Les Noces chymiques de Christian Rosenkreutz/Jour 5 commentaire

Traduction par Auriger.
Chacornac Frères (Les Écrits rosicruciens) (p. 103-105).

COMMENTAIRE


La vingt-deuxième lame des Arcanes majeurs du Tarot (Le Monde) nous montre une jeune femme nue au centre d’une couronne ovale de lauriers on voit aux quatre angles les quatres figures de l’Apocalypse de Saint Jean, l’Ange, l’Aigle le Lion et le Taureau, figures que l’on retrouve aussi dans les Chérubs et les Séraphs de l’ancienne Égypte et ceci seul suffit à établir l’ancienneté de leur symbolisme. Seul de tous les arcanes, celui-ci désigne l’absolu, la femme représentant la fécondité primordiale, c’est-à-dire la Création. Un rapprochement s’impose entre cette lame du Tarot, et la description du Tombeau de Vénus.

Ce tombeau triangulaire est supporté par l’Aigle, le Bœuf, et le Lion ; l’Ange est debout au centre dans un vase de cuivre (métal consacré à Vénus). De cuivre est aussi la trappe par laquelle descend notre héros dans la salle où son guide lui montre Vénus toute nue. Il a, dès maintenant soulevé le Voile d’Isis. Il remarque que l’Ange tient en ses bras un arbre dont les branches s’égouttent sans cesse dans un bassin de cuivre. Cet arbre est un Tamaris dont les fleurs sont blanches et les racines rouges, sous lesquelles Isis retrouva le corps mutilé d’Osîris, et les pleurs qu’elle verse au cours de sa recherche en Phénicie (de Φοινις, rouge, pourpre) trouvent leur réplique dans les gouttes tombant sans cesse des branches de l’arbre.

Dans cette phase de l’Œuvre, la matière encore volatile représentée par Isis, monte en vapeurs, se condense et retombe en gouttes pour se réunir à la matière fixe que représente Osiris sous le Tamaris.

Cette Vénus ou Isis étendue en son tombeau, figure la mort apparente de la Nature pendant l’époque où toute végétation s’arrête ; elle renaît au printemps, comme dans les mythes grecs de Déméter et de Proserpine. « Quand l’arbre sera fondu entièrement, Dame Vénus se réveillera et sera mère d’un Roi ». Dans le commentaire du Quatrième Jour, j’avais attiré l’attention du Lecteur sur les flèches de Cupidon je souligne encore ici le passage où le petit Dieu malin pique notre héros à la main pour le punir de sa témérité. La lumière qui éclaire cette scène et dont l’éclat ressemble plus à celui d’une pierre qu’à celui d’une flamme évoque l’idée de phosphorescence, or, Φωςφορος n’est autre chose que la traduction littérale du mot latin Lucifer, porte-lumière, nom donné à l’étoile Vénus.

À cet épisode succède un simulacre d’enterrement des six personnes royales dans un mausolée dont le dôme est supporté par sept colonnes. Six tombes sont creusées, mais la boîte contenant la dépouille de l’exécuteur noir est placée au centre sur une pierre creuse. L’Étendard flottant au sommet du monument représente l’image du Phénix. Ce symbole est évidemment transparent puisqu’à la fin du sixième jour, nous assistons à la résurrection du Roi et de la Reine. Le Mythe de cet oiseau fabuleux renaissant de ses cendres tous les cinq cents ans mérite une courte parenthèse. Les anciens auteurs, Hérodote, Tacite, Pline, Ovide, Solin, Horapollon, Tsetzès, Suidas, etc., sont d’accord pour le représenter comme un oiseau de la grosseur d’un Aigle une huppe éclatante toujours dressée orne sa tête, les plumes du cou sont dorées, les autres pourprées ; sa queue est blanche mêlée de plumes incarnats et ses yeux brillent de l’éclat des étoiles. Il est bon de rappeler ici que Mercure, le messager céleste, est souvent représenté tenant son caducée de la main droite, et un phénix sur le poing gauche. Pour exercer davantage la sagacité des curieux de Science, je recommande à nos lecteurs numismates l’examen de certains deniers d’Or de Trajan portant l’effigie du Phénix, la tête auréolée d’un nimbe semblant être le disque solaire, et tenant dans les serres une branche d’arbre. Cette même figure se retrouve sur les monnaies de Constantin, mais l’Oiseau repose sur une montagne et tient une boule (l’Œuf philosophique) au lieu d’un rameau. Nous avons mieux à faire que de discuter ici les spéculations astronomiques tendant à voir dans la renaissance du Phénix, l’intervalle de temps compris entre deux passages consécutifs de la planète Mercure devant le Soleil !

Suivez notre héros vers la Tour de l’Olympe, et lisez avec soin le récit de sa traversée. Les deux façons différentes dont se groupent les nefs emportant les dépouilles royales, pour naviguer de conserve, puis pour assister au concert des Sirènes, ont un sens particulier dépendant de la nature du chargement confié à chaque navire. La beauté de l’Hymne à l’Amour se suffit à elle-même sans qu’il soit besoin de la souligner ici. Toutefois, c’est à ce moment que notre héros se souvient de la piqûre que Cupidon lui fit à la main, et de celle qu’il reçut en rêve à la tête au cours d’un songe décrit dans le premier jour.

La tour de l’Olympe est bâtie sur une île exactement carrée, et ses sept tours rondes superposées évoquent la figure d’une lunette télescopique. Le séjour de Christian Rosencreutz dans le laboratoire du premier étage, ne paraît pas lui laisser un bien bon souvenir ; il broie des herbes, des pierres, en extrait l’essence, la range dans des fioles. C’est évidemment là, besogne d’apothicaire, et non d’Alchimiste. Trois Vierges, cependant, lavent avec soin dans la première salle les corps des personnes royales. Ayant terminé sa besogne, et ne pouvant goûter de repos, notre héros va jouir du clair de Lune sur les remparts de la tour et il constate que, cette nuit même, les planètes se présentent sous un aspect particulier ne devant pas se reproduire avant longtemps. Il voit se fixer au sommet de la tour les flammes qu’il avait vues survolant les mâts des sept nefs.

Alors, les vents se déchaînent et la Lune s’obscurcit. Retenons surtout de la fin de ce Cinquième Jour, qu’il y a temps pour l’Œuvre comme il y a temps pour toutes choses, et arrêtant ici le commentaire, souvenons-nous du Zodiaque par lequel le Président d’Espagnet termine l’Arcanum Hermeticae Philosophiae Opus.