Les Merveilles de la science/Pile de Volta - Supplément

Furne, Jouvet et Cie (Tome 1 des Supplémentsp. 387-427).
SUPPLÉMENT
à la
PILE DE VOLTA


Dans la Notice sur la Pile de Volta des Merveilles de la Science [1], nous avons donné l’histoire de la découverte de la pile électrique. Nous avons exposé la théorie générale de ce merveilleux appareil, source, tout à la fois, d’action chimique, de lumière, de chaleur et d’effets sur les corps vivants. Nous avons enfin décrit les formes principales de la pile connues jusqu’à l’année 1870 environ, époque à laquelle s’arrêtait la publication de ce volume, c’est-à-dire les piles de Wollaston, de Daniell, de Grove et de Bunsen.

Il s’agit, dans ce Supplément, de faire connaître les progrès réalisés par la science dans la disposition et les effets de la pile électrique, depuis l’invention et l’emploi général de la pile de Bunsen jusqu’à l’heure présente. La théorie de la pile n’a pas changé, c’est-à-dire que la théorie de l’action chimique est aujourd’hui universellement admise ; mais les formes données, dans ces dernières années, à l’appareil producteur du courant électrique sont extrêmement nombreuses, et nous nous attacherons à les décrire le plus exactement possible.

Les piles secondaires découvertes et étudiées avec tant de précision par M. Gaston Planté constituent une source toute nouvelle d’électricité, sous forme de courant utilisable. Nous aurons à mettre en lumière, sous le titre d’accumulateurs, cette conquête précieuse de la physique.




CHAPITRE PREMIER

définitions et principes généraux. — pôles. — conducteurs. — circuits. — résistance des circuits. — polarisation. — diverses espèces de piles. — électrodes. — intensité du courant. — montage des piles en surface ou en quantité, en tension ou en série. — pile à couronne de tasses, — piles de volta, de cruikshanks, de wollaston, de munck et de faraday.

Le tableau que nous avons à donner des piles électriques mises en usage depuis l’invention de la pile de Bunsen jusqu’au moment présent serait entaché d’obscurité, si nous ne commencions par expliquer les termes et les désignations particulières qui concernent ces appareils : il faut définir avant de décrire.

Les piles électriques sont des appareils qui transforment l’action chimique en électricité. On peut les considérer comme des sortes de foyers chimiques, dont le combustible serait un métal quelconque, le zinc par exemple, et le comburant un acide étendu d’eau, ou un sel métallique. Le résultat de cette combustion chimique est un courant d’électricité, doué d’une force motrice, ou tension, plus ou moins considérable, et d’une intensité qui dépend de la puissance du générateur du courant.

Dans toute pile électrique, le corps attaqué (zinc) prend le nom de pôle négatif, et le corps inattaquable, qui recueille l’électricité (cuivre, charbon, platine), s’appelle pôle positif.

On nomme conducteurs les fils, câbles, tiges ou lames métalliques, qui, partant de chacun des pôles de la pile, conduisent l’électricité au dehors, et forment le circuit extérieur.

La résistance du circuit est l’obstacle que le conducteur, par son volume et sa nature, offre à l’écoulement de l’électricité.

Le circuit intérieur est la circulation de l’électricité au sein même de la pile. C’est un deuxième circuit qui s’établit dans le générateur, en sens contraire du courant principal, et qui, partant du pôle négatif, traverse la masse du liquide, et se rend au pôle positif.

On dit que le circuit est ouvert, toutes les fois que les conducteurs n’étant pas reliés ensemble, le courant ne peut s’établir. Au contraire, on dit qu’il est fermé, lorsque les conducteurs étant en contact, le courant circule librement du pôle positif au pôle négatif.

Enfin, on nomme polarisation une réaction particulière qui s’effectue dans le circuit d’une pile, en sens contraire de l’action électrique déterminée. Cette réaction, que l’on a souvent beaucoup de peine à éviter ou à combattre, cause de véritables désordres dans les courants, et crée de grandes difficultés aux physiciens qui veulent tirer un parti utile du courant principal.

L’intensité du courant électrique engendré par une pile dépend : 1o de la force électromotrice, qui est en rapport avec l’affinité chimique des substances en présence et dont la réaction mutuelle produit le courant ; 2o de la facilité avec laquelle l’électricité circule à travers les conducteurs, de leur nature, de leur section, de leur température et surtout de leur étendue. L’intensité du courant, d’après les lois établies par le célèbre physicien Ohm, est proportionnelle à la force électro-motrice, et en raison inverse de la résistance totale du circuit.

Lorsque, dans une pile, tous les pôles de nom semblable sont réunis, on dit qu’elle est montée en surface, ou en quantité, parce que ses différents couples, ou éléments, se comportent comme un seul dans lequel les lames métalliques auraient une surface proportionnelle au nombre des éléments employés, ou dont la résistance intérieure serait inversement proportionnelle à ce même nombre. Si, au contraire, on met en communication le pôle positif d’un couple avec le pôle négatif de l’autre, la pile est dite montée en tension ou en série, parce que les forces électro-motrices s’ajoutent les unes aux autres. Toutefois, il convient de remarquer que chaque couple offrant une résistance qui lui est propre, l’intensité du courant fourni par la pile ne croît pas en proportion du nombre de couples intercalés dans le circuit.

On connaît aujourd’hui deux sortes de piles : les piles simples, à un seul liquide, et les piles composées, qui sont à deux liquides, ou formées d’un liquide et d’une substance solide dépolarisante. Telles sont les piles à acides, les piles à oxydes, les piles à sulfates, les piles à chlorures, les piles au bichromate de potasse, etc., etc.

La première pile simple fut, comme nous l’avons dit, créée par Volta, en 1800.

Nous avons donné dans les Merveilles de la Science [2] le dessin du premier instrument employé par Volta, qui se composait d’une série de disques de zinc et d’argent, ou de zinc et de cuivre, empilés alternativement l’un au-dessus de l’autre, et séparés chacun par une rondelle de drap, imbibée d’eau acidulée d’acide sulfurique ou simplement d’eau salée. En réunissant entre eux, par un conducteur, les disques, zinc et cuivre, qui forment les deux extrémités de cette colonne, on reconnaît que ce conducteur est parcouru par un courant électrique, dont la manifestation est due à l’action chimique exercée par les liquides sur les métaux mis en présence. Il est facile, en effet, de s’assurer que, dans la pile de Volta, le zinc s’use peu à peu, et que la quantité d’électricité recueillie est proportionnelle à la quantité de métal disparue. L’eau se décompose : son oxygène se porte sur le zinc et l’oxyde ; puis, en présence de l’acide sulfurique, il le transforme en sulfate. Quant à l’hydrogène, il se transporte sur le cuivre, et l’entoure d’une couche gazeuse, qui produit la polarisation de cette électrode[3]. Cette polarisation qu’on est parvenu à supprimer presque complètement, comme nous le verrons bientôt, crée au passage du courant une résistance qui le détruit plus ou moins.

Les piles composées, ou à deux liquides, sont celles où l’on fait usage de deux agents chimiques pour produire la dépolarisation, c’est-à-dire pour empêcher le phénomène de polarisation, qui arrête ou diminue la production du courant. Les piles de Bunsen et de Grenet, dont nous avons donné les dessins dans les Merveilles de la science, sont des piles composées.

Après ces définitions préalables, arrivons à la description des nouvelles piles.




CHAPITRE II

les piles dépolarisantes. — la pile de bunsen, rappel du principe de sa construction, — piles dépolarisables à acide chromique.

On pourrait distinguer les piles voltaïques en piles hydro-électriques, dans lesquelles l’action chimique est seule en jeu, et en piles thermo-électriques où la chaleur suffit pour produire un courant d’électricité. Mais ces dernières n’ayant eu encore que très peu d’applications ne peuvent servir de base à une classification.

Sans nous préoccuper davantage de la classification, encore fort difficile, de tous les appareils réunis sous le nom de piles, et qui ont pour effet de produire un courant électrique, nous reprendrons la description de ce genre d’instruments au moment où nous l’avons laissé dans les Merveilles de la Science, c’est-à-dire après l’invention et l’emploi général de la pile de Bunsen.

Le physicien Becquerel père avait parfaitement établi, dès l’année 1829, le principe sur lequel repose la construction des piles actuelles. Il avait écrit, en effet :


« La pile porte avec elle la cause des diminutions qu’éprouve le courant électrique ; car, dès l’instant qu’elle fonctionne, il s’opère des décompositions et des transports de substances, qui polarisent les plaques, de manière à produire un courant en sens inverse du premier. L’art consiste à dissoudre ces dépôts à mesure qu’ils se forment, avec des liquides convenablement placés. »


On a vu, dans la Notice sur la Pile de Volta, des Merveilles de la science, comment le physicien Grove, pour produire la dépolarisation du zinc, le phénomène funeste qui arrête la continuation du courant, fit usage d’acide azotique, qui détruit l’agent polarisateur, c’est-à-dire le gaz hydrogène provenant de la décomposition de l’eau, Nous avons dit aussi comment Bunsen, profitant d’une première tentative du physicien français Archereau, créa la pile à deux liquides (acides azotique et sulfurique) connue aujourd’hui sous le nom de pile de Bunsen.

Nous n’avons pas à reproduire ce que nous avons dit, dans les Merveilles de la science, sur la manière de monter et de faire agir la pile de Bunsen, dont nous avons donné la description et les dessins, avec tous les détails nécessaires. Nous n’avons à nous occuper que des travaux faits pour perfectionner cette pile, ou pour obtenir des résultats du même genre.


Quelques électriciens remplacent l’acide azotique des piles de Bunsen, par un mélange d’acides azotique et sulfurique. M. Leroux, qui a étudié cette question, dit qu’on peut économiser très notablement la dépense d’acide azotique, en lui substituant de l’acide sulfurique concentré, auquel on a ajouté un ou deux vingtièmes d’acide azotique. L’acide sulfurique agit comme déshydratant, et amène l’acide azotique à un état dans lequel sa décomposition est plus facile que lorsqu’il se trouve en présence d’une grande quantité d’eau. L’acide sulfurique pouvant déshydrater, d’une manière convenable, son volume environ d’acide azotique du commerce, qu’on y ajoute successivement, on peut, avec son aide, utiliser presque complètement une quantité donnée d’acide azotique, laquelle employée seule, à la manière ordinaire, devrait être rejetée longtemps avant d’être épuisée.


La pile Tommasi, à laquelle on a donné le nom de pile universelle, se compose, comme l’élément Bunsen, d’un vase poreux, verni dans sa partie inférieure, et d’une lame de charbon fixée à un couvercle qui ferme hermétiquement le vase. Cette électrode descend à la moitié environ du vase poreux. En face est suspendue une tige en aluminium, qui traverse le couvercle, et supporte un demi-cylindre en porcelaine plongeant, avec le charbon, dans un vase poreux. Celui-ci est placé dans un récipient muni d’un tube. En face de la partie vernissée du vase poreux, le vase extérieur porte une rentrée, à la partie supérieure de laquelle se trouve un cylindre de zinc, pourvu d’une rainure, que l’on remplit de mercure.

Tous les vases extérieurs d’une batterie sont mis en communication, au moyen de tuyaux qui servent à les vider et à les remplir, avec une grande cuve renfermant de l’acide sulfurique. Lorsqu’on veut charger la batterie, on commence par verser la quantité voulue d’acide azotique dans les vases poreux ; puis, ouvrant le robinet de la cuve, on remplit successivement tous les vases extérieurs, et finalement, on plonge les cylindres de porcelaine dans les vases poreux : la pile entre alors en action.

L’avantage de cette pile réside surtout dans la facilité avec laquelle on peut renouveler l’eau acidulée où plonge le zinc. Toutefois, la manipulation des acides, les propriétés toxiques des gaz provenant de la réaction, et la grande quantité de substances à mettre en œuvre, ont fait renoncer à cet appareil.


Au lieu de dépolariser le zinc en détruisant le gaz hydrogène, cause de la polarisation, par des acides concentrés, on a fait usage d’un mélange dépolarisant, c’est-à-dire dont la réaction produise, soit de l’oxygène, soit du chlore.

La première pile de ce genre fut imaginée par Poggendorff. Le conducteur était dépolarisé par un mélange d’acide sulfurique et de bichromate de potasse. Seulement, l’oxyde vert de chrome, provenant de la réaction de l’acide chromique, étant insoluble, se déposait sur l’électrode, et arrêtait l’action chimique. Cette pile fut perfectionnée, en 1856, par M. Grenet.

Après avoir établi, au sein du liquide excitateur, un système de ventilation, pour empêcher l’oxyde de chrome de se déposer sur le charbon, M. Grenet donna, finalement, à la pile au bichromate de potasse la disposition suivante.

Un flacon à large ouverture est fermé par un couvercle en ébonite, auquel sont fixées deux plaques de charbon. Entre ces plaques, et maintenue par une tige mobile, qui traverse le couvercle, se trouve une lame épaisse de zinc, de même largeur que les charbons, mais à peu près moitié moins longue. Le flacon est rempli aux deux tiers d’une solution de bichromate de potasse à 10 p. 100, additionnée de 20 grammes d’acide sulfurique par litre. Quand la pile est au repos, le zinc se trouve un peu au-dessus du liquide où plongent constamment les deux charbons. Il faut, pour la mettre en activité, abaisser la tige mobile jusqu’à ce que le zinc vienne baigner dans la solution de bichromate.

Fig. 318 — Pile à bouteille.
Z, zinc. — K, plaques de charbon. — T, tige mobile.

La pile Grenet, qu’on appelle quelquefois encore pile à bouteille, et que nous représentons dans la figure ci-dessus, s’emploie surtout pour les expériences de laboratoire. Elle présente sur les autres l’avantage d’être toujours prête, de se régler facilement et de ne dégager aucune odeur. Par contre elle se polarise très vite, à cause de la formation d’un alun de chrome sur le charbon ; de sorte qu’elle perd, en quelques heures, toute son énergie.

