Les Muses françaises/Clémence Robert

Les Muses françaisesLouis-MichaudI (p. 284-291).


CLÉMENCE ROBERT


Clémence Robert (Antoinette-Henriette), — fille de Jean-François Roussel, juge suppléant, et de Claudine Henriette de Rohan, — était née à Mâcon.

Studieuse et prématurément sérieuse, à l’âge où les jeunes filles songent surtout à la toilette, Clémence Robert se complaisait à la lecture de Montesquieu, de Voltaire et de Rousseau.

Ayant perdu son père, elle vient à Paris en 1827. Elle collabore alors à divers périodiques, notamment au Journal des Dames où elle publie un certain nombre de pièces de vers. Mais la poésie ne devait pas la retenir longtemps, comme le dira avec emphase Eugène de Mirecourt : « Une imagination que, dès sa jeunesse, on a laissée sans bride, l’emporte éternellement sur les falaises escarpées du paradoxe, au milieu des brouillards démocratiques et sociaux. » — Elle est attirée par le roman, — et le roman populaire ! — qui lui permettra de prêcher les humbles, de répandre des principes de morale dans la masse.

N’a-t-elle point tracé elle-même d’ailleurs cette sorte de profession de foi :

« La littérature n’ayant qu’un mérite purement littéraire, est un simple divertissement de l’esprit. Faire des vers, seulement pour produire de jolis effets, c’est un plaisir comme de broder : raconter de belles histoires dont on ne peut tirer nulle conclusion utile, c’est aller à la chasse dans les terres de son imagination ; écrire en vers ou en prose pour le seul honneur du style, c’est, dans la sphère intellectuelle, donner un bal où des mots variés dansent gracieusement… Mais les écrivains qui ont le sentiment de l’avenir, voient que le temps de ces fêtes est passé pour la littérature… et ils la chargent de porter une pierre à l’édifice social… »

Voilà, elle abandonne résolument l’art pour la prédication sociale. Le résultat de cette décision fut une collaboration suivie à La Presse, au Siècle, à La Patrie, au Constitutionnel, etc. À tous ces journaux, elle donna de nombreux romans-feuilletons qui lui assurèrent bientôt une véritable réputation dans le grand public. Parmi ces romans, les plus connus sont : la Duchesse de Chevreuse, Jeanne la Folle, le Marquis de Pombal, le Passeur du peuple (Vincent de Paul), les Quatre sergents de la Rochelle, le Fou de la Bastille, le Pauvre Diable, etc, etc…

À la mort de sa mère, Clémence Robert, inconsolable, se retira chez les religieuses de l’Abbaye-au-Bois. C’est là qu’elle fit la connaissance de celle qui avait été pendant si longtemps une des reines de la beauté et de l’esprit, et dont elle devait être la dernière amie : Mme Récamler.

Clémence Robert mourut en 1872 dans un âge très avancé.

CONSULTER : De Sénancourt, étude sur Clémence Robert, dans : Biographie des femmes auteurs, publiée par A. de Montferrand, Paris, 1836. — Eugène de Mirecourt, Clémence Robert, collection des Contemporains,

Paris, 1856. Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/287 Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/288 Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/289 Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/290 Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/291 Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/292

Le lendemain, à l’heure où le soleil éclaire
De ses premiers rayons la ville funéraire,
Au pied du mont Louis on voit, sous les rameaux
De ces sombres cyprès, alcôve des tombeaux,
Cette masse de terre, humide encor, qu’exhausse
Un cercueil fraîchement déposé dans la fosse.
Là reposent, hélas ! l’un sur l’autre jeté,
Une épée, un drapeau : — Valeur ! — fatalité !
Là se penche une femme aux traits déjà livides.
Qui de son sein meurtri, de ses lèvres avides,
Étreint avec amour la tombe fraîche encor.
Puis est jetée aussi, comme un dernier trésor.
Une rose, penchant la tête sur sa branche
Et tombant feuille à feuille.
                         Hélas ! la rose blanche,
Resplendissante un jour, morte le lendemain,
A vécu plus longtemps que le bonheur humain.