Degorge-Cadot (p. 50-58).

LIVRE SEPTIÈME


« Le lendemain de ce jour si complètement employé, je me résolus de chercher moi-même la nation française, et d’essayer si je ne la rencontrerais pas mieux seul qu’à l’aide d’un conducteur.

« Je sortis sans guide, vers la première moitié du matin. Après avoir parcouru des chemins étroits et tortueux, j’arrivai à un pont où je saluai un roi bienfaisant que portait un cheval de bronze[1]. De là, remontant le cours du fleuve aux eaux blanches, dans lequel les femmes lavaient des tuniques de lin, je parvins à la place du sang[2]. Une grande foule s’y trouvait rassemblée : on me dit qu’on allait attacher une victime à la machine qu’on me montra, et sur laquelle j’aperçus le génie de la mort[3] sous la forme d’un homme.

« Persuadé qu’il s’agissait de l’exécution d’un prisonnier de guerre, je m’assis pour entendre chanter ce prisonnier et pour l’encourager à souffrir les tourments comme un Indien. Je dis à l’un de mes voisins qui paraissait fort touché : « Fils de l’humanité, ce guerrier a-t-il été pris en combattant avec courage, ou bien est-ce un enfant des faibles, que l’homicide Areskoui a saisi dans sa fuite ? »

« Le guerrier me répondit : « Ce n’est point un soldat qui va cesser de vivre ; c’est un chef de la prière, qui, banni de la France pour des opinions religieuses, n’a pu supporter les chagrins de l’exil. Vaincu par le sentiment qui subjugue tous les hommes, il est revenu déguisé dans son pays : le jour, il se tenait caché dans un souterrain ; la nuit il errait autour du champ paternel, à la clarté des astres qui présidèrent à sa naissance. Quelques misérables l’ont reconnu dans ses promenades où il respirait en secret l’air de sa patrie ; ils l’ont dénoncé : la loi le condamne à mort pour avoir rompu son ban. »

« Le guerrier se tut, et je vis un vieillard s’avancer au milieu de la foule. Arrivé aux piliers de sang, ce vieillard dépouilla sa robe, se mit à genoux et adora. Ensuite, mettant un pied assuré sur le premier barreau de l’échelle, et, s’élevant d’échelon en échelon, il semblait monter vers le ciel. Ses cheveux blancs flottaient sur son cou ridé et bruni par l’âge ; on voyait sa vieille poitrine à nu, qui respirait tranquillement sous sa tunique entr’ouverte : il jeta un dernier regard sur la France, et la mort le lia par la cime comme une gerbe moissonnée.

« Je me levai dans le trouble de mes sens, qui ne m’avait pas d’abord permis de me dérober à l’abominable spectacle. Je m’écriai : « Remenez-moi à mes déserts ! reconduisez-moi dans mes forêts ! » et je m’éloignai à grands pas. Longtemps j’errai à l’aventure, tout en pleurs et comme hors de moi-même. Mais enfin la lassitude du corps parvint à distraire les fatigues de l’âme, et, me trouvant aussi harassé qu’un chasseur qui a pousuivi un cerf agile, je fus contraint de demander quelque part les dons de l’hospitalité.

« Je heurte à la porte d’une très belle cabane ; un esclave vient m’ouvrir : « Que veux-tu ? » me dit-il brusquement. « Va dire à ton maître, répondis-je, qu’un guerrier des chairs rouges veut boire avec lui la coupe du banquet. » L’esclave se prit à rire, et referma la porte.

« Cette épreuve ne me découragea point. À quelque distance, dans une petite voie écartée, une habitation assez semblable à nos huttes s’offrit à mes regards. Je me présente sur le seuil de cette demeure. J’aperçois au fond d’une case obscure un guerrier demi-nu, une femme et trois enfants : j’augurai bien de mes hôtes, lorsque je vis qu’ils restaient tranquilles à mon aspect comme des Indiens. J’entre dans la cabane, je m’assieds au foyer dont je salue le Manitou domestique, et, prenant dans mes bras le plus jeune des trois enfants, ces douces lumières de leur mère, j’entonne la chanson du suppliant.

« Quand cela fut fait, je dis en français : « J’ai faim, » et le guerrier me répondit : « Tu as faim ? » ce qui me fit penser qu’il avait été voyageur chez les peuples de la solitude. Il se leva, prit un gâteau de maïs noir, et me le donna : je ne le pus manger, car je vis la mère répandre une larme et les enfants dévorer des yeux le pain que je portais à ma bouche. Je le distribuai à leur innocence, et je dis au guerrier leur père : « Les mânes des ours n’ont donc pas été apaisés par des sacrifices la neige dernière, puisque la chasse n’a pas été bonne et que tes enfants ont faim ? » — « Faim ! répondit mon hôte, oui ! Pour nous autres misérables, cette faim dure toute notre vie. »

« Je repartis : « Il y a sans doute quelque autre guerrier dont le soleil a regardé les érables, et dont les flèches ont été plus favorisées du grand Castor : il te fera part de son abondance. » L’homme sourit amèrement, ce qui me fit juger que j’avais dit une chose peu sage.

