Les Opalines/Le soir s’était posé…

L. Vanier (p. 58-59).

LE SOIR S’ÉTAIT POSÉ…

Le soir s’était posé parmi le fouillis mauve
Des branches du jardin,
Si familier qu’on aurait pu, sans qu’il se sauve,
Le prendre avec la main.

J’allais, vêtu de brun et solitaire,
Humant l’odeur qu’au soir répand la terre.

J’allais, vêtu de brun, et je cueillis trois fleurs.
La première était belle, ouverte et très fêtée
En une corbeille où la courtisaient ses sœurs :
Je l’ai jetée.


La seconde poussait au milieu du chemin.
Son parfum s’exhalait comme une frêle idée,
Sa robe n’était pas riche, j’en conviens :
Je l’ai gardée.

La troisième flambait d’un beau rouge enfiévré ;
Son cœur était l’asile, en ce doux soir d’automne,
Où frémissait, balourd, un insecte enivré :
Je te la donne !