Les Jeunes Croyances/II/Voici le frais matin

Alphonse Lemerre, éditeur (p. 50-51).



V




Voici le frais matin, mais tout sommeille encore ;
Les arbres sont rêveurs dans l’immobilité,
La nuit trace au fusain des tableaux que l’aurore
Couvrira d’un pastel sublime, la clarté !

Les oiseaux ont encor la tête sous leur aile ;
L’insecte, dans la fleur, n’ouvre pas ses rideaux,
Et l’onde dit un chant si timide et si frêle
Qu’on croirait qu’elle a peur dans le lit des ruisseaux.


Le silence est partout. L’infini se recueille ;
Les pâles visions meurent avec la nuit,
Et l’homme sous son toit, la bête sous sa feuille,
Éveillés ou dormant, ne font encor nul bruit.

Tout à coup le soleil paraît. L’azur flamboie,
Et la terre au grand ciel jette son cri d’amour…
Ainsi, quand tu surgis à mes yeux pleins de joie,
Délivré de la nuit, je chante un hymne au jour !

La Garde, 20 juin 1866.