Les Paysans/I
Œuvres complètes de H. de BalzacA. Houssiaux18 (p. 368-383).

XI. L’oaristys, XXVIIe églogue de Théocrite, peu goûtée en cour d’assises

La sagacité de Sauvage, que son nouveau métier avait développée chez Michaud, jointe à la connaissance des passions et des intérêts de la commune de Blangy, venait d’expliquer en partie une troisième idylle dans le genre grec que les villageois pauvres comme les Tonsard, et les quadragénaires riches comme Rigou, traduisent selon le mot classique, librement, au fond des campagnes.

Nicolas, second fils de Tonsard, avait amené, lors du tirage, un fort mauvais numéro. Deux ans auparavant, grâce à l’intervention de Soudry, de Gaubertin, de Sarcus-le-Riche, son frère aîné fut réformé comme impropre au service militaire, à cause d’une prétendue maladie dans les muscles du bras droit ; mais comme depuis Jean-Louis avait manié les instruments les plus aratoires avec une facilité très-remarquée, il se fit une sorte de rumeur à cet égard dans le canton. Soudry, Rigou, Gaubertin, les protecteurs de cette famille, avertirent le cabaretier qu’il ne fallait pas essayer de soustraire le grand et fort Nicolas à la loi du recrutement. Néanmoins, le maire de La-Ville-aux-Fayes et Rigou sentaient si vivement la nécessité d’obliger les hommes hardis et capables de mal faire, si habilement dirigés par eux contre les Aigues, que Rigou donna quelque espérance à Tonsard et à son fils. Ce moine défroqué, chez qui Catherine, excessivement dévouée à son frère, allait de temps en temps, conseilla de s’adresser à la comtesse et au général.

— Il ne sera peut-être pas fâché de vous rendre ce service pour vous amadouer, et ce sera tout autant de pris sur l’ennemi, dit à Catherine le terrible beau-père du procureur du Roi. Si le Tapissier vous refuse, eh ! bien, nous verrons.

Dans les prévisions de Rigou, le refus du général devait augmenter par un fait nouveau les torts du grand propriétaire envers les paysans, et valoir à la coalition un nouveau motif de reconnaissance de la part des Tonsard, dans le cas où son esprit retors fournirait à l’ancien maire un moyen de libérer Nicolas.

Nicolas, qui devait passer sous peu de jours au conseil de révision, fondait peu d’espoir sur la protection du général, à raison des griefs des Aigues contre la famille Tonsard. Sa passion, ou si vous voulez son entêtement, son caprice pour la Péchina furent tellement excités à l’idée de ce départ qui ne lui laissait plus le temps de la séduire, qu’il voulut essayer de la violence. Le mépris que cette enfant témoignait à son persécuteur, outre une résistance pleine d’énergie, avait allumé chez d’un des Lovelaces de la vallée, une haine dont la fureur égalait celle de son désir. Depuis trois jours il guettait la Péchina, de son côté la pauvre enfant se savait guettée. Il existait entre Nicolas et sa proie la même entente qu’entre le chasseur et le gibier. Quand la Péchina s’avançait de quelques pas au delà de la grille, elle apercevait la tête de Nicolas dans une des allées parallèles aux murs du parc, ou sur le pont d’Avonne. Elle aurait bien pu se soustraire à cette odieuse poursuite en s’adressant à son grand-père ; mais toutes les filles, même les plus naïves, par une étrange peur, instinctive peut-être, tremblent, en ces sortes d’aventures, de se confier à leurs protecteurs naturels. Geneviève avait entendu le père Niseron faisant le serment de tuer un homme, quel qu’il fût, qui toucherait à sa petite-fille, tel fut son mot. Le vieillard croyait cette enfant gardée par l’auréole blanche que soixante-dix ans de probité lui valaient. La perspective de drames terribles épouvante assez les jeunes imaginations des jeunes filles sans qu’il soit besoin de plonger au fond de leurs cœurs pour en rapporter les nombreuses et curieuses raisons qui leur mettent alors le cachet du silence sur les lèvres.

Au moment d’aller porter le lait que madame Michaud envoyait à la fille de Gaillard, le garde de la porte de Couches dont la vache avait fait un veau, la Péchina ne se hasarda point sans procéder à une enquête comme une chatte qui s’aventure hors de sa maison. Elle ne vit pas trace de Nicolas, elle écouta le silence, comme dit le poète, et n’entendant rien, elle pensa qu’à cette heure, le drôle était à l’ouvrage. Les paysans commençaient à scier leurs seigles, car ils moissonnent les premiers leurs parcelles, afin de pouvoir gagner les fortes journées données aux moissonneurs. Mais Nicolas n’était pas homme à pleurer la paie de deux jours, d’autant plus qu’il quittait le pays après la foire de Soulanges, et que, devenir soldat, c’est pour le paysan entrer dans une nouvelle vie.