M. Bunsen a construit une pile au bichromate de potasse, ou pour mieux dire une batterie à treuil, dont le mélange dépolarisant est formé de 1 partie en poids de bichromate de potasse, de 2 parties d’acide sulfurique et de 12 parties d’eau. D’après M. Warrington, ce mélange offre l’avantage de ne point donner lieu à la formation d’alun de chrome, mais de laisser déposer seulement de petits cristaux de sulfate de chrome et de zinc.


Cette batterie a été perfectionnée encore par M. Hauck, qui l’a disposée de façon à occuper peu de place, et à permettre d’établir facilement toutes les communications, soit en tension, soit en quantité. De plus, si la batterie est destinée à produire des actions de calorique ou de lumière électrique, on peut employer de grandes plaques de charbon, très rapprochées les unes des autres, ou des plaques plus petites assez écartées, qui donnent un courant énergique.


Comme les piles au bichromate de potasse fournissent un courant très intense, M. Ducretet, habile constructeur d’instruments de physique à Paris, a disposé, pour les laboratoires, une batterie, dont tous les éléments sont suspendus par une corde s’enroulant sur un treuil, et qui peuvent être plongés tous à la fois dans le liquide excitateur, ou en être retirés, à volonté, d’un seul coup.

La figure 319 montre la pile au bichromate de potasse à treuil, de M. Ducretet.

Les éléments, zinc et charbon, sont suspendus à une tige verticale A, par des fils c, c. Au moyen de la manivelle M et du treuil T, on fait descendre les éléments dans le bain de chromate de potasse ; et on les en retire à volonté. Une cloison mobile B permet de manier facilement les vases V, qui contiennent la dissolution saline.

Fig. 319. — Pile à treuil au bichromate de potasse, de M. Ducretet.

Fig. 320. — Élément séparé de la pile au bichromate de potasse.

EZ, zinc. — CC′, double plaque de charbon. — SF, attache de l’élément à l’élément suivant.

Nous représentons (fig. 320) un élément de cette pile.

MM. Gaiffe, Trouvé et Radiguet ont fait des batteries au bichromate de potasse, analogues aux précédentes.

La figure ci-contre montre la batterie à treuil de M. Trouvé.

Fig. 321. — Pile au bichromate de potasse de M. Trouvé.

Chaque batterie, qui renferme 6 éléments, se compose d’une auge en bois de chêne, garnie de six cuvettes rectangulaires remplies de solution de bichromate de potasse additionnée d’acide sulfurique. L’auge est surmontée d’un treuil avec rochet et cliquet, qui permet, comme dans la pile Ducretet, de faire descendre tous les éléments à la fois dans le liquide excitateur ou de les en retirer. On obtient une intensité plus ou moins grande du courant selon le degré d’immersion des couples dans le liquide salin. Un arrêt en bois empêche que les éléments ne sortent entièrement du bain.

Chaque élément de la pile Trouvé se compose d’une lame de zinc, Z, et de deux plaques de charbon C, C′ que l’on a recouvertes d’un dépôt de cuivre par la pile, à leur partie supérieure, afin de consolider le charbon qui est toujours un peu friable, de diminuer la résistance de la pile.

Le liquide excitateur s’obtient en dissolvant 100 grammes de bichromate de potasse dans un litre d’eau bouillante, et ajoutant à ce liquide refroidi 50 grammes d’acide sulfurique du commerce.


M. Fuller, physicien anglais, a construit un élément au bichromate de potasse qu’utilise avantageusement l’administration des télégraphes du Post-Office de Londres. Cet élément est disposé de la manière suivante. Un zinc, de forme pyramidale, et dont la base baigne dans du mercure recouvert d’eau acidulée, occupe le fond du vase poreux. Autour de ce dernier et dans le vase extérieur, se trouve l’électrode de charbon, qui plonge dans un mélange de bichromate de potasse et d’acide sulfurique étendu d’eau.

Cet élément, dont la force électro-motrice est de 2 volts et la résistance égale à 1 ohm, est très intense, assez constant et très économique. Les lignes télégraphiques anglaises en emploient actuellement plus de 20 000 éléments ; ce qui est une preuve suffisante de ses qualités, au point de vue de la télégraphie.


Fig. 322. — Pile Camacho.

M. Camacho obtient la dépolarisation de la pile au bichromate de potasse en disposant les éléments en cascade, ce qui établit la circulation du liquide, et en augmente la surface du charbon. La figure ci-dessus donne le dessin exact de la pile Camacho.

Les vases contenant la solution de bichromate de potasse sont placés sur des gradins, et comme en escalier. D’un réservoir supérieur A, le liquide excitateur tombe dans le vase poreux de l’élément le plus élevé ; il en sort par la partie inférieure de ce vase, et au moyen d’un siphon en caoutchouc, B, il passe dans le vase poreux suivant, et ainsi de suite. L’électrode négative (charbon) est composée d’une tige de charbon de cornue et d’une masse convenable de fragments de charbon, qui remplit tout le vase poreux. La surface énorme que représente l’électrode rend très lente la polarisation de cette pile.

Au bout de quelque temps de service il faut laver les vases poreux et l’électrode, en faisant passer, au lieu du liquide acide, de l’eau pure, qui le débarrasse du dépôt de chrome qui s’y est formé, par la réaction chimique.


Dans la batterie de M. Stohrer, la surface du charbon est totalement utilisée et les plaques de zinc plus étroites que celles du charbon, ce qui est encore un avantage.


M. Chuteaux remplace, dans son élément, la solution ordinaire de bichromate par un mélange formé d’eau, de bisulfate de mercure, de bichromate de potasse et d’acide sulfurique. En outre, il dispose ses éléments d’une façon très ingénieuse, qui en facilite la vidange. Cette pile, qui est peu constante, fut utilisée pendant le siège de Paris, pour l’éclairage électrique.


M. Delaurier emploie un mélange plus économique que les précédents, et qui consiste en 5 parties de bichromate de potasse, 5 de sulfate de soude, 4 de sulfate de fer, 25 d’acide sulfurique à 66° B. et 30 d’eau.


M. Cloris Baudet a construit une pile impolarisable à courant constant qui est douée d’une grande force électro-motrice. Cette pile, qui ne dégage aucune odeur et n’occasionne qu’une très faible dépense, peut s’appliquer indifféremment à la télégraphie, aux moteurs électriques et aux horloges électriques, à la galvanoplastie, à la lumière électrique, à la médecine, etc., etc. ; Elle est à un ou deux liquides, suivant l’usage auquel on la destine.

La pile à un seul liquide se compose : 1o d’un vase de grès, rempli d’une dissolution de bichromate de potasse, de sel marin et d’acide sulfurique, dans laquelle plonge une lame de charbon ; 2o d’un vase poreux, à trois compartiments, plongeant aussi dans le vase de grès ; l’un des compartiments contient des cristaux de bichromate de potasse, l’autre de l’acide sulfurique, et celui du milieu, qui est percé d’un trou à sa base, afin de permettre au liquide extérieur d’y pénétrer, contient une lame de zinc.

La pile à deux liquides est formée des mêmes éléments que la première, mais le compartiment du milieu du vase poreux est rempli d’une dissolution de sel marin.

M. Cloris Baudet a également construit une batterie à courant constant, qui doit cet avantage à ce que les liquides de la pile se renouvellent constamment autour des éléments. Cet écoulement a pour effet de maintenir les liquides dans le même état, et d’éviter les métallisations et les encrassements. La pile étant montée une première fois, l’entretien se borne à remplir les réservoirs lorsqu’ils sont vides ; ce qu’on peut faire sans arrêter le fonctionnement de la pile, et à changer les zincs lorsqu’ils sont usés.


M. le capitaine Putot a imaginé, pour les opérations militaires, une pile au chlorochromate de potasse, qui donne d’excellents résultats. Elle se compose de quatre éléments associés en tension. Chaque élément est formé d’un cylindre en zinc, au milieu duquel est un bâton de charbon. Ils sont placés en carré, et noyés tous les quatre dans une masse cylindrique de gutta-percha.

Le mélange excitateur est formé de 6 grammes de bisulfate de potasse et de 20 grammes de chlorochromate de potasse dissous dans 100 grammes d’eau acidulée.


Pour actionner les machines à coudre, M. Griscom a construit une batterie à bichromate, dans laquelle le relèvement des éléments s’opère à l’aide d’un ressort que l’on met en action en pressant plus ou moins sur un levier angulaire, ce qui les fait plonger plus ou moins dans le liquide excitateur. On peut ainsi modérer ou accélérer la marche de la machine, et même l’arrêter complètement.


M. Partz a aussi perfectionné la pile au bichromate et en a fait une pile à courant constant, qui ne s’use que quand le circuit est fermé. Dans chaque élément, le liquide excitateur est composé d’une solution de bichromate d’ammoniaque et de chlorure de zinc, dans laquelle plongent une lame de zinc et une plaque de charbon de cornue (fig. 323).

Fig. 323. — Coupe et plan de la pile au bichromate d’ammoniaque de M. Partz.

Le liquide est sans action sur le zinc tant que le courant n’est pas fermé. Dès que la communication est établie entre les deux pôles, la pile travaille : le bichromate d’ammoniaque est décomposé, et il se forme sur le zinc un dépôt de couleur olive, formé de chromo-oxychlorure de zinc, qui se détache bientôt du zinc, comme d’une enveloppe, en laissant le métal à nu. Il se dégage, du pôle positif, du gaz hydrogène et de l’ammoniaque, grâce à l’élimination des produits de la réaction qui se fait soit par la précipitation du composé insoluble, soit par le dégagement gazeux. Le liquide conserve une composition constante. Il suffit donc, pour entretenir le courant, de renouveler le sel et de remplacer le zinc, quand il est usé.

Le pôle négatif de la pile Partz est un morceau de charbon de cornue formant un cylindre creux que l’on a scié extérieurement dans le sens de la longueur de manière qu’il forme une rangée circulaire de barres de charbon C, C, ainsi qu’on le voit par la coupe que présente la figure 323. La baguette de zinc Z, qui forme le pôle positif, est suspendue au milieu de ce cylindre. Par sa partie inférieure le zinc plonge dans un petit vase plein de mercure, M, placé au fond.

La pile Partz est d’un grand usage en Amérique.


Enfin, MM. Grenet et Jarriant ont construit une batterie au bichromate de soude et à un seul liquide, qui a servi à l’éclairage du Comptoir d’escompte de Paris.

Chaque pile se compose de quarante-huit éléments, disposés dans des auges rectangulaires en bois. Chaque élément est formé d’un récipient en ébonite, renfermant un mélange de 38 kilogrammes de bichromate de soude et 75 kilogrammes d’acide sulfurique à 66° B. dissous dans un mètre cube d’eau. Le pôle positif est constitué par quatre plaques de charbon réunies par une tête en plomb, et plongeant entièrement dans une auge pleine de liquide. Sur la tête de plomb sont fixés deux petits tubes en ébonite, qui descendent jusqu’au fond de l’auge, et servent à l’insufflation, pour laquelle on a mis à profit la distribution d’air établie pour le service des tubes pneumatiques qui desservent les divers bureaux du Comptoir d’escompte.

Le pôle négatif de chaque élément est formé par une cuve circulaire en ébonite, au centre de laquelle est fixée une tige de cuivre parfaitement isolée et dont la partie inférieure plonge dans un bain de mercure, qui recouvre le fond de la cuve. Autour de la tige de cuivre sont disposés 6 bâtons de zinc, que le bain de mercure maintient toujours amalgamés, et qui peuvent être soulevés par un système d’engrenages et de poulies, toutes les fois qu’on veut mettre la pile au repos.

Malgré le déplacement qu’on peut faire subir aux zincs, ceux-ci restent toujours reliés aux charbons de l’élément voisin, grâce à une tige métallique en équerre, fixée à chacun des zincs, et dont la branche verticale plonge dans un tube renfermant du mercure et relié au charbon de l’élément suivant.

Le liquide excitateur est amené dans les auges par une canalisation spéciale et est renouvelé constamment ; son niveau est réglé par un tuyau de trop-plein, qui rejette le liquide épuisé. Si l’on sait bien proportionner, au travail électrique à produire, l’écoulement du liquide et l’échappement de l’air, on obtient un courant électrique très constant, condition des plus satisfaisantes pour la régularité de la lumière.

La force électro-motrice de chaque batterie, formée de quarante-huit éléments, est environ de 82 volts, et sur un circuit court, l’intensité du courant est de 24 ampères.

En 1883, la pile au bichromate de potasse de MM. Grenet et Jarriant, telle que nous venons de la décrire, fut employée, comme il est dit plus haut, pour l’éclairage électrique du Comptoir d’escompte à Paris. Mais les résultats se montrèrent très défavorables ; car, au bout de quelques mois, l’éclairage électrique et la pile au bichromate de potasse furent supprimés.




CHAPITRE III

les piles à oxydes métalliques dépolarisants. — piles de la rive, léclanché, binder, gaiffe, clamond, reynier, daniell, lalande et chaperon.

Au lieu de produire un dégagement d’oxygène, pour réduire l’hydrogène, cause de la dépolarisation des piles, on peut se servir d’un oxyde métallique, qui produise la même réduction de l’hydrogène.

Auguste de la Rive eut le premier l’idée de se servir d’un oxyde métallique pour produire la réduction de l’hydrogène, et par conséquent, la dépolarisation du zinc.

La pile à oxyde de manganèse proposée par Auguste de la Rive ne fut jamais mise en usage, mais un physicien français, Léclanché, construisit, trente ans plus tard, une pile, qui repose sur le même principe, et qui est adoptée aujourd’hui dans le monde entier.

Le premier modèle de cette pile, que construisit Léclanché, consistait en un vase extérieur carré, en verre, dont le goulot, juste assez large pour laisser entrer le vase poreux, empêche le liquide de s’évaporer trop rapidement. Le goulot a un renflement longitudinal, qui permet d’introduire le crayon de zinc, et le liquide qui doit alimenter la pile. Le vase poreux contient, en quantités égales, du peroxyde de manganèse en grains et de petits fragments de charbon de cornue. Au centre de ce mélange est une plaque de charbon, surmontée d’une tête en plomb, qui sert à fixer l’électrode. Dans le vase extérieur, on met du chlorhydrate d’ammoniaque, puis de l’eau, jusqu’aux deux tiers de la hauteur du vase poreux. La pile commence à fonctionner dès que le liquide pénètre dans la masse du peroxyde de manganèse, mais l’action chimique n’a lieu que quand le circuit est fermé.

