Les Merveilles de la science/Galvanoplastie et dépôts électro-chimiques - Supplément

Furne, Jouvet et Cie (Tome 1 des Supplémentsp. 464-489).
SUPPLÉMENT
à la
GALVANOPLASTIE
et aux
DÉPÔTS ÉLECTRO-CHIMIQUES



CHAPITRE PREMIER

la galvanoplastie actuelle. — emploi des machines dynamo-électriques pour les opérations galvanoplastiques. — système actuel de mesure des forces électriques. — les unités usuelles : le volt, l’ampère, le ohm, etc.

La galvanoplastie a reçu, dans ces dernières années, de grands perfectionnements, qui sont dus au progrès général de la connaissance des phénomènes électriques. Les améliorations apportées à la reproduction galvanique ont apparu dès qu’on a possédé des appareils capables de produire l’électricité économiquement et en grande quantité.

L’appareil qui est aujourd’hui presque exclusivement en usage, dans les industries de quelque importance, pour la production de l’électricité, c’est la machine dynamo-électrique, que nous avons décrite dans ce volume. Dès son apparition, cette machine a provoqué une véritable révolution dans toutes les branches de l’électro-chimie.

En même temps, la science s’est enrichie d’un système de mesure des forces électriques, sans lequel aucun calcul, aucune comparaison, ne pourraient être faits avec rigueur.

Les électriciens du milieu de notre siècle ne pouvaient mesurer que très imparfaitement l’intensité des forces électriques mises en œuvre. On trouve, en effet, dans les ouvrages de cette époque, la tendance à rechercher, pour les effets électriques, des termes de mesure et des comparaisons d’une valeur si contestable, qu’ils ne pouvaient conduire qu’aux plus graves erreurs.

Les électriciens modernes ne sont, au point de vue scientifique, que des mécaniciens ; car l’électricité forme aujourd’hui l’une des branches les plus importantes de la mécanique. C’est en assimilant les forces électriques aux phénomènes de l’hydraulique, que les électriciens modernes ont constitué la théorie scientifique de l’électricité.

Pour exposer les phénomènes primordiaux sur lesquels est basée la galvanoplastie, il est nécessaire de faire connaître succinctement le système actuel de mesure des quantités électriques.

Sans décrire, ce qui nous entraînerait trop loin, la manière dont on est arrivé à créer le système de mesure employé journellement, il nous suffira d’expliquer la nature des unités qui le composent.

Tout courant électrique, disent les électriciens modernes, est produit, comme tout courant d’eau ou de fluide quelconque, par une dénivellation ou une pression. Cette pression, lorsqu’il s’agit d’électricité, s’appelle la tension, et elle est représentée par une différence de potentiel ou différence de niveau électrique. La tension se compte en volts.

Qu’est-ce que l’unité appelée volt, du nom du fondateur de la science de l’électricité en mouvement ?

Le volt est légèrement inférieur (6 pour 100 environ) à la tension fournie par un élément de pile de Daniell.

Il est bon de faire remarquer, à ce sujet, que la tension est indépendante de la forme et de la grandeur de l’élément de pile, et qu’elle n’est déterminée que par l’énergie de l’action chimique due aux réactifs employés. Lorsqu’il s’agit d’une machine dynamo-électrique, la tension croît avec la vitesse de la machine, et aussi avec le degré d’aimantation des inducteurs aux pôles desquels tourne l’armature.

Ceci étant posé, nous connaissons assez bien l’unité électrique pour étudier ses relations avec celles qui font partie du même système : nous voulons parler de l’unité de résistance, ou ohm, et de l’unité d’intensité, ou ampère.

Lorsqu’un courant parcourt un conducteur métallique, de même que lorsqu’un courant d’eau circule dans une conduite, il éprouve toujours une certaine difficulté à parcourir ce conducteur. C’est ce qui constitue, pour les liquides, la résistance, ou le frottement, pour employer un mot plus caractéristique. La résistance au passage de l’électricité, de même qu’au passage de l’eau, est d’autant plus grande que le conducteur est plus long et plus fin.

L’unité employée pour la mesure des forces électriques, s’appelle le ohm. C’est la résistance d’une colonne de mercure de 1 millimètre carré de section (1mm,14 de diamètre, si elle a la forme circulaire), et 1m,06 de longueur.

Lorsqu’entre les deux extrémités de cette colonne, on produit une différence de potentiel égale à un volt, il en résulte, dans le conducteur, un courant électrique, dont l’intensité est prise pour unité de débit : c’est ce que l’on nomme l’ampère.

L’intensité exprimée en ampères représente donc la vitesse d’écoulement de l’électricité, ou encore le volume débité par seconde.

Or, en galvanoplastie, la quantité de métal déposée dans l’unité de temps, est exactement proportionnelle à l’intensité du courant chargé de produire la décomposition.

La production de ce courant représente un certain travail, par conséquent une dépense, et l’on peut, en tenant compte de ce que nous venons de dire, évaluer avec une grande exactitude la dépense que représente le dépôt d’un certain poids de métal.

L’électro-chimie a pris, depuis quelques années, un tel développement industriel, qu’il a fallu établir dans cette science, des spécialités. On distingue aujourd’hui l’électrolyse, la galvanoplastie proprement dite, et l’électro-métallurgie.

L’électrolyse est la science qui utilise la décomposition des sels métalliques, en vue d’applications industrielles. Elle fournit, en même temps, aux chimistes, l’un des moyens de dosage les plus commodes.

La galvanoplastie a été déjà suffisamment décrite dans notre Notice des Merveilles de la Science[1] pour qu’il soit inutile d’expliquer ici les opérations dont elle se compose.

Quant à l’électro-métallurgie, c’est une industrie toute nouvelle, qui se rapporte à l’extraction des métaux par l’électricité, et qui permet d’obtenir à l’état de pureté chimique, et en quantités considérables, nombre de corps qu’il était impossible jusqu’ici d’isoler à l’état de pureté absolue, à moins de grandes dépenses. Pour certains métaux même, aucun autre traitement ne permettait d’atteindre un résultat aussi complet.

On peut citer, à ce propos, un fait curieux et bien caractéristique : certaines usines, celle de M. Mouchel, par exemple, fabriquent, par l’emploi de l’électricité, des fils de cuivre qui présentent, comparés au cuivre jadis réputé pur, une conductibilité électrique de 102 pour 100.




CHAPITRE II

l’électrolyse. — équivalents électro-chimiques. — graduation des instruments de mesure, — application aux compteurs d’électricité.

L’électrolyse est, comme on l’a dit plus haut, l’art de précipiter les métaux l’un sur l’autre, par l’action d’un courant électrique.

Dans l’électrolyse, on utilise chaque jour le principe que nous énoncions dans le précédent chapitre, à savoir que le poids du métal déposé par un courant électrique, est, pour un temps donné, proportionnel à l’intensité du courant.

Or, si, pour tous les métaux usuels, on pèse la quantité de métal pur déposé par un ampère, pendant une heure, on remarque que ces différents poids (appelés équivalents électro-chimiques) sont dans le même rapport que les équivalents chimiques des mêmes métaux. Par conséquent, les équivalents électro-chimiques sont proportionnels aux équivalents chimiques, et il s’ensuit que, pour avoir en grammes le poids de métal libéré par un ampère-heure, il suffit de multiplier l’équivalent chimique de ce métal par 0gr,0375, poids d’hydrogène libéré par un ampère-heure.

Le tableau suivant donne les équivalents électro-chimiques de quelques corps usuels, et les poids correspondants mis en liberté par un ampère-heure.


MÉTAL. ÉQUIVALENT
POIDS
libéré par
un ampère-heures en gramm.
chimique. électro-
chimique.
Hydrogène 
1,0 0,01036 0,0375
Or 
98,3 1,0223 3,6862
Argent 
107,0 1,1232 5,05
Cuivre 
31,8 0,3307 1,1925
Fer 
22,0 0,2912 0,5292
Nickel 
27,5 0,3068 1,1062
Zinc 
32,7 0,3401 1,2262
Plomb 
103,50 1,0764 3,2212

Ce tableau est d’une utilité incontestable, lorsqu’il s’agit d’étalonner des appareils de laboratoire.

L’étalonnage consiste dans l’ensemble des méthodes servant à établir la graduation des appareils destinés à la mesure du courant.

Fig. 398. — Ampère-mètre à aiguille.

Le plus simple de tous, l’ampère-mètre, que nous représentons figure 398, est usité dans toutes les installations. Il se compose d’une aiguille aimantée, P, mobile entre les branches d’un fort aimant naturel, A, qui la dirige, et soumise à l’influence du courant qui circule dans un très gros conducteur, CD, C′D′, sans résistance appréciable, faisant un tour ou deux entre l’aiguille et l’aimant.