« Une veuve qui, du lit désert où elle est couchée, voit les toiles de l’insecte suspendues sur sa tête, se plaint de l’abandon de sa cabane ; ainsi la laborieuse matrone dont je recevais l’hospitalité adressa les paroles de l’injure à son époux, en l’accusant d’oisiveté. Le guerrier frappa rudement son épouse : je me hâtai d’étendre le calumet de paix entre mes hôtes et d’apaiser la colère qui monte du cœur au visage en nuage de sang. J’eus alors pour la première fois l’idée de la dégradation européenne dans toute sa laideur. Je vis l’homme abruti par la misère, au milieu d’une famille affamée, ne jouissant point des avantages de la société et ayant perdu ceux de la nature.

« Je me levai ; je mis un grain d’or dans la main du guerrier, je l’invitai à venir s’asseoir avec sa famille dans ma cabane. « Ah ! s’écria mon hôte tout ému, quoique vous ne soyez qu’un Iroquois, on voit bien que vous êtes un roi des sauvages. » — « Je ne suis point un roi, » répondis-je en me hâtant de quitter cette cabane où j’avais trouvé quelques vertus primitives poussant encore faiblement au milieu des vices de la civilisation : le bouquet de romarin que nos chefs décédés emportent avec eux au tombeau prend quelquefois racine sur l’argile même de l’homme, et végète jusque dans la main des morts.

« J’avoue qu’après de telles expériences je fus prêt à renoncer à mes études, à retourner chez Ononthio. En vain je cherchais ta nation et des mœurs, et je ne trouvais ni les secondes ni la première. La nature me semblait renversée ; je ne la découvrais dans la société que comme ces objets dont on voit les images inverties dans les eaux. Génie propice qui arrêtâtes mes pas, qui m’engageâtes à continuer mes recherches, puissiez-vous, en récompense des faveurs que vous m’avez faites, puissiez-vous approcher le plus près du Grand-Esprit ! Sans vous, sans votre conseil, je ne serais pas ce que je suis, je n’aurais pas connu un homme qui m’a réconcilié avec les hommes, et de qui mes cheveux blancs tiennent le peu de sagesse qui les couronne.

« Je marchais le cœur serré, la tête baissée, lorsque la voix de deux esclaves, qui causaient à la porte d’une cabane, me tira de ma rêverie. Mon premier mouvement fut de m’éloigner ; mais, frappé de l’air d’honnêteté des deux esclaves, je me sentis disposé à faire une dernière tentative. Je m’avançai donc, et, m’adressant au plus vieux des serviteurs : « Va, lui dis-je, apprendre à ton maître qu’un guerrier étranger a faim. »

« L’esclave me regarda avec étonnement, mais je ne vis point l’impudence et la bassesse dans ses regards. Sans me répondre, il entra précipitamment dans les cours de la cabane, et, revenant quelques moments après tout hors d’haleine, il me dit : « Seigneur sauvage, mon maître vous prie de lui faire l’honneur d’entrer. » Je suivis aussitôt le bon esclave.

« Nous montons les degrés de marbre qui circulaient autour d’une rampe de bronze. Nous traversons plusieurs huttes où régnait, avec la paix, une demi-lumière, et nous arrivons enfin à une cabane pleine de colliers[4]. Là je vis un homme occupé à tracer sur des feuilles les signes de ses pensées. Il était assez maigre et d’une taille élevée : un air de bonté intelligente était répandu sur son visage ; l’expression de ses yeux ne se saurait décrire : c’était un mélange de génie et de tendresse, une beauté, je ne sais laquelle, que jamais peintre n’a pu exprimer. Ainsi me le raconta depuis Ononthio.

« — Chactas, me dit l’homme en se levant aussitôt qu’il m’aperçut, nous ne sommes déjà plus des étrangers l’un pour l’autre. Un de mes parents, qui a prêché notre sainte religion en Amérique, se hâta de m’écrire lorsque vous fûtes si injustement arrêté. Je sollicitai, de concert avec le gouvernement du Canada, votre délivrance, et nous avons eu le bonheur de l’obtenir. Je vous ai vu depuis à Versailles, et, d’après le portrait qu’on m’a fait de vous, il me serait difficile de vous méconnaître. Je vous avouerai d’ailleurs que la manière dont vous venez, par hasard, de me faire demander l’hospitalité m’a singulièrement touché ; car, ajouta-t-il avec un léger sourire, je suis moi-même un peu sauvage.

« — Serais-tu, m’écriai-je aussitôt, ce généreux chef de la prière qui s’est intéressé à ma liberté et à celle de mes frères ? Puisse le Grand-Esprit te récompenser ! Je ne t’ai vu encore qu’un moment, mais je sens que je t’aime et te respecte déjà comme un sachem.

