Les Missions chrétiennes et leur rôle civilisateur/02

Les Missions chrétiennes et leur rôle civilisateur
Revue des Deux Mondes5e période, tome 20 (p. 873-896).
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LES MISSIONS CHRÉTIENNES
ET
LEUR RÔLE CIVILISATEUR

II
L’ŒUVRE MORALE, SOCIALE, ET L’INFLUENCE FRANÇAISE DANS LE MONDE

Après avoir exposé les conquêtes scientifiques des Missions chrétiennes[1], il nous reste à faire connaître leurs œuvres morales et sociales et dans quelle mesure elles ont contribué et contribuent chaque jour à raffermissement et au développement de notre empire colonial.

Avant tout, les missionnaires relèvent le niveau moral des individus païens, en formant chez eux un nouveau et meilleur type de caractère. Ils font entrer dans ces âmes à demi barbares, enténébrées par les superstitions, un peu de lumière ; dans ces blocs de chair, si voisins de la brute, ils sculptent, à grand’peine, la statue de l’homme fait à l’image de Dieu. Les rationalistes ou les positivistes, ennemis de toute idée religieuse, nous représentent volontiers les peuples non civilisés comme de grands enfans, innocens, insoucians, menant une vie conforme à la nature, suivant les principes de Jean-Jacques, et décrivent leur état social comme un « Eldorado[2]. » Pourquoi donc, disent-ils aux missionnaires, troublez-vous ces enfans de la nature dans leur paradis terrestre sous prétexte de leur ouvrir l’accès d’un paradis imaginaire ? »

C’est être bien mal informé. Sauf trois grandes religions : le mazdéisme, le bouddhisme et l’Islam, qui exercent, dans une faible mesure, une influence morale sur leurs adeptes, les cultes polythéistes n’ont aucune vertu éducatrice. On en jugera par cette esquisse des mœurs des païens, que je vais tracer d’après les relations de voyageurs indépendans.

Les païens fétichistes sont en général paresseux et imprévoyans comme des enfans ; ils travaillent juste assez pour se procurer les alimens au jour le jour. Les hommes chassent et pèchent, tandis qu’ils imposent les plus rudes besognes à leurs esclaves et à leurs femmes. Ils ne savent pas épargner pour les mauvais jours ; s’il arrive une mauvaise récolte, tout un peuple se trouve réduit à la famine. Avec cela, ils sont vaniteux et se croient supérieurs aux Européens ; cet orgueil même les empêche d’améliorer leur genre de vie. Ajoutez le mensonge et la ruse, qui dominent chez les Arabes et les Malais.

Mais ce ne sont encore que des défauts de surface ; il y a chez les païens deux vices, qui y font d’autant plus de ravages que leur religion ne sert de rien pour les combattre, l’intempérance et le libertinage. Qui ne sait les effets, meurtriers pour les indigènes, des boissons alcooliques importées par les traitans européens dans l’Afrique et en Océanie ? Les souverains musulmans sont, grâce à un article du Coran, les plus, rigoureux adversaires de l’alcoolisme dans le continent noir. Et, à leur tour, les puissances de l’Europe, qui y avaient des colonies, sont intervenues au Congrès de Bruxelles, pour limiter et contrôler la vente de ces poisons, qui déciment la population.

Dans d’autres pays, d’ancienne civilisation, tels que la Chine, l’Hindoustan et l’Indo-Chine, c’est l’opium qui joue le rôle de substance enivrante et n’est pas moins toxique. On sait quels ravages l’opiomanie produit chez les Chinois : dans la province du Yunnan, limitrophe du Tonkin, il y a 80 pour 100 d’hommes et 50 pour 100 de femmes qui fument ce narcotique abrutissant. Heureusement qu’en Birmanie et au Japon, les gouvernemens, soutenus par le clergé bouddhiste, ont interdit la vente de l’opium. Mais, chose honteuse à dire, le gouvernement d’une nation soi-disant chrétienne s’est jusqu’ici refusé à interdire la culture et l’exportation de cette plante narcotique, par le motif que ce commerce rapporte, en moyenne, 75 millions au budget des Indes ! Quant au libertinage, il s’étale sans vergogne dans toute l’Asie païenne depuis l’Inde brahmanique jusqu’au Japon bouddhiste et il sévit encore dans la plupart des îles malayo-polynésiennes, où règnent l’Islam et le fétichisme. Tous ceux qui ont visité Tokio connaissent le Yoschivara, qui se trouve dans un jardin public de la capitale. Dans l’Hindoustan fleurit la prostitution sacrée, qui, dans l’antiquité, avait rendu célèbres les temples de Vénus en Chypre et à Corinthe. Il y a des temples brahmaniques, au service desquels sont attachées des troupes de courtisanes, les deva-dasi, et l’on invite ces danseuses aux fêtes de noces et même à des fêtes publiques pour divertir les assistans par leurs ballets[3].

Quand ces vices ne produisent pas la décrépitude et l’extinction rapide de la race, comme chez les Peaux-Rouges, les Nègres et les Polynésiens, ils aboutissent à deux résultats opposés, mais non moins funestes : le suicide ou l’ascétisme outré jusqu’à la torture. Le premier est fréquent chez les fumeurs d’opium, en Chine et en Corée, comme chez nos morphinomanes. Il est même, chez les Hindous, favorisé par le dogme de la métempsycose. Chez cette race, plus idéaliste, le dégoût de la vie terre à terre porte les païens à se mortifier, afin de se rendre capables de boire à la source de la vie divine. Les cilices des moines et les lanières à pointes de fer des flagellans du moyen âge sont des jeux d’enfans, comparés aux supplices raffinés que s’infligent les fakirs hindous et les Aïssaouas musulmans. Mais ce n’est rien encore auprès du raffinement de piété filiale de certains Chinois : que dire de ces fils et de ces filles, qui se coupent des morceaux de chair et en font de la soupe, pour l’offrir en guise de remède à leurs parens malades ? Ces mêmes Chinois, d’ailleurs, abandonnent dans des impasses ou au fond des fossés leurs enfans atteints de maladie incurable ou qu’ils ne peuvent nourrir, et livrent leurs filles aveugles à la prostitution. Et voilà les mœurs de ces païens, que nos libres penseurs nous représentent comme des êtres innocens et comme des anges de douceur, dont les missionnaires viennent gâter la naïveté et troubler le parfait bonheur !

En présence d’êtres moralement aussi dégradés, comment agissent-ils ? Pas autrement que ne feraient des parens sages et pleins de sollicitude pour éduquer des enfans terribles et malicieux. Il n’y a pas, en effet, deux pédagogies, l’une à l’usage des blancs, l’autre pour les hommes de couleur. Les missionnaires commencent par fixer les indigènes, s’ils sont nomades, affranchir les esclaves, instruire les ignorans et éclairer les victimes de la superstition. Puis, sachant que le travail est ennoblissant, ils s’efforcent de les habituer à un travail régulier, en stimulant leur apathie, soit par les fruits qu’il leur rapporte, soit par des primes attribuées aux meilleurs ouvrages. Il faut citer, dans cet ordre d’idées, les ateliers d’apprentissage, établis par les Pères du Saint-Esprit à Bagamayo (sur la côte de Zanguebar) et les écoles professionnelles ouvertes par les Missions protestantes à Lovedale. Ce travail amène peu à peu l’indigène à s’attacher à sa case et à son champ et à respecter la propriété du voisin. On développe ensuite l’amour de la justice et de la vérité, ces deux conditions de la vraie liberté. Tandis que la servitude et l’injustice d’un pouvoir arbitraire poussaient les indigènes au mensonge, à la ruse, souvent au crime, la liberté sous la loi engendre, comme premiers fruits, la véracité et la franchise. Or, ce ne sont là que les deux premières étapes de l’éducation du païen.