Pour graduer cet appareil, on le place dans le circuit d’une pile travaillant sur une cuve de galvanoplastie. Le courant étant établi pendant une heure, on note sur le cadran, M, la déviation moyenne, et on pèse le dépôt métallique qui en résulte. Si la dissolution employée est celle d’un sel de cuivre, le tableau qui précède nous apprend qu’un ampère peut libérer 1gr,19 de cuivre par heure. Il suffit donc de diviser le poids du dépôt exprimé en grammes, par 1,19, pour obtenir le nombre d’ampères auquel correspond la déviation notée.

En répétant cette opération un certain nombre de fois, avec des courants d’intensités très différentes, on obtient, moyennant quelques précautions, un étalonnage très suffisant pour les besoins de la pratique.

La facilité avec laquelle on peut vérifier le poids de cuivre obtenu dans un temps donné, a même fourni une solution très élégante d’un problème assez délicat : nous voulons parler de l’établissement des compteurs électriques.

En 1881, M. Edison présenta à l’Exposition internationale d’électricité de Paris, un compteur de courant, qui enregistrait la consommation d’électricité par la forme et le poids d’un dépôt de cuivre.

L’appareil se composait de deux petites cuves galvanoplastiques traversées par la totalité du courant qui alimentait l’installation soumise à son contrôle. Dans chaque cuve se trouvaient deux lames, dont l’une diminuait, tandis que l’autre augmentait de poids. En pesant cette dernière, tous les mois, par exemple, on pouvait apprécier la consommation d’électricité, avec une certaine exactitude.

La deuxième cuve servait de contrôle à la première. Le dépôt qu’elle avait fourni n’était pesé que tous les ans ; si bien qu’elle totalisait les résultats fournis par la première cuve.

Malheureusement, l’appareil que nous venons de décrire n’a pas donné les résultats qu’en attendait l’inventeur, qui essaya successivement divers bains de sels de cuivre et de zinc.

Le dernier modèle construit était extrêmement curieux. Les deux lames métalliques étaient supportées, respectivement, à chacune des extrémités d’un fléau de balance isolé. Le courant, arrivant par la lame la plus lourde, la forçait à se dissoudre dans le bain, et transportait le métal sur l’autre lame. Il arrivait donc un moment où le fléau basculait, et changeait lui-même les commutateurs ; si bien que le sens du courant était renversé.

Le même effet se reproduisait donc alternativement dans un sens ou dans l’autre, et comme il était facile d’enregistrer sur un cadran le nombre des oscillations du fléau, dans un temps donné, on savait, par une simple lecture, quelle avait été la consommation d’électricité pendant le même temps.

L’idée qui présida à la construction des compteurs galvanoplastiques était, on le voit, très séduisante. On n’a pu cependant produire, jusqu’à ce jour, que des instruments de laboratoire, et non des appareils véritablement industriels.

Quoi qu’il en soit, la question est loin d’être vidée ; il est même à souhaiter que des recherches sérieuses soient entreprises dans ce sens, en vue d’obtenir des compteurs électriques robustes et d’une précision suffisante pour répondre aux besoins de la pratique.

Lorsque la considération du prix n’entrera pas en ligne de compte, on aura intérêt à se servir, pour les mesures, des sels d’argent, à cause du fort équivalent électro-chimique de ce métal.




CHAPITRE III

sources d’électricité employées en galvanoplastie. — les piles hydro-électriques. — les piles thermo-électriques. — les machines magnéto et dynamo-électriques. — les accumulateurs.

Les sources d’électricité employées en galvanoplastie, ont subi, dans ces dernières années, des modifications considérables. Les piles hydro-électriques ne sont plus employées, de nos jours, que chez les amateurs ou les petits industriels, ou bien encore chez ceux qui exercent leur art sur des modèles de dimensions très réduites.

L’emploi des piles thermo-électriques a paru, dès l’abord, présenter des avantages considérables. Deux systèmes principaux ont été essayés : la pile de Noé et celle de Clamond.

La pile de Noé dont nous avons donné une vue dans le Supplément à la Pile de Volta (fig. 347), se compose d’un grand nombre de couples, formés chacun par la réunion d’un barreau de maillechort et d’un barreau d’alliage de zinc et d’antimoine.

Tous les couples, soudés bout à bout, sont enroulés en hélice, de telle façon que les soudures paires forment un cylindre intérieur, tandis que les soudures impaires se trouvent toutes à l’extérieur.

Un bec de gaz, placé dans le centre, chauffe les premières ; les autres sont maintenues à une température notablement plus basse, grâce au courant d’air très actif qui ne manque pas de s’établir extérieurement.

Chaque élément donne environ de volt, sa résitance intérieure étant de d’ohm. Une pile formée de 20 éléments, en tension, donnerait donc une force électro-motrice de 1 volt, 25, avec une résistance intérieur de 0 ohm, 5.

La pile de Clamond dont nous avons également donné une vue dans le Supplément à la Pile de Volta (fig. 348), est formée, comme on l’a vu, de barreaux de fer et d’un alliage de bismuth et d’antimoine. Elle est chauffée au gaz.

Malheureusement, les piles thermo-électriques n’ont qu’un rendement très faible et elles présentent, en outre, un grave inconvénient. Au bout d’un temps relativement court, les alliages, à force d’être chauffés, puis refroidis, donnent lieu à un phénomène de liquation : les métaux qui forment les alliages se dissocient, et la pile est rapidement hors de service.

Les piles thermo-électriques ont donc été abandonnées, pour les opérations galvanoplastiques ; ce qui n’empêche pas que l’avenir de l’électricité ne réside peut-être, ainsi que nous l’avons dit, dans le perfectionnement de cet appareil, qui permettrait de transformer directement la chaleur en électricité, sans aucun intermédiaire, et sans passer par les transformations, si coûteuses, auxquelles donne lieu l’emploi des machines dynamo-électriques.

Le courant électrique dont on fait usage aujourd’hui, dans l’industrie de la galvanoplastie et des dépôts électro-chimiques, est fourni par la machine dynamo-électrique. Cet appareil se recommande par son entretien facile ; sa durée presque indéfinie et la puissance considérable qu’il peut développer. C’est une puissance sans mesure, puisque l’on peut employer des machines à vapeur d’une force illimitée.

Les machines dynamo-électriques qui servent, dans les ateliers de galvanoplastie, aux précipitations métalliques, sont en tous points semblables à celles que l’on emploie pour l’éclairage électrique, et que nous avons longuement décrites dans le Supplément à l’Électro-magnétisme, à ce fait près qu’elles sont enroulées avec de très gros fils, pour fournir de grandes intensités avec une tension très basse, mais suffisante néanmoins pour opérer la décomposition des sels métalliques.

Fig. 399. — Machine dynamo-électrique Gramme pour la galvanoplastie.

La société Gramme, à Paris, construit un modèle de machine dynamo-électrique pour la galvanoplastie, dont la figure ci-dessus donne une vue, qui débite 3 000 ampères, et peut déposer, à l’heure, plus de 3 kilogrammes et demi de cuivre, ou 12 kilogrammes d’argent.

Dans ces conditions, les conducteurs chargés de transporter le courant depuis la machine dynamo-électrique jusqu’aux cuves, doivent présenter une section énorme, afin de réduire, dans la limite du possible, la perte d’énergie par échauffement des conducteurs.

Les machines dynamo-électriques actionnées par des machines à vapeur, qui sont aujourd’hui d’un usage exclusif en électro-métallurgie, ont permis d’abaisser le prix de l’électricité de plus de 80 pour 100, comparé au prix de revient du courant fourni par les piles à liquide.


On vient de voir qu’après avoir utilisé pour la galvanoplastie, les piles à liquides et les piles thermo-électriques, on a définitivement adopté les machines dynamo-électriques, qui fournissent un courant plus économique et d’un réglage plus facile. Toutefois, ces machines ont l’inconvénient de nécessiter des temps d’arrêt pour le repos des mécaniciens chargés de la conduite des moteurs et des machines. Grâce aux accumulateurs de M. Planté, que nous avons décrits dans le Supplément à la pile de Volta, on peut aujourd’hui produire, à bon compte, des courants électriques constants et continus.

Fig. 400. — Accumulateur Planté-Bouilhet.

Les accumulateurs les plus généralement adoptés sont ceux que M. H. Bouilhet a spécialement disposés pour cet usage et que nous représentons dans la figure ci-dessus. Ils sont formés d’une grande cuve en bois, enduite de gutta-percha, dans laquelle on a placé une série de plaques de plomb, de 0m,46 sur 0m,50 de hauteur, au nombre de 28, plongeant dans l’eau acidulée par de l’acide sulfurique, 14 sont reliées ensemble, pour former le pôle positif, et 14 pour le pôle négatif.

Ces accumulateurs sont chargés par une machine dynamo-électrique Gramme, mise en marche par une machine à vapeur, qu’on utilise, en même temps, pour faire fonctionner d’autres appareils destinés, pendant le jour, à produire le courant électrique nécessaire au dépôt galvanoplastique. C’est seulement quand le travail de la journée est fini, et que la machine à vapeur s’arrête, que l’on a recours aux accumulateurs, pour continuer l’opération.