Quand la Péchina, sa cruche sur la tête, parvint à la moitié de son chemin, Nicolas dégringola comme un chat sauvage, du haut d’un orme où il s’était caché dans le feuillage, et tomba comme la foudre aux pieds de la Péchina, qui jeta sa cruche et se fia, pour gagner le pavillon, à son agilité. A cent pas de là, Catherine Tonsard, qui faisait le guet, déboucha du bois, et heurta si violemment la Péchina qu’elle la jeta par terre. La violence du coup étourdit l’enfant, Catherine la releva, la prit dans ses bras et l’emmena dans le bois, au milieu d’une petite prairie où bouillonne la source du Ruisseau d’Argent.

Catherine, grande et forte, en tout point semblable aux filles que les sculpteurs et les peintres prennent, comme jadis la République, pour modèle de la Liberté, charmait la jeunesse de la vallée d’Avonne par ce même sein volumineux, ces mêmes jambes musculeuses, cette même taille à la fois robuste et flexible, ces bras charnus, cet œil allumé d’une paillette de feu, par l’air fier, les cheveux tordus à grosses poignées, le front masculin, la bouche rouge, aux lèvres retroussées par un sourire quasi féroce, qu’Eugène Delacroix, David d’Angers ont tous deux admirablement saisis et représentés. Image du Peuple, l’ardente et brune Catherine vomissait des insurrections par ses yeux d’un jaune-clair, pénétrants et d’une insolence soldatesque. Elle tenait de son père une violence telle que toute la famille, excepté Tonsard, la craignait dans le cabaret.

— Eh ! bien, comment te trouves-tu, ma vieille ? dit Catherine à la Péchina.

Catherine avait assis à dessein sa victime sur un tertre d’une

CATHERINE TONSARD.
Vomissait des insurrections par ses yeux d’un jaune clair, pénétrants
et d’une insolence soldatesque.
(les paysans.)


faible élévation, auprès de la source où elle lui fit reprendre ses sens sous une affusion d’eau froide.

— Où suis-je ?… demanda-t-elle en levant ses beaux yeux noirs par où vous eussiez dit qu’il passait un rayon de soleil.

— Ah ! sans moi, reprit Catherine, tu serais morte…

— Merci, dit la petite encore tout étourdie. Que m’est-il donc arrivé ?

— Tu as buté contre une racine et tu t’es étalée à quatre pas, lancée comme une balle…. Ah ! courais-tu ! tu courais comme une perdue !

— C’est ton frère qui est la cause de cet accident, dit la petite en se rappelant d’avoir vu Nicolas.

— Mon frère ? Je ne l’ai pas aperçu, dit Catherine. Et qu’est-ce qu’il t’a donc fait, mon pauvre Nicolas, pour que tu en aies peur comme d’un loup-garou ? N’est-il pas plus beau que ton monsieur Michaud ?

— Oh ! dit superbement la Péchina.

— Va, ma petite, tu te prépares des malheurs, en aimant ceux qui nous persécutent ! Pourquoi n’es-tu donc pas de notre côté ?

— Pourquoi ne mettez-vous jamais les pieds à l’église ? et pourquoi volez-vous nuit et jour ? demanda l’enfant.

— Te laisserais-tu donc prendre aux raisons des bourgeois ?… répondit Catherine dédaigneusement et sans soupçonner l’attachement de la Péchina. Les bourgeois nous aiment, eux, comme ils aiment la cuisine, il leur faut de nouvelles platées tous les jours. Où donc as-tu vu des bourgeois qui nous épousent, nous autres paysannes ? Vois donc si Sarcus-le-Riche laisse son fils libre de se marier avec la belle Gatienne Giboulard d’Auxerre, qui pourtant est la fille d’un riche menuisier !… Tu n’es jamais allée au Tivoli de Soulanges, chez Socquard, viens-y ? tu les verras là, les bourgeois ! tu concevras alors qu’ils valent à peine l’argent qu’on leur soutire quand nous les attrapons ! Viens donc cette année à la Foire ?

— On dit que c’est bien beau la foire à Soulanges ! s’écria naïvement la Péchina.

— Je vas te dire ce que c’est, en deux mots, reprit Catherine. On y est reluquée quand on est belle. A quoi cela sert-il donc d’être jolie comme tu l’es, si ce n’est pas pour être admirée par les hommes ? Ah ! quand j’ai entendu dire pour la première fois : — " Quel beau brin de fille ! " tout mon sang est devenu du feu. C’était chez Socquard, en pleine danse ; mon grand’père, qui jouait de la clarinette, en a souri. Tivoli m’a paru grand et beau comme le ciel ; mais c’est que, ma fille, c’est éclairé tout en quinquets à glaces, on peut se croire en paradis. Les messieurs de Soulanges, d’Auxerre et de La-Ville-aux-Fayes sont tous là. Depuis cette soirée, j’ai toujours aimé l’endroit où cette phrase a sonné dans mes oreilles, comme une musique militaire. On donnerait son éternité pour entendre dire cela de soi, mon enfant, par l’homme qu’on aime ?…

— Mais, oui, peut-être, répondit la Péchina d’un air pensif.

