Les Opalines/Le carillon

L. Vanier (p. 30-31).

LE CARILLON

La place est provinciale et solitaire,
La cathédrale rêve à ses morts,
Et sur les dalles, couché par terre,
Le soleil accablé lui-même s’endort.

Comme l’âme vivante de ce grand somme,
Le carillon se met à chanter ;
Sa voix est tremblante, frêle en somme,
Elle est — c’est beau — ce qu’elle a toujours été.

Carillon, carillon, carillonne,
Joyeusement dans ton beffroi, "’.
Ô carillon, mon carillon, sonne,
Que je n’entende plus que toi !


Il chante aujourd’hui, mais des heures anciennes,
Des fêtes, des tristesses aussi,
Il chante, hélas ! aux closes persiennes
Dont c’est, je soupçonne, le dernier souci.

Et pourtant sa voix d’anecdotes est pleine,
Sa voix douce au timbre pictural :
Tous les quarts d’heure elle les égrenne
Dans le silence énorme et préfectural.

Carillon, carillon, carillonne,
Seul vivant restant du passé,
Tu ranimes de ta voix qui sonne
Tous les beaux rêves trépassés.