Les Historiettes/Tome 2/13
LOUIS XIII[1].
Louis XIII fut marié encore enfant[2].
Le Roi commença par son cocher Saint-Amour à témoigner de l’affection à quelqu’un. Ensuite il eut de la bonne volonté pour Haran, valet de chiens. Il voulut envoyer quelqu’un qui lui pût bien rapporter comment la princesse d’Espagne étoit faite. Il se servit pour cela du père de son cocher, comme si c’eût été pour aller voir des chevaux.
Le grand-prieur de Vendôme, le commandeur de Souvré et Montpouillan-la-Force[3], garçon d’esprit et de cœur, mais laid et rousseau, furent éloignés l’un après l’autre par la Reine-mère. Enfin M. de Luynes vint ; nous en avons parlé ailleurs, et de Desplan aussi. Nogent-Bautru, capitaine de la porte, n’a jamais été favori, à proprement parler ; mais il étoit bien dans l’esprit du Roi avant que le cardinal de Richelieu fût son ministre. Il y a beaucoup gagné[4]. Nous parlerons des autres à mesure qu’ils viendront.
Le feu Roi ne manquoit pas d’esprit ; mais, comme j’ai remarqué ailleurs[5], son esprit tournoit du côté de la médisance ; il avoit de la difficulté à parler[6], et, étant timide, cela faisoit qu’il agissoit encore moins par lui-même. Il étoit bien fait, dansoit assez bien en ballet, mais il ne faisoit jamais que des personnages ridicules. Il étoit bien à cheval, eût enduré la fatigue en un besoin, et mettoit bien une armée en bataille.
Le cardinal de Richelieu, qui craignoit qu’on ne l’appelât Louis le Bègue, fut ravi de ce que l’occasion s’étoit présentée de le surnommer Louis-le-Juste. Cela arriva lorsque madame de Guemadeux, femme du gouverneur de Fougères, se jeta à ses pieds, pleura et lamenta, et qu’il n’en fut point ému, encore qu’elle fût fort belle. Depuis, Le Pont-de-Courlay épousa la fille de cette femme. C’est la mère du duc de Richelieu, aujourd’hui madame Daubroy. Guemadeux eut la tête coupée ; il se révolta le plus sottement du monde. À La Rochelle, ce nom lui fut confirmé à cause du traitement qu’on fit aux Rochellois. En riant, quelques-uns ont ajouté arquebusier, et disoient : Louis, le juste arquebusier. Un jour, mais long-temps après, Nogent, en jouant de la paume ou au gros volant avec le Roi, cria : « À vous, Sire. » Le Roi manqua : « Ah ! vraiment, dit Nogent, voilà un beau Louis le Juste. » Il ne s’en fâcha point.
Il étoit un peu cruel, comme sont la plupart des sournois et des gens qui n’ont guère de cœur, car le bon sire n’était pas vaillant, quoiqu’il voulût passer pour tel. Au siége de Montauban, il vit sans pitié plusieurs huguenots, de ceux que Beaufort avoit voulu jeter dans la ville, la plupart avec de grandes blessures, dans les fossés du château où il étoit logé. Ces fossés étoient secs ; on les mit là comme dans un lieu sûr, et on ne daigna jamais leur faire donner de l’eau. Les mouches mangeoient ces pauvres gens. Il s’est diverti long-temps à contrefaire les grimaces des mourants. Le comte de La Rocheguyon (c’étoit un homme qui disoit les choses plaisamment) étant à l’extrémité, le Roi lui envoya un gentilhomme pour savoir comment il se portoit : « Dites au Roi, dit le comte, que dans peu il en aura le divertissement. Vous n’avez guère à attendre, je commencerai bientôt mes grimaces. Je lui ai aidé bien des fois à contrefaire les autres, j’aurai mon tour à cette heure. »
Quand M. le Grand (Cinq-Mars) fut condamné, il dit : « Je voudrois bien voir la grimace qu’il fait à cette heure sur cet échafaud. »
Quelquefois il a raisonné passablement dans un conseil, et même il sembloit qu’il avoit l’avantage sur le cardinal. Peut-être l’autre avoit-il l’adresse de lui donner cette petite satisfaction. La fainéantise l’a perdu. Pisieux gouverna un temps, puis La Vieuville, surintendant des finances, fut comme une espèce de ministre, avant la grande puissance du cardinal de Richelieu, et pensa faire enrager tout le monde. Il vouloit faire danser des courantes aux dames qui lui alloient parler. Quand on lui demandoit de l’argent, il se mettoit à faire des bras comme s’il eût nagé, et disoit : « Je nage, je nage, il n’y a plus de fonds. » Scapin lui alla une fois demander je ne sais quoi. Voilà La Vieuville, dès que cet homme paroît, qui se met à faire le zani[7]. Scapin le regarde, et puis lui dit : « Monsou, vous avez fait mon métier ; faites à cette houre le vôtre. » Le Roi, après lui avoir fait manger du foin confit pour le traiter de cheval, le lendemain lui donne la surintendance des finances… Lequel, à votre avis, méritoit le mieux de manger de l’herbe ? Enfin, M. le maréchal d’Ornane s’étant mis dans la Bastille volontairement pour se justifier des choses dont il disoit qu’on l’accusoit, le bruit courut que c’étoit La Vieuville qui en étoit cause. Les gens de Monsieur irritèrent leur maître, qui gronda tant qu’il fit donner congé à La Vieuville : ce fut à Saint-Germain, et ce jour-là comme il partoit, on lui fit faire un charivari épouvantable par tous les marmitons, pour lui jouer, disoit-on, un branle de sortie.
