Librairie Beauchemin, Limitée (Laurent-Olivier Davidp. 225-228).

nicolas


Nicolas était né à Québec en 1797. Ayant perdu ses parents, lorsqu’il était encore enfant, il avait été élevé par un de ses oncles, M. François Borgia, avocat distingué de Québec, qui siégea pendant près de quarante ans dans l’ancienne Chambre d’assemblée. Nicolas fit un cours d’études et se mit dans le commerce, mais n’ayant pas réussi, il quitta Québec en 1831 et alla se fixer à Lacadie comme instituteur.

Instruit, parlant facilement, bel homme, vigoureux, plein d’énergie et d’ardeur, il était fait pour jouer un rôle dans un temps de révolution.

Il se lança avec enthousiasme dans les troubles de 1837, prit part à presque toutes les assemblées qui précédèrent l’insurrection, se cacha après la bataille de Saint-Denis, fut découvert et jeté en prison. Exclu des bénéfices de l’amnistie proclamée par lord Durham au mois de juillet 1838, il subit son procès au mois d’août suivant pour avoir pris part au meurtre de Chartrand.

La loi martiale n’étant plus en force, son procès eut lieu devant un jury composé en grande partie de Canadiens-français. L’affaire fut émouvante et créa une grande excitation ; la cour fut tout le temps encombrée d’une foule excitée. Les fanatiques anglais et bureaucrates demandaient à grands cris la mort de Nicolas et menaçaient de tuer, s’il était acquitté, les jurés et les avocats.

Chartrand était de Saint-Jean ; après avoir sympathisé avec les patriotes, il se tourna contre eux et se fit leur espion. Nicolas, Daunais, et quelques autres furent accusés de l’avoir surpris, un soir, de l’avoir traîné dans un bois et mis à mort.

La preuve contre Nicolas fut forte. MM. Walker et Charles Mondelet, ses avocats, s’efforcèrent de démontrer que la mort de Chartrand n’était pas un meurtre, mais une exécution politique, un acte de guerre. Nicolas fut acquitté au milieu d’un tumulte extraordinaire. Les loyaux manifestèrent leur colère par des cris, des hurlements et des menaces de mort.

Après son acquittement, Nicolas se rendit aux États-Unis, et prit naturellement part à l’organisation de l’insurrection de 1838, se battit à Odelltown, et essaya de s’enfuir aux États-Unis. Mais n’ayant pu franchir la frontière, il retourna à Saint-Valentin où il resta caché jusqu’au 17 janvier 1839.

M. McGinnis, magistrat de Saint-Jean, apprit qu’on avait vu dans le bois, à Saint-Valentin, un homme qui paraissait craindre d’être reconnu. M. McGinnis, trouvant l’occasion bonne pour exercer son zèle, envoya une compagnie de volontaires battre le bois. Dans une misérable cabane, qu’on avait cru d’abord inhabitée, on trouva Nicolas à moitié mort de froid et de faim. On l’arrêta et on le conduisit à la prison de Montréal.

C’était le 18 janvier.

Nicolas passa sous l’échafaud où, quelques heures auparavant, ses amis Decoigne, Robert, les deux Sanguinet et Hamelin avaient été exécutés.

L’un de ses gardiens lui dit :

— Regarde ces cordes, il y en a une qui t’attend. Nicolas répondit tranquillement :

— Je mourrai comme j’ai vécu, en patriote.

Son arrestation remplit les bureaucrates de joie, ils crièrent sur tous les tons que cette fois il n’échapperait pas.

« La providence favorise évidemment les loyaux, dit un journal anglais, puisqu’elle a livré à la justice un si grand coupable ; personne ne convient mieux à l’échafaud que Nicolas. »

Les autorités, heureuses de jeter une si bonne proie en pâture à ces fanatiques, se hâtèrent de faire le procès de Nicolas. Huit jours après son arrestation, il comparaissait devant la cour martiale.

Sachant que son sort était fixé d’avance, Nicolas fit peu d’efforts pour se défendre ; il se prépara à mourir. Ses ennemis ne purent s’empêcher d’admirer son sang froid, sa bonne mine et la dignité de son maintien.

Il monta sur l’échafaud, le 15 février, en même temps que de Lorimier, Hindelang, Daunais et Narbonne. Il parla à la foule, mais ses paroles sont rapportées de manières si différentes par les journaux du temps qu’on ne sait pas au juste ce qu’il a dit. Les uns prétendent qu’il exprima le regret d’avoir pris part à la rébellion, d’autres disent que ses dernières paroles furent les suivantes :

« Je ne regrette qu’une chose, c’est de mourir avant d’avoir vu mon pays libre, mais la providence finira par en avoir pitié, car il n’y a pas un pays plus mal gouverné dans le monde. »

L’Ami du Peuple publia, quelques jours après, une lettre portant la signature de Nicolas, dans laquelle le patriote déplorait ses erreurs, blâmait l’insurrection et condamnait la conduite des Américains. Mais on prétend que c’était une lettre forgée.