L. Vanier (p. 9-10).

LE TEMPS

Ô temps, ô temps maudit qui de ton pied mauvais
Nous presse devant toi comme un troupeau de bêtes,
Flétrissant sans pitié les espoirs qu’on avait,
Pour ne nous laisser là qu’où tout le monde arrête,
Je te hais.

Avancer sans répit, sans jamais qu’on recule,
Ne pouvoir travailler ni jouir en repos,
Voir s’égoutter sa vie au cadran des pendules,
Sentir la fièvre de la Hâte, mal des maux,
Qui vous brûle !


S’amoindrir chaque jour d’un peu de ce qu’on tint,
Perdre avec ses cheveux la mémoire et le reste,
S’émietter comme au vent quelque monceau de grain,
Commencer vivant de mourir — notre seul geste ! —
Quel destin !

Quel destin pitoyable auquel nul ne déroge !
Tout ce qui le rappelle à mon cœur donne froid,
Et c’est bien pour cela qu’en quelqu’endroit je loge,
Je ne puis voir jamais, sans en frémir d’effroi,
Une horloge.