Le Petit Journal (p. 237-285).
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CHAPITRE IX


Le gouvernement de Versailles demande à toutes les puissances l’extradition des réfugiés. — La Belgique, l’Espagne. — L’Angleterre, la Suisse. — Protestation de Victor Hugo. — Son expulsion de la Belgique. — Excitations de la presse versaillaise. — Ses inventions. — Paris miné. — Les pétroleuses. — Les vitrioleuses. — Le tabac empoisonné. — Prétendues cruautés des fédérés. — Les vols des Communeux. — Tous repris de justice. — La Commune était l’alliée de la Prusse et de Napoléon III. — Delescluze, Rochefort, Rigault, Eudes, Vaillant, etc. — La presse illustrée. — Hommages involontaires. — Défenseurs de la Commune en province et à l’étranger. — Tous les gouvernements sont unis contre le prolétariat. — Le prix du sang.


Le gouvernement de Versailles dans le délire du triomphe espéra que le monde entier, épousant sa haine, se fermerait devant les réfugiés. La circulaire suivante fut expédiée par le télégraphe à tous les agents de la France à l’étranger :


« Versailles, 26 mai 1871.


« Monsieur, l’oeuvre abominable des scélérats qui succombent sous l’héroïque effort de notre armée ne peut être confondue avec un acte politique. Elle constitue une série de forfaits prévus et punis par les lois de tous les peuples civilisés. L’assassinat, le vol, l’incendie systématiquement ordonnés, préparés avec une infernale habileté, ne doivent permettre à leurs complices d’autre refuge que celui de l’expiation légale.

» Aucune nation ne peut les couvrir d’immunité, et sur le sol de toutes, leur présence serait une honte et un péril. Si donc vous apprenez qu’un individu compromis dans l’attentat de Paris a franchi la frontière de la nation près de laquelle vous êtes accrédité, je vous invite à solliciter des autorités locales son arrestation immédiate et à m’en donner de suite avis pour que je régularise cette situation par une demande d’extradition.

» Signé : Jules Favre[1]. »

La Belgique et l’Espagne envoyèrent seules leur adhésion. L’Angleterre, plus calme et plus digne, refusa de répondre. Pour tous les esprits que la haine n’aveuglait pas, les Communalistes étaient au plus haut point des réfugiés politiques. Quels que pussent être au point de vue de la légalité les droits de l’Assemblée et de la Commune, il était évident, que la lutte des deux mois, avait été une guerre et que les fédérés avaient été des soldats. L’Assemblée avait pu leur refuser le titre de belligérants, ils l’avaient été de fait et commandés par des généraux de fait. L’énergie de leur défense ne leur enlevait pas cette qualité, car la défense personnelle n’est limitée par aucune loi, et les fédérés pouvaient dire comme leurs chefs, qu’ils avaient employé pour résister les moyens qui leur avaient paru les plus efficaces. De tout temps, les armées en retraite ont été contraintes à des nécessités terribles, mais jamais on n’a songé à assimiler leurs actes quelquefois barbares à des crimes de droit commun. Si les fédérés avaient été, suivant la prétention de M. Thiers, des criminels ordinaires, il aurait dû, pour être logique, demander au gouvernement prussien l’extradition de ses propres soldats, coupables pendant la guerre d’incendies de maisons particulières, d’édifices publics, de meurtres, d’exécutions d’otages : ou il fallait, déclarer franchement au monde que les faits de guerre sont des actes politiques quand ils viennent des gouvernants, des crimes quand ils procèdent de la résistance des gouvernés.

La presse versaillaise se répandit en injures contre la Grande-Bretagne qui, après avoir révélé dans ses journaux les atrocités commises par l’armée, se refusait à lui livrer de nouvelles victimes. Mais une nation comme l’Angleterre peut aisément supporter les injures de la Patrie.

Le Conseil fédéral suisse ne voulut pas non plus s’engager d’avance, et depuis il a dû, sous la pression de l’opinion publique, refuser l’extradition de M. Razoua.

En 1848, une seule plainte mâle, une seule grande indignation retentit, et encore au dehors de la Chambre : ce fut la sombre malédiction du vieillard Lamennais.

En 1871, une seule voix de la France se fit entendre, mais en Belgique : celle de Victor Hugo. Dès que la déclaration du gouvernement belge fut connue, le grand poëte adressa à la presse une lettre dont nous reproduisons les passages importants.


« Bruxelles, 26 mai 1871.
» Monsieur,

» Je proteste contre la déclaration du gouvernement belge relative aux vaincus de Paris.

» Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, ces vaincus sont des hommes politiques.

» Je n’étais pas avec eux.

» J’accepte le principe de la Commune, je n’accepte pas les hommes.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

» Je n’ai jamais compris Billioray, et Rigault m’a étonné jusqu’à l’indignation ; mais fusiller Billioray est un crime ; mais fusiller Rigault est un crime.

» Ceux de la Commune, Johannard et La Cécilia, qui font fusiller un enfant de quinze ans sont des criminels[2], ceux de l’Assemblée, qui font fusiller Jules Vallès, Bosquet, Parisel, Amouroux, Lefrançais, Brunet et Dombrowski[3] sont des criminels.

» Ne faisons pas verser l’indignation d’un seul côté. Ici le crime est aussi bien dans l’Assemblée que dans la Commune, et le crime est évident.

» Premièrement, pour tous les hommes civilisés, la peine de mort est abominable ; deuxièmement, l’exécution sans jugement est infâme. L’une n’est plus dans le droit, l’autre n’y a jamais été.

» Jugez d’abord, puis condamnez, puis exécutez.

» Je pourrai blâmer, mais je ne flétrirai pas. Vous êtes dans la loi.

» Si vous tuez sans jugement, vous assassinez.

» Je reviens au gouvernement belge.

» Il a tort de refuser l’asile.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

» Cet asile, que le gouvernement belge refuse aux vaincus, je l’offre.

» Où ? En Belgique.

» Je fais à la Belgique cet honneur.

» J’offre l’asile à Bruxelles.

» J’offre l’asile place des Barricades, n° 4.

» Qu’un vaincu de Paris, qu’un homme de la réunion dite Commune, que Paris a fort peu élue[4] et que, pour ma part, je n’ai jamais approuvée, qu’un de ces hommes, fût-il mon ennemi personnel, surtout si c’est mon ennemi personnel, frappe à ma porte, j’ouvre. Il est dans ma maison. Il est inviolable.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

» Si un homme est hors la loi, qu’il entre dans ma maison. Je défie qui que ce soit de l’en arracher.

» Je parle ici des hommes politiques.

» Si l’on vient chez moi prendre un fugitif de la Commune, on me prendra. Si on le livre, je le suivrai. Je partagerai sa sellette. Et pour la dé- (1) Où donc est la représentation légale de Paris ? 25 mars : élections de la Commune 225,000 votants, 2 juillet : élections complémentaires des Députés 216,000 votants. 23 juillet : élections du Conseil municipal 176,000 votants. fense du droit, on verra, à côté de l’homme de la Commune, qui est le vaincu de l’Assemblée de Versailles, l’homme de la République, qui a été le proscrit de Bonaparte.

» Je ferai mon devoir. Avant tout, les principes.

