matinée.

Le général était si pâle, qu’il effraya Blondet.

— Eh bien ! jurez, sacrez, emportez-vous, votre contraction peut vous faire encore plus de mal que la colère.

— Je vais fumer, dit le comte, qui alla à son kiosque.

Pendant le déjeuner, Michaud revint ; il n’avait pu rencontrer personne. Sibilet, mandé par le comte, vint aussi.

— Monsieur Sibilet, et vous, monsieur Michaud, faites savoir, avec prudence dans le pays, que je donne mille francs à celui qui me fera saisir en flagrant délit ceux qui tuent ainsi mes arbres ; il faut connaître l’outil dont ils se servent, où ils l’ont acheté, et j’ai mon plan….

— Ces gens-là ne se vendent jamais, dit Sibilet, quand il y a des crimes commis à leur profit et médités ; car cette invention-là a été réfléchie, combinée.

— Oui, mais mille francs pour eux, c’est un ou deux arpents de terre.

— Nous essaierons, dit Sibilet ; mais (un) homme ne se vendrait qu’à deux mille.

— Deux mille, dit le général ; mais si je saisis quelqu’un à l’ouvrage…..

— A deux mille, je réponds de trouver un traître, dit Sibilet, surtout si on lui garde le secret.

— Mais faisons comme si nous ne savions rien, moi surtout ; il faut plutôt que ce soit vous qui vous soyez aperçu de cela ; je l’ignore encore, sans quoi nous serions victimes de quelque combinaison ; il faut plus se défier de ces brigands-là, que de l’ennemi.

— Mais, c’est l’ennemi, dit Blondet.

Sibilet lui jeta le regard en-dessous de l’homme qui comprenait la portée du mot, et il se retira.

— Votre Sibilet, je ne l’aime pas, reprit Blondet, quand il l’eut entendu quitter la maison, c’est un homme faux.

— Jusqu’à présent, il n’y a rien à en dire, répondit Michaud.