D’après M. H. Bouilhet, chaque pile secondaire peut accumuler jusqu’à 350 ampères par jour. Au début de la décharge, la consommation est de 27 ampères par heure, mais elle tombe rapidement à 25, et se maintient à ce chiffre, pendant une période de 12 heures, après laquelle elle décroît sensiblement.




CHAPITRE IV

progrès réalisés en galvanoplastie. — travaux de m. bourbouze. — les reproductions artistiques de m. junker. — moulage à cire perdue. — les nouveaux bains de m. thiercelin. — métallisation des pièces anatomiques, des charbons pour piles, etc.

L’art de la galvanoplastie, si modeste à ses débuts, à cause des manipulations délicates auxquelles devaient s’astreindre les opérateurs, est devenu aujourd’hui une industrie assez pratique pour que les résultats n’en soient jamais douteux.

C’est par une modification dans la composition des bains employés autrefois, et par une série d’ingénieuses observations pratiques, qu’on en est arrivé à supprimer le tour de main, qui était toujours, comme jadis en photographie, le facteur le plus important, quoique le plus difficile à connaître.

C’est M. Bourbouze, le savant constructeur d’appareils de physique, préparateur des cours de physique à la Sorbonne et à l’École de pharmacie de Paris, qui a contribué, pour la plus large part, aux progrès réalisés par la galvanoplastie, dans ces dernières années. C’est à lui que l’on doit d’avoir découvert comment se comporte dans un bain galvanique la surface d’un corps à métalliser. M. Bourbouze nous a appris que sans toucher au métal que l’on veut recouvrir d’un autre métal plus précieux, il est possible d’obtenir, ad libitum, un dépôt adhérent ou non adhérent.

Si l’on veut, par exemple, reproduire directement une planche de cuivre, et s’assurer d’une facile séparation ultérieure, il suffit de plonger la planche dans le bain avant d’établir le courant.

La légère couche d’oxyde qui se produit presque instantanément, avant que commence le dépôt, suffit à produire la non-adhérence.

Pour avoir, au contraire, un dépôt adhérent, comme celui d’argent sur des couverts de laiton, il suffit d’établir le courant, en même temps que l’objet est plongé dans le bain ; c’est-à-dire en ayant la précaution d’attacher d’avance le conducteur à la pièce à argenter.

Cette simple remarque est d’une importance fondamentale en pratique ; elle donne, en effet, le moyen le plus commode de manœuvrer à sa guise le métal dissous.

L’idée si ingénieuse de M. Bourbouze méritait d’être citée comme un des plus heureux perfectionnements que la galvanoplastie ait reçu dans ces dernières années.

Un autre perfectionnement à signaler dans ce Supplément, c’est le moulage des pièces à terre perdue.

On sait que les moules employés en galvanoplastie sont ordinairement en stéarine ou en plâtre, en gélatine ou en gutta-percha, matière très propice à ce genre d’opération, parce qu’elle est inattaquable par les acides, et, pour ainsi dire, inaltérable.

Jusqu’ici, les moules en gutta-percha ne s’obtenaient que de deux manières : soit par la pression mécanique, au moyen d’un levier ou d’une presse à vis, soit par pression manuelle. Aujourd’hui, et suivant un procédé nouveau dû à M. Pellecat, conseiller à la Cour d’appel de Rouen, on se sert, pour le moulage des objets, non plus de gutta-percha ramollie dans l’eau chaude, à la température de + 60 à + 70°, mais de gutta fondue, que l’on coule sur le modèle, et qui en reproduit très exactement les plus petits détails.

Encouragé par les résultats qu’il avait obtenus avec la gutta liquide, M. Pellecat se demanda si l’on ne pourrait pas faire directement, sur le modèle en terre du sculpteur, ce qui avait si bien réussi sur le plâtre et sur le métal. Pour s’en convaincre, il fit exécuter par un jeune artiste un bouquet de fleurs très fouillées, présentant à dessein, des reliefs saillants et des creux profonds. Il coula sur ce bouquet de la gutta-percha liquide, et quand celle-ci fut bien refroidie il plongea son moule dans l’eau. La terre se détrempa peu à peu, et après l’avoir enlevée, il eut la satisfaction de voir qu’on pouvait, en opérant ainsi, supprimer les moulages successifs de plâtre et de gutta, qu’on était jusqu’alors obligé de faire pour obtenir le dépôt galvanoplastique.


Le procédé de moulage, dit à cire perdue, consiste en ce que l’artiste façonne lui-même le modèle en cire, matière très ductile et très propre à rendre les plus petits détails. Quand le modèle est achevé, on le recouvre de barbotine, boue demi-liquide, composée d’argile délayée dans un mélange d’eau et de lait. On applique la barbotine au pinceau sur le modèle en cire, de manière à la faire pénétrer dans toutes les finesses du modèle. À mesure qu’une couche est sèche on en applique une autre, puis on renforce le tout, avec du plâtre, de manière à donner une résistance suffisante aux parois du moule. On introduit alors le modèle ainsi préparé dans une étuve : la cire fond et s’écoule par des trous pratiqués à cet effet. Alors on coule le métal dans ce moule, et l’on a ainsi une reproduction parfaite de l’original.

Le moulage à cire perdue qui était très employé au xvie siècle, est aujourd’hui abandonné, parce que, s’il a l’avantage de reproduire du premier jet, l’œuvre de l’artiste sans que l’on ait à y ajouter aucune retouche ou ciselure, il est assez dangereux, en ce sens que, par le moindre accident, on peut détruire l’œuvre même de l’artiste, qu’il faut entièrement refaire, car il n’en reste rien.

Le moulage à cire perdue ne pouvait s’appliquer à la galvanoplastie tant qu’il fallait employer la pression pour prendre l’empreinte : le modèle original aurait couru trop de dangers. Mais grâce au procédé de M. Pellecat, qui étend la gutta-percha au pinceau, comme on le faisait autrefois avec la barbotine, ce procédé n’offre plus de dangers. On peut même opérer sur des moules en terre, sans faire aucun usage de la cire. La gutta-percha n’est aucunement altérée par l’eau, tandis que la terre se délaye. Il suffit donc de laisser séjourner le moule dans l’eau, puis de laver et de faire sortir l’eau et la terre par des trous pratiqués à cet effet. Le moule ainsi obtenu est sans aucun défaut, et donne une reproduction parfaite par la cuve galvanoplastique.

Nous représentons dans la figure 401 des objets reproduits par la galvanoplastie au moyen du moulage par le procédé Pellecat.

Fig. 401. — Objets reproduits par le procédé Pellecat.

La reproduction des objets d’histoire naturelle, de pièces vivantes, pour ainsi dire, avait été tentée avant 1870, et nous en avons cité de curieux spécimens dans notre Notice sur la galvanoplastie. L’art, si intéressant, de la reproduction des objets naturels, a été perfectionné récemment par un artiste habile, M. Juncker.

M. Juncker obtient, par le procédé qu’il nomme galvanotypie, les ornementations les plus variées, en même temps que les plus artistiques, en métallisant des feuilles, des fleurs ou des fruits.

Dès qu’un dépôt assez résistant, quoique très mince, est obtenu par les procédés ordinaires, M. Juncker détruit la matière organique qui a servi de moule, et il la remplace par un alliage fusible. Mais auparavant, les fleurs et les fruits sont groupés d’une façon gracieuse autour d’un vase métallique approprié, et le tout est argenté par la méthode électro-chimique ordinaire.

Il est évident qu’un semblable travail exige surtout une grande habileté de main, et un goût éclairé ; mais les produits obtenus, tout en constituant de belles œuvres d’art, dont aucune ciselure ne saurait atteindre la perfection, permettent de vulgariser, en les mettant à la portée de tous, des créations artistiques. Elles sont d’autant plus dignes d’intérêt que leur ensemble est une très exacte reproduction de la nature.

La galvanotypie diffère du recouvrement d’un objet par la galvanoplastie, en ce que l’on n’est plus en présence d’un type déformé ou fragile, selon que le métal déposé par la pile est de forte ou de mince épaisseur, mais bien devant une masse pesante, rigide, sonore comme le bronze, conservant les puretés et la forme du modèle, et de plus, n’exigeant aucune retouche, pouvant se modeler et se river comme les métaux, et propre, dès lors, à tout emploi décoratif.

M. Juncker ne fait pas connaître le procédé particulier, ou le tour de main qu’il emploie. Nous ne pouvons donc donner à ce sujet des explications plus complètes, et nous nous contenterons de montrer, dans les figures 402 et 403, la reproduction d’un vase ornementé et d’une branche de vigne par les procédés de cet opérateur.

Fig. 402. — Vase ornementé reproduit par le procédé Juncker.
Fig. 403. — Branche de vigne reproduite par le procédé Juncker.

Un électricien déjà connu par d’autres travaux, M. Thiercelin, Ingénieur des Arts et Manufactures, s’est attaché à mettre à la portée de tous, amateurs, comme industriels, la reproduction des œuvres d’art, au moyen de l’appareil galvanoplastique simple.