Louis XIII, rebuté des débauches de Moulinier et de Justine, deux des musiciens de la chapelle, qui ne le servoient pas trop bien, leur fit retrancher la moitié de leurs appointements. Marais, le bouffon du Roi, leur donna une invention pour les faire rétablir. Ils allèrent avec lui au petit coucher danser une mascarade demi-habillés. Qui avoit un pourpoint n’avoit point de haut-de-chausses. « Que veut dire cela ? dit le Roi. — C’est, Sire, répondirent-ils, que gens qui n’ont que la moitié de leurs appointements ne s’habillent aussi qu’à moitié… » Le Roi en rit et les reprit en grâce.
Au voyage de Lyon, en une petite ville nommée Tournus, entre Châlons et Mâcon, un gardien des Cordeliers voulut faire accroire à la Reine-mère que le Roi en passant y avoit fait parler une muette en la touchant, comme si elle eût eu les écrouelles. On lui montra la fille. Ce bon Père disoit l’avoir vu, et après lui, toute la ville le disoit aussi. Le Père Souffran fit faire une procession et chanter. La Reine prend ce bon religieux, et, ayant joint le Roi, elle lui dit qu’il devoit bien prier Dieu de la grâce qu’il lui avoit faite d’opérer par lui un si grand miracle. Le Roi dit qu’il ne savoit ce qu’on lui vouloit dire, et le Cordelier disoit : « Voyez la modestie de ce bon prince ! » Enfin le Roi déclara que c’étoit une fourberie et vouloit envoyer des gens de guerre pour punir ces imposteurs.
Dès-lors il aimoit déjà madame d’Hautefort, qui n’étoit encore que fille de la Reine. Les autres lui disoient : « Ma compagne, tu ne peux rien ; le Roi est saint. » Ses amours étoient d’étranges amours. Il n’avoit rien d’un amoureux que la jalousie. Il entretenoit madame d’Hautefort de chevaux, de chiens, d’oiseaux et d’autres choses semblables. Il la fit dame d’atours en survivance ; elle eut quelques dons. Mais il étoit jaloux d’Esgvilly-Vassé[8] ; et il fallut qu’on lui fît accroire qu’il étoit parent de la belle. Le Roi le voulut savoir de d’Hozier. D’Hozier avoit le mot, et dit tout ce qu’on voulut.
Madame de La Flotte, veuve d’un des MM. Du Bellay, chargé d’affaires et d’enfants, s’offrit, quoique ce fût un emploi au-dessous d’elle, d’être gouvernante des filles de la Reine-mère, et elle l’obtint par importunité. Elle donna la fille de sa fille, dès l’âge de douze ans, à la Reine-mère : c’est madame d’Hautefort. Elle étoit belle. Le Roi en devint amoureux et la Reine jalouse, ce dont le Roi ne se soucioit pas autrement. Cette fille, songeant à se marier, ou voulant donner quelque inquiétude au Roi, souffrit quelques cajoleries. Huit jours il étoit bien avec elle ; huit autres jours il la haïssoit quasi. Quand la Reine-mère fut arrêtée à Compiègne, on fit madame de La Flotte dame d’atours en la place de madame Du Fargis, et sa petite-fille est reçue en survivance.
En je ne sais quel voyage, le Roi alla à un bal dans une petite ville ; une fille, nommée Catin Gau, à la fin du bal, monta sur un siége pour prendre, non un bout de bougie, mais un bout de chandelle de suif dans un chandelier de bois. Le Roi dit qu’elle fit cela de si bonne grâce, qu’il en devint amoureux. En partant, il lui fit donner dix mille écus pour sa vertu.
Le Roi s’éprit après de La Fayette. La Reine et Hautefort se liguèrent contre elle, et depuis cela furent bien ensemble. Le Roi retourna à Hautefort. Le cardinal la fit chasser ; cela ne la désunit point d’avec la Reine. Un jour, madame d’Hautefort tenoit un billet. Il le voulut voir ; elle ne le voulut pas. Enfin, il fit effort pour l’avoir ; elle qui le connoissoit bien, se le mit dans le sein et lui dit : « Si vous le voulez, vous le prendrez donc là ? » Savez-vous bien ce qu’il fit : il prit les pincettes de la cheminée, de peur de toucher à la gorge de cette belle fille.
Le feu Roi commençoit à cajoler une fille en lui disant : « Point de mauvaises pensées. » Pour une femme mariée, il n’avoit garde. Un fois il avoit fait un air qui lui plaisoit fort, il envoya quérir Boisrobert pour lui faire faire des paroles. Boisrobert en fit sur l’amour que le Roi avoit pour Hautefort. Le Roi lui dit : « Ils vont bien, mais il faudroit ôter le mot de désirs, car je ne désire rien. » Le cardinal lui dit : « Le Bois, vous êtes en faveur, le Roi vous a envoyé quérir. » Boisrobert lui conte la chose. Or, devinez ce qu’il fait faire ; ayant la liste des mousquetaires, il y avoit des noms béarnois, du pays de Tréville[9], qui étoient des noms à tuer chien ; Boisrobert en fit une chanson ; le Roi la trouva admirable. M. d’Esgvilly étoit un fort galant homme. Il fit long-temps l’amour à la Reine avec des révérences ; et c’est assez dire à une Reine. On l’appeloit le beau d’Esgvilly. Le cardinal l’éloigna parce que c’étoit un garçon qui ne craignoit rien. Il avoit nargué le grand-maître en cajolant madame de Chalais, sous sa moustache. C’étoit un homme froid. Il avoit une galère, et, après avoir fait des merveilles au combat qui se donna auprès de Gênes, à la naissance de M. le dauphin, où il fit des protestations contre Le Pont de Courlay qui ne vouloit pas donner, il reçut un coup de mousquet dans le visage qui le défiguroit tout. Il ne voulut plus vivre, et ne souffrit pas qu’on le pansât.