Cette pile se polarisait difficilement, et se dépolarisait dès que le circuit était ouvert. Elle présentait l’avantage de ne contenir que des matières inoffensives, d’être d’un prix peu élevé, de ne répandre aucune mauvaise odeur, de pouvoir durer très longtemps, enfin, de produire un courant constant et énergique.

Ce premier modèle de pile à peroxyde de manganèse avait pourtant l’inconvénient grave de présenter beaucoup de résistance au passage du courant. Léclanché construit un second modèle, dans lequel (fig. 324) le vase poreux est supprimé, et remplacé par un mélange de charbon de cornue, de peroxyde de manganèse, et de 5 pour 100 de gomme laque comprimée à 300 atmosphères, et chauffée, en même temps, à 100 degrés. On obtient ainsi des masses compactes, ou agglomérées, qui durent plusieurs années. Le zinc, dont la forme reste la même, est séparé du charbon par un morceau de bois, et il est pressé contre les agglomérés à l’aide d’anneaux en caoutchouc, comme le représente la figure 325.

Fig. 324. — Pile Léclanché à agglomérés.
Fig. 325. — Pile Léclanché à agglomérés (attache du charbon et du zinc dans le vase).

L’élément Léclanché à vase poreux présentait, avons-nous dit, une grande résistance intérieure. Cette résistance a été réduite à son minimum dans la pile agglomérée à plaques mobiles. La force électromotrice de ces éléments est de 1,4 volts environ. Elle est indépendante de la dimension des éléments. La résistance intérieure de l’élément à deux plaques et à crayon (modèle des télégraphes) est de 1,2 ohms, au plus. La résistance de cet élément tend même à diminuer, au fur et à mesure du fonctionnement de la pile, par suite de la formation du chlorure de zinc, corps très bon conducteur de l’électricité. Dans les éléments à vase poreux, cette résistance dépassait souvent 6 ohms.

La pile Léclanché ne cause aucune dépense quand le courant n’est pas établi ; ce qui lui assure une grande supériorité sur la plupart des piles. 24 de ses éléments peuvent remplacer 40 éléments de la pile de Daniell. Elle offre très peu de résistance au courant. Elle ne répand pas d’odeur appréciable, et n’émet pas de vapeurs acides. Son entretien est très peu coûteux, en raison du prix peu élevé du sel ammoniac et de l’oxyde de manganèse. Enfin, elle résiste, sans se geler, à un froid intense ; ce qui lui assure la préférence sur beaucoup d’autres piles, pour les pays du nord, tels que la Russie septentrionale, la Suède, la Norvège, le Canada, etc.

Les éléments Léclanché peuvent être préparés longtemps à l’avance, et conservés indéfiniment en magasin. Et quand on ajoute le liquide, ils peuvent être employés sur-le-champ.

Une fois montés, on peut les abandonner pendant fort longtemps ; aucune évaporation ne se produit, pour ainsi dire, et il n’y a aucune consommation des substances agissantes. Leur forme les rend facilement transportables, et l’on est dispensé de tous soins d’entretien, pendant des mois entiers, du moins suivant l’activité du travail qu’on lui demande.

Un élément Léclanché fournit un courant plus intense que le couple de Daniell de même grandeur.

Tous ces avantages pratiques expliquent le succès général de la pile Léclanché, qui est aujourd’hui l’une des plus employées pour les télégraphes électriques, le téléphone et les sonneries électriques.

Il faut seulement se garder d’appliquer cette pile aux usages auxquels elle n’est pas propre, c’est-à-dire dans tous les cas où l’on a besoin d’un courant continu, et d’une quantité d’électricité considérable. Mais pour les courants qui ne doivent être établis qu’à des intervalles éloignés, comme pour les sonneries électriques et le téléphone, la pile Léclanché n’a point de rivale.


L’élément Binder n’est qu’une modification de la pile Léclanché. Il se compose d’un vase cylindrique, qui porte, à peu près vers son milieu, une saillie, servant d’appui à un cylindre de zinc, creux. Au centre du vase, se trouve un crayon de charbon, que l’on entoure d’un mélange de bioxyde de manganèse et de charbon, jusqu’à la hauteur de la saillie. Un couvercle percé de deux ouvertures par lesquelles passent les électrodes empêche l’évaporation de la solution de chlorhydrate d’ammoniaque.


Gaiffe a modifié la pile Léclanché en remplaçant le chlorhydrate d’ammoniaque par du chlorure de zinc à 45° B. Le courant résulte de l’oxydation du zinc aux dépens du bioxyde de manganèse, qui passe à l’état de sesquioxyde. L’oxychlorure de zinc étant soluble dans le chlorure de zinc, l’action n’est pas arrêtée. La force électromotrice du couple équivaut à un couple et demi de Daniell. Sa constance est assez grande, et sa polarisation très lente ; elle disparaît même lorsqu’on laisse quelque temps la pile en repos.

La pile de Gaiffe au chlorure de zinc est représentée dans la figure 326.

Fig. 326. — Pile Gaiffe au chlorure de zinc.

Le charbon est prismatique ; mais il est percé, dans le sens de sa longueur, de 4 trous, dans lesquels on place le bioxyde de manganèse, en le tassant légèrement ; ce qui a pour effet de supprimer le vase poreux, tout en diminuant la résistance électrique. Ces trous servent à retirer le produit résultant de la réaction chimique qui a engendré l’électricité. Le vase de verre qui contient le charbon est carré, et fermé par un bouchon luté à la cire, et présentant seulement un trou, qui sert à introduire le liquide dans le vase, et à faire pénétrer le bâton de zinc.

La force électro-motrice de la pile au chlorure de zinc, de Gaiffe, est inférieure à celle de la pile Léclanché.


Pour éviter la décroissance rapide qu’éprouve la force électro-motrice des piles au bioxyde de manganèse, M. Devos a construit un couple dans lequel le vase poreux est supprimé, et où l’élément dépolarisateur et l’élément actif sont mélangés autour du conducteur positif. Ce dernier consiste en une lame de charbon, qui divise la pile en deux parties : d’un côté est le zinc et le bioxyde de manganèse, de l’autre, un mélange de chlorhydrate d’ammoniaque et de coke concassé. On charge le couple avec de l’eau pure, qui dissout le sel ammoniac et met la pile en activité. Le zinc se transforme en chlorure, et le graphite joue le rôle de dépolarisateur mécanique.


MM. Leroux et Guiguet ont obtenu des piles à courant intense, en substituant à l’acide azotique de la pile Archereau, du bioxyde de manganèse, et en remplaçant l’acide sulfurique par de l’acide chlorhydrique étendu d’eau.


M. Edredge a fait une pile au protoxyde de plomb, que l’on dit être très constante, et qui est formée d’un vase au fond duquel est placée une plaque de plomb, constituant le conducteur positif. Au-dessus, se trouve la litharge, puis de l’eau salée, dans laquelle plonge le conducteur négatif. Celui-ci consiste en une lame de zinc amalgamé, suspendue, par trois agrafes, au vase de la pile. L’action est la suivante : l’hydrogène, dégagé par l’attaque du zinc, réduit la litharge, qui se dépose à l’état métallique sur la lame de plomb.


MM. Clamond et Gaiffe ont substitué au bioxyde de manganèse de la pile Léclanché le sesquioxyde de fer. Le défaut de cette pile est d’offrir une énorme résistance intérieure ; en revanche elle est impolarisable, et ne s’use que quand son circuit est fermé.


M. Reynier a construit une pile dont le vase poreux, constitué par du papier-parchemin, renferme du cuivre métallique et du sulfate de cuivre. Autour est une solution concentrée de soude caustique.

Le principal avantage de cette pile réside dans son peu de résistance, qui lui donne une intensité considérable. Avec moins de 30 éléments on peut produire l’incandescence d’une lampe électrique Swam ou Edison.


M. Desruelles a construit des piles Daniell et Léclanché qu’il a rendues facilement transportables en entourant le vase poreux d’amiante imbibée de la solution excitatrice.

Ces piles, analogues à celle que Zamboni proposa, en 1812, ne sont applicables que pour les actions discontinues, parce que le liquide, étant immobilisé, ne peut reprendre son homogénéité que par diffusion à travers l’amiante.


MM. de Lalande et Chaperon ont imaginé de construire, avec l’oxyde de cuivre et la potasse, une pile à un seul liquide et à dépolarisant solide, qui constitue un générateur électrique constant, simple, économique, et ne consommant les matières actives qu’en proportion du travail fourni.

L’oxyde de cuivre est un des oxydes qui abandonnent le plus facilement l’oxygène, et ce composé a encore l’avantage de donner, après sa réduction, un métal très bon conducteur de l’électricité.

C’est cet oxyde que MM. Lalande et Chaperon emploient comme dépolarisant, en le mettant en contact avec une surface métallique dont le prolongement constitue l’électrode négative.

L’électrode positive est une tige à lame de zinc, plongeant dans une solution de potasse caustique à 30 ou 40 p. 100, qui sert de liquide excitateur.

MM. de Lalande et Chaperon donnent à leur pile diverses dispositions. Le zinc a tantôt la forme d’un cylindre, tantôt la forme d’une tige cylindrique roulée en spirale et suspendue à la partie supérieure du vase plein du liquide excitateur.

Nous décrirons d’abord ce dernier modèle, que les inventeurs appellent modèle en spirale.

Fig. 327. — Pile Lalande et Chaperon (modèle en spirale).

L’élément à spirale (fig. 327) à couvercle mobile est formé d’un vase cylindrique en verre, V, contenant :

1o Une boîte en tôle, A, pouvant servir à transporter la potasse caustique, et destinée à recevoir l’oxyde de cuivre lorsque la pile est montée.

2o Un zinc amalgamé, D, contourné en spirale et qu’un écrou, F, servant de borne, fixe au couvercle mobile. Un tube de caoutchouc, C, protège le zinc, qui a toujours une tendance à se casser au niveau du liquide excitateur.

3o Une tige de cuivre, G, isolée par un tube de caoutchouc et traversant le couvercle. Cette tige est fixée, à sa partie inférieure, à la boîte A, et constitue le pôle positif de l’élément.

Pour mettre cet élément en service, on retire la boîte de tôle, pour la charger d’oxyde, puis on la replace au fond du vase, que l’on remplit ensuite avec la solution de potasse. Lorsque le liquide est devenu clair, on remet le couvercle, en ayant soin que le caoutchouc qui entoure la tige de cuivre l’isole bien du zinc.

L’élément à spirale se recommande spécialement pour la charge des accumulateurs.

Fig. 328. — Pile de Lalande et Chaperon (élément à auge).

La deuxième forme de ces éléments (fig. 328) est le modèle à grande surface, dit modèle à auge. Il se compose d’une auge A, en tôle de fer, dont le fond est garni d’une couche d’oxyde de cuivre. Sur cette couche est étendue une feuille de papier-parchemin, sur laquelle reposent, aux quatre coins, les supports isolateurs L, devant porter la plaque de zinc amalgamé, D.

Sur l’auge même est fixée la borne C, du pôle positif ; celle du pôle négatif, M, est attachée à une lame de cuivre rivée au zinc.

L’élément à auge s’emploie pour la galvanoplastie, la charge des accumulateurs et la lumière électrique. Deux éléments, grand modèle, équivalent à un élément Bunsen de 0m,20 de hauteur.

M. d’Arsonval, qui a expérimenté à plusieurs reprises l’élément à auge de MM. de Lalande et Chaperon, s’exprime ainsi dans la Lumière électrique du 25 août 1883 :


« Un kilogramme d’accumulateurs dépose 20 grammes de cuivre, tandis que 1 kilogramme de pile Lalande-Chaperon dépose 100 grammes. La quantité de coulombs[4] donnée par la pile est donc 5 fois plus grande que celle qui est fournie par l’accumulateur du même poids.

Quant au travail électrique, la pile Lalande-Chaperon, à poids égal, vaut deux accumulateurs Planté, bien formés comme quantité d’énergie emmagasinée. J’ai souvent pesé le zinc, après avoir fait donner à la pile un travail connu ; toujours la consommation a été à très peu près égale à celle qui est indiquée par la théorie. Ce fait prouve, par conséquent, que ce couple est exempt de réactions secondaires et ne consomme qu’en proportion du travail fourni.

Les essais de M. Hospitalier rapportés dans l’Électricien du 1er août 1882 ont donné les résultats suivants :

La pile dont la face électro-motrice initiale, une heure après le montage, était de 0,98 volts, a été mise en circuit pendant six jours entiers sur une résistance au fil de maillechort de 0,8 ohm.

Le courant fourni a été, en moyenne, d’un demi-ampère[5] pendant six jours en 518 400 secondes. La quantité totale d’électricité fournie a été de 259 000 coulombs, le poids de zinc consommé de 88 grammes, ce qui correspond à une production théorique de 260 000 coulombs ; c’est là un point des plus importants, très favorable à la pile de MM. de Lalande et Chaperon, car il montre que la consommation est théorique, c’est-à-dire que l’action locale est pratiquement nulle. L’énergie que la pile est susceptible de fournir est donc disponible à volonté par fractions quelconques, sans qu’on soit obligé de toucher aux éléments pour retirer le zinc du liquide.

La constance remarquable du débit doit être surtout attribuée à ce que le produit de la réduction est du cuivre métallique bon conducteur. »

Fig. 329. — Pile de Lalande et Chaperon (élément en obus).