Il faut, en troisième lieu, l’exercer à combattre ses convoitises, et à corriger ses passions, qui sont ardentes chez cet adolescent et, pour cela, il faut tremper le ressort de sa conscience ; c’est à quoi la morale chrétienne est d’un service incomparable, car l’Évangile est la grande école d’abnégation. Dans la lutte contre la passion de l’alcool ou de l’opium, les missionnaires font appel, comme auxiliaires, à l’autorité civile ou à la discipline ecclésiastique. S’ils ont l’oreille du gouvernement, ils tâchent d’obtenir l’interdiction de la vente de l’opium et des boissons alcooliques ; par exemple, le mikado, sur leur demande, a prohibé l’importation de l’opium à Formose et Khama, le roi des Bamangvatos (tribu des Betchouanas), devenu chrétien, a supprimé tous les débits d’alcool dans ses Etats. Sinon, ils encouragent la formation de ligues contre l’alcool et contre l’opium, dont les membres s’engagent, par un vœu solennel, à s’abstenir de ces poisons délicieux. Et si, malgré tout, les ivrognes ou les opiomanes succombent, on leur refuse les sacremens de l’Église et on fait soigner les plus malades dans des hôpitaux spéciaux[4].

Il est plus difficile de combattre le libertinage et le concubinage, surtout dans les pays musulmans, dont la loi religieuse autorise la polygamie. Aussi les missionnaires commencent-ils par le plus urgent, c’est-à-dire par tenter d’abolir le dévergondage et la prostitution publique. C’est à cela que tendent les efforts d’un groupe d’Hindous et de Japonais, chrétiens ou subissant l’influence des missionnaires. Les premiers ont pris, à Madras en 1895, l’initiative du mouvement de presse et de conférences, connu sous le titre d’Anti-nautch-movement, et qui a pour but d’empêcher cette exhibition des courtisanes sacrées dans des fêtes nuptiales et des cérémonies publiques. Ils ont déjà réussi, avec l’aide du vice-roi des Indes britanniques, à les faire interdire dans ces dernières, mais pas encore dans les familles.

Nous apprenons qu’au Japon, où existe un usage analogue et où l’on fait même danser les djouros dans les cérémonies de rentrée d’écoles de musique de jeunes filles[5], une sérieuse réaction se produit contre cette coutume, qui accuse une étrange conception de la dignité de la femme. Les chrétiens de ce pays ont été plus heureux encore dans la campagne entreprise depuis 1890 pour abolir la prostitution légale. Ici, c’est l’Union de tempérance des femmes chrétiennes (W. C. T. U.) qui a pris l’initiative du mouvement. En 1895, ces dames obtenaient un premier succès : elles firent, par l’intermédiaire du Consul général du Japon à San Francisco, abolir le trafic des djouros en Californie. Enfin, en 1897, après avoir présenté sept années de suite au Parlement japonais une pétition tendant à supprimer la réglementation officielle de la débauche, elles virent leurs efforts couronnés par un vote de la Haute Chambre, qui consacra le principe de leur demande.

Ainsi, d’une manière générale, les missionnaires introduisent chez leurs néophytes des règles de propreté et d’hygiène, qui sont plus étroitement liées qu’on ne pense à la question d’ordre et de pureté morale. Quant aux tendances pessimistes ou morbides, qui mènent tant de fois au suicide, ils les combattent par le fait même qu’ils affranchissent les âmes des terreurs de la superstition ou du joug des passions en leur annonçant la « bonne nouvelle » du pardon, de la consolation et de l’espérance. Par cette éducation morale et religieuse, par ces vertus, qu’ils prêchent en général d’exemple, nos modernes apôtres forment des caractères virils, des hommes parfois remarquables, en tout cas supérieurs à la masse des païens indigènes.

En fait de spécimens, nous n’avons que l’embarras du choix. Pour prévenir le reproche de partialité, nous les emprunterons à des récits de voyageurs laïques. R. L. Stevenson nous dit[6]qu’il rencontra dans les îles Gilbert un Hawaïen, nommé Maka, qui se consacrait avec une grande abnégation à l’évangélisation des indigènes, dans cet archipel situé à 2 000 lieues de sa patrie. « C’était, dit-il, le meilleur type de héros chrétien que j’aie trouvé. Il alliait un caractère sérieux à une ardente énergie, qui brillait dans le feu de son regard. A le voir touchant à peine du bout de son fouet son cheval poussif ou soufflant avec persévérance un feu près de s’éteindre, on prenait de cet homme une leçon de courage et de persévérance. » Or, les ancêtres de ce Maka avaient été sans doute, il y a deux ou trois générations, des cannibales. Quant aux femmes, nous pourrions citer plusieurs de ces dames japonaises dont on vient de parler et des Chinoises, qui, émancipées de la réclusion dégradante où les maintenaient d’antiques traditions et relevées par la foi chrétienne, ont fait preuve des vertus les plus hautes. Mais elles ne paraissent pas encore à la hauteur de cette Ramabaï, fille d’un brahmane, qui naquit dans un ermitage forestier des Ghâts de l’Ouest, où son père s’était retiré avec sa femme (1858), et ne reçut d’abord d’autre livre de lecture que les Védas, dans le texte sanscrit. Elle fut mariée jeune suivant l’usage hindou ; devenue veuve, au bout de dix-neuf mois, elle compléta son éducation auprès des missionnaires, se fit chrétienne, et voyagea en Angleterre et en Amérique. Depuis, elle s’est fixée à Pouna et, tout en gardant certains traits distinctifs de sa caste, elle a fondé un asile pour veuves, et consacré toutes ses forces et son talent de conférencière à faire améliorer la condition des veuves, des pauvres recluses du zenana ou à donner des conseils judicieux pour l’éducation des jeunes filles[7].

Par ce que nous avons dit plus haut du dévergondage des mœurs, on peut se faire une idée de la dégradation de la famille païenne. Sauf en Chine, au Japon et en Birmanie, où le foyer domestique a pour ciment le respect des ascendans, le niveau moral de la famille est très bas. Même en Chine, le dédain qu’on a pour les filles[8]et le peu d’autorité dont jouit la mère, excepté lorsqu’elle est veuve, contribuent singulièrement à cet abaissement. Quoi d’étonnant, puisque la femme est privée d’instruction et de toute liberté légitime ? Elle est confinée soit dans le harem musulman, ou dans le zenana du Nord de l’Inde, soit dans les appartemens secrets de la maison chinoise, et là, incapable de lire, à peine capable de faire quelques ouvrages à l’aiguille, elle se livre à des conversations frivoles ou à des intrigues fomentées par la jalousie. Le régime auquel elle est condamnée depuis des siècles repose sur une conception utilitaire de son rôle, la reproduction de la race, et accuse la méfiance de l’homme à son égard. « Jour et nuit, dit la loi de Manou, il faut que les femmes soient maintenues dans la dépendance des hommes de la famille ; et, si elles s’adonnent à des jouissances sensuelles, il faut les soumettre au contrôle d’un seul. Les femmes doivent être gardées avec soin contre leurs mauvaises inclinations, si insignifiantes qu’elles soient ; sinon, elles causeront du chagrin à deux familles[9]. »