La Reine, à ce que dit le Journal du cardinal, s’étoit blessée pour avoir mis un emplâtre, avant que d’être grosse de Louis XIV[10]. Le Roi couchoit fort rarement avec elle. On appeloit cela mettre le chevet, car la Reine n’en mettoit point pour l’ordinaire. Il dit, quand on lui vint annoncer que la Reine étoit grosse : « Il faut donc que ce soit d’un tel temps. » Pour une pauvre fois, il prenoit quelque rafraîchissement et on le saignoit souvent. Cela ne servoit pas à sa santé. J’oubliois que son premier médecin, Hérouard, a fait plusieurs volumes qui commencent depuis l’heure de la naissance du Roi jusqu’au siége de La Rochelle, où vous ne voyez rien sinon à quelle heure il se réveilla, déjeûna, cracha, pissa, etc.[11].
Au commencement, le roi étoit assez gai, et se divertissoit assez avec M. de Bassompierre. Il a dit quelquefois de plaisantes choses[12]. Le fils de Sébastien Zamet, qui mourut maréchal de camp à Montauban (c’étoit beaucoup en ce temps-là), avoit avec lui La Vergue, depuis gouverneur du duc de Brézé, qui étoit curieux d’architecture et s’y entendoit un peu. Or, ce Zamet étoit un homme fort grave et qui faisoit des révérences bien compassées. Le Roi disoit qu’il lui sembloit, quand Zamet faisoit ses révérences, que La Vergue étoit derrière pour les mesurer avec sa toise. Ce fut lui qui fit la chanson :
Semez graine de coquette
Et vous aurez des cocus.
Il aima Barradas violemment. On l’accusoit de faire cent ordures avec lui. Il étoit bien fait. Les Italiens disoient : La bugera ha passato i monti, passera ancora il concilio. J’ai ouï dire à Barradas, qui est un assez pauvre homme, que le cardinal de Richelieu et la feue Reine-mère avoient bien brouillé l’esprit au feu Roi. Ils faisoient venir des gens supposés qui apportoient des lettres contre les plus grands de la cour. La Reine-mère écrivoit au Roi : « Votre femme fait galanterie avec M. de Montmorency, avec Buckingham, avec celui-ci, avec celui-là. » Les confesseurs, gagnés, ne lui disoient que ce qu’on leur faisoit dire. Ce Barradas n’étoit qu’un brutal ; il donna bientôt prise sur lui. Le Roi ne vouloit pas qu’il se mariât, et lui, amoureux de la belle Cressias, fille de la Reine, voulut l’épouser à toute force[13]. Le cardinal se servit de l’indignation du Roi pour s’en défaire[14]. Le voilà relégué chez lui. Saint-Simon prend sa place[15]. Il étoit page de la chambre aussi bien que Barradas ; mais c’étoit, et c’est encore, un homme qui n’a rien de recommandable, et qui est mal fait. Celui-ci dura plus long-temps que l’autre, et alla à deux ou trois ans près de M. le Grand. Il y a fait fortune, et est duc et pair reçu au parlement. Le cardinal se servit encore de quelque dégoût du Roi ; car il ne vouloit pas que ces petits favoris le tracassassent trop.
Depuis, M. de Chavigny, que Barradas n’avoit point salué, en je ne sais quel lieu, à cause que l’autre lui avoit fait une incivilité en une rencontre, entreprend de le faire reléguer. On lui envoie un ordre d’aller en une province éloignée. Le Roi dit : « Je le connois, il n’obéira pas. » L’exempt, qui fut chez Barradas, voyant qu’il vouloit aller faire sa réponse lui-même au Roi, aima mieux la recevoir par écrit, et le cardinal dit que l’exempt avoit fait sagement ; mais il gronda M. de Chavigny et lui dit : « Vous l’avez voulu, monsieur de Chavigny, vous l’avez voulu, achevez donc. » Cela n’eut pas de suite, et durant le siége de Corbie, où Barradas eut permission de voir le Roi, il proposa à M. le comte d’arrêter le cardinal. Il demandoit pour cela cinq cents chevaux, et, suivi de ses amis et de ses parens, avec un cordon bleu et un bâton de capitaine des gardes, il faisoit état d’attendre le cardinal à un défilé ; qu’il y avoit apparence que le cardinal, surpris de voir un homme que le Roi aimoit encore, et n’ayant pas le don de ne se pas étonner, perdroit la tramontane, et qu’on le mèneroit où l’on voudroit ; que pour le Roi, il étoit en colère de l’insulte des Espagnols et du manque de toutes choses, et on étoit assuré qu’il haïssoit déjà le cardinal. « J’en parlerai à Monsieur, dit M. le comte. — Monsieur, reprit Barradas, je ne veux point avoir affaire à Monsieur. » Cela se sut. Barradas eut ordre de se retirer à Avignon, et y obéit.
Le soin qu’on avoit eu d’amuser le Roi à la chasse[16] servit fort à le rendre sauvage. Mais cela ne l’occupa pas si fort qu’il n’eût tout le loisir de s’ennuyer. Il prenoit quelquefois quelqu’un, et lui disoit : « Mettons-nous à cette fenêtre, puis ennuyons-nous, ennuyons-nous ; » et il se mettoit à rêver. On ne sauroit quasi compter tous les beaux métiers qu’il apprit, outre tous ceux qui concernent la chasse ; car il savoit faire des canons de cuir, des lacets, des filets, des arquebuses, de la monnoie, et M. d’Angoulême lui disoit plaisamment : « Sire, vous portez votre abolition avec vous. » Il étoit bon confiturier, bon jardinier ; il fit venir des pois verts, qu’il envoya vendre au marché. On dit que Montauron[17] les acheta bien cher, car c’étoient les premiers venus. Montauron acheta aussi, pour faire sa cour, tout le vin de Ruel du cardinal de Richelieu, qui étoit ravi de dire : « J’ai vendu mon vin cent livres le muid. »
Le Roi se mit à apprendre à larder. On voyoit venir l’écuyer Georges avec de belles lardoires et de grandes longes de veau. Et une fois, je ne sais qui vint dire que Sa Majesté lardoit. Voyez comme cela s’accorde bien, majesté et larder !