« Mon hôte, me prenant par la main, me fit asseoir avec lui auprès d’une table. On servit le pain et le vin, la force de l’homme Les esclaves s’étant retirés pleins de vénération pour leur maître, je commençai à échanger les paroles de la confiance avec le serviteur des autels.

« — Chactas, me dit-il, nous sommes nés dans des pays bien éloignés l’un de l’autre, mais croyez-vous qu’il y ait entre les hommes de grandes différences de vertus et conséquemment de bonheur ?

« Je lui répondis : « Mon père, à te parler sans détour, je crois les hommes de ton pays plus malheureux que ceux du mien. Ils s’enorgueillissent de leurs arts et rient de notre ignorance ; mais si toute la vie se borne à quelques jours, qu’importe que nous ayons accompli le voyage dans un petit canot d’écorce ou sur une grande pirogue chargée de lianes et de machines. Le canot même est préférable, car il voyage sur le fleuve le long de la terre où il peut trouver mille abris : la pirogue européenne voyage sur un lac orageux où les ports sont rares, les écueils fréquents, et où souvent on ne peut jeter l’ancre, à cause de la profondeur de l’abîme.

« Les arts ne font donc rien à la félicité de la vie, et c’est là pourtant le seul point où vous paraissez l’emporter sur nous. J’ai été ce matin témoin d’un spectacle exécrable, qui seul déciderait la question en faveur de mes bois. Je viens de frapper à la porte du riche et à celle du pauvre : les esclaves du riche m’ont repoussé ; le pauvre n’est lui-même qu’un esclave.

« Jusqu’à présent j’avais eu la simplicité de croire que je n’avais point encore vu ta nation ; ma dernière course m’a donné d’autres idées. Je commence à entrevoir que ce mélange odieux de rangs et de fortunes, d’opulence extraordinaire et de privations excessives, de crime impuni et d’innocence sacrifiés, forme en Europe ce qu’on appelle la société. Il n’en est pas de même parmi nous : entre dans les huttes des Iroquois, tu ne trouveras ni grands, ni petits, ni riches, ni pauvres ; partout le repos du cœur et la liberté de l’homme. » Ici je fis le mieux qu’il me fut possible la peinture de notre bonheur, et je finis, comme à l’ordinaire, par inviter mon hôte à se faire sauvage.

« Il m’avait écouté avec la plus grande attention : le tableau de notre félicité le toucha : « Mon enfant, me dit-il, je me confirme dans ma première pensée : les hommes de tous les pays, quand ils ont le cœur pur, se ressemblent, car c’est Dieu alors qui parle en eux, Dieu qui est toujours le même. Le vice seul établit entre nous des différences hideuses : la beauté n’est qu’une ; il y a mille laideurs. Si jamais je trace le tableau d’une vie heureuse et sauvage, j’emploierai les couleurs sous lesquelles vous me la venez de peindre.

« Mais, Chactas, je crains que dans vos opinions vous n’apportiez un peu de préjugés, car les Indiens en ont comme les autres hommes. Il arrive un temps où le genre humain, trop multiplié, ne peut plus exister par la chasse : il faut avoir recours à la culture. La culture entraîne des lois, les lois des abus. Serait-il raisonnable de dire qu’il ne faut point de lois parce qu’il y a des abus ? Serait-il sensé de supposer que Dieu a rendu la condition sociale la pire de toutes, lorsque cette condition paraît être l’état universel des hommes ?

« Ce qui vous blesse, sincère sauvage, ce sont nos travaux, l’inégalité de nos rangs, enfin cette violation du droit naturel, qui fait que vous nous regardez comme des esclaves infiniment malheureux : ainsi votre mépris pour nous tombe en partie sur nos souffrances. Mais, mon fils, s’il existait une félicité relative dont vous n’avez ni ne pouvez avoir aucune idée ; si le laboureur à son sillon, l’artisan dans son atelier, goûtaient des biens supérieurs à ceux que vous trouvez dans vos forêts, il faudrait donc retrancher d’abord de votre mépris tout ce que vous donnez de ce mépris à nos prétendues misères.

« Comment vous expliquerai-je ensuite ce sixième sens où les cinq autres viennent se confondre, le sens des beaux-arts ? Les arts nous rapprochent de la Divinité ; ils nous font entrevoir une perfection au-dessus de la nature et qui n’existe que dans notre intelligence. Si vous m’objectiez que les jouissances dont je parle sont vraisemblablement inconnues de la classe indigente de nos villes, je vous répondrais qu’il est d’autres plaisirs sociaux accordés à tous : ces plaisirs sont ceux du cœur.

« Chez vous les attachements de la famille ne sont fondés que sur des rapports intéressés de secours accordés et rendus : chez nous, la société change ces rapports en sentiments. On s’aime pour s’aimer ; on commerce d’âmes ; on arrive au bout de sa carrière à travers une vie pleine d’amour. Est-il un labeur pénible à celui qui travaille pour un père, une mère, un frère, une sœur ? Non, Chactas, il n’en est point ; et, tout considéré, il me semble que l’on peut tirer de la civilisation autant de bonheur que de l’état sauvage. L’or n’existe pas toujours sous sa forme primitive, tel qu’on le trouve dans les mines de votre Amérique : souvent il est façonné, filé, fondu en mille manières, mais c’est toujours de l’or.

