Les Muses françaises/Edmée Delebecque

Les Muses françaises : anthologie des femmes-poètesLouis-MichaudII (XXe Siècle) (p. 88-94).




EDMÉE DELEBECQUE




Mme Edmée Delebecque est née à Paris, le 9 avril 1880.

« Mme Edmée Delebecque, remarque M. Pierre Quillard, est nourrie deShelley et de Leconte de Lisle ; mais elle s’en inspire intimement plutôt qu’elle ne les imite dans la forme et l’expression. » — D’ailleurs, l’idéal littéraire et esthétique de Mme Delebecque semble assez peu défini. Sa grande règle doit être uniquement d’exprimer sincèrement sa pensée et ses émotions diverses. C’est de cette règle que sortira sa vraie personnalité. Il serait même juste de dire que cette personnalité s’est déjà très nettement affirmée. Le talent fort et un peu heurté de Mme Delebecque n’a pas son semblable dans la poésie féminine contemporaine. — Au premier moment ses vers âpres et presque aigres, souvent, nous surprennent et même nous indisposent contre leur auteur, mais lorsqu’on s’est familiarisé avec cet esprit hautain, désabusé et cependant si vibrant, on revient sur la première impression et l’on se sent alors une réelle sympathie, un véritable goût pour cette poésie sincère, émue, belle de forme et fortement pensée. — Au reste, il ne faut pas s’y laisser prendre, Mme Delebecque n’a pas de mépris ou de haine pour la vie et l’humanité, elle n’a pas de la pitié non plus : ce qui est en elle, c’est de la désillusion. Elle s’était élevée trop haut sur les ailes de la Chimère 1… Le rêve s’est évanoui au contact de la réalité.

Toujours imaginée au lieu d’être vécue telle fut sa vie de femme ardente et sensible : trop d’imagination et pas assez d’action. Ecoutez-la s’écrier, dans des strophes magnifiques :

Ce qu’il me faut, ce ne sont pas vos plats amours.
Vos bonheurs languissants ou vos chagrins vulgaires.
Non l c’est un infini plus glorieux, un jour
Plus éclatant, un songe, une extase, un mystère ;
C’est quelque Dieu, puissant et tendre, un idéal,
Un inconnu que l’âme enfin vivante adore.
C’est le jaillissement d’un amour triomphal
Que je cherche partout, que f attends, que j’implore !…

C’est là le cri d’une passionnée jusqu’ici déçue, incomprise, insatisfaite. Il ne serait d’ailleurs pas surprenant qu’une évolution se produisît chez Mme Edmée Delebecque. Sans doute nous trouverons toujours chez elle Cette tristesse qui me paraît être le fond de sa nature, mais peut-être son esprit et son cœur nous apparaîtront-ils alors moins sombres, moins tourmentés.

BIBLIOGRAPHIE. — Poèmes, Messein. Paris, 1905, in-18. — Je meurs de soif auprès de la fontaine, Sansot et Cie. Paris, 1907, in-18.

CONSULTER. — P. Quillard, Mercure de France, du 1er mai 1907.


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