J’ai peur d’oublier quelqu’un de ses métiers. Il rasoit bien ; et un jour il coupa la barbe à tous ses officiers, et ne leur laissa qu’un petit toupet au menton[18]. On en fit une chanson :
Hélas ! ma pauvre barbe,
Qu’est-ce qui t’a faite ainsi ?
C’est le grand roi Louis
Treizième de ce nom
Qui toute a ébarbé sa maison.
Ça, monsieur de La Force,
Que je vous la fasse aussi :
Hélas, Sire, nenni ;
Ne me la faites pas,
Plus ne me connoîtroient vos soldats.
Laissons la barbe en pointe
Au cousin de Richelieu,
Car, par la vertudieu,
Qui seroit assez osé
Pour prétendre la lui raser ?
Il composoit, en musique, et ne s’y connoissoit pas mal. Il mit un air au rondeau sur la mort du cardinal :
Il est passé, il a plié bagage, etc.
Miron, maître des comptes, l’avoit fait.
Il peignoit un peu. Enfin, comme dit son épitaphe :
Il eut cent vertus de valet,
Et pas une vertu de maître.
Son dernier métier fut de faire des châssis avec M. de Noyers. On lui a trouvé pourtant une vertu de roi, si la dissimulation en est une. La veille qu’on arrêta MM. de Vendôme, il leur fit mille caresses ; et le lendemain, comme il disoit à M. de Liancourt : « Eussiez-vous jamais cru cela ? — Non, Sire, dit M. de Liancourt, car vous avez trop bien joué votre personnage. » Il témoigna que cette réponse ne lui avoit pas été trop agréable ; cependant il sembloit qu’il vouloit qu’on le louât d’avoir si bien dissimulé.
Il fit une fois une chose que son frère n’eût pas faite. Plessis-Bezançon lui alloit rendre de certains comptes ; et comme c’est un homme assez appliqué à ce qu’il fait, il étale ses registres sur la table du cabinet du Roi, après avoir mis, sans y penser, son chapeau sur sa tête. Le Roi ne lui dit rien. Quand il eut fait, il cherche son chapeau partout ; le Roi lui dit : « Il y a long-temps qu’il est sur votre tête. » M. d’Orléans envoya offrir un carreau à un homme qui, sans y penser, s’étoit assis dans une salle comme Son Altesse Royale s’y promenoit.
Le Roi ne vouloit pas que ses premiers valets-de-chambre fussent gentilshommes ; car il disoit qu’il vouloit pouvoir les battre, et il ne croyoit pas pouvoir battre un gentilhomme sans se faire tort. À ce compte, il ne prenoit pas Béringhen pour un gentilhomme.
J’ai déjà dit qu’il étoit naturellement médisant. Il disoit : « Je pense que tels et tels sont bien aises de mon édit des duels. » Il se railloit de ceux qui ne se battoient pas au même temps qu’il faisoit une déclaration contre ceux qui se battoient. Il avoit quelque chose de hobereau, car il croyoit qu’il y alloit de son honneur qu’un sergent entrât chez lui, et il en vouloit faire battre un qui étoit venu remplir sa charge dans la cour de Fontainebleau, pour dette sans capture. Mais un conseiller d’État qui se trouva là lui dit : « Mais, Sire, il faudroit savoir au nom et en l’autorité de qui il fait cela. » On apporte les pièces : « Eh, Sire, lui dit-on, c’est de par le Roi, et ces gens-là sont des ministres de votre justice. » Philippe II, roi d’Espagne, ordonna que les sergents entreroient dans toutes les maisons des grands, et depuis cela on leur porte respect partout.
On l’a reconnu avare en toutes choses. Mézerai lui présenta un volume de son Histoire de France. Le Roi trouva le visage de l’abbé Suger à sa fantaisie ; il en fit le crayon sans rien dire. Bien loin de rien donner à l’auteur, il raya après la mort du cardinal toutes les pensions des gens de lettres, en disant : « Nous n’avons plus affaire de cela. »
Depuis la mort du cardinal, M. de Schomberg lui dit que Corneille vouloit lui dédier la tragédie de Polyeucte. Cela lui fit peur, parce que Montauron avoit donné deux cents pistoles à Corneille pour Cinna[19]. « Il n’est pas nécessaire, dit-il. — Ah ! Sire, reprit M. de Schomberg, ce n’est point par intérêt. — Bien donc, dit-il, il me fera plaisir. » Ce fut à la Reine qu’on la dédia, car le Roi mourut entre deux[20].
Une fois à Saint-Germain, il voulut voir l’état de sa maison pour la bouche. Il retrancha un potage au lait à la générale Coquet, qui en mangeoit un tous les matins. Il est vrai qu’elle étoit assez truie sans cela.
Il trouva sur le compte des biscuits que l’on avoit donnés à M. de La Vrillière. Dans ce même moment M. de La Vrillière entra. Il lui dit brusquement : « À ce que je vois, La Vrillière, vous aimez fort les biscuits. » En revanche, il parut bien libéral, quand, en lisant : Un pot de gelée pour un tel, qui étoit malade, il dit : « Je voudrois qu’il m’en eût coûté six, et qu’il ne fût pas mort. » Il retrancha trois paires de mules de sa garde-robe ; et M. le marquis de Rambouillet, qui en étoit grand-maître, lui ayant demandé ce qu’il vouloit qu’on fît de vingt pistoles qui étoient restées de ce qu’on avoit donné pour acheter des chevaux pour le chariot du lit, il lui dit : « Donnez-les à un tel, mousquetaire, à qui je les dois. Il faut commencer par payer ses dettes. » Il rabattit aux fauconniers du cabinet les bouts carrés qu’ils achetoient pour peu de chose des écuyers de cuisine, et les leur fit donner pour leurs oiseaux, sans récompenser les écuyers de cuisine.
