Les Opalines/Elle est debout en noir

L. Vanier (p. 85-86).

ELLE EST DEBOUT, EN NOIR…

Elle est debout, en noir. Hors ce voile attristé,
Se dresse la splendeur de ses épaules nues
Qui chantent, note claire, en de l’obscurité.
— On évoque les chairs que les bras ont tenues.

D’une voix monotone et qui rythme les vers,
Elle dit, les yeux ne fixant rien, des choses vagues.
Sa bouche, humide fruit, se crispe de travers.
La pièce est pleine de parfum. L’esprit divague.

Elle, bien que vibrant, a le masque sans jeu
D’un être stupéfié sur un spectacle ultime.
Et ses regards lointains, verdâtres et songeux,
Semblent, traversant del’éther, venir d’abîmes.


Elle dit. Et ses doigts caressent par instants,
Minces, vêtus d’anneaux, très pâles, des idées,
Et des ondes d’émoi glissent en même temps
Sur, menue étroitement, sa gorge fardée.

Et sous l’empire exquis de poisons absorbés,
Parmi la vapeur bleue où se mèlent les âmes,
Nous recueillons, l’esprit nébuleux et nimbé,
Tout le génie en rut de cette étrange femme.