« La politique qui nous courbe vers la terre, qui oblige l’un à se sacrifier à l’autre, qui fait des pauvres et des riches, qui semble, en un mot, dégrader l’homme, est précisément ce qui l’élève : la générosité, la pitié céleste, l’amour véritable, le courage dans l’adversité, toutes ces choses divines sont nées de cette condition politique. Le citoyen charitable qui va chercher, pour la secourir, l’humanité souffrante dans les lieux où elle se cache, peut-il être un objet de mépris ? Le prêtre vertueux qui naguère trempait vos fers de ses larmes sera-t-il frappé de vos dédains ? L’homme qui pendant de longues années a lutté contre le malheur, qui a supporté sans se plaindre toutes les sortes de misères, est-il moins admirable dans sa force que le prisonnier sauvage dont le mépris se réduit à braver quelques heures de tourments ?

« Si les vertus sont des émanations du Tout-Puissant, si elles sont nécessairement plus nombreuses dans l’ordre social que dans l’ordre naturel, l’état de société qui nous rapproche davantage de la Divinité est donc un état supérieur à celui de nature.

« Il est parmi nous d’ardents amis de leur patrie, des cœurs nobles et désintéressés, des courages magnanimes, des âmes capables d’atteindre à ce qu’il y a de plus grand. Songeons, quand nous voyons un misérable, non à ses haillons, non à son air humilié et timide, mais aux sacrifices qu’il fait, aux vertus quotidiennes qu’il est obligé de reprendre chaque matin, avec ses pauvres vêtements, pour affronter les tempêtes de la journée ! Alors, loin de le regarder comme un être vil, vous lui porterez respect. Et s’il existait dans la société un homme qui en possédât les vertus sans en avoir les vices, serait-ce à cet homme que vous oseriez comparer le sauvage ? En paraissant tous les deux au tribunal du Dieu des chrétiens, du Dieu véritable, quelle serait la sentence du juge ? Toi, dirait-il au sauvage, tu ne fis point de mal, mais tu ne fis point de bien. Qu’il passe à ma droite, celui qui vêtit l’orphelin, qui protégea la veuve, qui réchauffa le vieillard, qui donna à manger au Lazare, car c’est ainsi que j’en agis lorsque j’habitais entre les hommes.

Ici le chef de la prière cessa de se faire entendre. Le miel distillait de ses lèvres ; l’air se calmait autour de lui à mesure qu’il parlait. Ce qu’il faisait éprouver n’était pas des transports, mais une succession de sentiments paisibles et ineffables. Il y avait dans son discours je ne sais quelle tranquille harmonie, je ne sais quelle douce lenteur, je ne sais quelle longueur de grâces, qu’aucune expression ne peut rendre. Saisi de respect et d’amour, je me jetai aux pieds de ce bon génie.

« — Mon père, lui dis-je, tu viens de faire de moi un nouvel homme. Les objets s’offrent à mes yeux sous des rapports qui m’étaient auparavant inconnus. O le plus vénérable des sachems ! chaste et pure hermine des vieux chênes, que ne puis-je t’emmener dans mes forêts ! Mais, je le sens, tu n’es pas fait pour habiter parmi des sauvages ; ta place est chez un peuple où l’on peut admirer ton génie et jouir de tes vertus. Je vais bientôt rentrer dans les déserts du Nouveau-Monde, je vais reprendre la vie errante de l’Indien ; après avoir conversé avec ce qu’il y a de plus sublime dans la société, je vais entendre les paroles de ce qu’il y a de plus simple dans la nature : mais quels que soient les lieux où le Grand-Esprit conduise mes pas, sous l’arbre, au bord du fleuve, sur le rocher, je rappellerai tes leçons et je tâcherai de devenir sage de ta sagesse. »

« — Mon fils, me répondit mon hôte en me relevant, chaque homme se doit à sa patrie : mon devoir me retient sur ces bords pour y faire le peu de bien dont je suis capable ; le votre est de retourner dans votre pays. Dieu se sert souvent de l’adversité comme d’un marchepied pour nous élever ; il a permis contre vous une injustice afin de vous rendre meilleur. Partez, Chactas ; allez retrouver votre cabane. Moins heureux que vous, je suis enchaîné dans un palais. Si je vous ai inspiré quelque estime, répandez-la sur ma nation, de même que je chéris la vôtre devenez parmi vos compatriotes le protecteur des Français. N’oubliez pas que tous, tant que nous sommes, nous méritons plus de pitié que de mépris. Dieu a fait l’homme comme un épi de blé : sa tige est fragile, se tourmente au moindre souffle, mais son grain est excellent.