— Viens-y donc, écouter cette bénédiction de l’homme, elle ne te manquera pas ! s’écria Catherine. Dam ! il y a de la chance, quand on est brave comme toi, de rencontrer un beau sort !… Le fils à monsieur Lupin, Amaury qu’a des habits à boutons d’or, serait capable de te demander en mariage ! Ce n’est pas tout, va ! Si tu savais ce qu’on trouve là contre le chagrin. Tiens, le vin cuit de Socquard vous ferait oublier le plus grand des malheurs. Figure-toi que ça vous donne des rêves ! On se sent plus légère… Tu n’as jamais bu de vin cuit !… Eh ! bien, tu ne connais pas la vie !

Ce privilége, acquis aux grandes personnes de se gargariser de temps en temps avec un verre de vin cuit, excite à un si haut degré la curiosité des enfants au-dessous [ Au-dessous : Erreur possible pour au-dessus (N.d.E.)] de douze ans, que Geneviève avait une fois trempé ses lèvres dans un petit verre de vin cuit, ordonné par le médecin à son grand’père malade. Cette épreuve avait laissé dans le souvenir de la pauvre enfant une sorte de magie qui peut expliquer l’attention que Catherine obtint, et sur laquelle comptait cette atroce fille pour réaliser le plan dont une partie avait déjà réussi. Sans doute, elle voulait faire arriver la victime, étourdie par sa chute, à cette ivresse morale, si dangereuse sur des filles qui vivent aux champs et dont l’imagination, privée de pâture, n’en est que plus ardente, aussitôt qu’elle trouve à s’exercer. Le vin cuit, qu’elle tenait en réserve, devait achever de faire perdre la tête à sa victime.

— Qu’y a-t-il donc là-dedans ? demanda la Péchina.

— Toutes sortes de choses !… répondit Catherine en regardant de côté pour voir si son frère arrivait, d’abord des machins qui viennent des Indes, de la cannelle, des herbes qui vous changent, par enchantement. Enfin, vous croyez tenir ce que vous aimez ! ça vous rend heureuse ! On se voit riche, on se moque de tout !

— J’aurais peur, dit la Péchina, de boire du vin cuit à la danse !

— De quoi ? reprit Catherine, il n’y a pas le moindre danger, songe donc à tout ce monde qui est là. Tous les bourgeois nous regardent ! Ah ! c’est de ces jours qui font supporter bien des misères ! Voir ça et mourir, on serait contente !

— Si monsieur et madame Michaud voulaient y venir !… répondit la Péchina l’œil en feu.

— Mais ton grand’père, Niseron, tu ne l’as pas abandonné, ce pauvre cher homme, et il serait bien flatté de te voir adorée comme une reine… Est-ce que tu préfères ces Arminacs de Michaud et autres à ton grand’père et aux Bourguignons ? Ca n’est pas bien de renier son pays. Et puis, après, qu’est-ce que les Michaud auraient donc à dire si ton grand’père t’emmenait à la fête de Soulanges ?… Oh ! si tu savais ce que c’est que de régner sur un homme, d’être sa folie, et de pouvoir lui dire : — Va là ? comme je le dis à Godain, et qu’il y va ! — Fais cela ? et il le fait ! Et tu es atournée, vois-tu, ma petite, à démonter la tête à un bourgeois comme le fils à monsieur Lupin. Dire que monsieur Amaury s’est amouraché de ma sœur Marie, parce qu’elle est blonde, et qu’il a quasiment peur de moi… Mais toi, depuis que ces gens du pavillon t’ont requinquée, tu as l’air d’une impératrice.

Tout en faisant oublier adroitement Nicolas, pour dissiper la défiance dans cette âme naïve, Catherine y distillait superfinement l’ambroisie des compliments. Sans le savoir, elle avait attaqué la plaie secrète de ce cœur. La Péchina, sans être autre chose qu’une pauvre petite paysanne, offrait le spectacle d’une effrayante précocité, comme beaucoup de créatures destinées à finir prématurément, ainsi qu’elles ont fleuri. Produit bizarre du sang monténégrin et du sang bourguignon, conçue et portée à travers les fatigues de la guerre, elle s’était sans doute ressentie de ces circonstances. Mince, fluette, brune comme une feuille de tabac, petite, elle possédait une force incroyable, mais cachée aux yeux des paysans, à qui les mystères des organisations nerveuses sont inconnus. On n’admet pas les nerfs dans le système médical des campagnes.

