Les Muses françaises/Sophie Hüe

Les Muses françaisesLouis-MichaudI (p. 354-356).
SOPHIE HÜE

Fille d’un officier de marine, M. Sachs, elle était née à Lorient et avait épousé un conseiller à la cour de Rennes. Toute sa vie, elle la passa en Bretagne, s’occupant à écrire des fables et des poésies que lui inspiraient sa tendresse pour les enfants et son désir de leur prêcher une facile et pieuse morale. Au surplus, le mérite de ses vers tient tout entier dans ce qu’ils répondent exactement h l’objet pour lequel Sophie Hüe les composa. Ils sont d’une touchante simplicité, d’une naïveté enfantine charmante. On exagérerait, si l’on disait que Sophie Hüe a fait œuvre d’art, mais, du moins, faut-il reconnaître qu’elle savait conter d’une manière plaisante et exempte de toute affectation. Ce sont ces qualités de simplicité — simplicité d’expression et de sentiment, — qui firent le très grand succès auprès des femmes, auprès des mères surtout, de son recueil, les Mater’ miles, paru en 1867 et que l’Académie française couronna.

Sophie Hüe est morte, à Rennes, dans un âge très avancé, en 1893.

LE PETIT BOITEUX
LÉGENDE

Ma grand’mère m’a, l’autre jour,
Conté sur ses genoux une si belle histoire
Que j’en ai garde la mémoire :
Je vais vous la dire à mon tour.

Il était une fois, dans le fond d’un village,
Un enfant très gentil, à peu près de mon âge,
Mais si contrefait, si boiteux,
Qu’il ne marchait qu’à l’aide de béquilles.
Il ne pouvait courir, sauter, joiier aux quilles.
Voyez combien il était malheureux !
Un jour qu’il regardait tout triste
Avec de beaux sous neufs les autres s’amuser,
Auprès d’eux vint se reposer
Un pauvre voyageur demandant (pi’on l’assiste.
Il était très lassé, très vieux ; il avait faim.
Ses pieds saignaient sur le chemin.
Il vous eût fait pitié sans doute •
Mais })as un gamin ne l’écoute :
Ils avaient tous un mauvais cœur
Et se moquent du voyageur.

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