Les Imposteurs démasqués et les Usurpateurs punis/Les fausses Jeannes d’Arc

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LES FAUSSES JEANNES D’ARC, vers l’an 1436.


Jeanne d’Arc, l’héroïne de son siecle, & la victime de l’injustice des Anglois, périt, comme tout le monde sait, en 1431, au milieu d’un bûcher. L’exécution fut faite à Rouen en plein jour, & au milieu d’une multitude de peuple. Ce concours d’assistans n’empêcha pas qu’il ne parût, quelque tems après, plusieurs fausses Jeannes d’Arc, comme l’on vit depuis de faux Demetrius & de faux Sébastiens.

Il s’en présenta d’abord une à Metz, qui fut même reconnue pour telle par les frères de la pucelle, qu’elle trompa. À la faveur de cette imposture, elle épousa un gentilhomme de la maison des Armoises, & reçut à Orléans les honneurs dus à la libératrice de la ville.

Une seconde aventuriere abusa pareillement de la reconnoissance des Orléannois. Elle vint à Paris, où sa fourberie fut découverte. On l’exposa aux regards du peuple sur la pierre de marbre qui étoit alors au bas du grand escalier du palais. Enfin une troisieme voulut persuader qu’elle étoit la pucelle ressuscitée. Elle fut présentée au roi, qui lui dit : Pucelle ma mie, soyez la très-bien revenue au nom de Dieu, qui sait le secret qui est entre vous & moi. Lorsqu’elle entendit parler d’un secret dont elle n’avoit aucune connoissance, la pucelle déconcertée cessa de revivre. Elle se jetta aux genoux du monarque, & lui découvrit tout l’artifice. Charles VII lui pardonna, & fit sentir les effets de son indignation à ceux qui avoient engagé cette fille à profiter de sa ressemblance avec Jeanne d’Arc pour jouer ce personnage.

L’histoire de la fausse Jeanne n’a pas été regardée comme une imposture par quelques auteurs trop crédules ; ils ont prétendu que la pucelle d’Orléans n’étant pas assez coupable pour mériter l’affreux supplice du feu, on lui avoit substitué une malheureuse qui avoit mérité une mort aussi infame. « Voilà un récit bien arrangé, dit l’auteur du Nouveau Dictionnaire historique ; mais peut-il prévaloir contre les actes du procès rapportés par Duhaillan & par d’autres historiens, contre le jugement des Commissaires délégués par le pape pour la justification de cette illustre héroïne, contre l’apologie que le chancelier de l’université fit de sa mémoire en 1456 ? Quelqu’un d’eux auroit été instruit de cette aventure surprenante ; & s’ils l’avoient su, à quoi bon tant de soins pour la laver de l’infamie du supplice ?

» Mais il y a quelques familles, dira-t-on, qui prétendent tirer, leur origine de la pucelle d’Orléans ; mais n’y en a-t-il pas dans toute l’Europe qui ont la bêtise de se faire descendre des héros de la fable ? Les croit-on sur leur parole ? Non sans doute, autrement il faudroit ajouter foi à la généalogie que fait Gilles sur le théâtre de la foire ».