A treize ans, Geneviève avait atteint toute sa croissance quoiqu’elle eût à peine la taille d’un enfant de son âge. Sa figure devait-elle à son origine ou au soleil de la Bourgogne ce teint de topaze à la fois sombre et brillant, sombre par la couleur, brillant par le grain du tissu, qui donne à une petite fille un air vieux ? La science médicale nous blâmerait peut-être de l’affirmer. Cette vieillesse anticipée du masque était rachetée par la vivacité, par l’éclat, par la richesse de lumière qui faisaient des yeux de la Péchina deux étoiles. Comme à tous ces yeux pleins de soleil, et qui veulent peut-être des abris puissants, les paupières étaient armées de cils d’une longueur presque démesurée. Les cheveux, d’un noir bleu, fins et longs, abondants, couronnaient de leurs grosses nattes un front coupé comme celui de la Junon antique. Ce magnifique diadème de cheveux, ces grands yeux arméniens, ce front céleste écrasaient la figure. Le nez, quoique fin de forme à sa naissance et d’une courbe élégante, se terminait par des espèces de naseaux chevalins et aplatis. La passion retroussait parfois ces narines et la physionomie prenait alors une expression furieuse. De même que le nez, tout le bas de la figure semblait inachevé, comme si la glaise eût manqué dans les doigts du divin sculpteur. Entre la lèvre inférieure et le menton, l’espace était si court, qu’en prenant la Péchina par le menton, on devait lui froisser les lèvres, mais les dents ne permettaient pas de faire attention à ce défaut. Vous eussiez prêté des âmes à ces petits os fins, brillants, vernis, bien coupés, transparents, et que laissaient facilement voir une bouche trop fendue, accentuée par des sinuosités qui donnaient aux lèvres de la ressemblance avec les bizarres torsions du corail. La lumière passait si facilement à travers la conque des oreilles qu’elle semblait rose en plein soleil. Le teint, quoique roussi, révélait une merveilleuse finesse de chair. Si, comme l’a dit Buffon, l’amour est dans le toucher, la douceur de cette peau devait être active et pénétrante comme la robe de Nessus. La poitrine, de même que le corps, effrayait par sa maigreur ; mais le pied, les mains d’une petitesse provocante, accusaient une puissance nerveuse supérieure, une organisation vivace.

Ce mélange d’imperfections diaboliques et de beautés divines, harmonieux malgré tant de discordances, car il tendait à l’unité par une fierté sauvage ; puis ce défi d’une âme puissante à un faible corps écrit dans les yeux, tout rendait cette enfant inoubliable. La nature avait voulu faire de ce petit être une femme, les circonstances de la conception lui prêtèrent la figure et le corps d’un garçon. A voir cette fille étrange, un poète lui aurait donné l’Yemen pour patrie, elle tenait de l’Afrite et du Génie des contes arabes. La physionomie de la Péchina ne mentait pas. Elle avait l’âme de son regard de feu, l’esprit de ses lèvres brillantées par ses dents prestigieuses, la pensée de son front sublime, la fureur de ses narines toujours prêtes à hennir. Aussi l’amour, comme on le conçoit dans les sables brûlants, dans les déserts, agitait-il ce cœur âgé de vingt ans, en dépit des treize ans de l’enfant du Monténégro, qui, semblable à cette cime neigeuse, ne devait ni porter les fleurs du printemps ni se parer des grâces de la jeunesse. Les observateurs comprendront alors que la Péchina, chez qui la passion sortait par tous les pores, réveillât en des natures perverses la fantaisie endormie par l’abus ; de même qu’à table l’eau vient à la bouche à l’aspect de ces fruits contournés, brouis, tachés de noir que les gourmands connaissent par expérience, et sous la peau desquels la nature se plaît à mettre des saveurs et des parfums de choix. Pourquoi Nicolas, ce manouvrier vulgaire, pourchassait-il cette créature digne d’un poète, quand tous les gens de cette vallée en avaient pitié comme d’une difformité maladive ? Pourquoi Rigou, le vieillard, éprouvait-il pour elle une passion de jeune homme ? Qui des deux était jeune ou vieillard ? Le jeune paysan était-il aussi blasé que le vieillard ? Comment les deux extrêmes de la vie se réunissaient-ils dans un commun et terrible caprice ? La force qui finit ressemble-t-elle à la force qui commence ? Les déréglements de l’homme sont des abîmes gardés par les sphinx, ils commencent et se terminent presque tous par des questions sans réponse.

On doit concevoir maintenant cette exclamation : — Piccina !… échappée à la comtesse, quand sur le chemin elle vit Geneviève, l’année précédente, ébahie à l’aspect d’une calèche et d’une femme mise comme madame de Montcornet. Cette fille presque avortée, d’une énergie monténégrine, aimait le grand, le beau, le noble garde-général ; mais comme les enfants de cet âge savent aimer quand elles aiment, c’est-à-dire avec la rage d’un désir enfantin, avec les forces de la jeunesse, avec le dévoûment qui chez les vraies vierges enfantent de divines poésies. Catherine venait donc de passer ses grossières mains sur les cordes les plus sensibles de cette harpe, toutes montées à casser. Danser sous les yeux de Michaud, aller à la fête de Soulanges, y briller, s’inscrire dans le souvenir de ce maître adoré ?… Quelles idées ! les lancer dans cette tête volcanique, n’était-ce pas jeter des charbons allumés sur de la paille exposée au soleil d’août ?

