Les Merveilleux Voyages de Marco Polo dans l’Asie du XIIIe siècle/Partie II/Chapitre 52

CHAPITRE LII

Les perles de Maabar


La province de Maabar[1], qui est appelée l’Inde mineure, est gouvernée par cinq rois qui sont frères et indépendants. Celui qui règne dans la capitale s’appelle Sonder bandi davar[2]. On trouve dans son royaume de très belles perles et voici la manière dont on se les procure.

L’île de Ceylan est séparée de la terre ferme par un détroit qui n’a que dix à douze pas de profondeur, parfois deux pas seulement. Les marchands de perles vont avec leurs navires dans ce détroit depuis le commencement d’avril jusqu’au milieu de mai. Ils jettent l’ancre en mer à soixante milles d’un endroit appelé Betelar. Ils passent alors de leurs grands navires dans des barques à fond plat. Plusieurs marchands s’associent et engagent des pêcheurs qu’ils paient d’avril jusqu’à la mi-mai. Ils versent au roi la dixième partie de leur butin. Ils en donnent, en outre, un vingtième à des enchanteurs afin que, par leurs sortilèges, ceux-ci empêchent de grands poissons de dévorer les hommes qui plongent pour trouver les perles. On appelle les enchanteurs abrivaman[3], l’effet de leurs enchantements ne dure qu’un jour. Leur puissance s’exerce sur les bêtes, les oiseaux et tous les êtres vivants. Les pêcheurs s’élancent des barques et plongent jusqu’au fond de l’eau, à dix ou douze pas de profondeur ; ils y restent aussi longtemps que cela leur est possible. Là se trouvent des coquillages semblables aux huîtres et qui contiennent les perles. Celles-ci, grosses et menues, sont enfoncées dans la chair des coquillages. C’est ainsi qu’on pêche les perles en très grande quantité, car toutes celles qui circulent dans le monde viennent de là.

  1. Côte de Coromandel.
  2. Sans doute le roi Sundara.
  3. Brahmanes.