(p. 241-244).


L’ÉTOILE





Dans le ciel transparent que le couchant colore,
Une étoile paraît, timide et seule encore,
Comme un œil scintillant aux portes de la nuit.
Seul moi-même, suivant le hasard de mon rêve,
Assis sur un rocher au-dessus de la grève,
Je regarde, songeur, ce point fixe qui luit.


Et je me dis : « Combien, avant moi, d’autres hommes,
Depuis les premiers temps de ce monde où nous sommes,
Près de la même grève ont rêvé, soucieux :
Vers ce même astre clair qui sur l’horizon rose
Ainsi qu’un clou d’argent étincelle et se pose,
Combien d’autres mortels ont élevé les yeux ?

Quel était donc leur but en fixant cette étoile ?
Espéraient-ils jamais percer le sombre voile
Qui d’un monde inconnu nous cache la clarté ?
Vermisseaux inquiets s’agitant sur la terre,
Voulaient-ils arracher à l’astre le mystère
Enviable et lointain de sa placidité ?

N’était-ce pas plutôt dans ces moments d’ivresse
Où tout l’être exalté déborde de tendresse
Que leurs regards montaient vers la pâle lueur ?
Ne la prenaient-ils pas pour douce confidente
De leurs espoirs comblés, et, d’une voix ardente,
Ne lui contaient-ils pas l’histoire de leur cœur ?


Partez, envolez-vous vers les profondes voûtes,
Tristesses et bonheurs, espérances et doutes,
Grandiose soupir de ce monde anxieux !
De tout temps, isolé dans sa faiblesse extrême,
L’homme chercha là-haut comme un autre lui-même :
La joie et la douleur font regarder les cieux.