Ayant remarqué que le cuivre se déposait en poudre rouge, au lieu de former une couche tenace, toutes les fois que le bain était trop acide, et non pas, comme on le prétend généralement, lorsque le courant a trop d’intensité, M. Thiercelin eut l’idée de chercher, pour alimenter le bain, un sel de cuivre capable d’absorber l’acide sulfurique, au fur et à mesure de sa formation ; de telle sorte qu’on pût galvaniser dans un liquide à peu près neutre.

Ce sel est le carbonate de cuivre, qui se décompose peu à peu, en laissant dégager de l’acide carbonique, tandis que l’acide sulfurique du sulfate employé, se répand dans le bain, par suite de la mise en liberté du cuivre métallique.

Le carbonate de cuivre est d’un prix peu élevé. On le place dans un petit sachet, qui trempe dans le liquide, et l’on obtient ainsi, à coup sûr, des dépôts magnifiques de cuivre rosé, qui se conserve indéfiniment, sans que sa surface éprouve la moindre oxydation au contact de l’air.

On voyait à l’Exposition de 1878, une belle collection de reproductions galvanoplastiques d’objets naturels, dus à M. Thiercelin. Entre autres spécimens intéressants, on remarquait des pièces anatomiques, recouvertes d’abord de cuivre, puis détruites après coup, laissant une empreinte des plus fidèles et des plus commodes pour l’étude de l’anatomie.

Ce genre de reproduction permettrait de doter nos musées et nos grandes écoles pratiques de pièces anatomiques bien plus exactes que tous les modèles en cire actuellement en usage.

Il est possible, d’ailleurs, de peindre le cuivre avec des couleurs appropriées, mais en couches assez minces pour ne point altérer la finesse des détails.

La perfection que l’on peut atteindre dans ce genre de travail est telle que des étoffes de soie recouvertes de cuivre, laissent voir le grain de la trame, avec une netteté aussi grande que sur l’étoffe elle-même.




CHAPITRE V

le nickelage. — propriétés physiques et chimiques du nickel. — bains de nickelage : formules de mm. gaiffe et roseleur. — bains de décapage. — méthode de gaiffe pour la préparation des pièces. — opérations du nickelage. — extraction du nickel des vieux bains. — nickelage du zinc. — tour à polir.

Dans notre Notice sur la Galvanoplastie et les dépôts électro-chimiques, des Merveilles de la science, nous avons à peine mentionné le nickelage, c’est-à-dire la précipitation du nickel sur d’autres métaux. Cette opération, à peu près inconnue avant 1870, a pris, depuis cette époque, une importance industrielle énorme. Il est donc indispensable de la signaler et de l’étudier dans ce Supplément.


Le nickelage est une opération difficile, dont la réussite dépend surtout de la pureté des sels de nickel employés et du dosage des bains.


Avant de décrire les divers procédés qui servent à obtenir un bon revêtement de nickel, nous donnerons quelques renseignements sur ce précieux métal, dont l’emploi tend à se généraliser de plus en plus.


Le nickel, à l’état de pureté, est très dur, et susceptible de recevoir un très beau poli. Sa couleur est d’un blanc grisâtre. Il est excessivement tenace et peu fusible. Sa densité varie de 8,34 à 8,80, suivant qu’il est fondu ou forgé. Il est d’un pouvoir magnétique plus considérable que le fer, et il se lamine, se forge et s’étire avec la plus grande facilité.

Au point de vue chimique, le nickel est soluble dans les acides azotique, sulfurique et chlorhydrique. Inattaquable par l’eau, il est, au contraire, attaqué par l’eau de chaux et les infusions de thé, de café, la bière, la graisse chaude, etc.

Le sel de nickel qui, jusqu’ici, a donné les meilleurs résultats pour les dépôts électro-chimiques, est le sulfate double de nickel et d’ammoniaque. Ce sel fut préconisé, dès l’origine, par Isaac Adams, le chimiste anglais créateur de cette nouvelle industrie, et employé de préférence à tout autre par Gaiffe, le propagateur du nickelage en France.

La composition du bain de nickelage est la suivante :


Sulfate double de nickel et d’ammoniaque 
1 kilogramme.
Eau distillée 
10 litres.

On fait dissoudre le sel double dans l’eau chaude, puis on filtre la liqueur, après refroidissement.

M. Roseleur, dont le nom fait autorité, recommande l’emploi du carbonate d’ammoniaque avec le sulfate double de nickel et d’ammoniaque.

Voici la formule du bain employé par M. Roseleur.


Sulfate double de nickel et d’ammoniaque 
400 grammes.
Carbonate d’ammoniaque 
300
Eau distillée 
10 litres.

Dissoudre séparément et à chaud, les deux sels dans une partie d’eau. Verser peu à peu la solution de carbonate d’ammoniaque dans celle de nickel, en ayant soin de ne pas dépasser la neutralisation ; ce que l’on reconnaît lorsque le papier bleu de tournesol ne rougit pas sensiblement.

Il faut, autant que possible, pour obtenir un dépôt de nickel résistant, homogène et brillant, ne faire usage que de bains parfaitement neutres, et plutôt acides qu’alcalins. Un excès d’ammoniaque trouble la liqueur, lui donne une teinte jaune verdâtre, et rend le dépôt cassant et terne. Un excès d’acide, au contraire, produit un dépôt très blanc, mais qui adhère mal aux pièces, et s’exfolie avec la plus grande facilité.

Les pièces destinées à recevoir un revêtement de nickel, doivent d’abord être décapées avec le plus grand soin. Le premier bain dans lequel elles doivent être plongées, surtout si elles sont en fonte brute, se compose d’une solution de 250 grammes d’acide sulfurique ordinaire, pour dix litres d’eau.

Au sortir de ce bain, on les trempe dans une solution chaude de potasse d’Amérique, formée de dix litres d’eau par kilogramme de potasse. Enfin, et après lavage à l’eau pure, on plonge les pièces dans le mélange suivant, indiqué par M. Perille :


Acide sulfurique 
2 litres.
Acide nitrique 
1 litre.
Suie calcinée 
100 grammes.
Sel marin 
100

Ce mélange remplace avec avantage le bain de cyanure, qu’on employait autrefois.

On verse d’abord, dans un vase en grès, l’acide nitrique, ensuite l’acide sulfurique, puis la suie, et enfin le sel marin. On remue doucement le mélange, en évitant de respirer les vapeurs nitreuses qui s’en dégagent, et on l’abandonne à lui-même, pendant au moins six heures avant de s’en servir.

Pour les objets de fer ou d’acier, on fait usage d’une solution d’une partie d’acide chlorhydrique pour cinq parties d’eau.

Enfin, lorsqu’il s’agit de recouvrir préalablement les pièces d’une couche métallique, qui rendra plus facile le dépôt électro-chimique de nickel, on les plonge dans un bain composé comme il suit :


Sulfate de cuivre 
100 grammes.
Acide sulfurique 
100
Eau distillée 
10 litres.

Les objets en zinc doivent recevoir un premier revêtement métallique. On les soumet à l’action d’un bain spécial, dont voici la composition, et qu’on doit faire bouillir avant de l’employer :


Acétate de cuivre cristallisé 
200 grammes.
Carbonate de soude 
200
Bisulfate de cuivre cristallisé 
200
Cyanure de potassium 
300
Eau distillée 
10 litres.

Il existe d’autres méthodes de préparation des pièces à nickeler, et l’on peut dire que chaque opérateur a sa recette personnelle. Voici comment Gaiffe procédait.

Il commençait par bien dégraisser les pièces, avec une brosse trempée dans une bouillie chaude de blanc d’Espagne, d’eau et de carbonate de soude.

Cette première opération terminée, il procédait au décapage. Pour le cuivre, il lui suffisait de tremper les pièces, pendant quelques secondes, dans un bain composé de 100 grammes d’acide nitrique pour 100 grammes d’eau. Pour les pièces brutes, il faisait usage d’un mélange de deux parties d’eau, une partie d’acide azotique, une partie d’acide sulfurique.

Pour décaper le fer, l’acier et la fonte, il plongeait les pièces dans le bain d’acide sulfurique que nous avons indiqué plus haut et où elles prenaient un ton grisâtre uniforme. On frottait ensuite, avec de la pierre ponce mouillée, jusqu’à ce que la couche d’oxyde qui recouvrait le métal, eut entièrement disparu, et finalement, il les rinçait à l’eau chaude et les séchait dans de la sciure de bois.


Les bains de nickelage dont nous avons donné la composition, doivent être placés dans des cuves assez grandes pour que les pièces qu’on veut y plonger (cathodes) n’atteignent au maximum, qu’aux deux tiers de la profondeur. Celles-ci sont suspendues dans le bain, au moyen du fil de cuivre qui les entourait lors du décapage, et qu’on relie aussitôt au pôle positif de la source d’électricité.