MM. de Lalande et Chaperon ont donné à leur élément une autre disposition, très avantageuse, qui le rend facilement transportable, et lui donne une très grande solidité. Nous voulons parler du modèle en obus représenté ici. Le vase extérieur, au lieu d’être en verre, est formé par une sorte de bouteille en fonte, qui constitue le pôle positif de l’élément. Un tenon, A, sert à fixer la lame A C, formant électrode. Le vase V est paraffiné à chaud, pour empêcher les dérivations et afin de le rendre inoxydable. Une tige de laiton amalgamé K, terminée par la borne F, est fixée au bouchon de caoutchouc, C, et porte un gros cylindre de zinc amalgamé, D. Enfin, une soupape H, formée d’un bout de tube en caoutchouc fendu à sa partie supérieure, termine un petit tube métallique qui traverse le bouchon F.

L’élément en obus est surtout employé pour les téléphones et les sonneries d’appartements.

Il en existe un modèle à grande surface qui peut donner un débit allant jusqu’à dix ampères, et s’emploie aux mêmes usages que les éléments Bunsen ou à bichromate de potasse.

La pile à oxyde de cuivre de MM. de Lalande et Chaperon a l’avantage d’être d’une grande surface et de ne produire aucune émanation pénible. Aucune réaction ne se produit tant que le circuit est ouvert. Quand le courant est fermé, le zinc se dissout dans la potasse, en formant du zincate de potasse, et le gaz hydrogène qui se dégage réduit l’oxyde de cuivre.

Ce dernier peut être ramené à l’état d’oxyde, en le chauffant au rouge, et il peut servir à de nouvelles opérations.




CHAPITRE IV

piles à chlorures, iodures, bromures, sulfures dépolarisants. — piles marié davy, warren de la rue, niaudet, gaiffe, laurie, doat, regnault, blanc.

Dans certaines piles, la dépolarisation s’effectue par le chlore, et non par l’oxygène ou les oxydes métalliques : ce sont les piles dites à chlorures.

La première de ce genre (après celle de Daniell au chlorure de platine) est la pile de M. Marié Davy, au chlorure d’argent.

Chaque élément se compose d’un vase extérieur, en forme de cylindre, de 13 centimètres de long et de 3 centimètres de diamètre, dans lequel un crayon de zinc non amalgamé tient lieu d’électrode soluble. Au crayon est soudée une lame d’argent, qui constitue le pôle du couple suivant, et autour duquel on a fondu un petit bâton de chlorure d’argent (pôle positif) qu’on isole à l’aide d’un petit cylindre en papier parchemin. Le vase extérieur est fermé par un bouchon en paraffine, et contient une dissolution de chlorhydrate d’ammoniaque formée de 23 grammes de sel pour 1 000 d’eau.

Cette pile, dont le comburant est un corps solide, insoluble, qui n’a d’autre rôle que de fournir le chlore nécessaire à la dissolution du zinc, est à courant constant, et ne s’use que quand son circuit est fermé. Sa résistance dépend de son temps de service et de la grandeur de chaque élément. Quant à sa force électro-motrice, elle est relativement énergique.

Fig. 330. — Pile au chlorure d’argent de M. Warren de la Rue.

La pile au chlorure d’argent, imaginée par M. Marié Davy, en 1860, a été perfectionnée en 1868, par M. Warren de la Rue, qui lui a donné la forme que représente la figure ci-dessus.

M. Marié Davy a encore essayé, comme dépolarisant, le chlorure de plomb. Mais vu le prix assez élevé de ce corps et le peu d’énergie des éléments au chlorure, cette pile n’a pas reçu d’application.


M. Duchemin a essayé, mais sans succès, de dépolariser les piles au moyen du perchlorure de fer.


M. Niaudet a construit une pile constante et assez énergique, dans laquelle il utilise les propriétés dépolarisantes du chlorure de chaux.

Dans le vase poreux, on place une plaque de charbon, autour de laquelle on entasse du charbon concassé, puis une couche de chlorure de chaux, une nouvelle couche de charbon, etc., etc., jusqu’à ce qu’on arrive au bord supérieur ; on ferme le tout avec une couche de poix. À la distance voulue, et retenu par de petits bâtons en bois, le vase poreux est entouré d’un cylindre de zinc, qui trempe dans de l’eau salée, où il peut rester impunément, puisque ni ce sel, ni le chlore ne peuvent l’attaquer.

Le vase poreux, ainsi que le cylindre de zinc qui y est fixé, sont cimentés avec le col du vase, pour éviter tout dégagement de chlore, et on ne laisse qu’une ouverture pour le remplissage de l’eau salée, que l’on prépare en dissolvant dans 100 parties en poids d’eau 24 parties de sel de cuisine, proportion qui donne la plus petite résistance.

Au début, la force électromotrice est de 1,5 volt, mais elle tombe, au bout de quelques mois, à 1,38 volt. Toutefois, la réduction de l’hydrogène ne se fait pas complètement ; de sorte que la force électro-motrice peut tomber à 1,28 volt, même à 1,03 si l’on ferme la pile à court circuit ; mais il suffit d’un court repos pour qu’elle reprenne sa force primitive.


Enfin Gaiffe a construit une petite pile au chlorure d’argent.

L’élément se compose d’un petit cylindre de caoutchouc durci, qui porte un couvercle vissé se fermant hermétiquement. Les deux électrodes sont fixées au couvercle par des écrous. L’électrode négative est un petit creuset en cuivre qui contient du chlorure d’argent fondu, enveloppé dans de la toile. De petits buttoirs de caoutchouc assurent la distance nécessaire de l’électrode zinc, et un bracelet en caoutchouc les serre tous deux contre ces buttoirs.

Cet élément qui contient du liquide ne peut pas être retourné, puisque quand le couvercle est mouillé il se produit aussitôt une fermeture ; aussi Gaiffe remplaçait d’ordinaire le liquide par des couches de papier buvard imprégné d’une dissolution de chlorure de zinc à 5 pour 100.

Ces éléments sont très économiques et très commodes pour les usages médicaux.


De même que le chlore, l’iode, le brome et le soufre ont été employés comme dépolarisants. Ainsi, M. Laurie a construit une pile dont les électrodes plongent dans une dissolution d’iodure de zinc, à laquelle on ajoute de l’iode.

Dans l’élément de M. Doat, le vase extérieur contient du mercure, où plonge un fil de platine, et le vase poreux renferme une dissolution d’iodure de potassium qui entoure le charbon.

M. Regnault a remplacé l’iode par le brome et l’iodure de potassium par du bromure, sans obtenir de meilleurs résultats.

Enfin MM. Blanc et Savary ont essayé de réduire l’hydrogène par le soufre, et de construire, avec ce métalloïde, des piles impolarisables.

Aucune de ces piles, dont la force motrice est d’ailleurs très faible, n’a reçu d’application pratique.




CHAPITRE V

les piles au sulfate de cuivre dépolarisant. — piles de daniell, de bréguet, de vérité, de muirhead, de carré, de minotto, de w. thomson, de siemens et halske, de trouvé, de callaud, de meidinger, de gaiffe, de kohlfurst, de reynier.

Les piles dans lesquelles le sulfate de cuivre est employé comme dépolarisant sont très nombreuses, et un certain nombre sont en usage en télégraphie, sinon en France, du moins à l’étranger. C’est ce qui nous engage à les faire connaître.

Le point de départ des piles à sulfate de cuivre, c’est la pile de Daniell, dont l’invention est déjà ancienne, mais qui est encore en usage, soit par elle-même, soit par ses nombreuses imitations ou perfectionnements.

C’est en 1836 que le physicien anglais Daniell construisit sa première pile au sulfate de cuivre. Elle était très compliquée, mais elle fournissait un courant parfaitement constant. Elle était munie d’un siphon destiné à débarrasser la pile des liquides saturés de sel, et à lui fournir, en échange, de l’eau pure, qui maintenait constant le degré de saturation des liquides. Après avoir essayé successivement des diaphragmes en vessie, en cuir et en toile, Daniell s’arrêta enfin au vase poreux en porcelaine dégourdie.

Fig. 331. — Pile de Daniell.

Le modèle de pile de Daniell que construit M. Bréguet se compose (fig. 331) d’un vase extérieur contenant de l’eau acidulée, dans laquelle plonge une lame cylindrique de zinc, Z. Au centre de ce vase, se trouve un vase poreux, rempli d’une solution concentrée de sulfate de cuivre, où plonge une lame de cuivre, C. Dans cette pile, le zinc se dissout en s’oxydant, et forme du sulfate de zinc ; l’hydrogène produit passe à travers le vase poreux, et réduit le sulfate de cuivre. Il se forme donc du cuivre métallique, qui se dépose sur la lame de cuivre et le vase poreux, et l’hydrogène se combine avec l’oxygène, pour former de l’eau.

Fig. 332. — Pile de Daniell à ballon (modèle de M. Vérité).

La disposition donnée à la pile de Daniell par M. Vérité, horloger de Beauvais, pile que nous représentons (fig. 332), dispense de tout entretien. Un ballon B, rempli d’eau et de sulfate de cuivre, et dont le goulot porte un bouchon, traversé par un tube de verre, plonge dans le liquide du vase poreux. À mesure que le sulfate de cuivre dissous se consomme, dans la pile, il est remplacé par celui du ballon, qui maintient sans cesse la saturation du liquide dépolarisateur, mais a l’inconvénient de réduire un peu l’intensité du courant.

Fig. 333. — Pile Daniell à auge.

La pile de Daniell représentée dans la figure 333 a servi pendant très longtemps, en Angleterre, pour la télégraphie, et elle est encore très répandue pour cet usage.

Elle se compose d’une boîte en bois de teck, divisée en dix compartiments par une plaque d’ardoise C ; chaque compartiment renferme deux cloisons séparées par une plaque de porcelaine poreuse. Sur chaque ardoise on met, à cheval, une lame de cuivre, qui supporte, d’un côté une plaque de cuivre, et de l’autre côté une lame de zinc. Dans le dernier compartiment, à gauche, est une plaque de cuivre, qui aboutit à un bouton ; c’est le pôle positif de la pile.


Dans les compartiments d’électrode cuivre on met la dissolution de sulfate de cuivre avec quelques cristaux du même sel, qui maintiennent la dissolution saturée.

L’emploi d’une caisse en bois a pour but de supprimer les vases de verre, très exposés à être brisés pendant un long service. Il faut seulement que la caisse soit bien étanche, ce qui n’arrive pas toujours, et la pile est alors hors de service. La boîte étant fermée par un couvercle de bois l’évaporation de l’eau est très lente. Enfin le transport de l’appareil est facile.

Cette pile que les télégraphistes anglais appellent trough battery (pile à auge) a les dimensions suivantes : pour le cuivre un carré de 7 centimètres de côté ; pour le zinc un rectangle de 9 centimètres sur 5. Une pile de dix éléments coûte 26sh25 et l’entretien revient à 10 livres par an. Elle fonctionne un mois sans que l’on ait à ouvrir la boîte.

Fig. 334. — Pile Muirhead.

La pile Muirhead, très employée en Angleterre, pour le service des lignes télégraphiques, est un perfectionnement de la précédente. Elle se compose (fig. 334) d’une caisse en bois, contenant cinq vases de porcelaine, munis de deux séparations dans lesquelles sont placés des vases poreux plats.

Le vase extérieur est carré et en porcelaine blanche. On y place un vase poreux en terre rouge, qui reçoit l’électrode de cuivre et le sulfate de cuivre. À l’extérieur du vase poreux on met l’électrode zinc. Les électrodes de cette pile sont les mêmes que ceux de la pile de Daniell à auges, que nous venons de décrire.

La pile Muirhead est la plus employée aujourd’hui en Angleterre pour la télégraphie. Au bureau central des télégraphes du gouvernement, à Londres, il y a 20 000 éléments semblables à ceux dont nous venons de parler.

En Italie et dans l’Inde anglaise, on emploie la pile de M. Minotto (de Venise), dans laquelle le vase poreux est remplacé par une couche de sable ou de sciure de bois, imprégnée d’une dissolution de sulfate de cuivre.

C’est une pile de Daniell à sable. Une simple feuille de papier buvard sépare les deux liquides. Dans l’eau acidulée plonge le pôle négatif, formé d’un disque plat de zinc ; et au fond de la pile se trouve le pôle positif, formé d’un disque semblable de cuivre rouge.

Cette pile (fig. 335) est très constante, et sa résistance est d’environ 2 ohms quand elle est en bonne condition.

Fig. 335. — Pile Minotto.

Les piles Minotto qu’emploient les Compagnies de câbles sous-marins diffèrent de la précédente quant à la forme. Elles se composent d’un vase en gutta-percha, au fond duquel est placé un disque de cuivre, d’où part un fil isolé, formant électrode. Cette pile a l’avantage d’être très portative ; aussi l’emploie-t-on généralement pour les épreuves faites à la mer ou même à terre, sur les câbles sous-marins.

Une troisième forme de pile Minotto consiste en un vase de cuivre, au fond duquel on dépose des cristaux de sulfate de cuivre, que l’on recouvre ensuite de sciure de bois. C’est sur cette couche que repose le zinc. Le montage de cette pile est des plus simples et son fonctionnement d’une régularité parfaite. Il suffit pour l’entretenir de l’humecter de temps à autre.

La pile Minotto est employée pour la télégraphie dans toute l’Inde anglaise.


Sir W. Thomson a construit un élément à sulfate de cuivre, beaucoup moins résistant et beaucoup plus énergique que celui de Daniell. Les éléments qui servent à faire fonctionner son siphon-recorder, c’est-à-dire l’appareil qui enregistre les signaux du télégraphe transatlantique, et que nous aurons à décrire dans le Supplément au Câble transatlantique, sont formés d’auges ayant 0m,40 carrés à la base, et évasées au sommet. Elles sont doublées de plomb intérieurement et contiennent des grilles en zinc s’appuyant sur des blocs en terre cuite émaillée, comme on le voit sur la figure ci-jointe.

Fig. 336. — Pile Thomson.

Une lame de cuivre est soudée sur le bord extérieur de chaque auge, pour servir, au besoin, d’électrode. Afin de faciliter l’enlèvement des dépôts de cuivre, une lame étroite de ce métal est soudée au fond et au milieu de chaque auge ; et tout le restant du plomb qui recouvre l’intérieur et les côtés est enduit d’un vernis isolant, formé de copal et de térébenthine. Une plaque de cuivre très mince également, vernie sur une de ses faces, excepté au centre et aux coins, fait contact, par la pression des blocs de terre cuite et la grille en zinc, avec le revêtement de plomb convenablement gratté dans les coins. La face supérieure de la plaque de cuivre est décapée. Elle est, d’ailleurs, de la même dimension que l’intérieur des auges (0m,40 carrés). Sur ses coins on place les blocs de terre cuite qui supportent le zinc en forme de grille.