Que cette dégradation voulue de la femme soit la cause de toutes les misères de la famille et de la société hindoues, c’est ce que Rudyard Kipling a très bien vu, dans un de ses romans sur l’Inde : « L’enchevêtrement de maux, dont on souffre ici, dit-il, a pour principale cause le traitement dénaturé qu’on fait subir aux femmes. Tant que l’on maintiendra la coutume du mariage des enfans, qu’on interdira les secondes noces aux veuves, et qu’on fera subir aux femmes une réclusion quasi pénitentiaire, en les privant de toute éducation et des égards dus à une créature raisonnable, il est impossible que l’Inde fasse des progrès. La moitié de la société hindoue est dans une sorte de léthargie morale, et c’est justement celle dont on pourrait attendre un élan vers le bien. C’est là, et non pas dans la situation politique, que gît le mal. Les racines mêmes de leur vie morale sont pourries. Les hommes parlent de leurs droits et de leurs privilèges. Eh bien ! j’ai vu les femmes qui ont engendré ces hommes, et je m’écrie : Que Dieu pardonne à ces derniers ! »

Quels principes, en effet, quels sentimens voulez-vous que des mères, ainsi traitées, inspirent à leurs fils ? La mère païenne, hindoue, chinoise ou soudanaise, pourra faire une excellente nourrice ; elle saura défendre son enfant contre les brutalités d’un maître ou les griffes d’un fauve ; elle saura puiser dans son amour un courage héroïque, mais, quant à faire l’éducation intellectuelle ou morale de ses enfans, comment le pourrait-elle ? Elle-même est ignorante, elle n’a nulle conscience de sa mission éducatrice.

C’est à ces misères de la famille païenne que les missionnaires ont essayé de porter remède. Pour le faire, ils n’ont eu qu’à s’inspirer de l’Évangile, qui a relevé et ennobli l’idéal de la femme, en lui reconnaissant, comme à l’homme, une âme immortelle, et à suivre les traditions de la chevalerie, qui a exalté ce type admirable de la Vierge Marie, tenant dans ses bras le divin enfant, titre de noblesse de la femme !

Voici par quels moyens. Ils ont, avant tout, porté leurs efforts sur l’éducation des jeunes filles. Les sœurs de Saint-Vincent de Paul et les dames de Saint-Joseph (de Cluny) d’un côté, et, de l’autre, les femmes missionnaires anglaises ou américaines ont établi en pays musulman, en Syrie et en Hindoustan, en Chine, au Japon et jusque dans les îles lointaines de l’Océanie, des pensionnats de demoiselles indigènes. De la sorte, ces jeunes filles, soustraites de bonne heure aux influences d’un milieu vulgaire, quand il n’est pas déjà vicieux, sont imbues de la morale évangélique ; elles contractent des habitudes d’hygiène et des idées de pureté, qui, même quand elles restent dans la religion de leurs pères, leur servent plus tard de sauvegarde. Tels sont les pensionnats des Filles de la Charité à Constantinople et à Alexandrie, à Beyrouth et à Smyrne, dont nous avons vu de si beaux spécimens d’ouvrage au pavillon des missions catholiques, à l’Exposition de Paris en 1900. Tels sont les collèges de jeunes filles, ouverts par des Sociétés missionnaires à Scutari (près Constantinople), à Bombay, à Kioto (École Sainte-Agnès).

Une fois adultes, si ces jeunes filles ne se marient pas ou si après leur mariage elles deviennent veuves, on les encourage à former des associations, analogues aux « Enfans de Marie » ou aux Unions chrétiennes de jeunes filles, si fréquentes en pays anglo-saxons. Ces sociétés, tout en les préservant des distractions frivoles et entretenant chez elles un bon esprit, les aident à défendre leurs intérêts et ceux de leur sexe. On a vu tout à l’heure à l’œuvre l’une de ces Unions de femmes chrétiennes au Japon. Aux Indes, les missionnaires ont ouvert récemment à, Bombay un home spécialement destiné aux femmes hindoues, qui suivent les cours de l’Université. À ce point de vue, Bombay est mieux partagé que Paris et marche sur les traces de l’Université de Chicago. Ces établissemens d’instruction ont révélé chez les femmes chinoises et japonaises des aptitudes remarquables pour les sciences naturelles et la médecine. Les Hindoues, en revanche, se distinguent par leurs dons oratoires ou leur talent littéraire. Nous avons signalé plus haut l’action sociale bienfaisante exercée par la pundila Ramabaï ; nous mentionnerons encore Mme Krupabaï Satthianadan[10]et les deux sœurs Sorabji, issues d’une famille parsi et aujourd’hui converties au christianisme. L’une, Cornélie, après avoir pris son grade de licencié en droit à Oxford, s’est fait inscrire comme avocat au barreau de Calcutta ; l’autre, Alice, a obtenu la licence ès sciences. Mais, la plus remarquable est Mme Amandibaï Joshi qui, à peine âgée de 18 ans, partit pour l’Amérique, et qui, en 1886, obtint, elle la première femme hindoue, le grade de docteur de l’École de médecine pour dames à Philadelphie.

Dans les contrées non civilisées, comme au centre de l’Afrique, il ne suffit pas de relever la condition intellectuelle et morale de la femme, il faut reprendre par la base l’édifice de la famille et resserrer avant tout le lien conjugal, en le faisant consacrer par la religion ou par la loi civile. En effet, d’un foyer familial relâché et divisé il ne peut sortir que des chagrins pour la mère et l’abandon moral pour les enfans. C’est là ce que le cardinal Lavigerie, avec sa grande intelligence des choses coloniales, j’allais dire son génie civilisateur, avait compris de prime abord. Aussi lorsque, à la suite d’une famine et d’une épidémie de choléra, qui décimèrent la population de l’Algérie (1867), il eut recueilli des centaines d’orphelins arabes, leur fit-il donner une instruction agricole, en même temps qu’il leur inculquait les doctrines et la morale chrétiennes. Quand ils furent arrivés à l’âge adulte, il les maria à des orphelines, élevées dans les mêmes principes et, de ces couples d’Arabes chrétiens, il peupla les villages de Saint-Cyprien des Attafs et de Sainte-Monique[11]1868). Ces pupilles de l’archevêque d’Alger crûrent et se multiplièrent ; entre tous les autres villages, ils se firent remarquer par leur travail, leur moralité, et leur attachement à la France, de sorte que l’assimilation de ces indigènes a dépassé toutes les espérances. A l’autre extrémité de l’Afrique, dans le Zanguebar allemand, les Pères du Saint-Esprit ont fondé le bourg de Bagamayo, avec des ateliers pour les indigènes, et, non loin de là, ils ont peuplé le village de Saint-Joseph, avec des orphelins, rachetés de l’esclavage et éduqués par eux[12].

Hier encore, Mgr Leroy, le supérieur de cette congrégation de missionnaires, qui a passé lui-même de longues années dans l’Afrique occidentale, s’efforçait de consolider le foyer domestique des noirs. Il avait observé que le lien conjugal, chez ces peuples polygames, est des plus éphémères, à cause du droit de répudiation laissé au mari et que, partout, la situation des enfans est précaire. Car, en principe, après le départ de la mère, ils restent au père, comme chef de famille, et doivent être nourris par lui, et risquent fort, surtout les filles, d’être maltraités par les autres épouses qui ont gardé la faveur du maître. D’autre part, les formalités assez compliquées de notre code et surtout l’absence d’état civil, empêchaient en général les indigènes de recourir au mariage civil. Frappé de ces inconvéniens et après s’être assuré du concours de nos résidens au Gabon et au Congo, Mgr Leroy consulta l’éminent et regretté avocat général à la Cour de Cassation, feu M. Arthur Desjardins et, avec son aide, il réussit à organiser une forme de mariage simplifiée, qui permettra désormais à nos protégés de contracter des unions plus stables, au plus grand avantage de la famille.