« Souvenez-vous enfin, Chactas, que si les habitants de votre pays ne sont encore qu’à la base de l’échelle sociale, les Français sont loin d’être arrivés au sommet : dans la progression des lumières croissantes, nous paraîtrons nous-mêmes des barbares à nos arrière-neveux. Ne vous irritez donc point contre cette civilisation qui appartient à notre nature, contre une civilisation qui peut-être un jour, envahissant vos forêts, les remplira d’un peuple où la liberté de l’homme policé s’unira à l’indépendance de l’homme sauvage.

« Le chef de la prière se leva ; nous marchâmes lentement vers la porte. — Je ne suis pas ici chez moi, me dit-il ; je retourne au palais d’un prince dont l’éducation me fut confiée. Si je puis vous être utile, ne craignez pas de vous adresser à mon zèle ; mais, vous autres sauvages, vous avez peu de chose à demander aux rois.

« Je répondis : — Ta bonté m’enhardit ; je laisse en France un père qui languit dans l’adversité. Demande son nom à toutes les infortunes soulagées ; elles te diront qu’il s’appelle Lopez. »

« À ces paroles, que je prononçai d’une voix altérée, un génie porta les larmes que j’avais aux yeux dans ceux de mon hôte. Cet hôte, plein de bonté, m’apprit que le chef de la prière qui visitait mes chaînes à Marseille lui avait raconté les traverses de mon ami et les liens qui m’unissaient à cet Espagnol ; que déjà Lopez était à l’abri de l’indigence, et qu’il retournerait bientôt riche et heureux dans sa vieille patrie. On avait même adouci le sort d’Honfroy, mon compagnon de boulet.

« Ces mots inondèrent mon cœur d’un torrent de joie, et la vivacité de ma reconnaissance m’ôta la force de l’exprimer. Cependant l’homme miséricordieux avait tiré un cordon qui correspondait à un écho d’airain ; à la voix de cet écho, les esclaves accoururent, et nous conduisirent aux degrés de marbre. Là, je dis un dernier adieu au pasteur des peuples ; je pleurais comme un Européen. Je brisai mon calumet en signe de deuil, et j’entonnai à demi-voix le chant de l’absence : « Bénissez cette cabane hospitalière, 0 génie des fleuves errants ! que l’herbe ne couvre jamais le sentier qui mène à ses portes, jour et nuit ouvertes au voyageur ! »

« Tandis que ma voix attendrie résonnait sous le vestibule, le prêtre, les yeux levés vers le ciel, offrait à Dieu sa prière. Les serviteurs tombèrent à genoux, et reçurent la bénédiction que le sacrificateur pacifique répandit sur moi. Alors, dans un grand désordre, je descendis précipitamment les degrés. Parvenu au dernier marbre, je levai la tête, et j’aperçus mon hôte[[5], qui penché sur les fleurs de bronze, me suivait complaisamment de ses regards : bientôt il se retira comme s’il se sentait trop ému. Je restai quelque temps immobile dans l’espérance de le revoir ; mais le retentissement des portes que j’entendis se fermer m’avertit qu’il était temps de m’arracher de ce lieu. Dans la cour et sous les péristyles, une foule indigente attendait les bienfaits du maître charitable : je joignis mes vœux à ceux que faisaient pour lui tant d’infortunés, et je sortis de cette cabane, plein de reconnaissance, d’admiration et d’amour.

« Ononthio reçut enfin l’ordre de son départ et du nôtre. Nous quittâmes Paris pour nous rendre à un golfe du lac sans rivages[6]. Comme notre traîneau passait sur un pont d’où l’on découvrait la file prolongée des cabanes du grand village, je m’écriai : « Adieu, terre des palais et des arts ! adieu, terre sacrée où j’aurais voulu passer ma vie si les tombeaux de mes ancêtres ne s’élevaient loin d’ici ! »

« Je me laissai retomber au fond du traîneau. Oui, mon fils, j’éprouvai de vifs regrets en quittant la France. Il y a quelque chose dans l’air de ton pays que l’on ne sent point ailleurs, et qui ferait oublier à un sauvage même ses foyers paternels.

« Nous fîmes un voyage charmant jusqu’au port où nous attendaient nos vaisseaux. Nous roulâmes d’abord sur des chaussées bordées d’arbres à perte de vue ; ensuite nous descendîmes au bord d’un fleuve qui coulait dans un vallon enchanté. On ne voyait que des laboureurs qui creusaient des sillons, ou des bergers qui paissaient des troupeaux. Là le vigneron effeuillait le cep sur une colline pierreuse ; ici le cultivateur appuyait les branches du pommier trop chargé ; plus loin, des paysannes chassaient devant elles l’âne paresseux qui portait le lait et les fruits à la ville, tandis que des barques, traînées par de forts chevaux, rebroussaient le cours du fleuve. Des étrangers, des gens de guerre, des commerçants, allaient et venaient sur toutes les voies publiques. Les coteaux étaient couronnés de riants villages ou de châteaux solitaires. Les tours des cités apparaissaient dans le lointain ; des fumées s’élevaient du milieu des arbres : on voyait se dérouler la brillante écharpe des campagnes, toute diaprée de l’azur des fleuves, de l’or des moissons, de la pourpre des vignes et de la verdure des prés et des bois.