Cet élément est enveloppé de papier-parchemin, plié avec soin sur les côtés et fixé solidement par de la ficelle et de la cire à cacheter. Le papier, une fois humecté, agit comme un diaphragme, et retient homogène l’ensemble du grillage en zinc, que le temps détériorerait. Pour supporter une de ces pièces à auge, on construit un bâti en bois, muni de quatre isolateurs en porcelaine, sur lesquels vient s’appuyer la première auge.

Cette pile doit être disposée de façon à ce que l’on puisse tourner facilement autour. La première auge et le support doivent être soigneusement nivelés.

Au fond de la première auge, on place l’élément cuivre, dont on assure le contact métallique au centre et aux quatre coins ; puis on place sur ces coins les quatre blocs de terre vernie formant de petits cubes qui servent de support au grillage en zinc. On verse alors dans l’auge une solution de sulfate de zinc d’une densité de 1,1 en humectant d’abord la grille et son enveloppe en parchemin. On s’assure ensuite que les quatre coins supérieurs du zinc et les quatre coins inférieurs en plomb de l’auge suivante sont propres et secs, et l’on appuie l’auge no 2 sur le zinc no 1, et ainsi de suite jusqu’à ce que la pile soit complète.

Les cristaux de sulfate de cuivre qu’on emploie dans cette pile doivent être en petits morceaux de la grosseur d’un pois ; on les pèse par petites quantités, d’environ 30 grammes. Pour mettre la pile en action, on verse ces 30 grammes de sulfate de cuivre séparément, sur chaque face, distribuant cette quantité aussi également que possible entre les blocs de terre cuite. Immédiatement après, on met chaque élément en court circuit, et au bout de dix minutes, la pile est prête à agir, avec toute sa force. De temps en temps, il faut ajouter du sulfate de cuivre, toujours par quantités égales pour chaque auge, comme au moment où la pile a été chargée ; mais il ne faut jamais mettre de nouveau sulfate de cuivre, tant que la quantité mise précédemment n’est pas complètement usée. De temps à autre, il faut retirer, avec un siphon, et à partir d’un point inférieur au niveau extrême du sulfate de zinc, assez de liqueur pour abaisser son niveau d’environ 7 millimètres, puis rétablir ce niveau en versant de l’eau fraîche jusqu’à ce qu’elle soit à la hauteur des grilles de zinc.

La résistance intérieure de ces éléments est très faible, tandis que leur force électromotrice est considérable.

Fig. 337. — Pile allemande (Siemens et Halske).

L’élément Siemens et Halske, adopté en Allemagne, est une pile Daniell dont la cloison poreuse est plus épaisse. Il se compose, comme on le voit, d’un vase cylindrique de verre, au fond duquel est placée une bande de cuivre, C, en forme de S, à laquelle est soudé un fil servant d’électrode négative. On recouvre la bande de sulfate de cuivre, et, après avoir placé dessus une cloche en terre poreuse, surmontée d’un manchon en verre, K, sur lequel pose l’électrode, on la remplit de cristaux de sulfate de cuivre.

Au-dessus de la cloche on met, après l’avoir exprimée, une sorte de bouillie faite avec du papier et son quart en poids d’acide sulfurique étendu de quatre fois autant d’eau. Sur cette pâte, qui sert de vase poreux, on pose un morceau de toile, que l’on recouvre de cristaux de sulfate de zinc, et par-dessus, un cylindre de zinc fondu, muni d’une borne en laiton.

Pour mettre l’élément en activité, on verse de l’eau dans le manchon de verre et sur le zinc.

Bien que la résistance intérieure de cette pile soit assez grande, on l’emploie néanmoins avantageusement en télégraphie.

Pour éviter que le sulfate de cuivre ne traverse la pâte de papier et ne recouvre la cloche de terre poreuse, M. Varley a eu l’heureuse idée de remplacer la pâte de l’élément Siemens-Halske par de la sciure de bois recouverte d’oxyde de zinc.

Fig. 338. — Pile Trouvé, à disque de papier.

Dans le modèle de pile Daniell construit par M. Trouvé chaque élément se compose de disques plats, l’un de cuivre, et l’autre de zinc, entre lesquels se trouve une assez grande épaisseur de rondelles de papier buvard. La moitié inférieure de ces rondelles est imprégnée d’une solution saturée de sulfate de cuivre, tandis que la moitié supérieure contient une solution de sulfate de zinc. Le tout est maintenu par une tige d’ébonite fixée au couvercle de la pile. Il suffit de plonger l’ensemble de ces disques pour mettre l’élément en action.

La pile de M. Trouvé est très régulière et d’une résistance très faible ; on l’emploie avec avantage en télégraphie et pour actionner les appareils électro-médicaux.


Fig. 339. — Pile Callaud.

La pile Callaud, qui est aujourd’hui d’un très grand usage dans la télégraphie française, est encore une modification de la pile Daniell. Elle se compose d’un vase en verre, sur le bord duquel repose, à l’aide de trois crochets, un cylindre de zinc. Une bande de cuivre, remplacée souvent par un gros fil de cuivre roulé en spirale, est placée sur le fond du vase, et terminée par un conducteur recouvert de gutta-percha. Pour mettre la pile en action, on verse d’abord dans le vase de l’eau pure, ou mieux une dissolution étendue de sulfate de zinc ; puis on ajoute une dissolution de sulfate de cuivre, au moyen d’un siphon, qui plonge jusqu’au fond du vase.

Cette pile est très économique et sa résistance très faible ; quant à sa force électro-motrice elle ne tombe que de 1/40 environ de sa valeur initiale, dans l’espace de trois ou quatre mois.

Le modèle de pile Callaud, adopté aux États-Unis, se compose d’un vase de verre, auquel est suspendue une plaque de zinc fondu ayant la forme d’une roue d’horloge à quatre barrettes, sans denture. Le cuivre est enroulé en spirale et soudé à une tige de même métal, mais isolée, qui vient aboutir au dehors. Pour mettre cette pile en action, il suffit d’y jeter des cristaux de sulfate de cuivre et de verser par-dessus de l’eau pure. Les deux solutions se séparent en vertu de leur densité, et le courant apparaît presque aussitôt après le montage.

On doit à Gaiffe une pile de Daniell, dans laquelle la réaction du zinc sur le sulfate de cuivre reste nulle tant que le circuit est ouvert.

L’élément se compose : 1o d’un bocal en verre à la partie supérieure duquel est suspendu un zinc comme dans l’élément Callaud ; 2o d’un vase central formé d’une partie poreuse et d’une partie non poreuse, constituée par un verre à boire ordinaire ; 3o enfin d’un cylindre de cuivre, contenu dans le vase central, et dont un prolongement recourbé en dehors de ce vase plonge jusqu’au fond du bocal, et se termine par un anneau. Le couple se charge à l’aide d’une solution concentrée de sulfate de zinc.

Enfin, M. Trouvé a construit un élément Callaud dont le prix de revient est des plus modiques. Il est formé d’un vase de verre sur les bords duquel le cylindre de zinc est retenu par trois courbures que l’on y pratique avec une tenaille. L’électrode négative est constituée par un fil de cuivre en spirale dont le bout, isolé par un tube de verre, sert de fil de dérivation. Le fil du pôle zinc de chaque élément vient s’enrouler sur le fil de cuivre de l’élément suivant et rend ainsi très facile son accouplement. La pile Callaud-Trouvé peut être employée avec avantage dans l’installation des sonneries d’appartements, des télégraphes et des téléphones domestiques, mais elle a été construite surtout pour des usages médicinaux.


L’administration badoise des télégraphes ainsi que celle de l’Allemagne du Nord, emploient une pile au sulfate de zinc, qui est basée, comme les précédentes, sur la différence de densité de deux liquides. Nous voulons parler de la pile Meidinger, dont l’usage est aujourd’hui très répandu. Chaque élément se compose (fig. 340) d’un vase en verre, rétréci vers la base, et contenant une sorte de capsule d, d, reposant sur le fond.

Fig. 340. — Pile Meidinger (Coupe).

Une éprouvette h, remplie de cristaux de sulfate de cuivre, et percée, à sa partie inférieure, d’un petit orifice, repose sur les bords de la capsule. Celle-ci contient un cylindre de plomb g auquel est soudé un fil de cuivre isolé aboutissant au dehors. Enfin un cylindre de zinc, Z, muni de son électrode, vient reposer sur le rebord que forme le rétrécissement du vase extérieur.

Pour charger l’élément, on remplit d’abord le vase en verre d’une solution d’eau additionnée de 90 grammes de sulfate de magnésie ; on y introduit ensuite la capsule, puis le cylindre de plomb et enfin l’éprouvette garnie de sulfate de cuivre. Pour éviter la concentration de la solution de sulfate de magnésie, il convient d’ajouter un peu d’eau de temps en temps. Il est indispensable d’enduire aussi de paraffine les bords du vase extérieur afin d’empêcher le dépôt des cristaux de sulfate de soude.

Dans l’Allemagne du Nord, on remplace souvent l’éprouvette par un ballon en verre (fig. 341) rempli d’une dissolution concentrée de sulfate de cuivre, et muni d’un bouchon au travers duquel passe un petit tube en verre qui plonge dans la capsule.

Fig. 341. — Pile Meidinger à ballon.

On emploie beaucoup en Allemagne la pile Kohlfurst, qui est aussi un perfectionnement de la pile de Daniell, et qui se recommande surtout par sa constance. L’élément se compose d’un vase étranglé à sa partie inférieure, et dont la partie supérieure est fermée par un couvercle en fonte de fer, auquel est fixé un bloc de zinc qui se termine extérieurement par une borne en cuivre, servant de pôle négatif. Une plaque de plomb, qui constitue le pôle positif, repose au fond du vase et communique au dehors par un fil de cuivre recouvert de gutta-percha. On garnit de cristaux de sulfate de cuivre l’espace compris entre le fond du vase et l’étranglement sur lequel vient s’appuyer un disque de terre cuite non vernie et percée de trous, puis on remplit le vase d’une dissolution de sulfate de zinc ou de magnésie.

Cet élément, dont la résistance intérieure est très faible, et la force électromotrice relativement considérable, fonctionne plus d’une année, sans exiger le moindre entretien.


Enfin M. Reynier a perfectionné l’élément Daniell en remplaçant l’acide sulfurique par de la soude caustique. Il diminue ainsi la consommation du zinc, empêche la diffusion de la solution cuprique, lorsque la pile est au repos, et augmente dans de notables proportions la force électro-motrice qui peut atteindre jusqu’à 11 volts[6].




CHAPITRE VI

piles à sulfates dépolarisants autres que le sulfate de cuivre. — piles marié-davy, gaiffe, rhumkorff, somzée, becquerel.

Certains sulfates autres que celui de cuivre peuvent être employés comme dépolarisants ; mais alors il faut substituer à la lame de cuivre une lame métallique correspondant au sulfate employé, ou bien une plaque de charbon.

La plus importante des piles de ce genre est celle qui a été construite par M. Marié-Davy et qui fut, pendant de longues années, en usage en France, sur la plupart des lignes de télégraphie électrique. Elle se compose d’un vase extérieur en verre, ou le zinc plonge dans l’eau pure, et d’un vase poreux contenant une bouillie de bi-sulfate de mercure, qui entoure le charbon.

Fig. 342. — Élément d’une pile Marié-Davy au sulfate de mercure.

L’élément Marié-Davy a une force électromotrice supérieure à l’élément Daniell : elle est de 1 volt,5, par suite de la dissolution difficile du sulfate de mercure. Les liquides ne se mélangent que très lentement, et lorsqu’il vient toucher le zinc, le mercure séparé ne produit aucune action secondaire : il entretient, au contraire, l’amalgame en bon état.

Le prix élevé du sulfate de mercure a empêché la pile Marié-Davy d’être conservée pour l’usage des télégraphes, bien que l’on puisse facilement retirer le métal des éléments épuisés. Par suite du peu de solubilité du sulfate de mercure, le courant baisse rapidement, en court circuit. Enfin, ce qui n’est point le moindre défaut de cet élément, le sel de mercure est un poison violent.

Lorsque tout le sulfate dissous est consommé, il se forme un amalgame de zinc, qui devient positif en face du zinc, de sorte qu’il se produit un retournement du courant. Aussi recommande-t-on d’avoir soin que les éléments qui sont réunis en tension aient tous, autant que possible, une construction semblable, afin que l’un ne vienne pas, avant l’autre, à manquer de sulfate de mercure dissous.

La dissolution du sulfate de mercure peut être hâtée par la division du sel ; ce qui peut se faire en le mélangeant avec des morceaux de coke, comme M. Beaufils l’a fait dans l’élément sans vase poreux qui a été employé pendant longtemps par l’administration des lignes télégraphiques.


Afin de rendre cette pile facilement applicable aux appareils médicaux, MM. Trouvé, Gaiffe et Rhumkorff ont supprimé le vase poreux et se servent de la dissolution du sel de mercure comme dépolarisant et comme comburant.


M. Somzée a encore construit une pile au sulfate de mercure et charbon qui possède, sous un volume très restreint, une grande force électro-motrice, une grande constance et une très longue durée.


MM. Becquerel et Marié-Davy ont encore utilisé le sulfate de plomb comme matière dépolarisante, mais l’énorme résistance intérieure qu’offrent ces piles les a fait abandonner.




CHAPITRE VII

la pile à gaz. — travaux de grove et de becquerel. — disposition nouvelle donnée à la pile à gaz par m. albin figuier.

Pour continuer cette revue des piles voltaïques fondées sur le développement d’une action chimique, nous mentionnerons un ordre particulier de générateur d’électricité qui, pour n’avoir été encore l’objet que d’un petit nombre de recherches, n’en est pas moins intéressant. Nous voulons parler de la pile à gaz.