 » Victor Hugo. »


La presse versaillaise jeta des cris d’indignation. D’un commun accord, le grand poëte fut déclaré fou, indigne de parler au nom du droit. « Peut-on être si parfaitement sot ? » écrivit M. Francisque Sarcey. Un littérateur, M. X. de Montépin, atteignit d’un bond le sublime : il proposa à la Société des Auteurs dramatique, d’exclure de son sein Victor Hugo, Rochefort Vacquerie, Paul Meurice, etc., en un mot tous les membres qui par leurs actes ou par leurs écrits avaient pactisé avec les actes de la Commune de Paris. On eut le tort de ne pas prendre sa déclaration au sérieux, et de ne pas rendre un édit défendant de lire autre chose que du Montépin, seule nourriture capable de produire des âmes fortes. Seul un journaliste courageux et dont la feuille fut suspendue aussitôt. M. Garlier, osa féliciter Victor Hugo de sa « noble et généreuse protestation. » La Belgique, le pays d’Artevelde, expulsa Victor Hugo comme elle avait chassé Proudhon. Sa maison fut assiégée pendant la nuit par une bande poussant des cris de mort et cassant les vitres à coups de pierre. Il dut se réfugier en Hollande.

La presse de la bourgeoisie, la seule tolérée, tient une large place dans ces journées. Nous la citerons longuement. Elle atteste l’ignorance et la décomposition profonde du parti dont elle fut le miroir fidèle. La Commune l’avait supprimée, contrainte par les nécessités de la défense ; mais elle avait respecté la personne des journalistes, même les plus hostiles. — (L’on sait que l’arrestation de Chaudey fut motivée par les événements du 22 janvier, et, chose incroyable elle eut lieu au moment où il défendait dans le Siècle les idées fédéralistes !) — Dès l’entrée des troupes, dans un article intitulé : Entreprise générale de balayage parisien, un journal proposa de fusiller immédiatement les membres de la Commune, les chefs de l’insurrection, les membres des comités, des délégations, les journalistes sympathiques à la révolution du 18 mars, etc., etc., de déporter tous les gardes nationaux qui avaient servi la Commune, de renvoyer hors de Paris tout ouvrier ne justifiant pas de deux ans de domicile[5]. Comme il fallait donner à de telles horreurs un semblant de légitimité : « La guerre sociale, disait-on, c’est la guerre de celui qui n’a rien fait contre celui qui a travaillé, la guerre de l’impuissant contre le producteur, de Cartouche contre Mandrin »[6]. Et les complices de Mandrin étaient répandus par tout le monde, plus habiles, plus dissimulés, mieux servis que ceux de Loyola. « L’Internationale a ses chiffres, ses signaux et ses mots d’ordre[7]. Un journal dévoué à sa cause lui épargnera, s’il le faut, le travail compliqué d’une correspondance. Deux mots convenus, une phrase arrêtée d’avance, se glissent dans un fait Paris ; cela peut suffire pour un signal. C’est très-simple, et il est impossible de surveiller cette correspondance.

» Le ciel était avant-hier d’un azur admirable. Cette phrase peut signifier : « La police ne sait rien ; la garnison de telle ville est diminuée de moitié. Élevez les barricades[8] ».

« Allons, honnêtes gens, criait M. de Villemessant, un coup de main à l’ouvrage, pour en finir avec la vermine démocratique, sociale et internationale. »

Et comme le public se lassait de ces excitations perpétuelles : « Paris, nous le savons, disait le Bien public, ne demande qu’à se rendormir ; dussions-nous l’ennuyer, nous le réveillerons. » „ Alors, devant les yeux de la bourgeoisie, ignorante et crédule la presse évoqua les blêmes divinités de la peur.

En juin 48 on n’avait su trouver que l’histoire des gardes mobiles sciés entre deux planches, et celle de ce général Bréa, qui, introduit en parlementaire au milieu des insurgés, les avait traîtreusement fusillés par derrière. Alors aussi on parla bien un peu de Paris miné ; mais combien ces naïfs essais d’une réaction inexpérimentée étaient loin des fables savantes débitées en 71 par les inventeurs brevetés des fameux complots de l’empire. On sait que dès les premiers incendies la peur avait imaginé les pétroleuses. Les journaux versaillais, pour raviver l’indignation languissante, continuèrent la légende et lui donnèrent son complet épanouissement. On procéda par gradations habiles. Tous les jours, on découvrait de nouveaux fils télégraphiques destinés à relier les quartiers entre eux et à faciliter l’incendie ou l’explosion de tout Paris par les agents de la Commune. — On en avait coupé plus de mille dans les égouts. On avait mis à nu au faubourg Saint-Martin, n° 7, une conduite qui devait faire sauter une partie du 10e arrondissement, si les insurgés avaient eu le temps de mettre à exécution leur infâme projet[9]. — Le Louvre et les Invalides n’avaient échappé que par miracle[10]. — On avait découvert dans une maison de la place Saint-Pierre, à Montmartre, des papiers très-importants, parmi lesquels le plan de Paris souterrain avec les mines et les torpilles qui s’y trouvaient placées par la Commune[11]. — On publia l’arrêté rendu le 16 mai par l’ingénieur du service de l’éclairage, prescrivant la déclaration dans ses bureaux de tous les entrepôts de pétrole[12]. Naturellement ce pétrole avait été recherché en vue de l’incendie de Paris. Une jeune fille de huit ans fit des révélations. Arrêtée au moment où elle se préparait à jeter du pétrole dans les caves, elle avait dit aux soldats : « Ah ! vous avez à faire, allez, nous sommes huit mille comme cela. » L’enfant avait donné des renseignements sur le bataillon de furies qui avaient pour mission de faire de Paris un monceau de ruines. Elles étaient huit mille, tant femmes que filles, sous la haute direction du membre de la Commune Ferré, qui les avait divisées en escouades commandées par des sergents et des caporaux féminins ; chaque escouade avait son quartier respectif qu’elle devait incendier à mesure que les troupes régulières entreraient dans Paris[13].

On se souvient des fameux Bons pour une femme du faubourg Saint-Germain, trouvés sur les insurgés de juin 48, dirent les Figaros de l’époque. En 1871, on inventa les étiquettes gommées de la dimension d’un timbre-poste, portant les lettres (B. P. B.) (Bon pour brûler), les unes de forme carrée, les autres de forme ovale, portant au centre une tête de bacchante. Les chefs incendiaires les posaient à des endroits convenus sur les maisons destinées à être brûlées[14]. Des perquisitions faites chez le membre de la Commune Amouroux avaient amené la découverte du compte rendu de la séance du samedi 20 mai, dans laquelle on avait officiellement décidé l’incendie des principaux monuments de Paris. Cette séance avait été des plus orageuses. Le citoyen Beslay, qui essayait de s’opposer à ce vandalisme, avait été hué et maltraité, tandis que la Commune tout entière acclamait Delescluze, déclarant en style théâtral que s’il fallait mourir « on ferait à la liberté des obsèques dignes d’elles »[15]. On disait que parmi les fédérés emmenés à Versailles, on avait trouvé le chef des fuséens attaché à la compagnie de l’éclairage dont faisaient partie les pétroleuses. Il avait déclaré dans son interrogatoire que la ville de Paris avait été partagée en trois zones ; l’insurrection devait s’ensevelir dans les ruines de la troisième[16].