Mais ce qui, plus que les meilleures lois et les écoles professionnelles les mieux outillées, aide à propager chez les indigènes un idéal familial supérieur, c’est, dans les stations protestantes, le spectacle de la famille du missionnaire. Et ici, nous sommes heureux de céder la parole à l’abbé P. Pisani : « Un type que nous ne connaissons pas, dans nos missions, dit-il, c’est le missionnaire marié et père de famille. On dit souvent qu’une des raisons qui démontrent l’avantage du célibat ecclésiastique, c’est l’impossibilité où l’on serait de trouver des missionnaires parmi les gens mariés. Or cet argument paraît aujourd’hui contredit par des faits certains : sur 6 000 missionnaires protestans, 2 000 sont mariés et, pour la plupart, élèvent dans leurs missions les enfans qui y sont nés et parmi lesquels, hélas ! la mort fait d’impitoyables ravages… Aux cent trente-quatre victimes que les missions protestantes ont perdues, et dans les derniers troubles de Chine, il faut ajouter cinquante-deux enfans égorgés avec leurs parens ou, sort plus affreux, réduits peut-être en servitude. Si affligeantes que soient ces considérations, il n’en est pas moins vrai que les femmes de missionnaires enseignent aux païens et aux païennes les devoirs de la femme chrétienne, pour le gouvernement de la maison et l’éducation de la famille[13]. »

Et j’ajouterai que cet exemple de familles chrétiennes, où tous s’entr’aiment et s’entr’aident, dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, est nécessaire pour contre-balancer le mauvais effet produit par la conduite d’autres catégories d’Européens. Il arrive, en effet, trop souvent, que les marins et les traitans, les résidens ou les chefs de poste ou de factorerie « vivent à la turque », imitant les mœurs des indigènes et, qui plus est, ne respectant même pas leurs usages et leur enlevant leurs filles, sans en payer le prix. C’est là la cause de bien des rancunes qui, après s’être accumulées, éclatent souvent en révoltes. Au contraire, les indigènes sont sensibles aux exemples de vertu et de dévouement donnés par ces époux missionnaires, qui, loin de se confiner dans un bien-être égoïste, s’intéressent à leur sort et sacrifient leur repos et risquent parfois leur vie pour les soigner eux-mêmes en temps d’épidémie. Malgré leurs préjugés et leur méfiance contre les blancs, leur cœur, — cette faculté identique à travers la diversité des races, — est touché par tant d’abnégation et tant de beauté morale. Et, une fois le cœur pris, la place est conquise et la sainte cause de la famille est gagnée auprès du païen le plus récalcitrant !

On peut, maintenant, se faire une idée assez juste de l’état social du monde païen. Il faut bien en rabattre des tableaux idylliques, que Daniel de Foë, Bernardin de Saint-Pierre et les disciples de Jean-Jacques. Rousseau ont tracés de ces bons sauvages. A les entendre, on aurait cru qu’ils menaient une vie paisible, se nourrissant des fruits que la terre, en mère généreuse, leur offrait en abondance, et se reposant, après un facile travail de la journée, en dansant, au clair de lune, des rondes joyeuses ! Combien différente est la réalité ! Elle ressemble à un enfer plutôt qu’à ce paradis terrestre. En Afrique, comme en Océanie, c’est la loi du talion qui gouverne de son sceptre de fer le monde païen. La guerre sans trêve et sans merci, la guerre à mort sévit, en permanence, entre les peuples, entre les tribus et jusqu’entre les dans et les familles ennemies. Et, après la victoire, on immole les prisonniers ou bien on les engraisse pendant quelques semaines, pour en faire un repas de cannibales et on réduit les femmes et les enfans en servitude. Voici le témoignage d’un chef Cafre : « Avant que l’Evangile fût annoncé chez nous, nous étions comme des bêtes féroces. Nous ne rêvions que guerre et boucherie. Chacun s’insurgeait contre son voisin, chacun attentait à la vie de son semblable. » Les guerres féodales du moyen âge et la « vendetta » corse nous donnent une image affaiblie de cet état de choses.

C’est à ces peuples belliqueux et vindicatifs, que les missionnaires chrétiens font entendre les paroles de paix : « Pardonnez les offenses, afin que le Père céleste vous pardonne aussi les vôtres. — Aimez vos ennemis — Bénissez ceux qui vous maudissent. » A la loi du talion, ils opposent la loi du pardon et, joignant l’exemple au précepte, ils se sont souvent entremis, comme arbitres, entre des tribus sur le point d’en venir aux mains et ont réussi à prévenir l’effusion du sang. Par exemple M. Ad. Jalla, de la mission évangélique de Paris, il y a quelques années, intervint auprès des Ba-Rotsi du Haut Zambèze et réussit à les empêcher de livrer bataille à une tribu ennemie.

Après la guerre et les vendettas de tribus, les deux pires fléaux des nations païennes et de la société musulmane sont l’esclavage et la traite, d’autant plus qu’ils y sont autorisés par la religion. Il est vrai, pour être juste envers l’islamisme, que ce sont des puissances chrétiennes qui ont créé la traite et l’ont pratiquée, à leur profit, pendant trois siècles et demi. On sait, en effet, que c’est à la fin du XVe siècle qu’Henri le Navigateur, infant de Portugal, dirigea sur la côte de l’Or la première expédition, destinée à ramener des travailleurs nègres. A l’exemple des Portugais, Espagnols et Hollandais, Français et Anglais pratiquèrent à l’envi cet abominable trafic, qui ne fut aboli par la France qu’en 1828. L’esclavage le fut à son tour, dans toutes nos colonies en 1848. Le Congrès de Berlin (1885) et la Conférence de Bruxelles (1890) manifestèrent la volonté unanime de l’Europe d’abolir définitivement la traite en Afrique. Mais, malgré ces défenses solennelles, malgré les sanctions attachées à ces édits, malgré la vigilance de la France, de l’Angleterre pour saisir les marchands d’esclaves sur terre ou sur mer, la traite existe encore, forcée sans doute de prendre des voies obliques, de mettre un masque pour tromper la surveillance, mais se pratiquant encore sur une grande échelle. Et la cause de la persistance de ce fléau invétéré est simple : c’est qu’il y a encore des marchés d’esclaves en pays musulman : au Maroc, à Tripoli, à Mascate et, faut-il l’avouer, dans les îles portugaises de San-Thomé et de Principe[14] ? Or tant qu’il y aura des acheteurs d’esclaves, il se trouvera des vendeurs, pour se pourvoir de marchandise humaine, dans ce grand et inépuisable entrepôt, qui s’appelle le Soudan et le centre oriental de l’Afrique. On connaît les routes suivies par les traitans, qui sont en général des Arabes, mais souvent des métis portugais, plus cruels encore. Un missionnaire, agent de la mission Arnot au centre africain, dans un voyage effectué, en juillet 1902, de Bihé (Benguela oriental) vers l’Ouest, en rencontra à Peho, sur le territoire de l’Etat libre du Congo : « Il y a ici, écrivait-il le 20 juillet, six caravanes d’esclaves, chacune ayant à sa tête un chef, portant le drapeau portugais et poussant, comme un troupeau, des nègres attachés l’un à l’autre. Non seulement, c’est un triste spectacle de voir ces esclaves liés au moyen de courroies de cuir, par escouades de cinq ou six et chacun portant sur son dos des charges d’ivoire ou de caoutchouc ; mais, chose plus affreuse, la variole a éclaté parmi eux et les décime. Les gens de Bihé cachent leurs morts dans le campement, plusieurs de ces derniers portent des blessures de balles reçues pendant l’expédition et une pauvre fille de Bihé est devenue folle, à la suite des horreurs dont elle a été témoin[15]. »

Ce sera l’éternel honneur des missionnaires chrétiens, d’un Las Casas au Mexique, des Quakers en Pensylvanie et des Moraves dans les Antilles danoises, d’avoir les premiers élevé la voix contre ces traitemens barbares infligés aux indigènes. Livingstone entre autres, quand il explorait le bassin du Haut-Zambèze, en allant jusqu’à la pointe Sud du lac Nyanza, à Mbamé, eut plusieurs fois le courage de briser de sa propre main le joug de ces captifs, au risque de s’exposer à des représailles. Et, jusqu’à son dernier soupir, il n’a cessé de dénoncer, dans ses rapports à la Société des missions ou à la Société de géographie, cette plaie béante, ce chancre du centre Africain. Le bon combat contre la traite, engagé par lui, a été continué par les missions des Universités anglaises, par M. H. Châtelain dans la région des Lacs et, dans le bassin du Zambèze, par M. Coillard de la Mission évangélique de Paris.