« Ononthio me disait : — Tu vois ici, Chactas, l’excuse des fêtes de Versailles : dans toute l’étendue de la France, c’est la même richesse ; les travaux seulement et les paysages diffèrent, car ce royaume renferme dans son sein tout ce qui peut servir aux besoins ou aux délices de la vie. L’attention que l’œil du maître donne à l’agriculture s’étend sur les autres parties de l’État. Nous avons été chercher jusque dans les pays étrangers les hommes qui pouvaient faire fleurir le commerce et les manufactures. Ce roi qui t’a paru si superbe, si occupé de ses plaisirs, travaille laborieusement avec ses sachems ; il entre jusque dans les moindres détails. Le plus petit citoyen lui peut soumettre des plans et obtenir audience de lui : de la même main qui protège les arts et fait céder l’Europe à nos armes, il corrige les lois et introduit l’unité dans nos coutumes.

« Il est trois choses que les ennemis de ce siècle lui reprochent : le faste des monuments et des fêtes, l’excès des impôts, l’injustice des guerres.

« Quant à nos fêtes, ce n’est pas aux Français à en faire un crime à leur souverain : elles sont dans nos mœurs, et elles ont contribué à imprimer à notre âge cette grandeur que le temps n’effacera point. Nous sommes devenus la première nation du monde par nos édifices et par nos jeux, comme le furent jadis par les mêmes pompes les habitants d’un pays appelé la Grèce.

« Le reproche relatif à l’accroissement de l’impôt n’a aucun fondement raisonnable : nul royaume ne paye moins à son gouvernement, en proportion de sa fertilité, que la France.

« Il est malheureux qu’on ne puisse aussi facilement nous justifier du reproche fait à notre ambition. Mais, belliqueux sauvage, tu le sais, est-il beaucoup de guerres dont les motifs soient équitables ? Louis a révélé à la France le secret de ses forces ; il a prouvé qu’elle se peut rire des ligues de l’Europe jalouse. Après tout, les étrangers, qui cherchent à rabaisser notre gloire, doivent cependant ce qu’ils sont à notre génie. Louis est moins le législateur de la France que celui de l’Europe. Descendez sur les rivages d’Albion, pénétrez dans les forêts de la Germanie, franchissez les Alpes ou les Pyrénées, partout vous reconnaîtrez qu’on a suivi nos édits pour la justice, nos règlements pour la marine, nos ordonnances pour l’armée, nos institutions pour la police des chemins et des villes : jusqu’à nos mœurs et nos habits, tout a été servilement copié. Telle nation qui, dans son orgueil, se vante aujourd’hui de ses établissements publics, en a emprunté l’idée à notre nation. Vous ne pouvez faire un pas chez les étrangers sans retrouver la France mutilée : Louis est venu après des siècles de barbarie, et il a créé le monde civilisé. »

« Après six jours de voyage nous arrivâmes au bord de la grande eau salée. Nous passâmes une lune entière à attendre des vents favorables. Je contemplai avec étonnement ce port[7] qui venait d’être construit dans le lac qui marche[8], de même que j’avais vu cet autre[9] port du lac immobile[10] auquel le Manitou de la nécessité m’avait contraint de travailler. Je visitai les arsenaux et les bassins ; je n’eus pas moins de sujet d’admirer le génie de ta nation dans ces arts nouveaux pour elle que dans ceux où depuis longtemps elle était exercée. Une activité générale régnait dans le port et dans la ville : on voyait sortir des vaisseaux qui emportaient des colonies aux extrémités du monde, en même temps que des flottes rapportaient à la France les richesses des terres les plus éloignées. Un matelot embrassait sa mère sur la grève, au retour d’une longue course ; un autre recevait en s’embarquant les adieux de sa femme. Onze mille guerriers des troupes d’Areskoui[11], cent soixante-six mille enfants des mers, mille jeunes fils de vieux marins, instruits dans les hautes sciences de Michabou[12], cent quatre-vingt-dix-huit monstres nageants[13] qui vomissaient des feux par soixante bouches, trente galères dont je dois me souvenir, vous rendaient alors les dominateurs des flots, comme vous étiez les maîtres de la terre.

