Les Oiseaux de passage (Ségalas)/03/11

Les Oiseaux de passage : PoésiesMoutardier, libraire-éditeur (p. 307-314).

LES OISEAUX DE PASSAGE.

Je veux changer mes pensers en oiseaux.
Ronsard.

Ouvrez vos ailes tremblantes aux brises du ciel.
G. Sand.

 Et l’oiseau ranimé
Vole en chantant braver d’autres orages.
Béranger.

Il est temps de partir, mes oiseaux passagers,
Assemblez-vous, et puis adieu, groupes légers.
La branche où l’on se pose,
Le nid de mousse à l’ombre, où l’on n’a rien à voir,

Il faut les fuir : partez, vous au plumage noir,
Vous au plumage rose.


C’est un large océan que vous allez passer !
Quand un groupe en chantant cherche à le traverser,
Parfois le vent l’emporte.
Là, jamais de repos, point d’abris, d’arbres verts ;
Oh ! pour ne pas tomber, quand on franchit ces mers,
Il faut une aile forte !


Qu’importe : allez ! l’espace est si grand, si vermeil ;
Il a des ouragans, mais il a du soleil.
Les nuages, la grêle,
Certes sont effrayans, mais l’arc-en-ciel est beau :
Allons, quittez le nid ; que sert-il d’être oiseau,
Quand on ferme son aile ?



Si l’orage vous prend, si l’on tend des lacets,
Eh bien ! dites : « L’oiseau doit s’attendre aux filets,
Doit s’attendre aux orages :
D’ailleurs tout peut passer, ouragan, tourbillon ;
Il reparaîtra bien là-haut quelque rayon
Pour sécher nos plumages. »


Par malheur, vous verrez cent rivaux dans les cieux
Qui perlent mieux leur chant, qui l’assouplissent mieux,
S’élèvent davantage :
L’aigle que rien n’abat, qui lutte avec le vent ;
Et puis le rossignol, qui semble un luth vivant
Caché dans le feuillage ;


Puis des oiseaux de fée aux colliers chatoyans,
Au plumage semé de mille yeux de brillans,

Aux accords séraphiques ;
D’étincelans rivaux, sortis des cages d’or,
Qui ne s’ouvrent jamais que pour donner l’essor
À des oiseaux magiques !


Et les mille chanteurs, âmes de nos buissons,
Charmeront les passans, en jetant leurs chansons,
En montrant leurs aigrettes ;
Si vos voix parcouraient des claviers aussi doux,
Vous seriez écoutés : hélas ! que n’êtes-vous
Rossignols ou fauvettes !


Mais adieu, vous partez ; et vous passez dans l’air
Plus vite qu’un nuage ou qu’un rayon d’éclair.
Bientôt, mes oiseaux frêles,
Vous aurez disparu de nos monts, de nos champs,

Sans que l’air garde rien des notes de vos chants
Et du bruit de vos ailes !