Enfin, on avait découvert le véritable motif de la dureté avec laquelle la Commune poursuivit l’exécution de son malencontreux décret interdisant aux ouvriers boulangers le travail de nuit. La Commune, qui tenait Paris haletant sous la terreur, avait conçu le projet de faire tout sauter, et il fallait qu’à tout prix les ouvriers boulangers qui travaillent dans les sous-sols ne fussent pas témoins du travail nocturne opéré dans les égouts par les agents chargés d’y établir les fourneaux de mine[17]. C’était pour un motif analogue que pendant la lutte, les fédérés avaient forcé les habitants de la rue de Rivoli à fermer hermétiquement leurs croisées. Cette mesure avait pour motif le badigeonnage au pétrole des maisons du quartier destinées à être brûlées. Les incendiaires ne voulaient pas être troublés dans leur besogne par des regards indiscrets[18].

Puis des anecdotes d’une précision réjouissante. On avait procédé à l’arrestation de trois mendiants dont l’un portait une serinette. Elle contenait des projectiles incendiaires qu’un tour de manivelle pouvait distribuer selon la circonstance[19]. La police avait arrêté une vivandière du 207e, dont le petit barillet contenait, au lieu d’eau-de-vie, la valeur de deux litres de pétrole[20]. Une perquisition opérée dans la rue des Vinaigriers au domicile de deux femmes avait amené la découverte d’une trentaine d’œufs à pétrole, — bombes incendiaires à la main, ayant exactement la forme d’un œuf et garnies de capsules à la nitro-glycérine[21]. — On avait trouvé à Montrouge dix-sept appareils connus sous le nom d’Extincteurs Briet. Ces appareils ayant la forme d’une hotte en ferblanc recouverte de drap et à laquelle est adaptée une lance d’arrosement d’un jet très-puissant, doit contenir un liquide dont l’effet est d’éteindre le foyer d’incendie le plus violent. Or, ceux qu’on avait trouvés étaient remplis de pétrole et d’esprit de vin[22].

Chaque jour on arrêtait des hommes ivres ou des enfants porteurs de tonneaux ou de fioles pleines de pétrole. Il n’était pas jusqu’à la colonne de Juillet que ces misérables n’eussent cherché à incendier[23]. Au faubourg Saint-Germain on avait découvert, d’après la Patrie, « le squelette calciné d’une pétroleuse ayant une pipe à la bouche. Ses vêtements étaient tout imbibés de pétrole. On suppose que c’est le feu de la pipe qui aura déterminé cette combustion. » Le journal ne disait point par quel miracle les vêtements avaient été préservés de l’incendie qui avait réduit le corps à l’état de squelette.

Mais on se lassa du pétrole ; il fallut trouver mieux. On imagina les vitrioleuses. Rien n’égalait, disait-on, la férocité de ces furies. En relevant des officiers ou des soldats tués aux barricades, on avait pu constater sur le visage de quelques-uns d’entre eux des traces de brûlures profondes qui venaient évidemment d’un liquide corrosif. Une prisonnière de Satory avoua que la défiguration, comme l’incendie, avait été organisée militairement par la Commune. De même que les édifices étaient désignés longtemps à l’avance, des femmes chargées de dévisager les Versaillais avaient reçu des indications précises. « Voilà, disait le Petit Moniteur universel, comment les brigands de l’Hôtel de ville entendaient l’égalité ! Le niveau du vitriol appliqué à tous les individus qui n’avaient point le malheur d’être aussi laids que Delescluze ou Vermorel ! » Dans la rue du Rocher on avait mis la main sur une machine à vitriol, espèce de pompe incendiaire qui devait lancer à gros jets le liquide sur les soldats.

Le vitriol ayant à son tour passé de mode, la presse chercha encore et elle trouva. Au quartier des Écoles, on découvrit chez un débitant ou fabricant de produits chimiques, deux petites fioles remplies d’une substance composée, qui, jetée sur un groupe, devait en se volatilisant produire des morts foudroyantes dans la proportion de soixante pour cent[24]. On avait saisi dans le matériel scientifique de la commission instituée par la Commune de petits ballons libres chargés de matières inflammables qu’on devait lancer sur Versailles, afin de mettre le feu à cette ville. Tout était calculé pour faire arriver ces engins à leur destination.

Si le tabac manquait, c’est que plusieurs chimistes faisaient l’analyse des tabacs de l’entrepôt empoisonnés par les bandits fédérés[25]. — N’avait-on pas arrêté beaucoup de femmes distribuant aux soldats de la ligne des cigares empoisonnés[26].

A l’humanité des soldats, la chronique opposa la férocité des Communeux. Dans la rue de Lille, une femme dont l’appartement flambait cherchait à se sauver et se tordant les mains demandait qu’on lui livrât passage. — « Ce n’est pas la peine, lui dirent les incendiaires en riant. Griller pour griller, autant griller ici. » Et ils la repoussèrent dans les flammes[27]. On racontait que le directeur du théâtre des Délassements-Comiques avait été forcé de mettre lui-même le feu au pétrole qui devait embraser son théâtre. Par quatre fois le malheureux directeur, menacé par les revolvers, s’était vu contraint d’allumer le liquide qui s’éteignait[28]. On avait retiré des décombres de l’Hôtel de ville un certain nombre de cadavres brûlés. C’étaient des prisonniers détenus dans les caves et condamnés au supplice du feu[29]. Le citoyen Lacaille, commandant les Tuileries, avait voulu dans sa rage mettre le feu à la maison même où étaient, cachés ses cinq enfants[30].

M. Thiers avait annoncé la mort du commandant de chasseurs Ségoyer, fusillé à la Bastille. La proposition faite à la Chambre pour accorder une pension à sa femme et à ses enfants, s’exprimait ainsi : « Il fut saisi par une bande d’insurgés, enduit de pétrole et brûlé vif. » D’après le Figaro, les Communeux avaient eu la barbarie de couper par morceaux deux gendarmes et de les déposer sur une place, en mettant sur les débris des cadavres cette inscription : Avis aux gendarmes qui tomberont dans nos mains ; ils subiront le même sort. La Commune avait également fait fusiller trois matelots sur la place de l’Hôtel de ville après les avoir laissés plusieurs heures pendus par les pieds le sac au dos[31].