Il n’étoit pas humain. En Picardie, il vit des avoines toutes fauchées, quoiqu’elles fussent encore toutes vertes, et plusieurs paysans assemblés autour de ce dégât, mais qui, au lieu de se plaindre de ses chevau-légers qui venoient de faire ce bel exploit, se prosternoient devant lui et le bénissoient. « Je suis bien fâché, leur dit-il, du dommage qu’on vous a fait là. — Cela n’est rien, Sire, lui dirent-ils, tout est à vous ; pourvu que vous vous portiez bien, c’est assez. — Voilà un bon peuple, » dit-il à ceux qui l’accompagnoient. Mais il ne leur fit rien donner, ni ne songea à les faire soulager des tailles.
Je pense qu’une des plus grandes humanités qu’il ait eues en sa vie, ce fut en Lorraine. Le paysan chez qui il dînoit, dans un village où ils étoient bien à leur aise avant cette dernière guerre, fut tellement charmé d’un potage de perdrix aux choux, qu’il le suivit jusque sur la table du Roi. Le Roi dit : « Voilà un beau potage. — C’est bien l’avis de votre hôte, Sire, dit le maître-d’hôtel, il n’a pas ôté les yeux de dessus. — Vraiment, dit le Roi, je veux qu’il le mange. » Il le fit recouvrir, et ordonna qu’on le lui servît.
Le cardinal ayant chassé Hautefort, et La Fayette s’étant faite religieuse, le Roi dit qu’il vouloit aller au bois de Vincennes, et, en passant, fut cinq heures aux Filles de Sainte-Marie, où étoit La Fayette. En sortant, Nogent lui dit : « Sire, vous venez de voir la pauvre prisonnière ? — Je suis plus prisonnier qu’elle, » répondit le Roi. Le cardinal eut du soupçon de cette longue conversation, et y envoya M. de Noyers, à qui M. de Tresmes n’osa refuser la porte ; cela rompit les chiens.
L’Éminentissime voyant bien qu’il falloit quelque amusement au Roi, jeta les yeux, comme j’ai déjà dit, sur Cinq-Mars, qui déjà étoit assez agréable au Roi. Il avoit ce dessein de longue main, car le marquis de La Force fut trois ans sans se pouvoir défaire de sa charge de grand-maître de la garde-robe (je pense qu’on lui avoit donné celle-ci au lieu de celle de capitaine des gardes-du-corps). Le cardinal ne vouloit pas qu’autre que Cinq-Mars l’eût. En effet, M. d’Aumont, frère aîné de Villequier, aujourd’hui maréchal d’Aumont, ne put y être reçu, quoiqu’il eût de bonnes paroles du Roi.
Au commencement, M. de Cinq-Mars faisoit faire débauche au Roi. On dansoit, on buvoit des santés. Mais comme c’étoit un jeune homme fougueux et qui aimoit ses plaisirs, il s’ennuya bientôt d’une vie qu’il n’avoit prise qu’à contre-cœur. D’ailleurs La Chesnaye, premier valet-de-chambre, qui étoit son espion, le mit mal avec le cardinal, car il lui disoit cent bagatelles du Roi que l’autre ne lui disoit point, et que le cardinal vouloit qu’on lui dît. Cinq-Mars, devenu grand-écuyer[21] et comte de Dampmartin, fit chasser La Chesnaye, mais aussi la guerre fut déclarée par ce moyen entre le cardinal et lui.
Nous avons dit comme le Roi l’aimoit éperduement. Fontrailles racontoit qu’étant entré une fois à Saint-Germain fort brusquement dans la chambre de M. le Grand, il le surprit comme il se faisoit frotter depuis les pieds jusqu’à la tête d’huile de jasmin, et, se mettant au lit, il lui dit d’une voix peu assurée : « Cela est plus propre. » Un moment après on heurte, c’est le Roi. Il y a apparence, comme le dit le fils de feu L’Huillier, à qui on contoit cela, qu’il s’huiloit pour le combat. On m’a dit aussi qu’en je ne sais quel voyage le Roi se mit au lit dès sept heures. Il étoit fort négligé ; à peine avoit-il une coiffe à son bonnet. Deux grands chiens sautent aussitôt sur le lit, le gâtent tout, et se mettent à baiser Sa Majesté. Il envoya déshabiller M. le Grand, qui revint paré comme une épousée : « Couche-toi, couche-toi, » lui dit-il d’impatience. Il se contenta de chasser les chiens sans faire refaire le lit, et ce mignon n’étoit pas encore dedans, qu’il lui baisoit déjà les mains. Dans cette grande ardeur, comme il ne trouvoit pas que M. le Grand y correspondît trop, car il avoit le cœur ailleurs, il lui disoit : « Mais, mon cher ami, qu’as-tu ? que veux-tu ? tu es tout triste. De Niert[22], demande-lui ce qui le fâche ; dis-moi, as-tu jamais vu une telle faveur ? » Il le faisoit épier pour savoir s’il alloit en cachette quelque part.