Les anodes, qui peuvent être en nickel ou en platine, mais dont les surfaces doivent égaler celles des pièces à revêtir, sont reliées au pôle négatif de la pile, et mises en place dans la cuve, à une certaine distance des cathodes.

Fig. 405. — Disposition des anodes et cathodes.

La figure 405 montre la disposition qu’on donne aux anodes et aux pièces à nickeler.

Pendant l’opération qui, suivant l’épaisseur du dépôt que l’on veut obtenir, peut durer de cinq minutes à plusieurs heures, il importe de remuer fréquemment les pièces, et de voir si la couche de nickel s’y dépose avec régularité. Lorsque les pièces se recouvrent d’un dépôt noirâtre ou rugueux, il faut l’enlever à leur surface, sans aucun retard, les polir avec des gratte-brosse, puis les remettre au bain, en ayant soin de ralentir le courant.

D’après M. Sprague, la force électro-motrice du courant ne doit pas dépasser 5 volts, au début de l’opération, et 1 volt à la fin.


« La difficulté du nickelage, dit cet électricien, réside, non pas dans le choix de la solution, mais dans la direction de l’opération, car le nickel diffère des autres métaux en ceci : que le dépôt est toujours accompagné d’un dégagement considérable de gaz hydrogène, constituant naturellement une déperdition de force ; le but à poursuivre est d’obtenir le moins de gaz et le plus de nickel possible. Une autre conséquence est que le dépôt est apte à contenir le gaz et par conséquent à devenir poreux ou écailleux, auquel cas le revêtement tend, dès qu’il a atteint une épaisseur modérée à se fendre et à se séparer en pellicules brillantes.

Afin de prévenir ce désagrément, la solution doit être concentrée et la puissance de la batterie soigneusement proportionnée au travail qui s’accomplit. Pour la première attaque, il faut une puissante batterie, telle que trois couples de Bunsen en série ; mais aussitôt qu’un revêtement général est obtenu, l’économie et la bonté du travail demandent une grande réduction dans la force électromotrice du courant. Un seul élément Smée, par exemple, proportionné à l’intensité nécessaire peut convenir. »


Nous disions tout à l’heure qu’on peut indifféremment utiliser, dans l’opération du nickelage, des anodes en nickel ou en platine, autrement dit, des anodes solubles ou insolubles. L’avantage des premières c’est de restituer à la liqueur électrolytique, à mesure que le métal qu’elle renferme se dépose sur les pièces, la quantité de nickel que cette liqueur vient d’abandonner.

Toutefois, la nature de ces anodes a une influence considérable sur les bains : elle les rend alcalins et un précipité d’oxydule de nickel ne tarde pas à troubler la liqueur, si l’on n’a pas soin de rétablir l’équilibre, en y versant un peu d’acide nitrique.

Les anodes insolubles (platine ou charbon) ne présentent pas le même inconvénient ; mais, en revanche, elles laissent le bain s’appauvrir, à mesure que son métal se dépose, et elles exigent, pour que l’opération continue à s’effectuer convenablement, un surcroît d’énergie électrique, qui augmente les frais généraux. De plus, le bain s’acidifie, le dépôt devient moins adhérent, et la couche ne peut atteindre qu’une faible épaisseur. On remédie à ce défaut en introduisant dans le bain du carbonate de nickel, qui le neutralise, et le ramène à son état initial.

Les anodes doivent être suspendues dans le bain, au moyen de fils en nickel ou de fils de cuivre. Dans ce dernier cas, il importe que les anodes ne plongent pas complètement dans le liquide ; sans quoi ces fils se dissoudraient aussi.

Au sortir du bain, les pièces sont lavées à l’eau froide, qui les débarrasse de toute trace de sulfate. On les plonge ensuite dans de l’eau bouillante, puis on les sèche dans de la sciure de bois chaude, ou bien à l’étuve.

Le polissage, lorsqu’il est nécessaire, s’effectue à l’aide de brosses garnies de soies de cochon et imprégnées d’une bouillie de craie, ou bien avec du drap enduit de rouge d’Angleterre ou de poudre à polir. Les pièces sont ensuite lavées à l’eau pure, puis séchées dans de la sciure de bois chaude.

Cette suite d’opérations se voit dans la figure 404, qui représente l’atelier de M. Perille, nickeleur, de Paris.

Fig. 404. — Atelier de nickelage de M. Pérille.

A, bain acide pour le décapage. — B, bain de potasse. — C, troisième bain de décapage. — 1, 2, 3, cuves pour le dépôt du cuivre. — D, D′, D″, cuves pour le dépôt électro-chimique du nickel.


Il arrive souvent qu’on soit obligé de renickeler certaines pièces. Il faut alors enlever le dépôt ancien, et procéder à un nouveau décapage, avant la remise au bain.

MM. Watt et Elmore emploient, pour débarrasser les pièces de toute trace de nickel, une solution ainsi composée :


Acide sulfurique 
4 litres.
Acide nitrique 
500 grammes.
Eau 
500
Nitrate de potasse 
50

Fig. 406. — Cuve pour le nickelage.

Les cuves de grandes dimensions sont généralement en sapin, comme l’indique la figure 406. D’ordinaire, on les garnit de feuilles de plomb, soudées avec soin ; mais on se contente souvent de les enduire d’une composition imaginée par M. Berthoud, et qui se compose de 150 parties de poix de Bourgogne, 25 parties de gutta-percha et 75 parties de pierre ponce pilée.

Fig. 407. — Nickelage des petites pièces.

Les cuves de petites dimensions peuvent être en fonte émaillée, en porcelaine, en verre ou en grès.


Le nickelage des petites pièces s’effectue très simplement. Tantôt on les enfile sur une tringle de cuivre, en prenant soin de les isoler par de grosses perles de verre, et de les agiter pendant l’opération ; tantôt on les place dans une passoire en grès (fig. 407), au fond de laquelle repose une spirale de laiton, mise en communication avec le pôle négatif de la pile. Dans l’un et l’autre cas, on tient l’anode à la main, en évitant qu’elle ne touche les pièces.

Le nickelage du zinc demande des soins tout spéciaux. Ce métal étant très soluble dans les liqueurs électrolytiques, il est indispensable, ainsi qu’il a été dit plus haut, de le recouvrir, après l’avoir décapé et poli avec soin, d’une couche de cuivre, qui facilite l’adhérence du nickel, évite les taches et l’altération du bain.

MM. Neuman, Schwartz et Weill, de Fresbourg, qui possèdent un des plus grands ateliers de nickelage connus, procèdent de la manière suivante au nickelage des feuilles de zinc.

On commence par décaper les feuilles de zinc, maintenues, au moyen de crochets de suspension, en les plongeant dans une cuve remplie de potasse caustique, où on ne les laisse que quelques secondes, en les agitant sans cesse. Au sortir de cette cuve, on les rince avec soin ; on les soumet ensuite à l’action du bain de décapage proprement dit, puis à celle d’un bain de chaux. On frotte ensuite les feuilles de zinc avec des brosses et du blanc d’Espagne et après qu’elles ont été bien rincées, on les trempe successivement dans de l’acide sulfurique étendu et dans un mélange composé d’acide sulfurique, d’acide nitrique et d’un peu de sel marin.

Après avoir été lavées de nouveau et séchées dans de la sciure de bois chaude, les feuilles sont polies au tour.

Fig. 408. — Tour à polir les feuilles de zinc nickelées.

Ce tour se compose (fig. 408) d’un bâti en fonte, B, B, supportant un arbre horizontal, A, A, mû par la vapeur, et dont les extrémités sont garnies de brosses, b, b, faites au moyen de morceaux de toile collés les uns sur les autres, et qui tournent avec une vitesse de 2 000 tours à la minute.

Chacune des extrémités de l’arbre horizontal est terminée par une pointe, qui sert au polissage des pièces ciselées ou sculptées.

Dans quelques cas, on se sert d’une machine à polir spéciale, consistant en une courroie sans fin, qu’on peut tendre à volonté, et qui est recouverte de poudre à polir.

Lorsque les feuilles de zinc ont reçu un poli suffisant, on les dégraisse, avec un chiffon enduit de benzine, on les plonge dans le bain de potasse, et finalement, on les brosse au blanc et on les rince.

On procède alors au cuivrage, qui s’effectue à l’aide du bain indiqué précédemment. Au bout de quelques secondes, les feuilles sont retirées de la solution cuprique, plongées dans l’eau chaude, puis dans l’eau froide, d’où on les enlève pour les passer enfin dans le bain de nickel.

Au sortir de ce dernier bain, les feuilles de zinc nickelées sont lavées, séchées à la sciure, dans un four spécial dont la figure 409 donne une vue, polies, passées à la sciure froide, frottées avec de la benzine, et enfin séchées dans de la sciure de bois chaude.

Fig. 409. — Four à sécher les pièces nickelées.

D’autres méthodes sont encore employées pour le nickelage du zinc ; mais comme elles ne sont ni plus simples ni meilleures que la précédente, nous croyons inutile d’en donner la description.