Des témoins dignes de foi racontaient que, rue d’Angoulème, un monsieur qui avait refusé de travailler à une barricade avait été fusillé sur-le-champ ; à la même barricade, un pauvre enfant qui ne pouvait porter les pavés, avait eu la cuisse percée d’un coup de baïonnette. A la Muette, le général Dombrowski avait fait fusiller un cocher d’omnibus qui, effrayé de la pluie d’obus et de mitraille, hésitait à marcher[32]. Les fédérés qui défendaient le Panthéon avaient reçu la mission de fusiller au dernier moment les professeurs et employés de la faculté de droit domiciliés dans l’école, les administrateurs de la bibliothèque Sainte-Geneviève, les fonctionnaires du collége Henri IV. Ils en avaient fait la déclaration à des appariteurs de l’école : « Nous allons faire descendre les vieux, avaient-ils dit, et les fusiller[33]. »

Les vols des Communeux ne se comptaient pas. — Au Conseil d’Etat, ne trouvant ni vins ni argent, ils s’étaient emparés de quelques habits brodés appartenant à des conseillers d’État et les avaient vendus[34] à leur profit, naturellement. Au greffe du Palais de Justice, où ils étaient venus se faire délivrer les armes saisies sous l’Empire et qui n’avaient pas été restituées à leurs propriétaires, il avait fallu toute l’énergie du greffier pour préserver les pendules et les meubles[35]. On pourra lire à ce sujet un échantillon du récit historique du Figaro dont nous avons déjà parlé[36].

On affirma également qu’un certain nombre de tableaux des musées de Paris avaient été expédiés par la Commune à Londres, pour y être vendus.

A propos des enfants qui répandaient, le pétrole, un journal s’écria : « Voilà l’instruction que le citoyen Vaillant donnait à la jeunesse ! » Il décrivait ensuite le programme des cours : " Le matin, de neuf à dix heures, exercice mili- taire. De dix à onze heures, dictée : sujet de la dictée tiré du Père Duchesne ; commentaire à l’appui des mots et expressions que les enfants, ne saisissaient pas, eu égard à la naïveté de leur âge. Depuis trois heures, problèmes de calcul roulant toujours sur les opérations militaires de la Commune[37]. »

La presse versaillaise travaillait aussi pour l’étranger. Elle affirma que parmi les papiers saisis à l’École militaire, au Palais-Bourbon et chez Delescluze, se trouvait une correspondance considérable, relative à une conspiration communeuse qui devait éclater à Bruxelles, où l’on appliquerait le même programme incendiaire qu’à Paris. « On savait qu’avant six mois Lyon, Marseille, Barcelone, Turin, Rome, Naples, Vienne, Berlin, Moscou, l’Irlande, l’Espagne et les provinces Danubiennes devaient être en feu[38]. »

Pour éloigner toute commisération des prisonniers, on prouva clair comme le jour que la Commune avait recruté ses troupes parmi les repris de justice. On signalait comme ayant exercé les fonctions de commandant à Belleville, le forçat Schumaker, qui depuis plus d’une année se trouvait en Amérique[39]. On disait avoir trouvé à Satory parmi les prisonniers des forçats portant à l’épaule la marque T. P. (et la marque est abolie depuis 40 ans !) On publia des noms d’officiers fédérés fantastiques, parmi lesquels celui de Crapulinski, colonel d’état-major. Des lettres reçues des parquets signalaient, disait-on, la disparition de presque tous les individus soumis à la surveillance de la police. — Donc, ils étaient venus à Paris s’enrôler sous la Commune.

La connivence de ces bandits avec la Prusse était manifeste. M. le général Trochu, qui s’y connaît, le déclara à la tribune. Dornbrowski était un agent de la Prusse. — « Que d’indices déjà ! » s’écriait le Bien Public. Ce billet trouvé rue du Quatre-Septembre : « Charles est parti pour la Prusse ; je vais le rejoindre !! »

Assi était l’agent de Karl Marx, agent secrétaire de M. de Bismark !! (sic.) Brunet avait pour maîtresse la femme de chambre d’un diplomate allemand. Le 21 mars, on avait remarqué aux Tuileries, au Palais-Royal, un grand nombre de promeneurs, dont les travestissements bourgeois dissimulaient mal l’origine germanique. Puis, dans l’action militaire, réquisitions, incendies, emploi du pétrole, tout s’était fait à la prussienne[40]. Les vrais chefs du complot, c’étaient Karl Marx, Jacobi, Diebnek et le russe Touatchin (?). C’était à Jacobi et à Toualchin(?) que l’on devait l’idée de brûler Paris. On avait saisi chez une femme de la rue de Douai un certain nombre de lettres adressées au citoyen Frankel par des membres de l’Internationale, section allemande. L’une de ces lettres constatait l’envoi par les frères et amis de Berlin, d’une somme de six cent mille francs, payable à Saint-Denis[41]. Des caisses renfermant des instruments astronomiques furent atteintes par le feu, lors de la défense de l’Observatoire, et un cercle de Rigault fut détruit. Évidemment, les Communeux avaient été les infâmes instruments des savants de Berlin, ennemis du système métrique[42]. Si les Prussiens avaient fusillé ou fait prisonniers un certain nombre de fédérés qui s’efforçaient de traverser leur ligne, c’est qu’il cachaient bien leur jeu et que M. de Bismark savait parfaitement dissimuler toutes les apparences[43].

D’autres affirmaient gravement qu’il y avait du bonapartisme dans l’émeute. Un ancien adjoint du IIme arrondissement soutint avoir reconnu parmi les fédérés des agents de la police secrète de l’empire. La commission d’enquête de la Chambre était également de cet avis.

Mais ces accusations générales étaient loin d’avoir la saveur des calomnies plus précises dirigées contre les personnages marquants de la Commune ou de la révolution du 18 mars. La curiosité publique s’attachait à chacun d’eux et se montrait avide des moindres détails. Les feuilles versaillaises ne manquèrent pas d’exploiter cette mine si riche, satisfaisant ainsi leur haine et doublant leurs lecteurs. Rochefort les avait flagellés pendant la Commune. On prétendit avoir trouvé chez lui des objets appartenant aux collections de M. Thiers, saisies au profit de l’État par le Comité de salut public[44]. On raconta que, parmi les pièces à demi conservées, emportées par le vent jusqu’à Saint-Germain, on avait trouvé une lettre du rédacteur du Mot d’ordre, établissant clairement ses relations et sa connivence avec la Commune[45]. Les perquisitions faites chez Paschal Grousset avaient amené, disait-on, la découverte de reconnaissances du Mont-de-Piété, portant comme désignation de gage de l’argenterie brisée, qui n’était autre que celle des Affaires étrangères[46].

On ne tarît pas d’inventions infâmes sur Delescluze. Le Soir, fondé et soutenu par un financier de haute volée, affirma que Delescluze avait commis un vol dans sa jeunesse, et qu’il avait ordonné l’exécution de Chaudey pour anéantir les preuves qu’il savait entre les mains de ce dernier. À cette accusation de vol, une personne qui avait connu Delescluze, répondit par le fait suivant : « M. Chirel avait, en mourant, laissé à Delescluze sa fortune, s’élevant à sept mille livres de rente environ ; mais ayant appris qu’un parent très-éloigné et non moinsignoré sans doute du défunt existait et se trouvait dans le besoin, ce voleur de Delescluze s’empressa de remettre à l’indigent cette fortune, dont il ne voulut rien accepter. » Les journaux versaillais racontèrent encore que ce vieillard, dont la vie privée fut austère, avait transformé la mairie du XIme arrondissement en un lieu de débauche, et ils publièrent à cet égard des détails ignobles que nous sommes forcé de reproduire à titre de documents[47].

