Les Muses françaises/Elisa Mercœur

Les Muses françaisesLouis-MichaudI (p. 275-283).
ÉLISA MERCŒUR

Elisa Mercœur était une enfant naturelle. Son père, un avoué, s’appelait Barré ; sa mère était une demoiselle Auman. Quant à Elisa, son nom lui vint de ce qu’elle naquit à Nantes, le 21 juin 1809, rue Mercœur.

Dès sa plus tendre enfance, Elisa fit montre d’une intelligence peu commune. À douze ans, elle enseignait l’anglais. Elle était d’ailleurs très instruite. Outre l’anglais, elle savait encore le latin, quelque peu de grec, d’italien et même d’arabe. Elle avait à peine seize ans lorsqu’elle publia ses premiers vers. Et tout de suite le succès lui était venu. En 1826, V Académie provinciale, de Lyon, la nomme membre correspondante ; la Société Académique de la Loire-Inférieure fait de même en 1827 et édite à ses frais son premier volume de vers. Puis, c’est la Société Polymathique du Morbihan qui lui ouvre ses portes, et la duchesse de Berri qui lui envoie cent francs, et le ministre des Beaux-Arts qui lui alloue une pension annuelle de trois cents francs…

Déjà Lamartine disait à son propos : « Je ne croyais pas au talent des femmes ; cependant, le recueil de Mme Tastu m’avait ébranlé… Cette fois, je me rends et je prévois que cette petite fille nous effacera tous tant que nous somme. »

Elle avait dédié son livre à l’auteur des Martyrs : « Femme, jeune et Bretonne, lui écrivait-elle en lui envoyant un exemplaire du volume, j’ai cru que ces trois titres auraient peut-être quelques droits i la bienveillance de l’illustre écrivain que la Bretagne a vu mitre… » Et Chateaubriand de lui répondre :

« Si la célébrité, Mademoiselle, est quelque chose de désirable, on peut la promettre sans crainte de se tromper i l’auteur de ces vers charmants :

Mais il est des moments où la harpe repose
Où l’inspiration sommeille au fond du cœur… »

On devine l’enivrement de la jeune fille au reçu de ces encouragements et de ces louanges.

Et voilà qu’un beau jour, sa mère et elle laisseront Xantes pour la ville lumière. — À Paris, elles connurent toutes les déceptions, et elles vécurent d’un régime de mendicité. Tout d’abord, Elisa avait eu la chance de trouver un protecteur en M. de. Martignac, le premier ministre d’alors. il avait porté sa pension ) douze cents francs. Malheureusement, lorsqu’il tomba du pouvoir, la pension de la « Muse Armoricaine » fut réduite d’un tiers. Huit cents francs pour faire vivre deux femmes !… Dans un moment d’absolue détresse, Elisa écrira i M. Guizot : « Sauvez-moi, sauvez-moi pour ma mère ». — M. Guizot n’est pas riche, mais il viendra cependant au secours de la pauvre fille.

Pour échapper i la misère, Elisa travaillait avec acharnement : « je travaille à force ». disait-elle, elle-même… Elle achevait une tragédie, en ébauchait une autre, et elle avait des romans plein la tête… sans parler des poésies qu’elle donnait aux journaux de modes de l’époque. Il faudrait bien que la mauvaise fortune capitule, enfin. Elle ne capitula pas. La tragédie d’Elisa Mercœur. lue au Théatre-français. le 3 mal 1831 acceptée Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/278 Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/279 Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/280 Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/281 Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/282 Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/283 Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/284 Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/285