« Enfin le Grand-Esprit envoya le vent du milieu du jour qui nous était favorable : l’ordre du départ est proclamé ; on s’embarque en tumulte. De petits canots nous portent aux grands navires ; nous arrivons sous leurs flancs ; nous y demeurons quelque temps balancés par la lame grossie : nous montons sur les machines flottantes à l’aide de cordes qu’on nous jette. À peine avons-nous atteint le bord que nos matelots, comme des oiseaux de la tempête, se répandent sur les vergues. La foudre[14], sortant du vaisseau d’Ononthio, donne le signal au reste de la flotte : tous les vaisseaux, avec de longs efforts, arrachent leur pied[15] d’airain des vases tenaces. La double serre ne s’est pas plutôt déprise de la chevelure de l’abîme qu’un mouvement se fait sentir dans le corps entier du vaisseau. Les bâtiments se couvrent de leurs voiles : les plus basses, déployées dans toute leur largeur, s’arrondissent comme de vastes cylindres ; les plus élevées, comprimées dans leur milieu, ressemblent aux mamelles gonflées d’une jeune mère. Le pavillon sans tache de la France se déroule sur les haleines harmonieuses du matin. Alors de la flotte épandue s’élève un chœur qui salue par trois cris d’amour les rivages de la patrie. À ce dernier signal, nos coursiers marins déploient leurs dernières ailes, s’animent d’un souffle plus impétueux, et, s’excitant mutuellement dans la carrière, ils labourent à grand bruit le champ des mers.

« Les transports de la joie ne descendirent point dans mon cœur à ce départ de la contrée des mille cabanes. J’avais perdu Atala ; je quittais Lopez ; le pays des belliqueuses nations du Canada n’était pas celui qui m’avait vu naître : sorti presque enfant de la terre des sassafras, que retrouverais-je dans la hutte de mes aïeux, si jamais les génies bienfaisants me permettaient de rentrer sous son écorce ?

« La scène imposante que j’avais sous les yeux servait à nourrir ma mélancolie : je ne pouvais me rassasier du spectacle de l’Océan. Ma retraite favorite, lorsque je voulais méditer durant le jour, était la cabane grillée du grand mât de notre navire, où je montais et m’asseyais, dominant les vagues au-dessous de moi. La nuit, renfermé dans ma couche étroite, je prêtais l’oreille au bruit de l’eau qui coulait le long du bord : je n’avais qu’à déployer le bras pour atteindre de mon lit à mon cercueil.

« Cependant le cristal des eaux que nous avaient donné les rochers de la France commençait à s’altérer. On résolut d’aborder aux îles non loin desquelles les vaisseaux se trouvaient alors. Nous saluons les génies de ces terres propices ; nous laissons derrière nous Fayal enivrée de ses vins, Tercère aux moissons parfumées, Santa-Cruz qui ignore les forêts et Pico dont la tête porte une chevelure de feu. Comme une troupe de colombes passagères, notre flotte vient ployer ses ailes sous les rivages de la plus solitaire des filles de l’Océan.

« Quelques marins étant descendus à terre, je les suivis ; tandis qu’ils s’arrêtaient au bord d’une source, je m’égarai sur les grèves et je parvins à l’entrée d’un bois de figuiers sauvages : la mer se brisait en gémissant à leurs pieds, et dans leur cime on entendait le sifflement aride du vent du nord. Saisi de je ne sais quelle horreur, je pénètre dans l’épaisseur de ce bois, à travers les sables blancs et les joncs stériles. Arrivé à l’extrémité opposée, mes yeux découvrent une statue portée sur un cheval de bronze : de sa main droite elle montrait les régions du couchant.

« J’approche de ce monument extraordinaire. Sur sa base baignée de l’écume des flots étaient gravés des caractères inconnus : la mousse et le salpêtre des mers rongeaient la surface du bronze antique ; l’alcyon perché sur le casque du colosse y jetait, par intervalles, des voix langoureuses ; des coquillages se collaient aux flancs et aux crins du coursier, et lorsqu’on approchait l’oreille de ses naseaux ouverts, on croyait ouïr des rumeurs confuses. Je ne sais si jamais rien de plus étonnant s’est présenté à la vue et à l’imagination d’un mortel.

« Quel dieu ou quel homme éleva ce monument ? quel siècle, quelle nation le plaça sur ces rivages ? qu’enseigne-t-il par sa main déployée ? Veut-il prédire quelque grande révolution sur le globe, laquelle viendra de l’Occident ? est-ce le génie même de ces mers qui garde son empire et menace quiconque oserait y pénétrer ?

« À l’aspect de ce monument qui m’annonçait un noir océan de siècles écoulés, je sentis l’impuissance et la rapidité des jours de l’homme. Tout nous échappe dans le passé et dans l’avenir ; sortis du néant pour arriver au tombeau, à peine connaissons-nous le moment de notre existence.

« Je m’empressai de retourner aux vaisseaux et de raconter à Ononthio la découverte que j’avais faite. Il se préparait à visiter avec moi cette merveille, mais une tempête s’éleva, et la flotte fut obligée de gagner la haute mer.