La pile à gaz diffère essentiellement des couples actuellement usités, en ce que l’action chimique, cause originelle du courant voltaïque, au lieu d’être provoquée par la dissolution d’un métal dans un liquide, dépend de la combinaison de deux gaz.

Elle a pour origine cette observation de Faraday :

« Lorsqu’on recueille sur un voltamètre à une seule cloche et à lame de platine l’hydrogène et l’oxygène provenant de la décomposition de l’eau, et qu’on supprime ensuite la pile excitatrice, les gaz disparaissent peu à peu. Cet effet a été attribué à l’action de contact du platine. Le phénomène est plus rapide quand on réunit extérieurement les deux lames du voltamètre. »

Grove reconnut, de son côté, que les deux gaz recueillis séparément sur un voltamètre à deux cloches disparaissaient dans les mêmes circonstances, et que cela avait lieu pour deux gaz obtenus par une voie quelconque.

Un voltamètre ainsi disposé constitue à son tour une véritable pile. Il suffit, pour le constater, de le mettre en relation avec un galvanomètre : on verra l’aiguille dévier. Le courant se maintient jusqu’à épuisement des deux gaz, ou de l’un des deux gaz si l’autre est en excès.

En s’appuyant sur ce fait, Grove construisit, en 1842, une batterie formée par une série de voltamètres reliés en tension. Chaque couple se compose de deux longues éprouvettes en verre, destinées à recevoir les gaz, et renfermant, chacune, suivant toute sa longueur, une lame de platine, dont l’extrémité inférieure, faisant saillie au dehors, et se recourbant, aboutit à une borne fixée sur le support qui maintient les éprouvettes.

Ce support repose sur les bords du vase contenant de l’eau acidulée, dans laquelle plongent, plus ou moins, les éprouvettes.

Une batterie de cinquante couples amorcés avec de l’hydrogène et de l’oxygène pouvait provoquer de fortes secousses, et dégager même de faibles étincelles, quand on réunissait les deux rhéophores terminés par des pointes en charbon.

Un seul couple peut décomposer l’iodure de potassium ; quatre sont nécessaires pour décomposer l’eau acidulée.

Grove a chargé sa pile avec différents gaz, et il a pu constater, pour certains, la production d’un courant, généralement trop faible, et partant de trop longue durée, pour qu’il ait pu songer à déterminer la nature du produit formé par ces gaz, dont le volume était très limité.

M. Albin Figuier, mon neveu, professeur à la Faculté de médecine et de pharmacie de Bordeaux, a cherché à combler en partie cette lacune, en donnant à la pile à gaz une forme nouvelle, qui en fait un instrument de laboratoire propre à opérer des synthèses chimiques.

La théorie que Grove a invoquée pour expliquer le jeu de la pile à gaz repose sur le triple contact de l’eau, des gaz et des lames de platine, en attribuant, du reste, au contact l’idée de mouvements moléculaires, et par suite de force effective.

Schönbein admet que l’hydrogène intervient seul ; il se produirait, au niveau du contact de l’hydrogène avec le liquide et la lame de platine, un courant capable de décomposer l’eau, dont l’oxygène devenu libre serait absorbé sur place par l’hydrogène contenu dans la cloche. En même temps, l’hydrogène électrolytique transporté dans l’autre cloche s’y combinerait avec l’oxygène adhérent à la lame correspondante de platine.

L’eau serait décomposée d’un côté pour se reconstituer de l’autre. Mais ces deux actions opposées s’équivalent, et l’on ne voit pas comment l’une peut entraîner l’autre. Cette objection est de Grove lui-même.

De la Rive fait intervenir l’électricité propre que posséderait chacun des gaz, et qui tend à séparer les éléments de l’eau : l’hydrogène à l’état naissant réagirait sur l’oxygène en contact avec le platine. Cette double hypothèse ne rend pas compte de la généralité des cas pour d’autres gaz, et elle n’explique pas bien comment il peut rester de la force disponible en dehors de la pile.

Quoi qu’il en soit, la théorie du triple contact ne peut se maintenir devant ce fait, observé par Jacobi, que la pile peut fonctionner quand les lames polaires sont complètement immergées.

Poggendorff a pu le vérifier, et a constaté, de plus, que l’hydrogène et l’oxygène recueillis dans une seule cloche, dans le voltamètre, disparaissaient rapidement, alors que les lames polaires étaient encore recouvertes par le liquide.

M. Albin Figuier conclut des recherches qu’il a entreprises, que le courant de la pile à gaz est dû, à la fois, à l’inégale diffusion des deux gaz à travers le liquide qui les sépare, et à leur combinaison ultérieure, par voie d’occlusion, dans les pores mêmes des lames polaires.

Le sens et l’intensité de ce courant dépendraient donc de la somme algébrique de ces divers effets.

On comprend ainsi que ce courant puisse être très faible, et que néanmoins l’action chimique concomitante soit relativement énergique. Cette dernière s’accomplit simultanément aux deux pôles, qui tendent chacun à prendre le même signe.

Nous donnerons maintenant la description de la pile que M. Albin Figuier a employée pour ses recherches.

Fig. 343. — Pile à gaz de M. Albin Figuier.

Cette pile est formée (fig. 343) de deux cylindres creux, en graphite, C, C′, fermés par en bas, et rendus impolarisables par un dépôt de mousses métalliques ou charbonneuses.

Chaque cylindre est muni, à sa partie supérieure, d’un collier métallique, servant d’attache aux rhéophores. Ces deux cylindres, offrant ainsi un grand développement de surface à l’action du liquide dans lequel ils plongent, et des gaz qui circulent continuellement, même sous pression, sont maintenus par le couvercle, e e′ du vase récepteur, qui ferme hermétiquement. Chacun de ces cylindres est fermé par un bouchon livrant passage à deux tubes a, a′ qui servent à l’entrée et à la sortie des gaz.

Dans quelques expériences, les cylindres de graphite ont été remplacés par des godets en porcelaine dégourdie, fortement imprégnés de mousse de platine.

Le choix du liquide n’est pas indifférent ; il est bon d’employer un liquide alcalin toutes les fois que les gaz, en réagissant l’un sur l’autre, doivent donner lieu à un composé acide, et réciproquement.

Fig. 344. — Pile à gaz de M. Albin Figuier (Coupe).

Ces piles ne consomment guère que par suite de la fermeture du circuit. L’auteur a déjà démontré un fait analogue pour la dialyse des liquides, phénomène qui s’accompagne d’un courant électrique, dirigé, suivant le sens du mouvement prépondérant de l’un des deux liquides, à travers le septum qui les sépare. La vitesse de diffusion augmente ou diminue, suivant qu’on ferme ou qu’on ouvre le circuit formé par une lame de platine ou de charbon impolarisable qui est en relation par ses deux extrémités avec les deux liquides.

Dans quelques cas, les gaz, avant de se rendre dans la pile, ont été soumis à l’effluve électrique. Un galvanomètre introduit dans le circuit permettait d’apprécier les modifications survenues dans le courant.

Le courant électrique qui résulte de l’action que les gaz exercent les uns sur les autres a pour résultat de produire de véritables synthèses de composés chimiques.

Les composés ainsi obtenus se forment au contact même des pôles, et en plus grande abondance au pôle positif. C’est ce qu’il est facile de reconnaître par l’analyse du liquide, qui pénètre à la longue dans l’intérieur des cylindres.

Dans le tableau ci-dessous, on a fait suivre le nom des gaz qui alimentaient le couple, des combinaisons chimiques ainsi obtenues.

Hydrogène et oxygène : action de l’effluve nulle sur l’hydrogène, très énergique sur l’oxygène.

Air atmosphérique et acide sulfureux : acide sulfurique.

Hydrogène et chlore : acide chlorhydrique.

Oxygène et chlore : acide chlorique ; action insensible de l’effluve sur le chlore.

Azote et oxygène : acide azotique ; action insensible de l’effluve sur l’azote.

Hydrogène et azote : ammoniaque.

Oxyde de carbone et acide carbonique : acides oxalique et formique ; action insensible de l’effluve sur les deux gaz.

Oxyde de carbone et carbonate de soude (un seul cylindre creux récepteur du gaz, une baguette de graphite représentant l’autre pôle) : acides oxalique et formique.

Éthylène et oxygène : acides formique et acétique.

Hydrogène et acide carbonique : acide acétique.

Formène (gaz des marais) et acide carbonique : acide acétique.

L’auteur fait remarquer que la détermination du courant définitif dans la pile à gaz est subordonnée à un ensemble de conditions, dont il faut d’abord tenir compte et que l’on peut résumer ainsi :

1o La simple immersion des deux charbons dans le liquide donne lieu à un courant différentiel, dont on ne peut prévoir le sens, provenant d’actions capillaires inégales, et qui ne cesse que lorsque l’imbibition est complète ; ce courant est dirigé du liquide au charbon.

2o Tant que le liquide électrolytique n’est pas saturé par les gaz qui y parviennent en traversant les cylindres, il s’établit un double courant de dissolution, dont la résultante est dirigée du gaz le plus soluble au liquide.

3o Une fois que le liquide est saturé, le courant devient très régulier et de sens invariable ; il se dirige alors dans le sens du mouvement prépondérant de l’un des deux gaz, à travers le liquide ; on peut donc le prévoir, d’après la loi de la diffusion simple, qui conserve dans ce cas ses allures générales.




CHAPITRE VIII

les piles thermo-électriques. — piles de seebeck, d’œrsted et fourier, de pouillet, nobili, mathiessen, marcus, wheatstone, ladd, farmer, bunsen, becquerel, noé, mure, clamond.

Les piles thermo-électriques sont des appareils qui transforment directement la chaleur en électricité.

La première de ces piles fut construite en 1821, par Thomas Seebeck, professeur de physique à Berlin. Elle se composait d’une barre de bismuth, sur laquelle étaient soudées les extrémités d’une lame de cuivre, recourbée de manière à laisser un espace vide entre les deux métaux. En chauffant l’une des soudures de ce système, Seebeck reconnut qu’il se produisait un courant électrique se dirigeant de la soudure chaude à travers le barreau de bismuth.

Les lois des phénomènes que présentent les générateurs thermo-électriques furent établies en 1823, par A. C. Becquerel. L’illustre physicien observa : qu’entre les mêmes limites de températures, on obtient, suivant les métaux employés, des courants d’intensité variable, qui correspondent à des pouvoirs thermo-électriques différents ; — qu’il existe, à des températures différentes, des courants thermo-électriques entre deux portions d’un même métal homogène ; — qu’enfin, les mêmes phénomènes se reproduisent encore au contact des liquides et des solides, et des liquides entre eux.

Œrsted et Fourier, sur les indications de Seebeck, construisirent une pile thermo-électrique, composée de barreaux de bismuth, qui se terminaient par une partie soudée, qu’on refroidissait avec de la glace, tandis que les autres soudures étaient chauffées à l’aide de petites lampes à alcool.

Pouillet construisit, pour ses recherches sur les lois des courants, une pile thermo-électrique formée de lames de cuivre et de cylindres de bismuth soudés alternativement les uns aux autres. Il suffit, pour mettre cette pile en fonction, de plonger dans de l’eau chaude toutes les soudures impaires, et de placer toutes les soudures paires dans de la glace.

Fig. 345. — Pile thermo-électrique de Nobili.

Dans la pile de Nobili, qui est composée de bismuth et d’antimoine, toutes les soudures paires sont d’un côté et les soudures impaires de l’autre. Généralement, cette pile consiste en un premier couple sur lequel on place une feuille de papier verni, puis un second couple semblable au précédent et relié avec lui. On continue à superposer et à isoler de la même manière un certain nombre de ces couples jusqu’à ce que la pile forme un parallélépipède, que l’on mastique dans une pièce rectangulaire de cuivre, de façon que les soudures soient découvertes et présentent deux faces que l’on enduit de noir de fumée pour les rendre plus sensibles à l’action de la chaleur. De chaque côté de la monture de la pile sont fixées deux bornes correspondant : l’une avec le premier bismuth et l’autre avec le dernier antimoine. L’appareil est supporté par un poids à charnière qui permet de lui donner toutes les positions voulues. Enfin, et pour que la chaleur environnante n’influe pas sur la pile, celle-ci est renfermée dans un étui rectangulaire dont les extrémités sont munies d’écrans au moyen desquels on peut ne laisser arriver la chaleur que sur l’une de ses faces.

Cette pile est une simplification et un perfectionnement de celle d’Œrsted et Fourier ; elle mesure environ deux centimètres cubes de côté, et renferme cinquante couples. Melloni l’a appliquée à l’étude du rayonnement de la chaleur.


Dans l’industrie on a utilisé plusieurs alliages à la formation des piles thermo-électriques, dans le but d’obtenir un courant plus intense. C’est ainsi que MM. Mathiessen, Marcus, Wheatstone et Ladd ont employé un alliage de nickel, de cuivre et de zinc, et un autre formé de bismuth, de zinc et d’antimoine. Ils ont pu, à l’aide de cette pile, rendre incandescent un fil de platine et obtenir des étincelles d’une bobine Rhumkorff.

M. Farmer, de Boston, a construit une pile de ce genre, dont les lames positives étaient formées par un alliage de cuivre, de zinc et de nickel, et les lames négatives de zinc, de bismuth et d’antimoine.

M. Bunsen, et plus tard M. Edmond Becquerel, ont utilisé dans la construction des piles thermo-électriques la pyrite de cuivre. Celle que M. Edmond Becquerel imagina, en 1865, était formée de sulfure de cuivre artificiel et de maillechort (alliage de cuivre et de nickel).

Aucune des piles que nous venons d’examiner n’a reçu d’application pratique. La première dont on fait usage industriellement est celle de M. Noé, physicien de Vienne, faite avec du maillechort et un alliage de zinc et d’antimoine.

La figure 346-347 représente la pile thermo-électrique Noé.

Fig. 346-347. — Pile thermo-électrique de Noé (de Vienne).