M. le Grand avoit été amoureux de Marion de Lorme plus qu’il ne l’étoit alors. Une fois, comme il alloit la trouver en Brie, il fut pris pour un voleur par des gens qui effectivement couroient après des voleurs. Ils l’attachèrent à un arbre, et, sans quelqu’un qui le reconnut, ils l’eussent mené en prison. Madame d’Effiat eut peur qu’il n’épousât cette fille, et eut des défenses du Parlement. Il a fait enrager sa mère quelque temps, car elle étoit avare, et lui, par dépit, changeoit d’habit quatre fois le jour, et l’alloit voir autant de fois. Elle étoit pourtant revenue de cette aversion depuis qu’il étoit en faveur. Elle pouvoit bien l’aimer, car il n’y avoit que lui qui valût quelque chose. Il avoit du cœur. Il s’étoit battu, et fort bien, contre Du Dognon, aujourd’hui le maréchal Foucault. Il avoit de l’esprit, et étoit fort bien fait de sa personne. Son aîné est mort fou ; cet aîné faisoit des semelles de souliers des plus belles tapisseries de Chilly, et l’abbé est fort peu de chose, quoiqu’il ait assez d’esprit.
La plus grande amour de M. le Grand en ce temps-là, c’étoit Chemerault, aujourd’hui madame de La Bazinière. Elle étoit alors en religion à Paris. Elle avoit été chassée à cause de lui[23], et enfin on l’envoya en Poitou. Un soir à Saint-Germain il rencontra Rumigny, et lui dit : « Suivez-moi, il faut que je sorte pour aller parler à Chemerault. Il y a un endroit des fossés par où je prétends passer : on m’y attend avec deux chevaux. » Ils sortent ; mais le palefrenier s’étoit endormi à terre, et on lui avoit pris ses deux chevaux. Voici M. le Grand au désespoir. Ils vont dans le bourg pour tâcher d’avoir d’autres chevaux, et ils aperçoivent un homme qui les suivoit de loin. C’étoit un chevau-léger de la garde, le plus grand espion qu’eût le Roi pour M. le Grand. M. le Grand l’ayant reconnu, l’appelle et lui parle. Cet homme leur vouloit faire accroire qu’ils s’alloient battre. Il lui protesta que non. Enfin cet homme se retira. Rumigny conseilla à M. le Grand de s’en retourner, de peur d’irriter le Roi, de se coucher, et, à deux heures de là, d’envoyer prier quelques officiers de la garde-robe de le venir entretenir, parce qu’il ne pouvoit dormir ; qu’ainsi il ôteroit pour un temps la créance à ses espions, car on ne manqueroit pas le lendemain de dire au Roi qu’il étoit sorti. M. le Grand crut ce conseil. Le lendemain, le Roi lui dit : « Ah ! vous avez été à Paris ? » Lui, produit ses témoins. L’espion fut confondu, et il eut le loisir de faire trois voyages nocturnes à Paris.
Pour dire le vrai, la vie que le Roi lui faisoit faire étoit une triste vie. Le Roi vraisemblablement fuyoit le monde et surtout Paris, parce qu’il avoit honte de la calamité du peuple. On ne crioit presque point vive le Roi quand il passoit ; mais il n’étoit pas capable de mettre ordre à rien. Il ne s’étoit réservé que le soin de pourvoir aux compagnies du régiment des gardes et des vieux corps, et étoit jaloux de cela plus que de toute autre chose. On a remarqué que le Roi aimoit tout ce que M. le Grand haïssoit, et que M. le Grand haïssoit tout ce que le Roi aimoit. Ils ne s’accordèrent qu’en une chose, c’est à haïr le cardinal. J’ai déjà dit ailleurs toute cette histoire[24].
N.[25] dit à Esprit, au retour de Savoie à Lyon, que M. le cardinal ne vivroit pas long-temps, à cause qu’il avoit fait fermer son charbon. Par propreté, il fit cette extravagance-là. Le voilà à Ruel, où la Reine l’alla voir. Il n’osoit aller à Saint-Germain, et le Roi n’osoit aller à Ruel. Il entreprit de gagner Guitaud, car, outre Tréville, Guitaud, Tilladet, Des Essarts, Castelnau, et La Salle, capitaines aux gardes, étoient des gens qu’il n’avoit pu gagner ; ceux-là s’attachoient au Roi. Il fit donc prier Guitaud de le venir voir, le reçut le plus civilement du monde, ordonna qu’on le menât dîner, et qu’on lui fît bonne chère. Après dîner, il le fit venir seul, et lui demande s’il ne vouloit pas être de ses amis. « Monseigneur, j’ai toujours été attaché au Roi. — Eh ! dit le cardinal en levant le bras par trois fois par mépris, monsieur de Guitaud, vous vous moquez ; allez, allez, monsieur de Guitaud. » L’affaire de Tréville le troubla fort : cela aida à le faire mourir.
Après la mort du cardinal de Richelieu, le Roi témoignoit de la joie de recevoir les paquets lui-même. Il disoit qu’il n’auroit jamais de favori à garder. Il affectionnoit, ce sembloit, M. de Noyers plus que pas un autre ; et quand on parloit de travailler, si M. de Noyers n’y étoit pas : « Non, non, disoit-il, attendons le petit bon homme. » L’autre venoit avec sa bougie en catimini. Il étoit bon pour servir sous un autre. Il étoit, disoient les gens, Jésuite galloche[26], car il l’étoit sans porter l’habit et sans demeurer avec eux. Ce fut lui pourtant qui fit chasser le Père Sirmond[27], mais c’étoit pour en mettre un autre qui fût plus Jésuite, s’il faut ainsi dire, car ce bon Père est un peu trop franc, et il ne fait que de petits livres ; eux veulent qu’on fasse de gros volumes. Le petit bon homme, se fiant à l’affection du Roi, se trouva attrapé, car le cardinal Mazarin et Chavigny donnoient à ceux qui approchoient le Roi ; et quoiqu’il fût toujours à Saint-Germain et eux presque toujours à Paris, ils le débusquèrent pourtant. Il mourut peu après à Dangu, une maison à lui auprès de Pontoise. On grattoit déjà à sa porte comme à celle du cardinal[28].
