Les Opalines/Le printemps dans le jardin

L. Vanier (p. 5-6).

Les Opalines


LE PRINTEMPS DANS LE JARDIN

La nature a tantôt la beauté d’un rayon,
Les fleurs ont du silence endormi sur leur bouche,
La pelouse frémit d’un vol de papillons,
Dont seuls, car endeuillés, les iris s’effarouchent.

J’ai dans mon âme en cet instant,
Dans mon âme aux éclats de sève,
Comme de la gloire qui lève,
Qui lève et fleurit en chantant.

Les grêles peupliers nonchalamment essaiment
Parmi l’azur du ciel leur blanc floconnement.
Sur les feuillages verts qu’ardemment elles aiment,
Les limaces sans bruit font leur chemin d’argent.


J’ai dans mon corps où tout déborde,
Dans mon corps à peine vêtu,
Des désirs fous et qui me mordent,
Qui me mordent de crocs pointus.

L’allée au sable fin circule sans façon,
À sous le soleil d’or des graviers qui s’enflamment,
Et frange le jardin de son caprice blond,
Comme un ruban passé dans un manteau de femme.

J’ai dans mon cœur aux bonds soudains,
Dans mon cœur ardent et vivace,
De l’amour, tant qu’à pleines mains
J’en emplirais, je crois, l’espace.

L’air a ce parfum frais et d’herbe qui vous grise,
Le géranium éclate en pourpre explosion,
Et d’un rythme dolent pour amuser la brise
Les rameaux étagés ont des génuflexions.

J’ai dans ma tête écervelée,
Dans ma tête de vieil enfant,
Des souvenirs à la volée,
Des souvenirs de mon printemps.