A l’autre extrémité de l’Afrique, le cardinal Lavigerie, après avoir nettoyé de cette lèpre sociale le « hinterland » de l’Algérie et de la Tunisie, fondait sa Compagnie des Pères blancs, pour réprimer la traite plus loin vers le centre. Fort de l’approbation de Léon XIII, et après avoir adressé une lettre éloquente aux souverains de l’Europe, il alla lui-même, nouveau saint Bernard, prêcher dans les capitales la sainte croisade contre les marchands d’esclaves. Ses appels furent entendus et, secondé par les sociétés anti-esclavagistes de Londres, de Paris et de Rome, il obtint la réunion de la Conférence de Bruxelles (1889). Elle eut pour conséquence l’abolition de l’esclavage à Madagascar (1896) par notre résident général M. Laroche, et à Zanzibar et Pemba, par le sultan, à l’instigation du gouvernement britannique (6 avril 1897).

Ce n’est pas tout d’avoir combattu et à peu près vaincu la traite, d’avoir, partout où s’étend l’action militaire de la France, interdit le massacre des captifs de guerre, il fallait encore ouvrir un asile aux esclaves fugitifs, qui ont réussi à échapper à des maîtres durs et impitoyables, et leur procurer des moyens d’existence. C’est à ce besoin que pourvoient les villages de liberté. Nous avons dit, ici même[16], comment nos officiers français, les colonels Archinard et Galliéni, fondèrent les premiers de ces refuges dans le Haut-Sénégal et au Soudan (1887-1895). Les missionnaires catholiques continuèrent l’impulsion donnée. On doit aux Pères du Saint-Esprit la fondation des villages de Dinguira et de Makandiambougou près Kita, au Soudan, ceux de Sainte-Anne de Fernan-Vaz et de Sainte-Elisabeth, au Gabon. Ces mêmes religieux ont peuplé les bourgs de Kayes et de Kita (Haut Sénégal) d’enfans esclaves, rachetés. A leur tour, les Pères Blancs ne restaient pas en arrière de cette œuvre civilisatrice ; ils formaient le village de Segou-Sikoro avec 50 esclaves, délivrés par nos soldats (1896) et ouvraient des ateliers pour les nègres affranchis dans leurs stations de Bouyé, de Kita et de Timbouktou. Auprès d’eux, les « Sœurs blanches » organisaient des refuges similaires pour les négresses[17]. En dernier lieu, deux villages de liberté ont été fondés par les vaillans enfans du cardinal Lavigerie ; l’un d’eux a été baptisé du nom de Saint-Henri, en l’honneur du vénéré président de la Société anti-esclavagiste de France, M. Henri Wallon (1900).

De leur côté, les missions protestantes avaient fondé la colonie de Libéria, pour rapatrier des esclaves affranchis et qui végétaient en Amérique, et l’asile de « Freretown » (près Mombasa), pour des nègres fugitifs.

On sait la façon dont la plupart des rois africains traitent leurs prisonniers de guerre ; ils font décapiter tous les hommes valides et les vieillards, ne gardant pour la servitude que les adolescens et les femmes. C’est ce qui a fait dire que l’esclavage était la première atténuation du droit de la guerre, si tant est que la mort ne vaille pas mieux que le sort infligé à ces captifs ! Le mépris de la vie humaine est le trait distinctif et commun à toutes les nations non chrétiennes, qu’elles soient plus ou moins civilisées. À ce point de vue, la Chine ne vaut guère mieux que le Vieux Calabar ou le Dahomey. Mais, il y a pis encore. Un grand nombre de tribus sauvages ne se contentent pas de tuer les vaincus, elles les mangent. Que dis-je ? Il y en a, comme les Maoris (de la Nouvelle-Guinée), ou certains nègres du Congo (entre le Lualaba et le Lomani), qui les engraissent pendant plusieurs semaines, pour leur faire une chair plus succulente. Le cannibalisme est une pratique très répandue dans le monde païen, depuis l’Amérique centrale, en traversant l’Afrique, jusqu’en Océanie. Lorsque John Williams, évangéliste de la Société de Londres, débarqua pour la première fois à Rarotonga (îles Tahiti) (1823), il y trouva des anthropophages et, après dix ans de travail, il les avait convertis en chrétiens pacifiques. Ce sont des missionnaires de toute confession, qui ont aboli cette coutume aux Iles Sandwich (Hawaï), et aux Marquises, aux Iles Hervey, à Samoa, aux Nouvelles-Hébrides, à la Nouvelle-Guinée. Le pasteur Lengereau, aumônier à Nouméa, qui a résidé quelque temps à Maré, une des îles de l’archipel Loyalty, a raconté[18]comment au bout de trente-quatre ans, par la seule action morale de l’Évangile, on était parvenu à abolir le cannibalisme dans ce même archipel de Loyalty, où J. Williams avait été massacré et dévoré en 1839. Mais nulle part la métamorphose ne fut plus radicale qu’aux îles Fidji : à Mbaou, l’une de ces îles, la pierre même qui servait aux sacrifices humains a été creusée et est employée aujourd’hui comme fonts de baptême[19]. Au pays des Achantis et au Vieux Calabar, on immolait des centaines d’esclaves, sur la tombe du roi défunt ou à l’époque de certaines fêtes nationales. Les missionnaires ont toujours demandé et obtenu parfois la grâce des victimes, à prix d’argent ; c’est à leur instigation que lord Rentink, vice-roi des Indes, a aboli les sacrifices humains, qui étaient en usage chez les Khonds de l’Orissa.

Les procédés bien connus de la justice en Turquie, en Perse ou au Maroc ne donnent qu’une faible idée de la procédure criminelle chez les peuples non civilisés. Elle est, en général, abandonnée à l’arbitraire du chef de la tribu, quand elle ne dépend pas de la fantaisie du sorcier. Dans la plupart des cas, on ne se met guère en peine de découvrir le vrai coupable ; on se contente du moindre indice, des présomptions les plus vagues. C’est déjà un petit progrès, lorsque le juge indigène a recours à certaines épreuves, pour le reconnaître, mais ces dernières sont aussi peu rationnelles, que les combats judiciaires au moyen âge. Les Aïnos (Japon) recourent à l’eau, les Khoïs (Hindoustan), à l’huile bouillante ; on force le prévenu à y plonger le bras, quelquefois une partie du corps. S’il en sort intact, il est réputé innocent, sinon, il est convaincu du crime dont on l’accuse. En Afrique, on fait avaler au prévenu une décoction d’un végétal vénéneux, et suivant que le patient se montre réfractaire ou sensible à l’effet du poison, il est acquitté ou condamné. Rien que dans l’île de Madagascar, le Révérend Ellis a évalué à 3 000 par an le chiffre des victimes de cette pratique stupide. Elle a d’ailleurs été abolie par le gouvernement hova, sur les instances des missionnaires anglais, ainsi d’ailleurs que la traite. C’est sur les conseils du pasteur Coillard que le roi Levanika a interdit cette épreuve par le poison chez ses sujets les Ba-Rotsis[20].