— Non, Catherine, répondit la Péchina, je suis laide, chétive, mon lot est de rester dans mon coin, seule au monde…

— Les hommes aiment les chétiotes, reprit Catherine. Tu me vois bien, moi ? dit-elle en montrant ses beaux bras, je plais à Godain qui est une vraie guernouille, je plais à ce petit Charles qui accompagne le comte, mais le fils Lupin a peur de moi. Je te le répète. C’est les petits hommes qui m’aiment et qui disent à La-Ville-aux-Fayes ou à Soulanges : " Le beau brin de fille ! " Eh ! bien, toi, tu plairas aux beaux hommes…

— Ah ! Catherine, si c’est vrai, cela !… s’écria la Péchina ravie.

— Mais enfin c’est si vrai que Nicolas, le plus bel homme du canton, est fou de toi, il en rêve, il en perd l’esprit, et il est aimé de toutes les filles… C’est un fier gars ! Si tu mets une robe blanche et des rubans jaunes, tu seras la plus belle chez Socquard, le jour de Notre-Dame, à la face de tout le beau monde de La-Ville-aux-Fayes. Voyons, veux-tu ?… Tiens, je faisais de l’herbe, là, pour nos vaches, j’ai dans une fiole un peu de vin cuit que m’a donné Socquard ce matin, dit-elle en voyant dans les yeux de la Péchina cette expression délirante que connaissent toutes les femmes, je suis bonne enfant, nous allons le partager… tu croiras être aimée…

Pendant cette conversation, en choisissant les places où il n’y avait que de l’herbe pour y poser les pieds, Nicolas s’était glissé, sans faire de bruit, jusqu’au tronc d’un gros chêne qui se trouvait à quelques pas du tertre où sa sœur avait assis la Péchina. Catherine, qui, de moment en moment, jetait les yeux autour d’elle, finit par apercevoir son frère en allant prendre la fiole au vin cuit.

— Tiens, commence !… dit-elle à la petite.

— Ca me brûle ! s’écria Geneviève en rendant la fiole à Catherine, après en avoir bu deux gorgées.

— Bête ! tiens, répondit Catherine en vidant le flacon d’un trait, v’là comme ça passe ! c’est un rayon de soleil qui vous luit dans l’estomac !

— Et moi qui devrais avoir porté mon lait à mademoiselle Gaillard ?… s’écria la Péchina ; Nicolas m’a fait une peur !…

— Tu n’aimes donc pas Nicolas ?

— Non, répondit la Péchina, qu’a-t-il à me poursuivre ? Il ne manque pas de créatures de bonne volonté.

— Mais s’il te préfère à toutes les filles de la vallée, ma petite…

— J’en suis fâchée pour lui, dit-elle.

— On voit bien que tu ne le connais pas, reprit Catherine.

Avec une rapidité foudroyante, Catherine Tonsard, en disant cette horrible phrase, saisit la Péchina par la taille, la renversa sur l’herbe, la priva de toute sa force en la mettant à plat, et la maintint dans cette dangereuse position. En apercevant son odieux persécuteur, l’enfant se mit à crier à pleins poumons, et envoya Nicolas à cinq pas de là, d’un coup de pied donné dans le ventre ; puis elle se renversa sur elle-même comme un acrobate avec une dextérité qui trompa les calculs de Catherine, et se releva pour fuir. Catherine, restée à terre, étendit la main, prit la Péchina par le pied, la fit tomber tout de son long, la face contre terre ; et cette chute affreuse arrêta les cris incessants de la courageuse Monténégrine. Nicolas, qui, malgré la violence du coup, s’était remis, revint furieux et voulut saisir sa victime. Dans ce danger, quoiqu’étourdie par le vin, l’enfant saisit Nicolas à la gorge et la lui serra par une étreinte de fer.

— Elle m’étrangle ! au secours, Catherine ! cria Nicolas d’une voix qui passait péniblement par le larynx.

La Péchina jetait aussi des cris perçants, Catherine essaya de les étouffer en mettant sa main sur la bouche de l’enfant, qui la mordit au sang. Ce fut alors que Blondet, la comtesse et le curé se montrèrent sur la lisière du bois.

— Voilà les bourgeois des Aigues, dit Catherine.

— Veux-tu vivre ? dit Nicolas Tonsard à l’enfant d’une voix rauque.

— Après ? dit la Péchina.

— Dis-leur que nous jouions, et je te pardonne, reprit Nicolas d’un air sombre.