« Bientôt cette flotte est dispersée. Demeuré seul et chassé par le souffle du midi, notre vaisseau, pendant douze nuits entière, vole sur les vagues troublées. Nous arrivons dans ces parages où Michabou fait paître ses innombrables troupeaux. Une brume froide et humide enveloppe la mer et le ciel ; les flots glapissent dans les ténèbres ; un bourdonnement continu sort des cordages du vaisseau, dont toutes les voiles sont ployées ; la lame couvre et découvre sans cesse le pont inondé ; des feux sinistres voltigent sur les vergues, et, en dépit de nos efforts, la houle qui grossit nous pousse sur l’île des Esquimaux.

« J’avais, ô mon fils ! été coupable d’un souhait téméraire : j’avais appelé de mes vœux le spectacle d’une tempête. Qu’il est insensé celui qui désire être témoin de la colère des génies ! Déjà nous avions été le jouet des mers, autant de jours qu’un étranger peut en passer dans une cabane, avant que son hôte lui demande le nom de ses aïeux ; le soleil avait disparu pour la sixième fois. La nuit était horrible : j’étais couché dans mon hamac agité ; je prêtais l’oreille aux coups des vagues qui ébranlaient la structure du vaisseau : tout à coup j’entends courir sur le pont, et des paquets de cordages tomber ; j’éprouve en même temps le mouvement que l’on ressent lorsqu’un vaisseau vire de bord. Le couvercle de l’entrepont s’ouvre et une voix appelle le capitaine. Cette voix solitaire, au
Nous sortîmes en foule du souterrain pour saluer le père de la vie (page 62).
milieu de la nuit et de la tempête, avait quelque chose qui faisait frémir. Je me dresse sur ma couche ; il me semble ouïr des marins discutant le gisement d’une terre que l’on avait en vue. Je monte sur le pont : Ononthio et les passagers s’y trouvaient déjà rassemblés.

« En mettant la tête hors de l’entrepont, je fus frappé d’un spectacle affreux, mais sublime. À la lueur de la lune, qui sortait de temps en temps des nuages, on découvrait sur les deux bords du navire, à travers une brume jaune et immobile, des côtes sauvages. La mer élevait ses flots comme des monts dans le canal où nous étions engouffrés. Tantôt les vagues se couvraient d’écume et d’étincelles ; tantôt elles n’offraient plus qu’une surface huileuse, marbrée de taches noires, cuivrées ou verdâtres, selon la couleur des bas-fonds sur lesquels elles mugissaient ; quelquefois une lame monstrueuse venait roulant sur elle-même sans se briser, comme une mer qui envahirait les flots d’une autre mer. Pendant un moment, le bruit de l’abîme et celui des vents étaient confondus ; le moment d’après, on distinguait le fracas des courants, le sifflement des récifs, la triste voix de la lame lointaine. De la concavité du bâtiment sortaient des bruits qui faisaient battre le cœur au plus intrépide. La proue du navire coupait la masse épaisse des vagues avec un froissement affreux, et, au gouvernail des torrents d’eau s’écoulaient en tourbillonnant comme au débouché d’une écluse. Au milieu de ce fracas, rien n’était peut-être plus alarmant qu’un murmure sourd, pareil à celui d’un vase qui se remplit.

« Cependant des cartes, des compas, des instruments de toutes les sortes, étaient étendus à nos pieds. Chacun parlait diversement de cette terre où était assis sur un écueil le génie du naufrage. Le pilote déclara que le naufrage était inévitable Alors l’aumônier du vaisseau lut à haute voix la prière qui porte, dans un tourbillon, l’âme du marin au Dieu des tempêtes. Je remarquai que des passagers allaient chercher ce qu’ils avaient de plus précieux, pour le sauver : l’espérance est comme la montagne Bleue dans les Florides ; de ses hauts sommets le chasseur découvre un pays enchanté, et il oublie les précipices qui l’en séparent. Moi et les autres chefs sauvages, nous prîmes un poignard pour nous défendre et un fer tranchant pour couper un arc et tailler une flèche. Hors la vie qu’avions-nous à perdre ? Le flot qui nous jetait sur une côte inhabitée nous rendait à notre bonheur : l’homme nu saluait le désert et rentrait en possession de son empire.

Il plut à la souveraine sagesse de sauver le vaisseau, mais la même vague qui le poussa hors des écueils emporta l’un de ses mats et me jeta dans l’abîme : j’y tombai comme un oiseau de mer qui se précipite sur sa proie. En un clin d’œil le vaisseau, chassé par les vents, parut à une immense distance de moi ; il ne pouvait s’arrêter sans s’exposer une seconde fois au naufrage, et il fut contraint de m’abandonner. Perdant tout espoir de le rejoindre, je commençai à nager vers la côte éloignée. »

  1. Le pont Neuf et la statue de Henri IV.
  2. La Grève.
  3. Le bourreau.
  4. De livres, de papiers, etc. Une bibliothèque.
  5. Fénelon.
  6. La mer.
  7. Rochefort.
  8. L’océan.
  9. Toulon.
  10. La Méditerranée.
  11. Génie de la guerre.
  12. Génie de la mer.
  13. Vaisseaux de guerre.
  14. Le canon.
  15. L’ancre.