Les Historiettes/Tome 3/36

Texte établi par Monmerqué, de Chateaugiron, Taschereau, 
A. Levavasseur
(Tome 3p. 240-241).


LE COMTE DE SAINT-BRISSE.


Le comte de Saint-Brisse étoit le second fils du marquis de Ruffec, d’Angoumois, et de la belle du Lude ; il étoit cadet. Ruffec fut pour l’aîné, et lui eut des terres en Bretagne. C’étoit un homme de plaisir et grand danseur de ballets. Il mourut de la goutte après avoir été sept ans dans son lit sans qu’on le pût jamais remuer ; tout pourrissoit sous lui ; on dit qu’il y vint des champignons.

Le neveu de ce comte, fils du marquis de Ruffec, n’étoit pas mal avec le feu roi (Louis XIII) ; et quand le maréchal d’Ancre fut tué, le Roi lui dit : « Tu n’en oserois faire autant à ton oncle, l’abbé de la Couronne, qui couche avec ta mère. » Ce jeune homme, dépité de ce que le Roi lui avoit dit, part avec des coupe-jarrets ; et, comme l’abbé lisoit une lettre qu’ils lui avoient présentée, les coquins lui jettent une serviette au cou. L’abbé étoit un homme fort et vigoureux ; il leur faisoit de la peine, et l’exécution étoit un peu longue. Le marquis, impatient, entre dans la chambre et crie : « Joue du poignard. » Au bout d’un an ce garçon mourut comme fou. Comme le Roi l’aimoit, on n’osa poursuivre.