— Mâtine ! le diras-tu ?… répéta Catherine dont le regard fut encore plus terrible que la menace meurtrière de Nicolas.

— Oui, si vous me laissez tranquille, répliqua l’enfant. D’ailleurs, je ne sortirai plus sans mes ciseaux !

— Tu te tairas, ou je te flanquerai dans l’Avonne, dit la féroce Catherine.

— Vous êtes des monstres !… cria le curé, vous mériteriez d’être arrêtés et envoyés en cour d’assises…

— Ah çà, que faites-vous dans vos salons, vous autres ? demanda Nicolas en regardant la comtesse et Blondet qui frémirent. Vous jouez, n’est-ce pas ? Eh ! bien, les champs sont à nous, on ne peut pas toujours travailler, nous jouions !… Demandez à ma sœur et à la Péchina ?

— Comment vous battez-vous donc, si c’est comme cela que vous jouez ?… s’écria Blondet.

Nicolas jeta sur Blondet un regard d’assassin.

— Parle donc, dit Catherine en prenant la Péchina par l’avant-bras et en le lui serrant à y laisser un bracelet bleu, n’est-ce pas que nous nous amusions ?…

— Oui, madame, nous nous amusions, dit l’enfant épuisée par le déploiement de ses forces et qui s’affaissa sur elle-même comme si elle allait s’évanouir.

— Vous l’entendez, madame, dit effrontément Catherine en lançant à la comtesse un de ces regards de femme à femme qui valent des coups de poignard.

Elle prit le bras de son frère, et tous deux ils s’en allèrent, sans s’abuser sur les idées qu’ils avaient inspirées à ces trois personnages. Nicolas se retourna deux fois, et deux fois il rencontra le regard de Blondet qui toisait ce grand drôle, haut de cinq pieds huit pouces, d’une coloration vigoureuse, à cheveux noirs, crépus, large des épaules, et dont la physionomie assez douce offrait sur les lèvres et autour de la bouche des traits où se devinait la cruauté particulière aux voluptueux et aux fainéants. Catherine balançait sa jupe blanche à raies bleues avec une sorte de coquetterie perverse.

— Caïn et sa femme !… dit Blondet au curé.

— Vous ne savez pas à quel point vous rencontrez juste, répliqua l’abbé Brossette.

— Ah ! monsieur le curé, que feront-ils de moi ? dit la Péchina quand le frère et la sœur furent à une distance où sa voix ne pouvait être entendue.

La comtesse, devenue blanche comme son mouchoir, éprouvait un saisissement tel, qu’elle n’entendait ni Blondet ni le curé, ni la Péchina.

— C’est à faire fuir un paradis terrestre… dit-elle enfin. Mais, avant tout, sauvons cette enfant de leurs griffes.

— Vous aviez raison, cette enfant est tout un poème, un poème vivant ! dit tout bas Blondet à la comtesse.

En ce moment, la Monténégrine se trouvait dans l’état où le corps et l’âme fument, pour ainsi dire, après l’incendie d’une colère où toutes les forces intellectuelles et physiques ont lancé leur somme de force. C’est une splendeur inouïe, suprême, qui ne jaillit que sous la pression d’un fanatisme, la résistance ou la victoire, celle de l’amour ou celle du martyre. Partie avec une robe à filets alternativement bruns et jaunes, avec une collerette qu’elle plissait elle-même en se levant de bonne heure, l’enfant ne s’était pas encore aperçue du désordre de sa robe souillée de terre, de sa collerette chiffonnée. En sentant ses cheveux déroulés, elle chercha son peigne. Ce fut dans ce premier mouvement de trouble que Michaud, également attiré par les cris, se rendit sur le lieu de la scène. En voyant son Dieu, la Péchina retrouva toute son énergie.

— Il ne m’a pas touchée, monsieur Michaud ! s’écria-t-elle.

Ce cri, le regard et le mouvement qui en furent un éloquent commentaire en dirent en un instant à Blondet et au curé, plus que madame Michaud n’en avait dit à la comtesse sur la passion de cette étrange fille pour le garde-général qui ne s’en apercevait pas.

— Le misérable ! s’écria Michaud.

Et par ce geste involontaire, impuissant, qui échappe aux fous comme aux sages, il menaça Nicolas dont la haute stature faisait ombre dans le bois où il s’engageait avec sa soeur.

— Vous ne jouiez donc pas ? dit l’abbé Brossette en jetant un fin regard à la Péchina.

— Ne la tourmentez pas, dit la comtesse, et rentrons.

La Péchina, quoique brisée, puisa dans sa passion assez de force pour marcher : son maître adoré la regardait ! La comtesse suivait Michaud dans un de ces sentiers connus seulement des braconniers et des gardes, où l’on ne peut pas aller deux de front, mais qui menait droit à la porte d’Avonne.

— Michaud, dit-elle au milieu du bois, il faut trouver un moyen de débarrasser le pays de ce méchant garnement, car cette enfant est sans doute menacée de mort.