Au Congo belge, le roi Léopold a fait nommer une commission pour la protection des indigènes (1896) ; ce comité, composé en grande partie de missionnaires, a pour but d’abolir les sacrifices humains et les épreuves judiciaires. De son côté, le vice-roi des Indes anglaises y a supprimé ou tend à supprimer dans les pays tributaires, par exemple en Birmanie, les suttis, les tortures préliminaires au jugement et les châtimens barbares. Le Japon, depuis une vingtaine d’années, s’est montré digne de prendre rang parmi les nations civilisées, en abolissant les supplices infligés au coupable et en améliorant l’état sanitaire des prisons et la condition morale des détenus. Le gouvernement du mikado, sur les avis du Révérend Berry, a autorisé les missionnaires chrétiens à essayer la cure d’âmes sur les criminels ; il a créé, — chose inconnue en Europe, — une école normale de geôliers, a institué le groupement des prisonniers suivant le sexe, l’âge et la nature du délit, et enfin organisé à Okohama un home pour les libérés. La prison de Hokkaïdo, de l’aveu d’hommes compétens, peut être citée comme un modèle, même à des réformateurs américains. Au contraire, la Chine et la Corée, où l’influence des missionnaires est à peu près nulle, se sont montrées réfractaires à cette humanisation du régime des prisons.

La malpropreté physique, disions-nous, à propos de l’Hindoustan, est très souvent l’indice de l’impureté morale et de la débauche. D’après cela, ce pays, la Chine et l’Arabie devraient être classés au dernier échelon de la moralité, comme aussi de l’hygiène.

On sait d’ailleurs que la négligence des règles élémentaires de l’hygiène est la principale cause des épidémies de choléra, de peste, et des maladies cutanées, en particulier de la lèpre, qui sévit encore au Nord de l’Inde, en Océanie, à Madagascar. Qu’on ajoute à cela les recettes des médecins indigènes, qui ressemblent beaucoup aux formules de nos charlatans, et l’on se figurera dans quel état pitoyable se trouvent les malades atteints d’affections graves dans ces pays. La plupart succombent ; chez les autres, le mal devient chronique et les malheureux contaminent leur entourage. Ainsi en est-il des ophtalmies en Égypte et en Syrie et de la lèpre en Palestine et en Chine. Quant aux femmes malades, leur situation est pire encore ; car, en vertu du système de réclusion auquel elles sont soumises, aucun médecin ne peut avoir accès jusqu’à elles.

C’est dans ce domaine de l’hygiène et de la médecine que s’est manifesté, de la façon la plus admirable, le génie de la mission chrétienne. Non seulement les évangélistes ont, par leurs avis et par l’exemple de leur propre famille, introduit et propagé les règles de la propreté et de la prophylaxie, mais encore ils ont organisé l’assistance médicale partout où elle faisait défaut[21]. Suivant l’exemple des évêques catholiques et des ordres hospitaliers, au moyen âge, les missionnaires de toute confession, Pères Blancs et missionnaires américains, Filles de la Charité et diaconesses de Kaiserswerth ont fondé à l’envi des hôpitaux, établi des dispensaires, recueilli des vieillards infirmes, qui, naguère, en Afrique, étaient abandonnés à la dent des fauves, ou des enfans trouvés, dont la plupart sont, en Chine, voués à la mort ou à la prostitution. Ils ont prouvé, par-là, le cas que le croyant fait, non pas seulement de la vie du corps, mais de l’âme immortelle qui y est comme enveloppée et doit, à l’école de la douleur et de l’Evangile, développer sa vie divine. Aux missionnaires écossais, américains et allemands revient le mérite d’avoir formé un corps nombreux et bien préparé de doctoresses, d’infirmières et de diaconesses, qui puissent pénétrer dans les harems ou les zenanas et y porter, avec les consolations de l’Évangile, les secours d’un art médical digne de ce nom. il convient de louer ici lady Dufferin, veuve de l’ancien vice-roi des Indes anglaises, qui a créé, en ce pays, les premiers dispensaires pour femmes.

Mais c’est surtout dans les soins donnés aux lépreux que s’est révélé avec éclat l’esprit de sacrifice, dont je ne dirai pas que la foi chrétienne ait le monopole, mais qu’elle sait enflammer dans les cœurs les plus incultes. Ce sont les Frères Moraves qui en ont pris l’initiative au XIXe siècle. Dès 1822, le Frère Leitner et sa femme ouvraient le premier asile de lépreux en Afrique, à Hemel en Aarde (colonie du Cap) ; ensuite, ils en ont ouvert un autre dans la Guyane hollandaise et, depuis 1881, ils ont pris la direction du célèbre asile de Jesus-Hilfe à Jérusalem, fondé une douzaine d’années auparavant par la baronne de Keffenbrink. A Madagascar, Mgr Cazet et les Pères Jésuites ont établi deux léproseries[22] ; la Société des missions de Londres en a également deux, dont l’une a reçu le nom touchant de « Village de l’espérance » (Ambohimiandrosoa), et un cinquième asile est administré par les missionnaires norvégiens. Aux Indes anglaises, où il n’y a pas moins de 119 044 lépreux (recensement de 1891), c’est W. Carey, missionnaire près de Calcutta, qui, après avoir vu brûler vif un lépreux, de peur qu’il ne contaminât ses voisins, conçut le projet d’ouvrir pour eux des asiles (1812).

Dans d’autres provinces de l’Inde, on les enterrait vivans. L’idée de W. Carey fut reprise par les Sociétés de missions allemandes (Mission Gossner), anglaises (Church Mindinary Society) et américaines (Presbytériens et Méthodistes épiscopaux), qui établirent des léproseries successivement à Pouroulia (Bengale), Ambala, Chandag (Himalaya). Depuis 1814, c’est la Société fondée par l’initiative d’un Écossais, M. W. C. Bailey, sous le titre de La mission chez les Lépreux, qui, en groupant tous les efforts en faveur de ces incurables, a décuplé les ressources et multiplié les asiles. Elle en entretient ou subventionne cinquante, dont quarante-deux aux Indes et en Birmanie, six en Chine et deux au Japon. Bien plus, mettant à profit une récente découverte de la médecine, à savoir que la lèpre n’est pas héréditaire, elle a établi quatorze asiles-écoles, pour les enfans de lépreux non contaminés[23].

Mais il faut citer deux héros de ce dévouement aux lépreux. Saint François d’Assise a trouvé un imitateur dans le Père Damien, le consolateur des lépreux, relégués dans l’île Molokai par le gouvernement des îles Hawaï. L’intrépide Picpucien, après les avoir soignés et évangélisés pendant plus de quinze ans, prit la lèpre et mourut après un long martyre. Sa tâche a été reprise, sans hésiter, par les sœurs Franciscaines, qui l’avaient déjà secondé dans son œuvre[24]. Piquée d’émulation par cette charité héroïque, miss Reed, une jeune Américaine, après avoir travaillé plusieurs années à l’œuvre des zenanas, quittait son foyer de l’Ohio et allait s’établir, seule avec une femme de chambre lépreuse, à Pithoagarh, près Chandag, sur un des contreforts méridionaux de l’Himalaya, pour se consacrer à un groupe de lépreux établi tout près de là (1890). Elle avait, certes, fait le sacrifice de sa vie. Eh bien ! grâce à une hygiène et une antisepsie rigoureuses, il paraît, d’après ses dernières nouvelles, qu’elle est, au bout de douze ans, sortie indemne de cette périlleuse expérience.