Il existe plusieurs méthodes pour retirer des bains hors d’usage le nickel qu’ils renferment ; mais la plus pratique est la suivante, due à M. Urquhart.


« Je profite, dit cet habile galvanoplaste, de la propriété curieuse du sulfate d’ammoniaque de précipiter les sulfates doubles de nickel et d’ammoniaque de leur solution. Je prépare, en conséquence, une solution saturée de sulfate d’ammoniaque, dans de l’eau chaude, et je l’ajoute à la vieille solution en remuant sans cesse. On n’observe alors aucun résultat ; mais, au bout de quelques minutes, un dépôt du sulfate double commence à tomber. Le sel précipité est d’une pureté parfaite et peut être employé directement pour faire une solution fraîche. On doit continuer l’opération jusqu’à ce que le liquide soit incolore. »




CHAPITRE VI

électro-métallurgie. — affinage des métaux. — affinage du cuivre. — principales usines électro-métallurgiques. — affinage du plomb. — traitement des minerais par l’électricité. — cuivrage. — dorure.

L’électro-métallurgie est une science bien moderne, mais elle rend déjà des services considérables aux industries consacrées à l’extraction des métaux. Dans ces diverses industries, on se sert aujourd’hui de l’électricité pour isoler les métaux, et l’on emploie la voie humide, alors que, jusqu’ici, la voie sèche était seule en usage.

On sait que l’on peut opérer directement le dépôt d’un alliage en employant un bain formé par le mélange des sels des métaux qu’il s’agit de réunir. Inversement, on peut, et c’est sur cette remarque qu’est basé l’emploi de l’électro-métallurgie pour l’obtention de métaux purs, déposer un seul des métaux dont les sels dissous composent le bain.

Par exemple, dans le cas d’un mélange de sels de cuivre et de nickel, on peut déposer d’abord tout le cuivre, en opérant dans un liquide acide, puis tout le nickel, en ajoutant au bain du chlorhydrate d’ammoniaque. Cette méthode est, à la fois, très élégante et très sûre.

On peut opérer d’une manière analogue avec des mélanges plus complexes, et obtenir, par les procédés de l’électrolyse, un dosage exact de tous les métaux qu’ils renferment.

L’affinage du cuivre au moyen du courant électrique, permet d’obtenir, non seulement du cuivre chimiquement pur, mais encore un certain nombre d’autres métaux d’une plus grande valeur industrielle ou commerciale, qui s’y trouvent mélangés en proportions trop faibles pour que les méthodes par voie sèche puissent être utilement employées.

Pour affiner le cuivre, il suffit d’employer, au pôle positif, une lame de cuivre du commerce plongeant dans un bain saturé de sulfate de cuivre, et qui forme l’anode ; à la cathode, ou lame négative, on voit se déposer, sous l’influence du courant, du cuivre chimiquement pur.

Dans l’industrie, on considère que l’énergie électrique nécessaire pour obtenir la décomposition du sel de cuivre et le dépôt du métal est négligeable devant celle qu’absorbe la résistance du bain. On est conduit, de la sorte, à employer des bains d’une résistance très faible, et l’on peut alors monter plusieurs bains en tension, disposition qui permet, avec le même diamètre de conducteurs que précédemment, de décupler le poids de cuivre déposé par heure. On sait, en effet, que, dans ces conditions, l’intensité du courant restant la même, la perte dans les conducteurs n’augmente pas ; la force électro-motrice, et par suite, la vitesse des machines génératrices augmente seule, en raison même de l’augmentation de résistance du circuit extérieur.


Les machines les plus employées dans l’industrie pour l’affinage du cuivre, sont la machine dynamo-électrique Siemens, que nous avons représentée dans le Supplément à l’électro-magnétisme [2], et les machines Gramme et Wilde.

La machine Gramme est employée dans les grandes usines électro-métallurgiques de M. Wohlwill, à Hambourg.

Dans son savant ouvrage l’Electrolyse, qui nous a fourni beaucoup de renseignements intéressants sur l’état présent de la galvanoplastie et de l’électro-métallurgie, M. H. Fontaine décrit ainsi la machine Gramme, qui est en usage dans les ateliers de Hambourg et que nous représentons dans la figure 410.

Fig. 410. — Machine dynamo-électrique du système Gramme employée par M. Wohlwill, à Hambourg, pour l’affinage du cuivre.

« La première machine à courant continu exécutée par M. Wohlwill, est pourvue de deux collecteurs et de quatre balais. Chaque collecteur a vingt sections. Les spires de la bobine sont formées chacune de sept bandes de cuivre de 10 millimètres de largeur et de 3 millimètres d’épaisseur ; il y a quarante groupes de lames correspondant aux quarante sections des deux collecteurs, de sorte que chaque spire est formée de deux demi-spires identiques juxtaposées et soudées à leurs extrémités avec une pièce rayonnante qui les relie à une des sections du double collecteur. L’anneau induit est donc formé de quarante bobines partielles, dont vingt sont reliées au collecteur de droite et vingt au collecteur de gauche.

« La résistance totale de l’anneau induit est de 0,0004 ohm, Quand les deux parties sont couplées en quantité, cette résistance n’est plus que de 0,0001 ohm.

« À la vitesse de 500 tours par minute, la force électro-motrice est égale à 8 volts pour le couplage en tension et à 4 volts pour le couplage en quantité.

« Les huit électro-aimants de cette machine ont des noyaux de fer de 120 millimètres de diamètre et de 410 millimètres de longueur. Sur ces noyaux s’enroule trente-deux fois une feuille de cuivre qui a pour largeur la longueur de l’électro et une épaisseur de 1mm,1. La résistance des huit inducteurs dans un seul circuit est de 0,00142 ohm. Lorsque les huit électros sont groupés en deux séries, leur résistance devient 0,00028 ohm. La résistance totale de la machine est donc de 0,00038 ohm en quantité, et de 0,00182 ohm en tension.

« Le poids total du cuivre qui entre dans la construction des induits et des inducteurs est de 735 kilogrammes. La machine entière à 1m,50 de longueur, 75 centimètres de largeur, 1 mètre de hauteur. Elle pèse environ 2 500 kilogrammes. Son débit normal est de 3 000 ampères pour le couplage en quantité et de 1 500 ampères pour le couplage en tension. Pour une seconde, sa production totale est donc de 12 000 watts.

« Les bains sont au nombre de 40, associés en deux séries de 20. La surface des anodes plongées dans chaque bain est d’environ 30 mètres carrés, ce qui correspond à une surface active totale de 1 200 mètres carrés.

« Les cathodes en cuivre affiné ont environ 1 millimètre d’épaisseur.

« La distance entre les anodes et les cathodes est d’environ 5 centimètres.

« La quantité de cuivre déposée par heure est de 30k,50 et par jour d’environ 800 kilogrammes. La machine fonctionne nuit et jour depuis neuf ans. La force motrice consommée est de 16 chevaux, ce qui correspond à 4 320 000 kilogrammètres par heure. Chaque kilogramme de cuivre traité consomme donc 141 700 kilogramètres (environ un demi-cheval par heure).

« La Norddeutsche Affinerie possède, en outre, deux autres séries de bains qui économisent encore davantage la force motrice. Ces bains sont, dans l’une et l’autre de ces séries, au nombre de 120 réunis en tension. Chacun d’eux a 15 mètres de surface d’anodes et une résistance de 0,00084 ohm. La résistance totale des 120 bains est, par conséquent, de 0,1 ohm.

« Le courant est fourni par deux machines Gramme, type no 1, couplées en tension, pouvant débiter 300 ampères, au maximum, avec 27 volts de force électromotrice totale, à 1 500 tours par minute.

« La quantité de cuivre affiné est de 900 kilogrammes par vingt-quatre heures.

« La force motrice dépensée est de 12 chevaux, ce qui correspond à 80 000 kilogrammètres, environ, par kilogramme de cuivre traité. »


La machine Wilde pour la production du courant électrique applicable à l’électro-métallurgie, fonctionne dans les ateliers de M. Elkington, près de Birmingham, ainsi que dans l’usine de l’Elliott’s metal Company. M. H. Fontaine, dans son ouvrage l’Electrolyse, que nous venons de citer, donne les détails suivants sur la machine Wilde en usage en Angleterre.


« Les premières machines Wilde, en usage chez M. Elkington et dans plusieurs grandes manufactures anglaises, étaient composées de deux appareils superposés : l’un magnétique, de petites dimensions, l’autre électro-magnétique de grandes dimensions. La seule fonction du premier était d’exciter les électro-aimants du second, lequel fournissait le courant dans les bains d’affinage. Ces appareils s’échauffaient tellement après quelques heures de marche, qu’il était nécessaire de les refroidir par un courant d’eau lancé dans les électro-aimants et les armatures. Ils dépensaient beaucoup de travail pour produire une quantité donnée d’électricité et se détérioraient assez rapidement. Malgré ces inconvénients multiples, il faut reconnaître qu’ils rendaient de précieux services et qu’ils étaient supérieurs à tous les autres systèmes connus avant l’invention des machines Gramme.

