L. Vanier (p. 95-96).

LA MORT

La mort, ce mot si bref et qu’on dirait qu’il plane
Quand il sort de la bouche, ainsi qu’un spectre froid,
Ne vous remplit-il pas, vous qui vivez, d’effroi,
Il me fait peur, à moi !… — Tiens, mes fleurs qui se fanent !

La mort !… Le dissolvant, où s’en vont notre chair,
Notre cerveau, qui sait !… nous tout entier peut-être !
Néant d’où naîtront ceux qui sont encore à naître !…
— Tiens ! c’est la fin du jour : on ne voit plus très clair.
 
D’où nous venons, mystère !… Où nous allons, mystère !
Nous sommes des moments, entr’acte bien comptés,
D’une inconsciente et stupide éternité.
— Tiens ! Je viens d’écraser une mouche par terre.


Oui, nous vivons en somme en attendant la mort,
Notre état décisif, qui fut notre origine.
Nous vivons, dame, pour patienter, j’imagine.
— Cinq cheveux dans ma main !… Oh ! comme ils s’en vont fort !

Enigme universelle !… Un chemin : une tombe !
Après s’être battu pour vivre, rien. — Ha ! ha !
Mais c’est un beau destin !… Qui donc n’en conviendra !
— Tiens, sur mon papier, morte, une feuille qui tombe.

La mort, la mort partout !… Encor, encor, encor !
Ah ! si pendant une heure ou même une seconde,
La mort, le geste en l’air, épargnait notre monde !
Non, la mort sans répit !… Partout, toujours la mort !