Raoul Rigault fut aussi le bouc émissaire. La presse versaillaise ne lui pardonnait pas d’avoir tremblé sous lui. On raconta, avec détails, ses attentats à la pudeur sur toutes les femmes de quelque beauté qui venaient solliciter à la préfecture de police[48]. Il allait souvent au théâtre, et faisait, dit-on, dans les entr’actes, sur la table d’un café voisin, la liste des otages qui devaient être fusillés[49]. Lui aussi avait contre Chaudey un motif particulier de haine : ce dernier ayant fourni de mauvais renseignements au père d’une jeune fille que Rigault demandait en mariage[50]. Il avait fait fortune dans ses fonctions de procureur de la Commune, et on prétendit avoir trouvé son testament, où il laissait à sa maîtresse des sommes considérables[51]. On lui prêtait des propos de ce genre :

« Vous avez cinq mille francs de rente depuis deux ans ; depuis deux ans vous êtes sur les listes du vieux. »

Le vieux, c’est Blanqui.

Il disait aussi très-souvent d’un homme : « Encore un qui est marqué : bon à tuer ! » Et c’était chose arrêtée, écrite[52].

A la Préfecture, ce n’était qu’orgies continuelles ; on citait le nombre des bouteilles de Champagne et de liqueurs vidées dans une seule nuit[53]. Par malheur, la presse bourgeoise ne s’entendait pas toujours, et le lendemain on lisait dans le Siècle :

" On ne faisait point d’orgies, comme on l’a prétendu, et c’était à la Préfecture qu’étaient les gens les plus distingués de la Commune. La conversation était des plus ardentes et parfois fort intéressante. On discutait beaucoup sur l’athéisme. Parmi eux, il y avait un musicien de très-grand talent ; après diner, on faisait presque toujours de la musique et très-bonne. »

Un journal affirmait que, avant de quitter la Légion d’honneur, la femme du membre de la Commune Eudes avait envoyé « deux des sicaires de son mari au café d’Orsay, pour y réquisitionner quinze couverts d’argent[54]. » Et la Liberté tenait de bonne source qu’elle « recrutait parmi les femmes du boulevard le personnel féminin de ses soirées. »

Le membre de la Commune Vaillant, ingénieur distingué, et qu’on voulait bien reconnaître n’être pas le premier venu, avait, assurait-on, inventé des chignons incendiaires[55]. Ces chignons, imbibés de matière fulminante, étaient jetés dans les caves et il suffisait de la moindre étincelle, pour déterminer un commencement d’incendie. On avait trouvé dans le ministère qu’il occupait un fragment de lettre, commençant ainsi :

« Sire,

« J’ai commencé le rapport que… »

Lettre évidemment adressée àl’empereurd’Allemagne ou à Napoléon III[56].

Un des journaux qui s’occupèrent du membre de la Commune Johannard, véritable enfant, mais plein de cœur et de courage gai, commençait ainsi sa biographie : « Celui-là vécut en crapule et finit en bandit.[57] »

La calomnie revêtit toutes les formes. On raconta partout que M. Thiers avait fait remettre au membre de la Commune Theisz, ancien directeur des postes, un passeport avec lequel il avait pu gagner l’étranger. — Or Theisz, homme de cœur et de caractère, aussi incapable d’accepter que de solliciter cette déshonorante faveur, fut particulièrement recherché et ne put s’évader de Paris que longtemps après les journées de Mai.

La presse illustrée qui, parlant aux yeux, frappe plus vivement l’imagination, donna sa note dans le concert. L’Illustration, le Monde, le Journal illustré, etc., reproduisirent les scènes d’incendies ou de barricades, en ayant soin de donner aux fédérés, hommes et femmes, les attitudes et les physionomies les plus abjectes. En regard, l’armée se distinguait par ses allures élégantes. Le texte était toujours à la hauteur des illustrations[58].

Nous avons cru devoir citer, nous croyons inutile de relever toutes ces sottises. L’acte d’accusation dressé contre Assi par l’autorité militaire reconnut en termes précis qu’il n’y avait dans Paris souterrain ni fils ni torpilles : « Cependant, disait le rapporteur, il faut s’assurer une retraite ; — aussi la recommandation la plus formelle est-elle donnée de ne faire aucun dépôt dans les catacombes ni dans les égouts. » Le 4e conseil de guerre, particulièrement féroce, qui jugea les prétendues pétroleuses, dut abandonner ce chef d’accusation. On n’avait pu produire ni le moindre ordre, ni le moindre témoin, ni la moindre preuve directe[59]. — La légende des pompiers pétroleurs est aussi fabuleuse. Tout le monde sait, à l’exception, paraît-il, de MM. les officiers, qu’une quantité insuffisante d’eau lancée sur un foyer active les flammes au lieu de les éteindre, et que d’ailleurs les pompes ordinaires sont impuissantes à projeter le pétrole. — Quant aux anecdotes particulières ou personnelles, il suffit, croyons-nous, de les signaler.

D’ailleurs, la vérité se dégageait quelquefois de ces injures, et plus d’un écrivain rendit ainsi aux fédérés un hommage involontaire. On avait par exemple trouvé dans les décombres de l’Hôtel de ville une coupe en vermeil faisant partie du service de la ville, que ces voleurs n’avaient donc pas sans doute détourné[60] ; on retrouvait également à la Monnaie tous les objets du culte, calices, ostensoirs, flambeaux, enlevés aux églises[61]. Un jour, on affirmait que les fédérés avaient dévalisé le greffe du Palais de justice avant de l’incendier, et le lendemain on découvrait dans les ruines des lingots de matières précieuses. La Commune avait, disait-on, pillé la

(1) Paris-Journal. (2) Bien public. Banque, et cependant le Journal Officiel dut publier la note suivante :

« Depuis que la liberté des communications est rétablie, la Banque a reçu diverses lettres qui démontrent que le public des départements n’est pas sans inquiétude sur le sort des titres et valeurs déposés dans les caisses de cet établissement.

» Le gouvernement de la Banque croit de son devoir de faire cesser des craintes tout à fait dénuées de fondement. Jamais la Banque n’a été envahie, et si elle a eu à subir certaines réquisitions de la part de la Commune, jamais elles n’ont porté sur les titres déposés ou sur les fonds en compte-courant des particuliers.

On reconnut que des tentatives infructueuses de corruption avaient été faites auprès du membre de la Commune Eudes, et du directeur général de l’assistance publique de la Commune Treilhard[62]. On avoua que, à part les chapelles ouvertes pour servir d’abri contre les obus, tous les tombeaux du Père-Lachaise, même la chapelle funèbre de M. Thiers, avaient été respectés[63]. Un individu, retenu comme otage, raconta que lui et ses compagnons avaient été délivrés de Mazas pendant la lutte et sauvés par le juge d’instruction de la Commune Moiret[64]. On ne put cacher que, avant l’incendie de la Préfecture de police, on avait mis en liberté tous les détenus, au nombre de plus de cent, à l’exception d’un seul qui avait distribué beaucoup d’argent à la garde nationale et qui fut fusillé porteur encore de vingt mille francs.

Certaines ironies déposaient encore en faveur de la Commune. — « A un prévenu. — Que faisiez-vous ? — J’étais secrétaire du ministre de l’intérieur. — Que gagniez-vous ? — Deux cent cinquante francs par mois. — Pas cher ! » disait en matière de réflexion le journaliste versaillais, plein de mépris pour un fonctionnaire aussi médiocrement rétribué. Un autre se moquait fort de la Commune de Paris qui proscrivait le ballet dans une représentation donnée au profit des veuves et des orphelins[65].