Le feu Roi mourut bientôt après[29]. Il avoit toujours craint le diable, car il n’aimoit point Dieu, mais il avoit grande peur de l’enfer. Il fit baptiser M. le Dauphin ; le cardinal Mazarin le tint pour le pape. Il lui prit une vision, il y a vingt ans, de mettre son royaume sous la protection de la Vierge, et, dans la déclaration qu’il en fit, il y avoit : « Afin que tous nos bons sujets aillent en paradis, car tel est notre plaisir. » C’est ainsi que finissoit cette belle pièce[30]. Dans sa dernière maladie, il étoit étrangement superstitieux. Un jour qu’on lui parloit de je ne sais quel béat qui avoit un don tout particulier pour découvrir les corps saints, et qui, en marchant, disoit : « Fouillez là, il y a un corps saint, » sans y manquer une seule fois, Nogent[31] dit, à sa manière de mauvais bouffon, comme dit le Journal du cardinal : « Si je le tenois, je le mènerois avec moi en Bourgogne, il me trouveroit bien des truffes. » Le Roi se mit en colère, et lui cria : « Maraud, sortez d’ici. » Il mourut assez constamment, et disoit en regardant le clocher de Saint-Denis, qu’on voit du château neuf de Saint-Germain, où il étoit malade : « Voilà où je serai bientôt[32]. » Il dit à M. le Prince : « Mon cousin, j’ai songé que mon cousin, votre fils, étoit aux mains avec les ennemis, et qu’il avoit l’avantage. » C’est la bataille de Rocroy. Il envoya quérir le Parlement, pour leur faire promettre qu’ils observeroient la déclaration qu’il avoit faite. C’étoit sur celle du cardinal de Richelieu, dont il n’avoit fait que changer quelque chose. Par cette déclaration, la Reine avoit un conseil nécessaire, et n’avoit que sa voix, non plus qu’un autre. Il leur dit qu’elle gâteroit tout, s’ils la faisoient régente comme, la feue Reine-mère. Elle se jeta à ses genoux. Il la fit bientôt relever ; il la connoissoit bien, et la méprisoit.
On disoit quand M. le Prince mourut, et qu’il eut aussi témoigné de la fermeté, qu’il n’y avoit plus d’honneur à bien mourir, puisque ces deux hommes-là étoient si bien morts. On alla à l’enterrement du Roi comme aux noces, et au-devant de la Reine comme à un carrousel. On avoit pitié d’elle, et on ne savoit pas ce que c’étoit.
- ↑ Fils de Henri IV et de Marie de Médicis, né à Fontainebleau le 27 septembre 1601, mort le 14 mai 1643.
- ↑ en 1615.
- ↑ Il mourut depuis aux guerres des Huguenots. (T.)
- ↑ Le comte de Nogent, capitaine des archers de la porte, frère de Bautru, dans l’Historiette duquel Tallemant aura occasion de reparler de Nogent. Ménage confirme à son sujet ce qu’avance ici Tallemant ; car il dit « qu’il arriva à Paris n’ayant que huit cent livres de rente, et qu’il en avoit cent quatre-vingt mille lorsqu’il mourut. Le premier jour qu’il parut à la cour, il porta le Roi sur ses épaules pour le passer par un endroit où il y avoit de l’eau. C’étoit aux Tuileries. » (Ménagiana, édit. de 1762, t. I, p. 41.)
- ↑ Précédemment dans l’Historiette du cardinal de Richelieu.
- ↑ M. d’Estambon est fort bègue. Le Roi, la première fois qu’il le vit, lui demanda quelque chose en bégayant. Comme vous pouvez penser, l’autre lui répondit de même. Cela surprit le Roi, comme si cet homme eût voulu se moquer de lui. Voyez quelle apparence il y avoit à cela, et si on n’eût assuré le roi que ce gentilhomme étoit bègue, il l’eût peut-être fait maltraiter. (T.)
- ↑ Espèce de bouffon en vogue en Italie.
- ↑ La famille d’Ecquevilly, descendue du président Hennequin. Tallemant est entré plus bas dans quelques détails sur d’Ecquevilly.
- ↑ Tréville, ou Troisville, commandoit les mousquetaires.
- ↑ Voici le passage : « Madame Bellier a dit au sieur cardinal en grandissime secret, comme la Reine avoit été grosse dernièrement, qu’elle s’étoit blessée ; que la cause de cet accident étoit un emplâtre qu’on lui avoit donné pensant faire bien. Depuis Patrocle m’en a dit autant et le médecin ensuite. » (Journal du cardinal de Richelieu, 1648, petit in-12, première partie, p. 53 ; Mai, 1632.)
- ↑ La Ludovicotrophie, ou Journal de toutes les actions et de la santé de Louis, dauphin de France, qui fut ensuite le roi Louis XIII, par Jean Hérouard, seigneur de Vaugrineuse, son premier médecin, est indiquée dans le Père Lelong, comme existant dans la Bibliothèque du Roi, au nombre des manuscrits du Fonds Colbert. (Bibliothèque historique de la France, t. 2, no 21448.)
- ↑ Marais disoit au Roi : « Il y a deux choses à votre métier dont je ne me pourrois accommoder. — Hé ! quoi ? — De manger tout seul et de ch… en compagnie. » (T.)
- ↑ Ménage assigne une autre cause à la disgrâce de Barradas. « La faveur de Barradas auprès de Louis XIII ne dura pas plus de six mois, et c’est de là que la fortune de Barradas passe en proverbe pour une fortune de peu de durée. Le sujet de la disgrâce de ce favori est fort plaisant. Il étoit un jour à la chasse avec le Roi, lorsque le chapeau de ce prince étant tombé, il alla justement sous le ventre du cheval de Barradas. Dans ce moment-là ce cheval étant venu à passer gâta tout le chapeau du Roi, qui se mit dans une aussi grande colère que s’il l’avoit fait faire exprès. Cet accident, qui en auroit fait rire un autre, fut pris en très-mauvaise part par le Roi, qui commença dès ce temps-là à ne plus aimer Barradas. (Ménagiana, t. I, p. 98.)