À Selly Oak (Birmingham), les machines Wilde (fig. 411) sont d’un type perfectionné ; mais, comme les précédentes, elles fournissent des courants alternatifs qu’il faut redresser par un commutateur avant de leur faire traverser les bains d’affinage.

Fig. 411. — Machine Wilde pour l’affinage du cuivre, employée par M. Elkington, à Birmingham.

« Ce nouveau type consiste en une armature portant une série de bobines tournant entre les extrémités libres d’un certain nombre d’électro-aimants cylindriques disposés en cercle de chaque côté de l’armature, et fixés par l’autre extrémité au bâti de la machine.

« Les bobines de l’armature sont munies de noyaux en fer, contrairement à ce qui existe dans les machines à courants alternatifs de Siemens, lesquelles n’ont aucun noyau métallique. Il y a 16 rangées de bobines et d’électro-aimants : deux des bobines engendrent le courant excitateur, les quatorze autres produisent le courant utilisé extérieurement.

« La machine a deux commutateurs : l’un pour redresser le courant qui traverse l’inducteur, l’autre pour redresser le courant principal relié aux électrodes des bains d’affinage. Ces commutateurs sont disposés extérieurement de manière à être facilement tournés, démontés et replacés, en cas de réparation ou de réfection. Cette machine chauffe encore beaucoup, mais elle fait un excellent service, et sa construction est d’une grande simplicité. »


Les principales usines qui pratiquent en grand l’affinage du cuivre par voie électrolytique, sont : celles des MM. Lyon-Allemand, à Paris ; MM. Hilarion-Roux, à Marseille ; les usines de MM. Oschger et Mesdach, à Biache Saint-Waast (Pas-de-Calais), les usines d’Elkington, en Angleterre, ainsi que celles d’Elliott, à Selly-Oak, près de Birmingham.

En Allemagne il existe plusieurs usines analogues, telles que celle de M. André, à Francfort ; la Norddeutsche Affinerie, à Hambourg ; la fonderie de Oker en Saxe, et les mines de Mansfeld. L’affinerie de Hambourg, qui produit des cuivres très purs, et de ce chef, très réputés, emploie la machine dynamo-électrique du docteur Wohlwill.

On opère sur des minerais de cuivre déjà grillés et calcinés au préalable, que l’on nomme, en industrie, cuivres bruts. Un courant galvanique agit sur ces cuivres bruts, déposés, à cet effet, dans des cuves contenant de l’eau légèrement acidulée à l’acide sulfurique.

Le courant électrique précipite sur la cathode tout le cuivre métallique, à l’état de pureté presque absolue.

Les générateurs électriques sont au nombre de 7 ; 6 machines Gramme no 1 et une forte machine Gramme du docteur Wohlwill, que nous avons représenté dans la figure 410.

La production quotidienne de cette usine atteint 2 500 kilogrammes de cuivre, chimiquement pur.

La supériorité des produits obtenus par l’usine de Hambourg, tient surtout à ce que les bains sont préparés avec soin, et entretenus constamment aux mêmes degrés de concentration et de température.


Une source de bénéfices qui n’est pas à négliger, se rencontre dans les impuretés même du cuivre. Elles sont souvent formées de métaux plus précieux que le cuivre, tels que l’argent ou l’or. On obtient ces métaux, dans un ordre régulier de précipitation, en opérant de la même façon que pour le cuivre. L’affinerie de Hambourg a pu recueillir, en 1880, 1 200 kilogrammes d’or fin.

À Briache Saint-Waast, l’installation de MM. Oschger et Mesdach comporte une seule machine Gramme, identique à celle installée chez M. Wohlwill. Cette machine peut, en alimentant 20 bains, produire, par jour, 400 kilogrammes de cuivre pur. Les bains sont en bois, doublé de plomb. Leur longueur est de 3 mètres, leur largeur 0m,80 et leur profondeur 1 mètre ; ils sont tous au même niveau, et communiquent entre eux par la partie inférieure.

Les minerais sont traités de façon à ce que leur teneur en cuivre soit de 95 pour 100, en ayant soin de faire cristalliser le fer sous forme de sulfate, toutes les fois que la proportion en est trop élevée, et de prendre les mesures nécessaires pour débarrasser le cuivre brut de sa trop grande quantité d’impuretés. On coule alors le cuivre marchand ainsi obtenu, en plaques, qui servent d’anodes solubles.

On recueille l’argent tombé au fond du bain, sous forme de boue, avec les autres impuretés du cuivre ; ces boues sont traitées par la méthode de coupellation.

L’usine Hilarion-Roux à Marseille, qui possède 40 bains, affine 250 kilogrammes de cuivre brut par jour.

L’Elliott’s metal Company possède, près de Birmingham, une usine dont nous avons déjà parlé et qui produit, par semaine, environ 10 tonnes de cuivre affiné. Elle est alimentée par cinq machines dynamo-électriques Wilde, machine que nous avons représentée (fig. 411). Les courants fournis par ces machines étant alternatifs, il est nécessaire de les redresser par un commutateur, avant de leur faire traverser les bains d’affinage. Chaque machine envoie le courant dans 48 bains, couplés en tension. Dans cette installation, la garniture des bains est faite avec de la terre cuite, recouverte d’une couche d’asphalte.

La fonderie de Oker (Allemagne) emploie trois machines dynamo-électriques Siemens, absorbant chacune 12 chevaux-vapeur, pour purifier 300 kilogrammes de cuivre par jour. Pour donner une faible résistance intérieure et une grande puissance en ampères, le constructeur, au lieu de recouvrir l’inducteur et l’induit de fils enroulés, comme dans les machines dynamo-électriques servant à l’éclairage et à la transmission de la force, a garni le fer doux et les barres d’électro-aimant avec des lames de cuivre isolées les unes des autres par de l’amiante ; ce qui permet aux machines de s’échauffer sans danger.


Le cuivre n’est pas le seul métal que l’on raffine par le courant électrique. Le plomb est aussi obtenu à l’état de pureté chimique, à l’usine de l’Electro-metal refinering, de New-York.

D’après le procédé de M. Keith, les anodes sont formées du plomb à affiner coulé en plaques, et plongées dans un bain de sulfate de plomb dissous dans l’acétate de soude. Sous l’action du courant, le sulfate de plomb se décompose, le plomb se porte sur la cathode, et l’acide sur l’anode, où il dissout le plomb, le fer et le zinc. Ces deux derniers métaux sont précipités ensuite, à l’état d’oxydes, qu’il est facile de séparer à la refonte du métal. L’or, l’argent, l’antimoine sont recueillis, sur l’anode, sous forme de boues, dans des sacs de mousseline. Ces boues sont séchées, puis fondues dans des creusets, avec du nitrate et du borate de soude, pour en séparer les éléments. La production de l’usine est énorme, et la dépense de force motrice relativement très faible, puisqu’avec une puissance de 12 chevaux-vapeur on arrive à déposer 10 tonnes de métal par 24 heures de marche.

Le plomb ainsi obtenu renferme 99,9 pour 100 de métal pur, et des traces d’argent. Le reste est formé de traces d’antimoine et d’arsenic, dont la présence n’est pas nuisible.


À côté des usines qui s’occupent exclusivement de l’affinage, il s’en trouve actuellement beaucoup d’autres, non moins intéressantes, d’ailleurs, au point de vue des produits qu’elles fournissent.

Parmi ces dernières il faut citer celle de MM. Neujean et Delaite, qui obtiennent le cuivrage, la dorure et le cobalatage direct de la fonte.

En un mot, les applications de l’électro-métallurgie sont innombrables, et elles ne pourront que s’accroître encore avec les perfectionnements incessants que reçoit l’outillage employé.

L’électro-métallurgie est une science nouvelle ; cependant il est juste de rappeler que l’idée première en est due à Becquerel, qui, en 1836, présenta à ce sujet, à l’Académie des Sciences, un mémoire, déjà fort complet, sur la métallurgie de l’argent. Il fallut longtemps pour faire triompher ses idées, qui, aujourd’hui, sont entrées dans le domaine de la pratique.


On a fait depuis quelques années des expériences intéressantes sur l’emploi de l’électricité pour le traitement des minerais mêmes ; mais il n’en est pas résulté encore, croyons-nous, d’applications pratiques.

Le traitement électro-chimique des minerais des métaux précieux laisse à désirer ; les arsenio-sulfures et antimoniures d’argent, les pyrites aurifères, sont négligés, à cause de leur faible rendement. Pour les minerais faciles à amalgamer, l’intérêt est bien moins grand, cependant nous devons citer un procédé ingénieux, dû à M. Molloy, pour l’extraction de l’or et de l’argent de leurs minerais.