Quelques voix courageuses protestèrent dans la presse de la province, mais sans pouvoir, comme on le pense bien, percer jusqu’à Paris. Le National du Loiret ne craignit pas de dire « que les faits qui se passaient à Paris, suffisaient à remplir d’horreur les âmes honnêtes, que les vainqueurs de l’insurrection prenaient à tâche d’exciter en sa faveur la commisération du monde ; que les innocents étaient confondus avec les coupables dans un même égorgement. » Il fut supprimé. L’Indépendance de la Savoie fut saisie pour un article intitulé Une idée ne meurt pas. Un grand nombre d’autres journaux : l’Émancipation, de Toulouse, l’Union démocratique, de Nantes, l’Indépendance, de Constantine, l’Éclaireur, de Saint-Étienne, le Vrai Républicain, de Marseille, la Tribune, de Bordeaux, le Progrès, de Lyon, la Voix du Peuple, d’Alger, l’Écho du Loiret, de Beaugency, la Défense républicaine, de Limoges, la Solidarité, d’Alger, les Droits de l’homme, de Montpellier, l’Alliance républicaine, de Mâcon, le Grelot, d’Argentan, la Fraternité, de Marseille, le Travailleur du Nord, la Presse indépendante, d’Angoulème, furent poursuivis. En même temps, quelques mouvements se produisirent en province, où une protestation brûlante avait été répandue[66]. Une émeute eut lieu à Pamiers, à la suite des mesures prises par le préfet de l’Ariége, pour empêcher la fuite des chefs de la Commune. A Lyon, l’armée fut consignée et le préfet Valentin fit fermer les portes de la ville. À Marseille, l’autorité militaire crut devoir procéder aussitôt au jugement des prisonniers du mouvement de mars[67]. Une certaine agitation se produisit à Voiron (Isère) et fut vigoureusement réprimée. Des arrestations eurent lieu à Bordeaux.

Les journaux étrangers, bien renseignés par leurs correspondants, publièrent des protestations indignées, étouffées en France par le silence de la presse. On ne put cependant cacher le discours prononcé par M. Bébel au parlement prussien ni la lettre du membre de la Chambre des Communes Whalley à l’éditeur du Daily News. Des meetings eurent lieu en Angleterre, où l’on déclara que le gouvernement de Versailles avait outragé l’humanité en massacrant de sang-froid les prisonniers communalistes et que la responsabilité de l’exécution des otages pesait exclusivement sur le gouvernement de M. Thiers, qui avait rejeté les ouvertures de conciliation et ordonné le massacre sans distinction d’hommes, de femmes, d’enfants et de prisonniers. A Zurich, à Leipzig, à Bruxelles, de grandes réunions se déclarèrent solidaires de la Commune de Paris, et vouèrent à l’exécration du monde les auteurs des massacres et les gouvernements qui, n’ayant pas fait de remontrance, étaient devenus complices de ce crime. En Espagne, M. Garcia Lopez dit à la tribune des Cortès :

« Nous admirons cette grande révolution que nul ne peut sainement apprécier aujourd’hui, et que ne manqueront pas de bénir les siècles futurs. Ce serait une déloyauté de notre part, nous méconnaîtrions complétement les lois de la justice si nous donnions notre approbation à une proposition rendant la Commune responsable de crimes dont il est impossible d’avoir, la preuve. »

Le conseil général de l’Association internationale, publia à Londres un rapport d’une logique profonde et dont la presse française n’osa reproduire qu’une très-faible partie. « Parce que, disait-il, après la plus terrible guerre des temps modernes, les conquérants et les vaincus ont fraternisé pour le massacre commun des prolétaires, il ne faut pas, comme le fait Bismark, conclure de cet événement sans exemple au refoulement définitif d’une société qui surgit, mais bien à l’effondrement dans la poussière de la classe bourgeoise. Le plus grand effort d’héroïsme dont la vieille société soit encore capable, c’est une guerre nationale, — et l’on a la preuve aujourd’hui qu’une telle guerre est une simple mystification des gouvernements destinée à différer la lutte entre les classes, et qui cessera dès que les classes descendront dans les rues. Désormais, les gouvernants ne pourront plus donner le change en se déguisant sous des uniformes de couleur différente ; tous les gouvernements sont un contre le prolétariat. »


Les massacres duraient encore et les cadavres empestaient Paris, quand M. Thiers se promulgua la loi dont la teneur suit :

Article unique. Pour l’exécution de la loi du 26 mai dernier, portant reconstruction de la maison de M. Thiers, chef du pouvoir exécutif de la République française, une somme de un million cinquante-trois mille_ francs (1,053,000 francs) est mise à la disposition personnelle de M : Thiers.

Le président du conseil des ministres, chef du pouvoir exécutif et de la République française,

A. THIERS.


Voilà ces journées de force et de carnage, la plus grande éclipse de civilisation qui, depuis les Césars, ait obscurci le monde. Ainsi Vitellius se rua dans Borne ; ainsi, par un mouvement tournant, il cerna ses adversaires ; même férocité dans le massacre des prisonniers, des femmes et des enfants ; mêmes brassardiers égorgeant à la suite du vainqueur. Mais au moins Vitellius ne parlait pas de civilisation.

Et de cette effroyable tragédie, quel enseignement la bourgeoisie victorieuse a-t-elle retiré ? Deux fois en vingt-deux ans elle a vu le peuple dans la rue, armé, terrible, contre une République et cette République prétendant ignorer ce qu’il voulait, l’ignorant peut-être et répondant deux fois : la mort. A-t-elle compris ? A-t-elle seulement entrevu une idée derrière cette force et, dans ces explosions périodiques, l’effort d’avénement d’un monde qui ne veut pas se soumettre et qui ne peut pas mourir ?

Loin de là. Mai 71 trouve la bourgeoisie française cent échelons plus bas que Juin 48. Vingt-deux ans de plébiscites et de transformations économiques n’ont pu ouvrir ni ses yeux ni ses oreilles. Elle n’a rien appris et a tout oublié. Elle est sortie des massacres de Paris comme du cinquième acte d’un drame. Ses fils sont retournés à leurs plaisirs de brutes, ses filles aux obscénités de leurs théâtres et de leurs romans. Le 18 mars n’est pour elle qu’un accident, un fait de hasard, tout au plus une conspiration ; la résistance acharnée de Paris, le râle de quelques scélérats ; l’Internationale, un carbonarisme ouvrier. Le mauvais sang est tiré, tout est fini, tout va rentrer dans l’ordre. Ainsi, au sortir de ces fêtes du cirque, où des milliers de cette secte nouvelle, composée d’esclaves et de femmes, avaient été broyés sous la dent des bêtes, la vieille société romaine, reprenant le chemin de ses débauches, se racontait qu’elle venait de voir les derniers Galiléens.


Juin 1848 a duré trois jours, la Commune de 1871 deux mois. L’avènement graduel, irrésistible des classes ouvrières, tel est le fait culminant du XIXe siècle. Ce siècle est celui des ouvriers, a dit M. Gladstone.