- ↑ À la poursuite des financiers, la Reine-mère étoit implacable pour Beaumarchais, à cause du maréchal de Vitry, son gendre. On s’avisa pour le sauver d’offrir mademoiselle de La Vieuville, fille de l’autre gendre, à Barradas avec huit cent mille livres. Le Roi en fut fort aise : « Mais, dit-il, il faut faire le compte rond : il faut un million. » Barradas le dit à quelque babillard : le cardinal de Richelieu, qui ne vouloit point que La Vieuville eût de l’appui, et qui voulut peut-être satisfaire la Reine-mère, dit au Roi : « Sire, voilà qui est bien, mais il m’a offert (cela étoit faux) un million de sa charge de trésorier de l’Épargne qui en vaut encore autant. » Cela cabra Vitry et La Vieuville. L’affaire fut rompue. Outre cela, Beaumarchais fut pendu en effigie dans la cour du palais. Il laissa encore des biens prodigieux. Il avoit l’île de l’Éguillon, près de La Rochelle, et six vaisseaux qu’il envoyoit aux Indes. Il faisoit accroire que sa richesse venoit de là. (T.)
- ↑ Le Roi prit amitié pour Saint-Simon, à cause, disoit-il, que ce garçon lui rapportoit toujours des nouvelles certaines de la chasse ; qu’il ne tourmentoit point trop ses chevaux, et que, quand il prenoit un cor, il ne bavoit point dedans : voilà d’où vient sa fortune. (T.)
- ↑ Une fois qu’il dansoit je ne sais quel ballet de la Chasse aux Merles, qu’il aimoit tendrement, et qu’il avoit nommée la Merlaison, un M. de Bourdonné, qui connoissoit M. Godeau, depuis évêque de Grasse, à cause qu’il est voisin de Dreux, d’où est ce prélat, lui écrivit : « Monsieur, sachant que vous faites joliment des vers, je vous prie de faire les vers du ballet du Roi dont j’ai l’honneur d’être, et d’y mettre souvent le mot de Merlaison, parce que Sa Majesté l’aime. » M. Godeau est encore à faire ces vers. (T.)
- ↑ Montauron étoit parent de Tallemant ; on lira plus loin son Historiette.
- ↑ Depuis ceux qui ne sont pas trop âgés l’ôtent, et on n’a que les moustaches. (T.)
- ↑ D’autres ont dit mille pistoles (Journal de Verdun, juin 1707, p. 410). Le chiffre donné par Tallemant est plus vraisemblable. La pistole valoit alors onze livres, ce qui équivaut à vingt-quatre francs d’aujourd’hui.
- ↑ Polyeucte, représenté en 1640, ne fut publié qu’en 1643.
- ↑ On avoit obligé M. de Bellegarde à prendre quelque petite récompense de cette charge, et pour cela il eut permission de revenir à la cour. (T.)
- ↑ Premier valet-de-chambre. (T.) — Il étoit premier valet de garde-robe.
- ↑ De chez la Reine, comme on l’a vu précédemment dans l’Historiette du maréchal de Brézé.
- ↑ Voyez l’Historiette du cardinal de Richelieu pour la conspiration de Cinq-Mars et le récit de sa mort.
- ↑ Ce nom est illisible dans le manuscrit ; l’initiale paroît être un J, mais encore elle est douteuse.
- ↑ On appelle les filles de la Reine de dehors galloches, car on laisse les galloches à la porte. (T.)
- ↑ Jacques Sirmond, Jésuite, né à Riom le 12 octobre 1559, mort à Paris le 7 octobre 1651.
- ↑ On grattoit à la porte du Roi, et par flatterie à celle des puissants d’alors, pour se les faire ouvrir. Dans le Baron de la Crasse, comédie de R. Poisson, ce personnage raconte qu’étant allé au Louvre, et ayant frappé à la porte du Roi, l’huissier lui dit :
Apprenez, monsieur de Pézenas,
Qu’on gratte à cette porte, et qu’on n’y heurte pas.
Les courtisans se servoient du peigne pour cet usage. Molière dit dans son Remercîment au Roi de 1663 :Grattez du peigne à la porte
De la chambre du Roi. - ↑ Comme les prisonniers de la Bastille ne sortoient point, on disoit qu’il n’y avoit que la Reine qui fût sortie de prison. (T.)
- ↑ Déclaration du Roi par laquelle il prend la sainte Vierge pour protectrice spéciale de son royaume, le 10 février 1638 ; Paris, 1638, in-8o.
La citation de Tallemant n’est pas textuelle ; mais quant à la bizarrerie de la chute à laquelle le protocole donne lieu, elle est exacte : « Nous admonestons le sieur archevêque de Paris, et néanmoins lui enjoignons, etc., afin que sous une si puissante patrone, notre royaume soit à couvert de toutes les entreprises de ses ennemis ; qu’il jouisse longuement d’une bonne paix, que Dieu y soit servi et révéré si saintement, que nous et nos sujets puissions arriver heureusement à la dernière fin pour laquelle nous sommes créés : car tel est notre bon plaisir. »
- ↑ Un jour que Nogent entra dans la chambre du Roi, il lui dit : « Ah ! que je suis aise de vous voir, Nogent ; je croyois que vous fussiez exilé. » (T.)
- ↑ On lit les plus grands détails sur la mort du Roi dans le Mémoire fidèle des choses qui se sont passées à la mort de Louis XIII, par Dubois, l’un de ses valets-de-chambre. (Curiosités historiques ; Amsterdam, 1759, tom. 2, p. 44.) Cette pièce devroit faire partie de la Collection des Mémoires relatifs à l’histoire de France.