On sait que le mercure, lorsqu’il est mis en présence de minerais d’or, pour former un amalgame qui abandonnera l’or par distillation, se recouvre peu à peu d’une couche d’oxyde : de là un ralentissement dans la combinaison, et une perte de mercure, qui est entraîné dans les déchets. Si l’on pouvait prévenir cette oxydation, ou plutôt cet encrassement, on utiliserait mieux et plus complètement le mercure, dont le prix est assez élevé. M. Molloy croit être parvenu à ce résultat avec l’appareil suivant, qui fonctionne actuellement à Londres.

Une cuvette de 25 millimètres environ de profondeur et 1 mètre de diamètre, est à moitié remplie de mercure. Au centre est fixé un vase poreux, dans l’intérieur duquel on introduit un cylindre de plomb et une solution de sulfate de soude. Ce cylindre est mis en communication avec le pôle positif d’une petite machine dynamo-électrique, et le mercure avec le pôle négatif. Le passage du courant donne lieu à des réactions qui se traduisent, finalement, par un dégagement d’oxygène à la surface du plomb, et d’hydrogène à la surface du mercure. Y a-t-il, comme le prétend l’auteur, formation d’un amalgame d’hydrogène ? C’est ce qui reste à démontrer, mais ce qui est plus intéressant, c’est que le mercure ne s’oxyde plus, et qu’il conserve, en présence du minerai d’or, son éclat et sa fluidité. L’attaque de l’or se poursuit donc sans déperdition due aux impuretés inévitables de la matière première.

Pour assurer un contact parfait entre le minerai et le mercure, la cuvette est recouverte d’un disque, de diamètre un peu plus petit, qui présente en son milieu une ouverture plus que suffisante pour le logement du vase poreux et l’introduction de la matière. Ce disque flotte sur le bain ; on lui imprime un mouvement de rotation, et l’on amène par le centre le minerai pulvérisé.

Celui-ci est entraîné par l’action centrifuge sous le disque, et vient ressortir à la circonférence, après avoir forcément rencontré le mercure, qui se combine avec l’or au passage.


Pour les autres minerais, cuivre, plomb, zinc, le prix élevé du traitement électrochimique paraît devoir être un obstacle insurmontable ; aussi nous bornerons-nous à signaler les procédés qui paraissent jusqu’à présent les plus faciles à réaliser.

M. Létrange a eu l’idée d’essayer par l’électricité l’extraction du zinc de ses minerais, la calamine et la blende. Son procédé permet d’utiliser les minerais que l’on délaisse, à cause des difficultés de leur traitement. Il consiste à transformer en sulfate soluble tout le zinc contenu dans le minerai, puis à électrolyser cette solution, de façon à en précipiter tout le métal.

L’acide sulfurique est fourni par le soufre même de la blende. La dissolution de sulfate abandonne son zinc dans les bains galvaniques, où elle se charge d’acide ; puis elle traverse les cuves de dissolution, où elle dissout une nouvelle quantité de zinc, et revient dans les bains, recommencer la même série d’opérations.


M. Billaudot a appliqué l’électricité à l’extraction du sélénium, qui coûtait, il y a quelques années, 1 000 francs le kilogramme, et qui revient aujourd’hui à 40 francs. Le sélénium est directement extrait de la zorgite, seléniure de cuivre et de plomb, minerai que l’on trouve sur le territoire de la République Argentine.


M. Blas, professeur à l’Université de Louvain et M. Miest, ingénieur, ont fait connaître un procédé général pour l’extraction des métaux de minerais qui les contiennent. Ce procédé est basé sur les faits suivants.

1o Les sulfures métalliques naturels conduisent, à des degrés divers, le courant galvanique.

2o Les minerais sulfurés, convenablement agglomérés conduisent le courant, même quand la proportion de gangues est très forte.

3o Si on électrolyse une solution d’un sel dont l’acide attaque les sulfures naturels, en employant ceux-ci comme anodes, le métal du sulfure se dissout, tandis que le soufre reste déposé sur l’anode. C’est avec les nitrates que l’opération a lieu le plus facilement, et dans ce cas, sans formation de sulfate.




CHAPITRE VII

autres applications de l’électrolyse. — fabrication des matières colorantes. — les couleurs d’aniline. — rectification des alcools mauvais goût par le procédé naudin. — emploi de l’ozone.

L’emploi du courant électrique pour l’extraction de corps que les méthodes usitées en chimie ne permettraient pas d’obtenir à bas prix, a marqué un progrès important dans l’histoire de la science et de l’industrie.

M. Goppelsroder a eu l’idée de produire des oxydations de substances organiques en se basant sur la propriété du courant électrique de décomposer l’eau en ses deux éléments, hydrogène et oxygène. Son procédé a été principalement appliqué à la fabrication des couleurs dérivées de l’aniline.

Avant lui, il faudrait citer MM. Becquerel, Frankland, Kolbe, Van Babo et Renard, dont les recherches sont du plus haut intérêt.

À la même époque, en 1875, M. Goppelsroder, en Suisse, et M. Coquillon, en France, obtinrent des résultats assez concluants par la préparation par voie électrique, de certaines matières colorantes.

M. Coquillon a obtenu, en particulier, par l’électrolyse, le noir d’aniline insoluble.

Il est à remarquer que, lorsqu’on traite les couleurs dérivées de la houille, on peut obtenir, par hydrogénation et par oxydation, deux couleurs différentes, produites par le même corps.

Il faut, pour en empêcher le mélange, employer des bacs séparés en deux parties par une cloison poreuse, de part et d’autre de laquelle on fait tremper dans le bain les fils de platine chargés de conduire le courant.

C’est ainsi qu’on a pu obtenir, à l’aide du noir d’aniline, plusieurs bleus : l’alizarine artificielle, le violet d’Hoffmann, etc.

Les matières colorantes obtenues par l’électrolyse sont très pures et elles donnent aux soies des nuances remarquablement belles.


Une autre application très importante et qui s’est rapidement développée dans l’industrie des boissons, est celle que M. Laurent Naudin a réalisée : nous voulons parler de la rectification des alcools mauvais goût au moyen des courants électriques.

Le mauvais goût que possèdent les résidus d’alcool, après la distillation, ainsi que certains alcools bruts, est dû, en grande partie, à la présence dans le liquide d’une certaine quantité d’éthers, ou d’aldéhydes, de la série grasse.

Or, les aldéhydes sont des alcools déshydrogénés, et il suffit de leur fournir, par l’emploi du courant, un équivalent supplémentaire d’hydrogène, pour les transformer de nouveau en alcools bon goût.

L’hydrogénation des flegmes est obtenue par M. Naudin, en les mettant en contact avec une pile spéciale, qui jouit de la propriété de décomposer l’eau pure, avec dégagement d’hydrogène et qui absorbe l’oxygène sous forme d’oxyde de zinc hydraté. Cette pile se compose de lames de zinc recouvertes de cuivre précipité chimiquement.

Les alcools à purifier sont lancés par une pompe, dans la cuve qui contient la pile, laquelle fournit un courant continu jusqu’à ce que l’opération soit terminée.

Alors que les procédés par distillation donnaient, en alcool, des rendements de 45 pour 100, la méthode de M. Naudin permet d’en recueillir plus de 80 pour 100 ; encore la qualité des produits obtenus est-elle sensiblement supérieure à celle des alcools bon goût ordinaires.

Pour la rectification des eaux-de-vie de pomme de terre et de betterave, le procédé ordinaire n’est plus suffisant, et il faut avoir recours à l’emploi d’électrolyseurs spéciaux, dont l’action est beaucoup plus énergique ; mais il suffit, dans tous les cas, pour obtenir des liquides à un degré de pureté suffisant.

Les premiers essais de M. Naudin ont été faits dans l’usine de M. Boulet, à Bapeaume-lez-Rouen. Dans cette usine on a reconnu qu’un appareil Naudin permet de transformer en alcool bon goût 200 hectolitres de flegmes, dans l’espace de 24 heures.

On voit, par ce seul exemple, à quelle production colossale peut atteindre une usine utilisant les procédés de M. Naudin.

Un procédé analogue a été mis en œuvre par M. Eisermann, de Berlin, et M. Widemann, de Paris ; mais, au lieu d’employer l’electrolyse, on se sert de l’ozone, qui peut être obtenue par voie électrique, ou simplement par le passage de l’air à travers une flamme.

Jusqu’à ce jour, l’épuration des flegmes par l’ozone n’a pas reçu d’applications bien importantes ; cependant les essais entrepris dans ce sens méritaient d’être mentionnés.

En résumé, l’électricité a déjà donné naissance à un si grand nombre d’applications qu’on en arrive à se demander quelle sera, au vingtième siècle, l’industrie, si petite qu’elle soit, à laquelle, sous une forme ou sous une autre, elle ne sera pas indispensable.

L’électricité se prête à tout, a-t-on dit bien souvent, alors qu’on ne la connaissait que très imparfaitement. Combien de fois cette phrase ne sera-t-elle pas répétée au cours du siècle qui s’approche !


fin du supplément à la galvanoplastie et aux dépôts électro-chimiques.
  1. Tome II, pages 285-384.
  2. Pages 436-437.