Et M. Thiers, après l’écrasement des ouvriers, a proclamé la fin de la guerre civile ! Ainsi Napoléon III, répondant de l’ordre, fermait chaque année l’ère des révolutions. Tous les gouvernements ont prononcé cette parole en France et toujours l’événement a démenti la prédiction. C’est que la guerre civile n’est pas une question de force et de puissance, elle dépend de la différence et de l’antagonisme des intérêts. On a fusillé, on déportera ; on a supprimé, on supprimera la presse, l’association. Fort bien, — mais on ne peut déporter tout le peuple des villes, et il faudra bien combler tôt ou tard le vide fait en Mai dans l’industrie française, — mais il est des réunions, des associations nées de la force des choses, ce sont les groupements ouvriers que crée l’organisation du travail. Pour rompre le mouvement socialiste, il faudrait dissoudre les ateliers, fermer les manufactures, boucher les mines, isoler les travailleurs les uns des autres et transformer les villes en d’immenses prisons cellulaires.

Sinon on n’aurait rien fait.

Car l’atelier, c’est la force collective. La force collective, c’est l’idée socialiste, c’est la grève, c’est mieux que la Révolution d’un jour : c’est la Révolution en permanence.

Notez que cette force, cette foule est anonyme. Elle n’a pas de chefs, pas de meneurs. On demande où étaient les grands hommes du 18 mars. Il n’y en avait pas[68]et il est inutile d’en attendre. Mais c’est précisément la puissance de cette Révolution qu’elle est faite par la moyenne des hommes, c’est-à-dire par tout le monde et qu’elle ne dépend pas de quelques cervelles de génie.

Les travailleurs n’ont pas besoin de grands hommes pour s’apercevoir que leur misère a survécu à tous les changements de régime. Depuis le commencement du siècle, il n’est pas de forme gouvernementale que la France n’ait expérimentée, pas de parti politique à qui elle n’ait fourni les instruments du pouvoir, et cependant, l’impôt a crû sans cesse, et des services de l’État, aucun n’a subi une transformation. Monarchiques ou soi-disant républicains, les administrations, les ministères ont traîné après eux leur monde de créatures, leurs budgets, leur vaste parasitisme. Les cultes, l’armée, la diplomatie, la marine, etc., autant de fonctions improductives, dévorantes, néfastes ; la justice, les travaux publics, l’instruction, autant d’usurpations de l’État sur l’initiative libre des groupes naturels. Ce sont ces sept, huit fonctions nuisibles ou abusives, instruments d’autorité pure et simple, qui ont toujours constitué l’État. Qu’ils soient passés de Louis-Philippe à Cavaignac, de Cavaignac à Bonaparte, de Bonaparte à Jules Favre, de Jules Favre à Thiers, ils sont toujours restés les mêmes, et, quoique maniés par des mains différentes, toujours tournés contre les travailleurs.

La classe moyenne n’a pas besoin non plus de grands hommes pour reconnaître qu’elle est absorbée chaque jour par les puissances financières et refoulée dans le prolétariat, comme au moyen âge les petits propriétaires furent réduits par la féodalité à la condition des serfs d’origine. Elle se sent fort bien à la merci de la haute bourgeoisie qui lui laisse glaner çà et là quelques maigres places, et du capitaliste, qui peut, en ouvrant ou en fermant la main, lui donner ou lui ôter la vie. Elle comprend aussi, sans avoir besoin d’aucune révélation, que le premier bien d’une République, c’est d’être publique et non la domination d’un parti, d’une caste, d’une classe, et que c’est un singulier moyen de refaire la France, que de conserver les institutions sous lesquelles elle vient de s’écrouler.

Que fera M. Thiers, que fera sa bourgeoisie contre la coalition de ces deux classes, coalition imminente, facile, car il est un minimum de réformes sociales sur lesquelles l’accord peut se conclure immédiatement ? Ici, tous les moyens de domination et de corruption échouent. Car ce qu’il faut combattre, ce ne sont pas des partis, c’est l’universalité des travailleurs, ce ne sont pas les combinaisons d’un jour, mais les lois mêmes du monde économique, ce ne sont pas, en un mot, les volontés ou le caprice des hommes, c’est la force inexorable des choses. Au jour de cette union inévitable, la vieille société ne pourra que s’effondrer sans même tenter la lutte, car tout ce qui n’est ni gendarme, ni fonctionnaire, ni capitaliste, n’a aucun intérêt à sa conservation.

Alors, et alors seulement, la guerre civile sera devenue impossible, mais parce que la Révolution aura repris son cours et substitué sa méthode scientifique à l’empirisme des dictatures. Au lieu de charger des hommes plus ou moins illustres de penser pour elle et de lui fabriquer des lois, la France, s’interrogeant dans ses foyers, recherchera les lois mystérieuses qui la mènent. Ses différents groupes industriels et agricoles énonceront chacun, dans leurs cahiers, leurs griefs, leurs intérêts propres, les réformes dont ils ont besoin selon la méthode de 89. Des délégués spéciaux à chaque groupe réduiront ensuite ces cahiers, et de cet ensemble de faits particuliers, les rapports, c’est-à-dire les lois générales de l’ordre et de l’équilibre entre les intérêts divers se dégageront d’eux-mêmes et sans l’intervention d’aucun génie.

Mais tant que l’indépendance et l’union vivifiante des groupes ne sera pas substituée à la centralisation et à l’unité anémique ; tant que la France remplaçant des Assemblées par des Assemblées ne fera pas sélection d’idées avant de faire élection d’hommes ; tant que les questions sociales seront, reléguées parmi les « questions latérales » pour faire place aux chimères de revanche armée et de réorganisation gouvernementale, le chien de la guerre civile hurlera sur notre pays.

La Révolution du 18 mars a dégagé et mis en pleine lumière trois faits contestés ou entrevus à peine jusque là : — l’incapacité constitutive de la haute bourgeoisie à opérer aucune des transformations réclamées par la loi du progrès ; — la réduction de tous les partis unitaires, républicains ou monarchiques[69], au même dénominateur : l’Empire ; — l’avénement d’un droit nouveau, le droit économique, ayant pour drapeau la République fédérative, pour soldat la classe laborieuse, non plus instinctive ou crédule comme en 1830 et en 1848, mais sachant ce qu’elle veut et quel est le problème, tenant en égale défiance tous les partis et tous, les hommes, ne comptant que sur elle seule, âpre au travail, à l’étude, au combat.

Ainsi, devant la bourgeoisie décrépite, s’affaissant de plus en plus dans sa pourriture, le quatrième État, jeune, sain, intelligent, se dresse comme autrefois le Tiers devant les ordres privilégiés.

Jamais le socialisme ouvrier n’a été aussi vivant que depuis la chute de la Commune. Il est aujourd’hui la seule préoccupation véritable des gouvernants. A quoi donc auront servi tant de massacres, sinon à prouver que le vieux monde est bien fini, que tout retour au passé est impossible ? L’ignorance, de la bourgeoisie peut seule lui donner le change à cet égard. Depuis le 18 mars, le câble est rompu.