— D’abord, répondit Michaud, Geneviève ne quittera pas le pavillon, ma femme prendra chez elle le neveu de Vatel, qui fait les allées du parc, nous le remplacerons par un garçon du pays de ma femme, car il ne faut plus mettre aux Aigues que des gens de qui nous soyons sûrs. Avec Gounod chez nous, et Cornevin le vieux père nourricier, les vaches seront bien gardées…

— Je dirai à monsieur de vous indemniser de ce surcroît de dépense, reprit la comtesse. Mais ceci ne nous défait pas de Nicolas ? comment y arriverons-nous ?

— Le moyen est tout simple et tout trouvé, répondit Michaud. Nicolas doit passer dans quelques jours au conseil de révision ; au lieu de solliciter sa réforme, mon général, sur la protection de qui les Tonsard comptent, n’a qu’à le bien recommander au prône…

— J’irai, s’il le faut, dit la comtesse, voir moi-même mon cousin de Castéran, notre préfet, mais d’ici là, je tremble…

Ces paroles furent échangées au bout du sentier qui débouchait au rond-point. En arrivant à la crête du fossé, la comtesse ne put s’empêcher de jeter un cri, Michaud s’avança pour la soutenir croyant qu’elle s’était blessée à quelque épine sèche ; mais il tressaillit du spectacle qui s’offrit à ses regards.

Marie et Bonnébault assis sur le talus du fossé, paraissaient causer, et s’étaient sans doute cachés là pour écouter. Evidemment, ils avaient quitté leur place dans le bois en entendant venir du monde et reconnaissant des voix bourgeoises.

Après six ans de service dans la cavalerie, Bonnébault, grand garçon sec, était revenu depuis quelques mois à Couches avec un congé définitif qu’il dut à sa mauvaise conduite, il aurait gâté les meilleurs soldats par son exemple. Il portait des moustaches et une virgule, particularité qui, jointe au prestige de la tenue que les soldats contractent au régime de la caserne, avait rendu Bonnébault la coqueluche des filles de la vallée. Il tenait, comme les militaires, ses cheveux de derrière très-courts, frisait ceux du dessus de la tête, retroussait les faces d’un air coquet, et mettait crânement de côté son bonnet de police. Enfin, comparé aux paysans presque tous en haillons comme Mouche et Fourchon, il paraissait superbe en pantalon de toile, en bottes et en petite veste courte. Ces effets, achetés lors de sa libération, se ressentaient de la réforme et de la vie des champs ; mais le coq de la vallée en possédait de meilleurs pour les jours de fête. Il vivait, disons-le, des libéralités de ses bonnes amies, qui suffisaient à peine aux dissipations, aux libations, aux perditions de tout genre qu’entraînait la fréquentation du Café de la Paix. Malgré sa figure ronde, plate, assez gracieuse au premier aspect, ce drôle offrait je ne sais quoi de sinistre. Il était bigle, c’est-à-dire qu’un de ses yeux ne suivait pas les mouvements de l’autre, il ne louchait pas ; mais ses yeux n’étaient pas toujours ensemble, pour emprunter à la peinture un de ses termes. Ce défaut, quoique léger, donnait à son regard une expression ténébreuse, inquiétante, en ce qu’elle s’accordait avec un mouvement dans le front et dans les sourcils qui révélait une sorte de lâcheté de caractère, une disposition à l’avilissement. Il en est de la lâcheté comme du courage, il y en a de plusieurs sortes. Bonnébault, qui se serait battu comme le plus brave soldat, était faible devant ses vices et ses fantaisies. Paresseux comme un lézard, actif seulement pour ce qui lui plaisait, sans délicatesse aucune, à la fois fier et bas, capable de tout et nonchalant, le bonheur de ce casseur d’assiettes et de cœurs, pour se servir d’une expression soldatesque, consistait à mal faire ou à faire du dégât. Au sein des campagnes, ce caractère est d’un aussi mauvais exemple qu’au régiment. Bonnébault voulait, comme Tonsard et comme Fourchon, bien vivre et ne rien faire. Aussi, avait-il tiré son plan, pour employer un mot du dictionnaire Vermichel et Fourchon. Tout en exploitant sa tournure avec un croissant succès, et son talent au billard avec des chances diverses, il se flattait, en sa qualité d’habitué du Café de la Paix, d’épouser un jour mademoiselle Aglaé Socquard, fille unique du père Socquard, propriétaire de cet établissement, qui, toute proportion gardée, était à Soulanges, ainsi qu’on le verra bientôt, ce qu’est le Ranelagh au bois de Boulogne. Embrasser la carrière de limonadier, devenir entrepreneur de bal public, ce beau sort paraissait être en effet le bâton de maréchal d’un fainéant. Ces mœurs, cette vie et ce caractère étaient si salement écrits sur la physionomie de ce viveur de bas étage, que la comtesse laissa échapper une exclamation à l’aspect de ce couple, qui lui fit une impression aussi vive que si elle eût vu deux serpents.

