Les Merveilleux Voyages de Marco Polo dans l’Asie du XIIIe siècle/Partie II/Chapitre 45

CHAPITRE XLV

Le commerce avec les Indes


Dans le royaume de Fuguy[1] qui est, comme Quinsay, l’une des neuf parties du Manzi, les habitants aiment beaucoup la chair humaine. Celle des hommes qui ont succombé à une mort naturelle, ils la repoussent, mais ils mangent celle des hommes qui ont péri de mort violente et la déclarent excellente. Ils se rasent les cheveux et se teignent le front en bleu. Tous combattent à pied, leur chef seul est à cheval. Ils sont armés de lances et leur cruauté est très grande, car je vous dis qu’ils tuent leurs prisonniers, boivent leur sang et se repaissent de leur chair.

Dans leur pays, on trouve une espèce de poules qui n’a pas de plumes, mais des poils. Ces oiseaux sont entièrement noirs ; ils pondent des œufs comme les poules de nos pays et leur chair est bonne à manger.

À cinq journées de Fuguy, on rencontre la ville de Cayton[2]. Dans son port viennent les vaisseaux des Indes, chargés d’épices et de marchandises précieuses. Les marchands du Manzi les vont chercher là pour les répandre dans toute la contrée. Pour un vaisseau chargé de poivre qui va à Alexandrie ou dans un pays chrétien, il y en a cent et plus qui vont à Cayton. Aussi le grand Khan perçoit dans ce port des droits considérables.

Je vous ai parlé du Catay, du Manzi et des contrées voisines, de leurs habitants, de leurs richesses, de l’or, de l’argent et des autres marchandises qu’on y rencontre. Mon œuvre n’est pas encore achevée. Je veux vous parler encore de l’Inde et des Indiens. Je vous dirai à leur sujet des choses surprenantes, mais qui sont rigoureusement exactes. Je les ai écrites comme messire Marco Polo me les a dictées. Il est resté longtemps dans l’Inde. Il a observé et s’est informé avec un tel soin que personne n’a vu ni appris tant de choses que lui.

  1. Fou-tchéou.
  2. Thsiouan-tchéou.