Les Imposteurs démasqués et les Usurpateurs punis/Héraclien

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HÉRACLIEN, l’an 413.


Héraclien, l’un des plus illustres généraux de l’empereur Honorius, défit le prince de Stilicon, qu’il tua à Ravene en 408. Le gouvernement d’Afrique fut la récompense de cet important service. Dans la révolte d’Atalus, il demeura fidele à l’empereur, & défendit la province contre les troupes que le rebelle avoit envoyées, & tua même un certain Constantin qui les conduisoit ; mais ayant été élevé au consulat en 413, cette dignité fut l’écueil de sa modération. Il commença à donner des soupçons trop bien fondés pour pouvoir se les dissimuler. Il crut que le meilleur moyen de s’en mettre à couvert, étoit de les réaliser par une révolte déclarée. Il retint les convois de bled destinés pour Rome, & se mit en mer avec une flotte de 3700 voiles. C’étoit le triple de celle de Xercès ; & quand on comprendroit dans ce nombre les bâtimens de transport, & de simples barques, ce prodigieux armement seroit encore incroyable, malgré le témoignage d’Orose, historien fidele & contemporain. Marcellin ne compte que 700 vaisseaux, & 3000 soldats, ce qui seroit encore moins vraisemblable, & ce qui ne suffiroit pas même pour la manœuvre. Quoi qu’il en soit, le détail d’une si importante expédition est ignoré. Voici les seules circonstances que l’histoire nous ait conservées.

Héraclien ayant débarqué en Italie dans le dessein d’aller attaquer Rome, le comte Marin vint à sa rencontre. Il y eut une grande bataille près d’Otricoli, dans laquelle Héraclien fut entiérement défait. Idace dit que 50000 hommes resterent sur la place. De tant de vaisseaux, il n’en revint qu’un à Carthage qui ramenoit Héraclien vaincu. Ce rebelle eut presqu’aussitôt la tête tranchée dans le temple de la déesse Mémoire, où il fut découvert par des soldats que l’empereur avoit envoyés avec ordre de lui ôter la vie. Sabinus, l’auteur de la révolte, se sauva à Constantinople. Honorius l’ayant fait revenir, se contenta de le condamner à l’exil.

Après la mort d’Héraclien, on effaça son nom de tous les actes publics & particuliers ; c’est pour cette raison que plusieurs chroniques ne marquent pour consuls de cette année que Lucius, qui avoit reçu cette dignité à l’Orient. C’étoit une ancienne coutume, que les consuls, en entrant en charge, donnassent la liberté aux esclaves présentés par leurs maîtres. Honorius cassa les affranchissemens faits par Héraclien ; mais il déclara en même tems que les esclaves ainsi affranchis, le seroient de nouveau, selon la forme légitime, & que les maîtres ne pourroient les rappeller à la servitude. Les biens du rébelle furent confisqués : on attendoit d’en tirer des sommes immenses, après tant de concussions & de rapines ; mais on ne comptoit pas ce que son armement en avoit dû épuiser. On trouva, tant en especes monnoyées qu’en immeubles, la valeur de quatre mille livres pesant d’or, ce qui revient à peu-près à quatre millions de notre monnoie : somme peu considérable pour un tyran dans un siecle où de simples particuliers en possédoient autant en revenu annuel.