Après cet exposé des résultats obtenus par les missions chrétiennes de toute confession, dans le domaine des sciences et de la morale, de la famille et des relations internationales, nous espérons que tout lecteur impartial verra tomber la plupart de ses préventions et avouera qu’elles venaient en partie de l’ignorance des faits, en partie du préjugé. Que les missions étrangères, depuis trois ou quatre siècles qu’elles sont organisées, aient rendu des services à la géographie et à la linguistique, combattu et souvent vaincu les fléaux qui désolent l’humanité, et contribué à former des types d’individus plus nobles, des familles plus unies et des relations entre les peuples plus fraternelles, cela paraîtra sans doute démontré.

« Mais, dira-t-on, tout cela n’empêche pas que les missionnaires ne soient des hommes compromettans, des enfans terribles, qui, par leur zèle convertisseur, provoquent les révoltes chez les indigènes, ou bien, par leurs réclamations, à la suite de dommages causés à leurs stations par la réaction violente des païens, entraînent la mère patrie dans des conflits sanglans. En d’autres termes, comme on l’a dit récemment au Parlement, n’oublions pas que « le plus sûr agent de la guerre, c’est le missionnaire[25]. »

Nous concédons, tout d’abord, qu’il y a eu sans doute des imprudences, peut-être même des fautes graves commises par certains chefs de mission qui, dans des cas particuliers, étaient plutôt les instrumens de la politique du gouvernement de leur pays que les imitateurs des apôtres. Mais ce ne sont là que des exceptions, des abus imputables à la faiblesse humaine, et dont il serait injuste de rendre responsables tous les missionnaires. Il faut se garder de généraliser les faits particuliers et, envisageant les choses de plus haut, nous allons essayer de remonter à la source de ces abus.

Ici, nous rencontrons le problème, très délicat, des rapports des missionnaires avec le gouvernement de leur pays, spécialement dans la politique coloniale. Le principe que ceux-ci ne doivent jamais perdre de vue et qui doit servir de règle à tous leurs actes, c’est qu’ils sont, avant tout, les ambassadeurs de Jésus-Christ, le prince de la paix, et que, partout, ils doivent planer bien au-dessus de tous les partis, de tous les mesquins intérêts de comptoir ou de plate-forme électorale. Cela posé, le missionnaire a deux attitudes à prendre vis-à-vis de son pays. Ou bien il se considérera comme le pionnier d’une entreprise coloniale, comme l’avant-garde du protectorat ou de la conquête, et alors il s’efforcera par tous les moyens d’obtenir pour ses nationaux, dans la région qu’il habite, des avantages pour leur négoce et des privilèges ou immunités judiciaires, et en cas de contestation, il en appellera tout de suite au consul de son pays. Si le consul ne réussit pas à obtenir gain de cause des autorités indigènes, il provoquera l’intervention de l’amiral ou du général, qui imposera par la force une indemnité pécuniaire, des privilèges pour le missionnaire, ou même une concession de terrain.

Ou bien il s’abstiendra avec soin de toute opération commerciale et de toute intrigue politique, se contentant d’user de son autorité personnelle pour protéger les Européens ; il s’efforcera d’inspirer aux indigènes le respect, l’admiration, l’amour pour son pays, en donnant l’exemple de la vertu, de la loyauté, du désintéressement ; enfin, il leur fera connaître sa langue, les héros de son histoire nationale et les chefs-d’œuvre de sa littérature : en un mot, il n’usera que d’une influence morale, religieuse, civilisatrice au profit de sa patrie.

De ces deux conduites, on devine sans peine les effets fort différens produits sur les indigènes. La première a des résultats funestes, au point de vue de la paix et de la civilisation. Sans doute elle peut, d’abord, rapporter quelques profits commerciaux et politiques, mais ces avantages sont chèrement achetés au prix d’injustices, de représailles sanglantes, et de rancunes accumulées dans le cœur des païens et qui les rendent désormais sourds à toute prédication chrétienne, parce que, pour eux, elle est devenue synonyme d’immixtion et de conquête étrangère. On pourrait multiplier les exemples de cette mauvaise méthode : il suffira de citer l’intervention du gouvernement français dans les affaires de Tahiti[26] , celle de l’Angleterre et ses alliés à Samoa ou aux Philippines, et celle de l’Empire allemand en Chine, qui commença par l’occupation de Kiaou-Tcheou pour finir par l’assassinat du ministre d’Allemagne et le siège des légations à Pékin[27].

Les effets de la seconde, en revanche, sont bienfaisans et profitent aussi bien à la nation à laquelle appartiennent les missionnaires qu’à l’humanité civilisée. C’est ainsi que les Frères Moraves, par leur dévouement vraiment apostolique et par l’exemple du travail manuel, ont fait aimer l’Allemagne chez les nègres des Antilles, comme chez les Esquimaux du Labrador. Les Pères de Picpus ont, de même, fait aimer la France aux Iles Marquises et aux Iles Sandwich ; les frères de Ploërmel en ont fait autant chez les nègres du Sénégal ; les Pères du Saint-Esprit, au Congo et au Soudan, et les Pères Blancs, en Algérie et dans l’Afrique équatoriale.

Mais deux sociétés missionnaires, entre toutes, nous semblent avoir su bien concilier leur devoir d’apôtres avec leurs obligations patriotiques : ce sont les agens de la Mission évangélique de Paris, d’une part, et, de l’autre, les prêtres de la Mission et les Filles de la Charité. Parmi les premiers, Charles Viénot, mort en 1903, mérite une mention spéciale pour avoir, par un labeur de trente-sept ans, fondé et dirigé les écoles françaises à Tahiti et à Moréa. Lui et ses collègues ont pu faire respecter le nom de Français comme synonyme de loyauté, même dans les pays qui échappaient à notre influence ; d’autres sont en train de faire la conquête pacifique des Malgaches. Quant aux dignes enfans de saint Vincent de Paul, partout où ils ont exercé leur ministère de charité, l’instruction et d’évangélisation, ils ont contribué au bon renom de la France et maintenu son prestige, sans se mêler aux affaires politiques. J’ai dit, dans cette Revue, comment, par les rédemptions d’esclaves et par la manière dont ils ont rempli les fonctions consulaires dans les États barbaresques, les Lazaristes avaient préparé les indigènes d’Algérie à accepter la domination, et ceux de Tunis, à accepter le protectorat de la France[28]. Faut-il rappeler qu’ils furent les premiers, avec des marins huguenots, à planter le drapeau de la France près de Fort-Dauphin et qu’ils arrosèrent de leur sang cette terre de Madagascar ? Faut-il énumérer les services qu’ils rendent aux Antilles, en Chine, en Indo-Chine et à la Nouvelle-Calédonie, comme prêtres coloniaux, aumôniers du pénitencier, et enfin missionnaires auprès des Canaques ? Je signalerai, surtout, leur ministère au Tonkin, où, tout en prêchant l’Evangile aux bouddhistes, ils ont réussi à resserrer les liens qui unissent les Annamites à la France. Ce fait nous a été attesté par un médecin de marine protestant, M. W. de la Quesnerie, mort en 1901, qui avait plusieurs fois résidé dans l’Annam et vu à l’œuvre Mgr Puginier. Et, si cela ne suffisait pas, voici le témoignage d’un autre écrivain militaire : « Le changement de religion, a écrit M. L. de Grandmaison, est le plus important des facteurs de transformation sociale. Un indigène converti par des missionnaires français est aux trois quarts Français, car il a donné à notre civilisation le gage le plus profond d’attachement qui existe. » Ces deux témoins laïques donnent un grand poids à l’assertion de Mgr Puginier, dont Paul Bert, comme gouverneur général, put apprécier le concours dévoué : « Tout païen qui se fait chrétien, a-t-il dit, devient en même temps un ami de la France. Il suit de là que, plus le nombre de chrétiens annamites augmentera, plus la France comptera d’amis dans ce pays. Le nombre des adversaires diminuera dans la même proportion et les révoltes contre notre protectorat ne seront plus à redouter. On ne soupçonne pas l’influence bienfaisante exercée par quelques poignées de chrétiens, perdus au milieu des païens comme des sentinelles avancées. Ils parlent en bonne part de la France et détruisent une foule de préjugés. »