Les soudures S, S, qui par leur échauffement doivent produire le courant électrique, sont chauffées dans un petit cylindre de laiton A, porté sur une base métallique circulaire, L, au centre de laquelle s’élève une tige de cuivre rouge, B, terminée en pointe, et c’est cette pointe métallique qui reçoit la chaleur produite par un bec de gaz dans la flamme duquel on plonge ce petit cylindre.

Une pile Noé de 25 éléments décompose l’eau.

La pile Noé est employée en Autriche, pour les opérations de dorure, d’argenture et de nickelage. L’appareil est d’une assez grande durée.

Fig. 348. — Pile thermo-électrique Clamond.

Vint ensuite la pile de M. Clamond, puis celle de MM. Mure et Clamond, et enfin, la nouvelle pile thermo-électrique que M. Clamond a construite en 1879, et que nous représentons dans la figure ci-dessus.

L’ensemble de l’appareil comprend trois parties :

1o Le foyer et le collecteur ; 2o la pile proprement dite ; 3o le diffuseur. Le foyer, placé au-dessous de la pile, et alimenté indifféremment par de la houille, du coke ou du gaz, a pour but de fournir la chaleur nécessaire au collecteur.

La pile Clamond met en usage l’alliage de zinc et d’antimoine, et comme deuxième métal, le fer, qui dure plus que le cuivre ou le maillechort.

L’appareil se compose de 10 éléments disposés en cercle dans une série, et par suite, de dix barreaux d’alliage antimoine et zinc, b, reliés l’un à l’autre par des lames de fer très minces, a, a, qui présentent extérieurement une grande surface de refroidissement. Les soudures de rang pair sont au centre et celles de rang impair à l’extérieur de l’appareil.

Les séries d’éléments sont séparées par des rondelles en caoutchouc.

La chaleur est fournie par un bec de gaz qui pénètre au centre de cet assemblage et dans le diffuseur G, par un tuyau B.

Voici, du reste, la description que donne M. Clamond de sa pile :

« Le collecteur est un assemblage de pièces de fonte de fer légères, de formes telles qu’elles présentent une suite de canaux dans lesquels circule l’air chaud provenant du foyer. Les pièces du collecteur offrent une très grande surface au mouvement des gaz chauffés, qu’elles n’abandonnent qu’à une température très voisine de la leur ; elles emmagasinent la chaleur, qu’elles communiquent ensuite aux couples. L’extérieur de l’appareil est constitué par des lames de métal présentant à la circulation de l’air ambiant une surface considérable. Le système thermo-électrique proprement dit est placé entre le collecteur et le diffuseur, de manière à ce que les séries opposées des soudures participent aux températures différentes de ces deux organes. L’écoulement de la chaleur se produit du collecteur au diffuseur au travers des couples, parallèlement à leur longueur, et sans perte appréciable de calorique par les surfaces latérales, réalisant ainsi le maximum de rendement de transformation dont les substances employées sont susceptibles. »

L’appareil de M. Clamond est, de tous les générateurs de ce genre, le plus pratique et le plus puissant. Il peut servir, soit pour la galvanoplastie, soit pour mettre en action de petits moteurs, soit enfin pour produire de la lumière. La pile dont M. Clamond s’est servi pour ses expériences d’éclairage électrique se composait de 6 000 couples, capables d’alimenter deux régulateurs Serrin, fournissant chacun une lumière équivalente à 50 becs Carcel. Son principal inconvénient est de s’altérer à la longue.

Les piles thermo-électriques sont loin d’avoir dit leur dernier mot. L’idée d’allumer un calorifère pour produire un courant électrique est, en effet, de nature à exciter le zèle des inventeurs, et peut-être trouvera-t-on un jour dans ce genre d’appareil la solution du problème de la production de l’électricité à bon marché.




CHAPITRE IX

les piles secondaires. — les accumulateurs, transformateurs. — accumulateurs planté.

Après avoir parlé des divers générateurs d’électricité, il nous reste à étudier la série d’appareils remarquables auxquels on a donné le nom de piles secondaires, d’accumulateurs ou de transformateurs. Ces appareils ont pour mission, non plus de produire des courants électriques, mais de changer les propriétés de ces courants, et d’en faire, pour ainsi dire, provision.

La première idée de ce genre de générateurs électriques est fort ancienne. Dès les premiers temps de la découverte de la pile, c’est-à-dire en 1803, Ritter avait eu l’idée de remplacer les deux fils d’un voltamètre à lames de platine, par des électrodes d’or, de cuivre, de fer et de bismuth, et de former, avec ces conducteurs peu oxydables, un courant de seconde main, pour ainsi dire. Ces expériences, reprises en 1859 par M. Gaston Planté, l’amenèrent, en peu de temps, à reconnaître la facile oxydation du plomb sous l’influence du courant intérieur de la pile, et les avantages que ce métal pourrait offrir pour emmagasiner l’électricité.

Fig. 349. — M. Gaston Planté.

C’est en 1860 qu’à la suite de ses patientes recherches sur les courants secondaires, développés au sein des piles polarisables, M. Gaston Planté construisit la première pile secondaire. Afin de recueillir et de pouvoir mettre à profit ces courants, M. Gaston Planté, qui avait reconnu que « la force électro-motrice d’un voltamètre à lames de plomb plongées dans l’eau acidulée par de l’acide sulfurique était plus énergique et plus persistante que celle de tous les autres métaux, et qu’elle dépassait même de moitié celle de l’élément voltaïque le plus énergique comme celui de Grove et de Bunsen », fut conduit à construire une pile secondaire de grande intensité, en enroulant en spirales de longues et larges lames de plomb, séparées par une bande de toile et plongées dans de l’eau acidulée au dixième par de l’acide sulfurique.

La figure ci-contre représente l’élément tel que M. Planté le fait construire : la pile secondaire, ou accumulateur, résulte de la réunion d’un certain nombre de ces éléments.

Fig. 350. — Élément d’un accumulateur Planté.

On réunit dans une éprouvette de verre, ou de gutta-percha, deux lames de plomb enroulées en spirale, l’une parallèlement à l’autre et séparées par deux bandes de caoutchouc, qui s’enroulent en même temps, comme le montre la figure 350.

L’éprouvette est fermée par un bouchon cacheté, dans lequel on a ménagé un petit trou, qui sert à introduire le liquide et à l’enlever, et qui donne passage aux gaz qui peuvent se dégager pendant la charge de la pile. Un couvercle de caoutchouc durci surmonte l’éprouvette.

Deux éléments d’une pile de Bunsen servent à charger une pile secondaire.

Quelquefois on charge cette pile secondaire au moyen d’une machine magnéto-électrique, comme le représente la figure 351.

Fig. 351. — Pile secondaire chargée par une machine magnéto-électrique.

Pendant le chargement de la pile secondaire la lame positive se couvre peu à peu d’une couche poudreuse d’oxyde de plomb, tandis que sur la lame négative se fixent des bulles gazeuses, et qu’il s’y forme un dépôt noirâtre de plomb métallique. Au moment de la décharge un autre phénomène se produit : l’hydrogène de l’électrode négative se combine avec l’oxygène de l’oxyde de plomb, pour former de l’eau, qui augmente la force électro-motrice de la pile.

En résumé, la pile secondaire de M. Gaston Planté (fig. 352) se compose d’un vase cylindrique en verre ou en gutta-percha, dans lequel sont enroulées et placées parallèlement l’une à l’autre deux lames de plomb, maintenues à distance par des lanières en caoutchouc, et immergées dans une solution d’acide sulfurique au dixième. La pile est hermétiquement fermée par un couvercle en ébonite M′ sur lequel sont fixées deux bornes A′A qui correspondent aux deux pôles de la pile B′B.

Nous représentons (fig. 353) un élément séparé.
Fig. 352. — Pile secondaire de M. Gaston Planté, chargée par la pile de Bunsen. Fig. 353. — Vue intérieure d’un élément séparé de la pile secondaire de M. Gaston Planté.

Comme les couples voltaïques, les éléments secondaires s’associent, soit en quantité, soit en tension. La durée de leur décharge dépend de la grandeur des lames de plomb employées, de l’épaisseur des dépôts produits et de la résistance extérieure du circuit. La décharge est très constante, elle est relativement de courte durée, mais, en revanche, d’une énergie considérable.

Après une série de charges et de décharges successives le métal se pénètre de plus en plus de peroxyde de plomb réduit ; ce qui augmente sans cesse la durée de la décharge.

Cette particularité a permis à M. G. Planté d’accumuler, dans un couple secondaire, la majeure partie du travail chimique de la pile. Avec un couple bien formé, c’est-à-dire dans lequel la lame de plomb positive est profondément pénétrée de peroxyde de plomb, et la lame négative suffisamment recouverte de plomb réduit, M. Planté a pu emmagasiner, par kilogramme de plomb, plus de 65 000 coulombs.

Cette quantité de travail chimique accumulé n’est point, du reste, la limite qu’on peut atteindre, car, en continuant la formation des couples, en changeant, comme l’a indiqué M. Planté, le sens du courant primaire agissant sur le couple, de manière à réduire la lame de plomb primitivement peroxydée et à peroxyder la lame de plomb antérieurement réduite, on détermine encore un nouvel accroissement de la quantité de travail chimique accumulé. Il n’y a, en somme, d’autre limite que l’épaisseur des lames de plomb.

Une des propriétés les plus précieuses des piles secondaires, c’est de pouvoir, grâce à l’inaltérabilité du peroxyde de plomb dans l’eau acidulée, conserver pendant plusieurs semaines la charge qu’elles ont reçue. Elles sont donc susceptibles, tout à la fois, d’accumuler et d’emmagasiner le travail chimique de la pile primaire.

En comparant ses accumulateurs aux machines qui, en mécanique, servent à l’accumulation des forces, M. G. Planté est parvenu à déterminer le rendement de ses piles secondaires et a trouvé qu’il était égal à 88 pour 100.

Les éléments secondaires peuvent être réunis, avons-nous dit, en tension ou en quantité, et constituent des piles qui présentent tous les effets ordinaires des piles les plus puissantes. La figure 354 représente la batterie d’éléments secondaires de M. G Planté. C’est, comme on le voit, la réunion d’un certain nombre d’éléments secondaires, tels qu’on les a représentés sur les figures précédentes.

Fig. 354. — Batterie secondaire Planté.

M. Planté a appliqué avec succès ses accumulateurs à la navigation électrique et à la traction des tramways. Avec des batteries de 20 à 40 couples secondaires, il a pu obtenir l’arc voltaïque et l’illumination des lampes à incandescence.

M. Achard a fait usage de la pile secondaire pour actionner ses freins électriques de chemins de fer. M. le Dr  Onimus s’en est servi pour effectuer la cautérisation des glandes lacrymales. Enfin, M. Trouvé l’a appliquée à la laryngoscopie et à l’éclairage des cavités obscures du corps humain.

Une application curieuse du même appareil consiste dans le briquet électrique, que représente la figure ci-dessous.

Fig. 355. — Briquet électrique.

Entre deux petites pinces est tendu un fil de platine. Chaque fois qu’en appuyant avec le doigt sur deux ressorts placés au bas de la boîte, on envoie un courant à travers le fil de platine, celui-ci rougit et enflamme la bougie, qui se trouve placée sur son trajet.

Avec le briquet électrique, qui n’est qu’une imitation du briquet de Gay-Lussac, dans lequel la chaleur d’un courant électrique remplace le gaz hydrogène enflammé, on peut allumer la bougie cent fois. C’est seulement après ce grand nombre d’inflammations que l’on a besoin de recharger la pile contenue dans la boîte, en faisant usage de trois éléments d’une pile de Daniell.

Ce même appareil pourrait servir à enflammer à distance les mines, pour l’usage industriel ou militaire.

Avec une batterie de 6 couples chargés en tension, on peut obtenir une force électro-motrice de 12 à 15 volts.

Avec 1 600 couples chargés par deux éléments Bunsen d’une force électro-motrice totale de 3 volts, 5, M. Planté a obtenu des tensions de 4 000 volts.

En soumettant un condensateur formé de disques de papier à filtrer humides, et séparés par une même couche d’air, à l’action d’une batterie de 800 couples, M. Planté a vu apparaître, au moment de la décharge, un globule de feu, qui se promenait entre les deux surfaces, en décrivant les plus capricieuses sinuosités et en faisant entendre un bruissement aigu.

Ces effets, comme l’a signalé le savant électricien, ont une grande analogie avec ceux de la foudre globulaire, et semblent démontrer que ce phénomène a pour cause une décharge lente et partielle de l’électricité des nuages orageux, lorsque cette électricité est surabondante et que les nuages sont eux-mêmes très près du sol, ou s’en trouvent séparés par une couche d’air isolante de faible épaisseur. La matière pondérable, traversée par le flux électrique, s’agrège alors, par suite de l’abondance de l’électricité, sous la forme d’un globe de feu, dont les mouvements plus ou moins rapides et irréguliers sont dus aux variations de résistance de la couche d’air où se produit le phénomène et à la tendance qu’a l’électricité à se porter vers les corps les meilleurs conducteurs.

Avec sa batterie secondaire de 800 couples, M. G. Planté a obtenu un courant dont la force électro-motrice était assez considérable pour traverser des tubes de Geissler à air raréfié, dont la résistance atteignait 500 000 ohms. D’après M. Hospitalier, l’intensité de ce courant serait, au moment de l’illumination du tube, de 35 milliampères, et au moment de son extinction de 15 milliampères.

La pile secondaire de M. G. Planté est une source d’électricité d’autant plus précieuse qu’elle est capable de fournir un courant intense et continu. C’est grâce à cet appareil que les physiciens ont pu vérifier l’analogie qui existe entre les effets de nos appareils électriques et les phénomènes électriques naturels, tels que la foudre globulaire, la grêle, les trombes et les aurores polaires.




CHAPITRE X

diverses formes données à la pile accumulatrice. — les accumulateurs de m. faure, de mm. sellon et volekmar, de mm. houston et thomson, de m. schulze, de m. d’arsonval, de mm. de meritens, kabath, tourvieille et barrier, parod, dandigny et reynier.

