Les Heures claires, 1896/7

chez l’Éditeur Edm. Deman (p. 19-20).


Oh ! laisse frapper à la porte

La main qui passe avec ses doigts futiles ;
Notre heure est si unique, et le reste qu’importe,
Le reste, avec ses doigts futiles.

Laisse passer, par le chemin,
La triste et fatigante joie,
Avec ses crécelles en mains.

Laisse monter, laisse bruire

Et s’en aller le rire ;
Laisse passer la foule et ses milliers de voix.


L’instant est si beau de lumière,
Dans le jardin, autour de nous,
L’instant est si rare de lumière trémière,
Dans notre cœur, au fond de nous.

Tout nous prêche de n’attendre plus rien
De ce qui vient ou passe,
Avec des chansons lasses
Et des bras las par les chemins.

Et de rester les doux qui bénissons le jour.
Même devant la nuit d’ombre barricadée,
Aimant en nous, par dessus tout, l’idée

Que bellement nous nous faisons de notre amour.