Qui dira les bénédictions qu’a values au nom de la France le dévouement de nos Sœurs de Charité, soit dans les orphelinats et pensionnats de jeunes filles à Constantinople, à Beyrouth et à Alexandrie, soit dans les hôpitaux d’Egypte ou de Syrie ? Les Sœurs Franciscaines à l’île Molokaï et en Chine, les Sœurs Blanches en Afrique, les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny en Océanie, ne sont pas moins dignes d’admiration ; ces dernières, entre autres, ont mérité un bel éloge de l’amiral Courbet.

Visitant un jour, l’école de jeunes filles de Saint-Louis, à Nouméa, tenue par elles, il accepta l’offre de la supérieure de faire faire la dictée à la première classe, et voici le texte qu’il improvisa : « Lorsque les missionnaires, dit-il, arrivèrent à la Nouvelle-Calédonie, il a fallu toute la persévérance et l’énergie que donne la confiance en Dieu pour leur faire affronter des périls continuels. Quelques-uns y ont perdu la vie, mais ils ont emporté en mourant la ferme espérance du triomphe de la civilisation chrétienne, que nous constatons aujourd’hui avec bonheur. » Il y eut plusieurs copies sans faute de jeunes filles indigènes. L’amiral, se tournant alors vers ses officiers, s’écria : « Que le député qui vient de déclarer à la Chambre que nos missionnaires n’enseignent pas le français vienne donc visiter leurs écoles, avant d’en parler ! » — On croirait ces lignes écrites d’hier, en réponse aux accusations d’autres députés, tout aussi mal informés.

Après cet hommage rendu par le héros de Fou-Tchéou aux écoles de nos missionnaires en Extrême-Orient, nous n’ajouterons plus que deux mots. Il est évident que la plupart des préjugés qui règnent contre les Missions étrangères sont nés de l’ignorance ou du parti pris. Les fautes commises par quelques-uns, et que nous n’avons pas dissimulées, — que le colonial qui est sans reproche leur jette le premier la pierre ! — ne sont qu’une quantité négligeable, auprès des services éclatans rendus par eux à la cause de la science, des bonnes mœurs et de l’humanité. Et nous avons le droit de dire, en retournant le mot cité plus haut : « Le plus sûr agent de civilisation, c’est le missionnaire ! »

Il y a plus : entre missionnaires et marins, entre résidens et négocians qui poursuivent là-bas, par-delà les mers, à l’ombre du drapeau tricolore, le même but civilisateur, bien que par des voies différentes, l’entente est facile, elle se fait toujours d’ailleurs à l’heure du danger. Ils n’ont qu’à se souvenir de la France, cette patrie de saint Vincent de Paul, d’Oberlin et de sœur Rosalie, et à se dire qu’elle n’a jamais été plus forte que lorsqu’elle était unie, ni plus glorieuse que lorsqu’elle faisait rayonner sur le monde, par les arts de la paix, son clair génie, fait de justice, de sympathie pour les opprimés, et de générosité !


GASTON BONET-MAURY.

  1. Voyez la Revue du 1er avril.
  2. Abbé Raynal, Histoire philosophique du commerce des Européens dans les deux Indes, Paris, 1770.
  3. Il y a 12 000 de ces deva-dasi dans la seule province de Madras. Voyez Dennis, Christian Missions and Social Progress, Chicago, 1899, 2 vol. in-8o, II, p. 145, notes 1 et 2.
  4. La ligue contre l’opium, fondée à Chang-Haï, sous la présidence du Révérend H. -C. du Bose, a non seulement favorisé partout des sociétés d’affiliés, mais fondé des hospices pour les fumeurs d’opium dans une douzaine des principales villes de la Chine.
  5. G. Burghard, le Japon d’aujourd’hui, Revue Bleue, 21 juillet 1900.
  6. R. -L. Stevenson, In the South-Seas, p. 230.
  7. Voyez Pundila Ramabaï Saravasti. The high caste hinduwoman, Philadelphie, 1887, et aussi Dennis, ouvrage cité, II, p. 244 et suivantes.
  8. Dans la province de Fou-Kien, on tue 40 pour 100 des petites filles à leur naissance. En Polynésie, avant l’arrivée des missionnaires, on en faisait disparaître 60 pour 100. Enfin, dans l’Afrique centrale, l’infanticide d’un des jumeaux est de règle.
  9. Un brahmane, répondant à un missionnaire, à la fin du XIXe siècle, formulait la même opinion dans l’antithèse suivante : « Au milieu de la diversité de nos croyances et de nos rites, il y a deux points sur lesquels nous sommes tous d’accord : la sainteté de la vache et la dépravation de la femme. »
  10. Voyez l’article de Mlle Menant sur une romancière hindoue. Revue chrétienne, novembre 1897.
  11. Abbé F. Klein, le cardinal Lavigerie et ses œuvres d’Afrique, Tours, 1897, in-8o.
  12. Voyez P. Piolet, Missions catholiques françaises, t. V, p. 486.
  13. Abbé P. Pisani, les Missions protestantes à la fin du XIXe siècle, Paris, 1903, in-12.
  14. Anti-Slavery reporter, juin et nov. 1902.
  15. Anti-Slavevy reporter, janvier 1901.
  16. Revue des Deux Mondes, 1er juillet 1900, le Mouvement anti-esclavagiste en France au XIXe siècle.
  17. Il faut signaler aussi la Société de Saint-Pierre Claver, fondée en 1894 par la comtesse Ledochovska et composée de femmes qui se dévouent au salut des nègres d’Afrique.
  18. Voyez le Missionary Record, juin 1894.
  19. Dennis, ouvrage cité, II, p. 338.
  20. Au Vieux Calabar, on se sert de la fève de l’éséré pulvérisée, et, à Madagascar, de la racine de tangéna.
  21. On sait que les premiers hôpitaux ont été organisés par les évêques en Orient, sous le nom de nosocomia. Des deux plus anciens en France, celui de Lyon fut fondé par saint Sacerdos et celui de Paris par saint Landry, sous le nom d’Hôtel-Dieu (vers 650).
  22. P. Piolet, Les Missions catholiques, t. V, p. 488.
  23. Voyez les résultats de la Conférence sur la lèpre, tenue à Berlin en octobre 1897, dans Dennis, ouvrage cité, II, p. 433 et suivantes.
  24. Voyez l’article sur R. L. Stevenson voyageur, Revue des Deux Mondes, 1er sept. 1902.
  25. Discours de M. Sembat, séance du 29 janvier 1903.
  26. Voyez l’affaire Pritchard, dans les Mémoires de Guizot, t. VII, p. 50.
  27. R. Allier, les Troubles en Chine et les Missions chrétiennes, Paris, 1901.
  28. Voyez l’article sur les Précurseurs du cardinal Lavigerie, dans la Revue des Deux Mondes du 1er août 1896.