Ayant remarqué qu’il fallait un temps très long pour former les accumulateurs, et qu’en outre le plomb n’était suffisamment pénétré qu’après de nombreuses charges, M. Camille Faure a construit une pile secondaire d’un usage très pratique, mais qui n’est, en réalité, qu’un perfectionnement de celle de M. Planté. Cette pile est constituée par deux plaques de plomb enduites d’une couche de minium et recouvertes d’une feuille de feutre, fixée à chaque lame de plomb par des rivets de même métal. Le vase extérieur, au lieu d’être en verre, est en plomb, et fait partie de l’un des pôles de la pile.

Pour former et charger un couple, on le fait traverser par un courant électrique, qui fait passer l’une des couches de minium à l’état de peroxyde et transforme l’autre en plomb réduit. Au moment où le plomb réduit s’oxyde, le plomb oxydé se réduit, et le couple redevenu inerte est prêt à être rechargé de nouveau. Sa formation n’exige qu’une centaine d’heures.

La pile de M. Faure a fait un moment beaucoup de bruit. Sans doute, elle est plus puissante que celle de M. G. Planté, mais cette puissance a ses limites. C’est du moins ce qu’ont démontré les expériences publiques faites à la Société d’encouragement.

L’accumulateur de MM. Sellon et Volekmar est formé de plaques de plomb ondulées et perforées d’ouvertures remplies d’éponge de plomb poreux. Chaque élément pèse environ 180 kilos, et donne une force de 3 chevaux-vapeur. Une batterie de trente éléments peut alimenter pendant 7 heures 180 lampes à incandescence de 20 bougies.

MM. Houston et Thomson ont inventé un accumulateur, qui permet, comme ceux de MM. Planté et Faure, d’emmagasiner le courant produit par une machine dynamo-électrique, et de l’utiliser ultérieurement. Leur pile est formée d’une lame de cuivre et d’une plaque de charbon, qui plonge dans une solution de sulfate de zinc. Lorsqu’on fait passer à travers cet accumulateur le courant d’une machine dynamo-électrique, le sulfate de zinc se décompose et du zinc métallique se porte sur la lame de charbon, en même temps qu’il se forme, à la partie supérieure de la pile, une solution concentrée de sulfate de cuivre.

Ainsi chargée, cette pile peut fournir un courant, dont la durée est proportionnelle au temps que le zinc métallique, déposé sur le charbon, met à se transformer en sulfate de zinc, tandis que le cuivre est régénéré.

M. Schulze a imaginé un accumulateur, formé de plaques de plomb préalablement saupoudrées de soufre et chauffées. Ces plaques sont plongées, les unes à côté des autres, dans de l’acide sulfurique dilué. Dès l’introduction du courant, il se porte, du côté où l’hydrogène se dégage, de l’hydrogène sulfuré, tandis qu’il se forme, de l’autre côté, du sulfate de plomb, qui se transforme ensuite en peroxyde.

Cet accumulateur a l’inconvénient de perdre rapidement sa charge.

Le docteur d’Arsonval a présenté à l’Académie des sciences une pile secondaire, qui se compose d’un vase rempli d’une solution concentrée de sulfate de zinc dans laquelle plonge une lame de zinc, ainsi qu’un vase poreux rempli de grenaille de plomb et contenant une plaque de charbon. Lorsqu’on charge ce couple par un courant se dirigeant du charbon au zinc, le zinc du sulfate se porte sur la lame de zinc, l’oxygène formé peroxyde la grenaille de plomb, et l’acide sulfurique du sulfate reste à l’état libre.

Pour donner à la pile de M. G. Planté une plus grande surface d’oxydation, MM. de Méritens, Kabath et Pezzer ont imaginé de plisser les feuilles de plomb de cette pile, et ils ont pu ainsi accroître la puissance accumulatrice de chaque élément.

L’accumulateur de M. Kabath (fig. 356) a été employé avec succès pour l’éclairage des magasins et des théâtres, pour les expériences photographiques, la manœuvre des freins de chemins de fer et l’éclairage des wagons. C’est, grâce à sa légèreté, l’auxiliaire indispensable de la distribution de l’électricité à domicile.

Fig. 356. — Accumulateur Kabath

M. Dandigny a fait un accumulateur avec des lames de cuivre enroulées en spirale et recouvertes : les unes (pôle positif) d’oxyde cuivrique ; les autres (pôle négatif) d’oxyde cuivreux. Sur ces oxydes est une couche de charbon, qui leur permet d’absorber plus facilement les gaz. Lorsqu’on charge la pile, l’eau qu’elle contient se décompose ; l’oxygène transforme l’oxyde cuivreux des lames négatives en oxyde cuivrique, tandis que l’hydrogène transforme l’oxyde cuivrique des lames positives en oxyde cuivreux. Au contraire, lorsqu’on la décharge, l’eau décomposée se reforme, et les oxydes métalliques reprennent leur oxydation première ; en d’autres termes, l’oxyde cuivreux se suroxyde et l’oxyde cuivrique se réduit.


MM. Tourvieille et Barrier ont construit un accumulateur très pratique, formé de tubes cylindriques en plomb, s’emboîtant les uns dans les autres, et séparés par des baguettes en verre. Ces tubes portent, intérieurement, des rainures, qui sont garnies d’un mastic spécial, à base de plomb. Ils sont montés sur un couvercle en verre et réunis à deux bornes de prise du courant. Le couvercle repose sur les bords supérieurs d’un vase en verre ou en grès ; ce qui empêche toute émanation et tout contact nuisible entre les électrodes, ainsi que les dépôts qui pourraient se former à la longue.

La durée de la charge de cet accumulateur est de six heures, la durée de décharge de cinq heures 40 et le rendement en quantité de 94 pour 100.


M. Parod, qui s’est surtout appliqué à l’étude de la canalisation de l’électricité, a construit, en 1884, un accumulateur, analogue à celui de M. G. Planté, mais dont la disposition et la construction sont établies sur plusieurs principes nouveaux.

Dans cet appareil, que l’on peut charger par induction, à des distances considérables, et qui permet d’effectuer le transport de la force à distance, les plaques secondaires, au lieu d’être simplement, comme celles de M. G. Planté, formées de feuilles de plomb massives, sont composées d’une âme bonne conductrice en cuivre, hermétiquement enveloppée dans un revêtement en plomb, qui constitue la plaque secondaire proprement dite, et qui se trouve seul en contact avec le liquide excitateur.

Grâce à cette disposition, le courant primaire partant de l’âme conductrice, ou noyau, arrive simultanément dans les plaques secondaires, dont toutes les parties développent une égale activité électro-chimique ; l’absorption du courant primaire est ainsi excessivement rapide et régulière et la formation uniforme.

Pour éviter l’oxydation des électrodes et le transport des sels, M. Parod place les plaques de son accumulateur dans une cuve d’ébonite, divisée en deux compartiments par un diaphragme poreux.

Fig. 357. — Accumulateur Reynier, à 27 plaques. Fig. 358. — Accumulateur Reynier, à 9 plaques.

On doit à M. Reynier, l’électricien bien connu et dont les travaux ont contribué, pour une large part, au développement des applications de la pile secondaire, l’invention de deux accumulateurs, l’un au cuivre, l’autre au zinc.

Le premier a pour positif une lame de plomb peroxydé, et pour négatif une lame de plomb cuivré. Le tout plonge dans de l’eau acidulée par de l’acide sulfurique tenant en dissolution du sulfate de cuivre.

Fig. 359. — Accumulateur Reynier à 5 plaques, couplées par des ponts métalliques. Fig. 360. — Plaque d’accumulateur Reynier, munie de son crochet de contact.

Le second a la même électrode positive. Quant au pôle négatif, il est constitué par une lame de plomb amalgamée et zinguée. Le liquide est formé par de l’eau additionnée d’acide sulfurique et chargée de sulfate de zinc.

L’accumulateur Reynier est construit à Malry, près Fribourg (Suisse), par M. Blanc, qui donne à ces appareils les formes que nous représentons dans les figures ci-dessus.

La puissance d’emmagasinement des accumulateurs se compte en kilogrammètres par poids d’un kilogramme. Ainsi, l’élément Faure peut fournir 2 500 kilogrammètres par kilogramme d’accumulateur. Une pile secondaire pouvant débiter un cheval-heure, c’est-à-dire produire la force d’un cheval de 75 kilogrammètres pendant une heure, soit 270 000 kilogrammètres, pèserait 108 kilogrammes ; mais on peut réduire ce poids à 90 kilogrammes seulement, ce qui porte à 3 000 kilogrammètres la puissance d’emmagasinement par kilogramme.

Suivant les systèmes, on compte par 2 à 4 000 kilogrammètres disponibles par kilogramme ; ce qui donne à l’accumulateur pouvant fournir un cheval-heure un poids compris entre 70 et 150 kilogrammes.

Le rendement d’un accumulateur est d’autant plus fort que la charge et la décharge sont moins rapides. Pour avoir une bonne utilisation, il importe de charger pendant 10 à 12 heures, en donnant à la décharge une durée de 3 à 4 heures. Dans ces conditions, on peut compter sur un rendement de 70 à 80 pour 100 et quelquefois davantage.

La charge peut se conserver intacte pendant plusieurs jours ; et même au bout d’un mois toute l’énergie n’est pas épuisée. Cette propriété précieuse permet l’emploi de moteurs discontinus, tels que les roues hydrauliques, à alimentation périodique, et les moulins à vent, qu’on peut ainsi faire servir à l’éclairage électrique et à la distribution de l’électricité, grâce à l’intermédiaire des accumulateurs.




CHAPITRE XI

conclusion. — rôle actuel de la pile voltaïque.

Nous avons passé en revue tous les appareils nouveaux qui, sous le nom de piles voltaïques, servent à produire un courant électrique applicable à divers usages. Nous aurions pu étendre beaucoup la liste de ces appareils, mais nous avons dû faire un choix entre eux, et nous borner à signaler ceux qui sont entrés dans la pratique, ou qui se recommandent par un caractère scientifique particulier.

On va comprendre, d’ailleurs, que le nombre des piles voltaïques puisse être, pour ainsi dire, infini. Construire une pile voltaïque (si l’on en excepte les piles thermo-électriques), c’est tout simplement utiliser une réaction chimique pour produire un courant électrique. Or, toute action chimique s’accompagnant d’un dégagement d’électricité, il suffit de produire une réaction chimique quelconque et de recueillir, sous forme de courant, cette électricité, pour avoir une pile électrique. La seule condition c’est d’empêcher la polarisation du corps réagissant, c’est-à-dire d’empêcher la formation du courant secondaire, ou courant de sens contraire, qui vient toujours neutraliser en partie le courant principal. Comme le disait Becquerel, « l’art consiste à dissoudre les dépôts, à mesure qu’ils se forment ».

Cette dernière condition, c’est-à-dire la dépolarisation, peut être obtenue au moyen de l’oxygène formé par la décomposition de certains acides, au moyen d’oxydes métalliques, ou grâce à différents sels désoxydants. Ainsi s’explique le nombre prodigieux des piles voltaïques que les physiciens proposent à l’envi, et dont on trouve l’interminable énumération dans les publications périodiques consacrées aux sciences, et dans les nouveaux Traités de physique.

Cependant, ne vous y trompez pas, lecteur, en dépit ou, pour mieux dire, en raison même de cette surabondance de nouveaux générateurs d’électricité, qui viennent incessamment grossir l’arsenal du physicien, il faut reconnaître que la pile de Volta est un instrument aujourd’hui délaissé. Une pile électrique ne peut fournir qu’un courant d’une médiocre intensité, et si l’on n’avait eu entre les mains que cet instrument, on n’aurait pas réussi à faire éclore les récentes merveilles de l’électricité, c’est-à-dire l’éclairage électrique, les nouveaux moteurs électriques, le transport de la force par l’électricité, et toute cette série de nouvelles applications du courant électrique qui surgissent autour de nous, avec un caractère de plus en plus imposant et grandiose.

C’est qu’au lieu de demander le courant électrique à la pile, qui ne peut jamais développer une grande somme d’électricité, on le demande aujourd’hui à la machine dynamo-électrique, qui produit des courants d’électricité d’induction par le mouvement des aimants autour d’une armature en fer.

Cela revient à dire qu’il n’y a plus de limites à la puissance du courant électrique. Il suffit, en effet, d’accroître la force de la machine à vapeur qui fait tourner les aimants, pour augmenter l’intensité du courant électrique engendré par le mouvement. Du jour où la machine à vapeur a servi à produire le courant électrique, les applications de l’électricité ont trouvé un domaine d’une étendue illimitée.

La pile voltaïque qui fit l’admiration, et pour ainsi dire la stupeur des physiciens, pendant la première moitié de notre siècle, a donc perdu peu à peu de son importance, et à la fin de notre siècle, son rôle s’est réduit à de minimes proportions.

Nous devons constater ici la décadence de la pile de Volta, résultant des progrès que la physique a faits dans une autre direction. Ce Supplément n’est pas, en effet, consacré seulement à enregistrer les découvertes nouvelles réalisées depuis la publication des Merveilles de la science ; il doit aussi signaler le caractère particulier que chaque invention a pu revêtir dans cet intervalle, les pas qu’elle a pu faire en arrière, comme en avant.

La machine dynamo-électrique qui remplace généralement aujourd’hui la pile de Volta, comme générateur d’électricité, va être décrite dans la Notice suivante, c’est-à-dire dans le Supplément à l’Électro-magnétisme.


fin du supplément à la pile de volta.
  1. Tome I, pages 598-706.
  2. Tome I, page 621.
  3. On donne souvent au pôle positif d’une pile le nom d’électrode négative, et au pôle négatif celui d’électrode positive.
  4. Le coulomb est l’unité de quantité d’électricité qui traverse un circuit pendant une seconde, lorsque l’intensité est de 1 ampère.
  5. L’ampère est l’unité d’intensité ; c’est la quantité d’électricité que traverse un circuit ayant pour résistance 1 ohm, sous l’influence d’une différence de potentiel de 1 volt.
  6. Le volt est l’unité de force électro-motrice ou de différence de potentiel. Il correspond à la force électromotrice d’un élément de pile Daniell.