Librairie Beauchemin, Limitée (Laurent-Olivier Davidp. 145-146).

andré ouimet


M. Ouimet fut une des premières victimes des mandats d’arrestation du 16 novembre 1837. Sa qualité de président des Fils de la liberté lui donnait droit à cette faveur. Il se trouva en bonne compagnie, car, le même soir et le lendemain, il fut rejoint par plusieurs de ses amis. Il resta huit mois en prison. C’était long pour un homme accoutumé à une vie d’émotion et d’activité.

Il a laissé le récit de ses impressions de prison dans des mémoires curieux, remplis de réflexions plus ou moins orthodoxes, d’idées originales et de boutades sarcastiques à l’adresse des bureaucrates. La manière dont il raconte son arrestation nous donnera une idée du ton de ses mémoires et de sa trempe d’esprit et de caractère. Écoutons-le :

« Il était six ou sept heures du soir, un jeudi, 16 novembre 1837. Je ne l’oublierai jamais, ce jour-là ! Resté chez moi, parce qu’il faisait mauvais temps, j’étais occupé paisiblement à hacher mon tabac pour fumer, un volume des romans de sir Walter Scott près de moi ; c’était, je crois, le troisième volume du Pirate… Il est joli ce roman !… Enfin, je ne pensais pas à faire de promenade au dehors, ce soir-là, quand, tout-à-coup, j’entends un grand bruit dans l’escalier qui conduit à mon appartement. On frappe à la porte.

« — Entrez, que je dis.

« Et de suite, je vois apparaître le ministre de la police, suivi d’à peu près vingt drôles à mine assez menaçante, portant cordes, bâtons, que sais-je ? moi…

« — Vous êtes mon prisonnier, me dit d’une voix élevée, et en me lançant un regard quelque peu farouche, M. B. Delisle.

« — Et pourquoi ? lui demandai-je.

« — Pour haute trahison, qu’il me répondit.

« — Diable ! dis-je, à part-moi, c’est sérieux ! Pas de cautions pour cela, monsieur ?

« — Non.

« — Faut donc aller en prison ?

« — Oui, j’en suis fâché.

« — Et moi bien plus ; c’est égal, je me résigne. »

Les ennuis et les rigueurs de la prison aiguisèrent sa verve sarcastique et son esprit frondeur. Ses compagnons le recherchaient autant que ses geôliers le redoutaient. Ils trouvaient dans ses gais propos et ses anecdotes comiques une source intarissable de récréation.

Il avait été admis au barreau en 1836, et avait eu pour associé l’infortuné C.-O. Perrault, qui fut tué, l’année suivante, à Saint-Denis. Il exerça plus tard en société avec M. le juge Sicotte et M. le protonotaire Hubert. C’était un excellent avocat, un orateur populaire.

Il était grand, mince, brun, beau ni de figure ni de taille, mais d’une physionomie intelligente et sympathique.

André Ouimet était né à Sainte-Pose, ce qui prouve l’injustice de certain dicton populaire. Son père, Jean Ouimet, et sa mère Marie Beautron, ont fait leur part dans l’œuvre de la propagation de notre race, car ils eurent vingt-six enfants dont André était le septième ou le huitième, et M. Gédéon Ouimet le vingt-sixième.

Il mourut, le 10 février 1853, à l’âge de quarante-cinq ans, vraiment regretté de tous ceux qui l’avaient connu.