  1. Ce même personnage qui accusait les réfugiés de crimes de droit commun, — ce que l’Europe a refusé d’admettre, — a confessé publiquement avoir commis un faux,— crime que toute l’Europe reconnaît être de droit commun. Non-seulement il n’est même pas poursuivi, mais il siége au barreau, à la Chambre, et il fait des lois au pays.
  2. Fable inventée par les Versaillais. L’espion fusillé après jugement du conseil de guerre n’était pas un enfant, mais un jeune homme de vingt-cinq ans. Il avoua être allé plus de vingt fois dans les lignes ennemies porter des renseignements sur les positions des fédérés et sur leur nombre. On lui demanda s’il se repentait : il haussa les épaules. C’était une brute qui mourut en brute.
  3. Les journaux avaient à cette date raconté ces exécutions. Si celles-là ne sont pas vraies, il y en a eu des milliers d’autres.
  4. Où donc est la représentation légale de Paris ?
    25 mars : élections de la Commune 225,000 votants,
    2 juillet : élections complémentaires des Députés 216,000 votants.
    23 juillet : élections du Conseil municipal 176,000 votants.
  5. Figaro.
  6. Patrie.
  7. Ibid.
  8. Biribi veut dire en latin
    L’homme de Sainte-Hélène,
    Barbari c’est, j’en suis certain.
    Un peuple qu’on enchaine.

  9. Vérité.
  10. Bien public.
  11. Liberté.
  12. Déclaration et non réquisition, comme le prétendaient les journaux versaillais. À cette époque, on redoutait à Paris la suspension de l’éclairage au gaz. Les convois de houille étaient fort rares depuis quelque temps et le directeur de la Compagnie parisienne, M. Le Camus, vint lui-même prévenir la Commune, qu’ils allaient totalement manquer. Sur son avis, le fonctionnaire chargé de l’éclairage fit rendre cet arrêté. Le 21 mai, jour de l’entrée des troupes, il n’avait été fait aucune déclaration.
  13. La Patrie.
  14. Liberté.
  15. Ibid. — M. Beslay n’assistait plus depuis cinq semaines aux séances de la Commune.
  16. Figaro.
  17. La Patrie.
  18. Bien public.
  19. Gaulois.
  20. Opinion nationale.
  21. Paris-Journal.
  22. Paris-Journal.
  23. Gaulois.
  24. Petit Moniteur.
  25. Liberté.
  26. Petit Moniteur.
  27. Le Gaulois, Francisque Sarcey.
  28. Figaro.
  29. Petite Presse.
  30. Paris-Journal.
  31. Figaro.
  32. Petit Moniteur.
  33. La France.
      Des négociants ingénieux trouvèrent le moyen de se faire sur le dos des Communeux de bonnes petites réclames. — Celle-ci nous parait le modèle du genre : « Les magasins Gagelin sont rouverts après avoir échappé au massacre et à l’incendie. Leur chef, M. Opigez-Gagelin, décrété d’otage, probablement comme fondateur d’une industrie qui répartit 80 millions de salaires, était une victime désignée aux fureurs de l’Internationale. »
  34. Gazette des Tribunaux.
  35. Droit.
  36. V. Appendice. Note 7.
  37. Figaro.
  38. Paris-Journal.
  39. Petite Presse.
  40. Bien Public.
  41. Liberté.
  42. De Fonvielle, Liberté
  43. Gaulois.
  44. La France.
  45. Le Soir.
  46. Paris-Journal.
  47. Voyez l’appendice. Note 8.
  48. Paris-Journal.
  49. Paris sous la Commune. Moriac.
  50. Paris-Journal.
  51. Liberté.
  52. La Patrie.
  53. Bien Public.
  54. Petit Moniteur.
  55. Paris-Journal.
  56. Cloche.
  57. Petit Moniteur.
  58. Ni le temps ni le nombre des victimes ne purent calmer cette rage de la presse. Quatre mois après les journés de Mai, elle continuait les mêmes calomnies ineptes et les mêmes excitations. Tout malfaiteur arrêté dans Paris était « officier de la Commune. » Son attitude lors des procès de Versailles révolta les correspondants étrangers. The Standard, un des journaux les plus injurieux pour la Commune, s’écria : « Anything more scandalous than the tone of the demi-monde press about this trial it is impossible to conceive. » (Impossible d’imaginer rien de plus scandaleux que le ton de la presse du demi-monde pendant ce procès.)
  59. On lisait dans l’acte d’accusation, qui restera comme un monument de bêtise : « Les insurgés avaient arrosé de pétrole les barricades ! » — Tout en reconnaissant que ces pétroleuses n’avaient rien pétrolé du tout, le conseil en condamna trois à mort : pour avoir tente de changer la forme du gouvernement.
  60. Paris-Journal.
  61. Bien public.
  62. Bien public.
  63. Ibid.
  64. Figaro.
  65. Gaulois.
  66. Voyez l’Appendice. Note 9.
  67. Voyez l’Appendice. Note 10.
  68. C’est pitié cependant que de voir des Gaveaux sourire de la Commune. Certes, dans le tumulte d’élections improvisées, grâce aux camaraderies coupables et aux défiances exagérées, beaucoup d’intrigants surprirent un mandat dont ils étaient indignes, et ceux-là disparurent au jour du danger, C’est le sort inévitable de toute révolution naissante, et si la Commune avait pu développer en paix son organisme ; elle aurait dans la suite rejeté toutes ces scories. Et cependant, cette pâle représentation de la classe ouvrière compta, toutes proportions gardées, plus d’hommes de valeur que bien des Assemblées. Tous les rouages administratifs de Paris étaient désorganisés, les employés ayant fui à Versailles ; il fallait remonter en quelques heures cette immense machine, sous peine de voir la vie suspendue dans la cité. Les hommes dits spéciaux, auraient reculé d’épouvante devant une telle besogne ; ces premiers venus l’entreprirent sans sourciller. A force de travail et de volonté, ils surent en un instant rétablir tous les services : état civil, voierie, eaux, marchés, éclairage, égouts, pompes funèbres, hospices, bibliothèques, archives, musées, etc., etc. Où étaient en 48 les capacités ouvrières ? En 1871, elles surgissent de tous côtés. Du jour au lendemain, un travailleur se révéla capable de diriger avec habileté les postes, les télégraphes, la Monnaie, l’imprimerie nationale, la manutention, etc., toutes fonctions dévolues par la bourgeoisie à ses plus habiles mandarins de première classe, et le seul budget que le public ait jamais compris, fut présenté à la Commune par son délégué aux finances. Certaines déclarations officielles pleines d’éloquence et de bon sens resteront des programmes de bonne politique et de revendication sociale. Il n’est pas téméraire de croire que Gaveau, ce Belmontet de l’ordre, n’eût pas aussi facilement triomphé de leurs auteurs que des Assi, Régère, et autres Billiorays.
  69. « Je vois avec une certaine satisfaction la République forcée de sévir contre ceux-là même qui, pendant vingt-trois ans, ont attaqué mon gouvernement, et obligée de recourir à la plupart des mesures que j’avais cru indispensables pour maintenir l’ordre. »
    (Manifeste de Napoléon III, publié par le Times. — Octobre 1871.)