Marie, folle de Bonnébault, eût volé pour lui. Cette moustache, cette disinvoltura de trompette, cet air faraud lui allaient au cœur, comme l’allure, les façons, les manières d’un de Marsay plaisent à une jolie Parisienne. Chaque sphère sociale a sa distinction ! La jalouse Marie rebutait Amaury, cet autre fat de petite ville, elle voulait être madame Bonnébault !

— Ohé ! les autres ! ohé ! venez-vous ?… crièrent de loin Catherine et Nicolas en apercevant Marie et Bonnébault.

Ce cri suraigu retentit dans les bois comme un appel de Sauvages.

En voyant ces deux êtres, Michaud frémit, car il se repentit vivement d’avoir parlé. Si Bonnébault et Marie Tonsard avaient écouté la conversation, il ne pouvait en résulter que des malheurs. Ce fait, minime en apparence, dans la situation irritante où se trouvaient les Aigues vis-à-vis des paysans, devait avoir une influence décisive comme dans les batailles la victoire ou la défaite dépendent d’un ruisseau qu’un pâtre saute à pieds joints et où s’arrête l’artillerie.

Après avoir salué galamment la comtesse, Bonnébault prit le bras de Marie d’un air conquérant et s’en alla triomphalement.

— C’est le La clé-des-cœurs de la vallée, dit Michaud tout bas à la comtesse en se servant du mot de bivouac qui veut dire don Juan. C’est un homme bien dangereux. Quand il a perdu vingt francs au billard, on lui ferait assassiner Rigou !… L’œil lui tourne aussi bien à un crime qu’à une joie.

— J’en ai trop vu pour aujourd’hui, répliqua la comtesse en prenant le bras d’Emile, revenons, messieurs ?

Elle salua mélancoliquement madame Michaud en voyant la Péchina rentrée au pavillon. La tristesse d’Olympe avait gagné la comtesse.

— Comment, madame, dit l’abbé Brossette, est-ce que la difficulté de faire le bien ici vous détournerait de le tenter ? Voici cinq ans que je couche sur un grabat, que j’habite un presbytère sans meubles, que je dis la messe sans fidèles pour l’entendre, que je prêche sans auditeurs, que je suis desservant sans casuel ni supplément de traitement, que je vis avec les six cents francs de l’État, sans rien demander à Monseigneur, et j’en donne le tiers en charités. Enfin je ne désespère pas ! Si vous saviez ce que sont les hivers, ici, vous comprendriez toute la valeur de ce mot ! Je ne me chauffe qu’à l’idée de sauver cette vallée, de la reconquérir à Dieu ! Il ne s’agit pas de nous, madame, mais de l’avenir. Si nous sommes institués pour dire aux pauvres : — " Sachez être pauvres ! " c’est-à-dire " souffrez, résignez-vous et travaillez ! " nous devons dire aux riches : — " Sachez être riches ! " c’est-à-dire " intelligents dans la bienfaisance, pieux et dignes de la place que Dieu vous assigne ! " Eh ! bien, madame, vous n’êtes que les dépositaires du pouvoir que donne la fortune, et, si vous n’obéissez pas à ses charges, vous ne le transmettrez pas à vos enfants comme vous l’avez reçu ! vous dépouillez votre postérité. Si vous continuez l’égoïsme de la cantatrice qui, certes, a causé par sa nonchalance le mal dont l’étendue vous effraie, vous reverrez les échafauds où sont morts vos prédécesseurs pour les fautes de leurs pères. Faire le bien obscurément, dans un coin de terre, comme Rigou, par exemple, y fait le mal !… Ah ! voilà des prières en action qui plaisent à Dieu !… Si, dans chaque commune, trois êtres voulaient le bien, la France, notre beau pays, serait sauvée de l’abîme où nous courons : une irréligieuse indifférence à tout ce qui n’est pas nous !… Changez d’abord, changez vos mœurs, et vous changerez alors vos lois ! ..

Quoique profondément émue en entendant cet élan de charité vraiment catholique, la comtesse répondit par le fatal : Nous verrons ! des riches qui contient assez de promesses pour qu’ils puissent se débarrasser d’un appel à leur bourse, et qui leur permet plus tard de rester les bras croisés devant tout malheur, sous prétexte qu’il est accompli.

En entendant ce mot, l’abbé Brossette salua madame de Montcornet et prit une allée qui menait directement à la porte de Blangy.

— Le festin de Balthasar sera donc le symbole éternel des derniers jours d’une caste, d’une oligarchie, d’une domination !… se dit-il quand il fut à dix pas. Mon Dieu ! si votre volonté sainte est de déchaîner les pauvres comme un torrent pour transformer les sociétés, je comprends que vous aveugliez les riches !…