Les Heures claires, 1896/10

chez l’Éditeur Edm. Deman (p. 25-26).


Viens lentement t’asseoir

Près du parterre, dont le soir
Ferme les fleurs de tranquille lumière,
Laisse filtrer la grande nuit en toi :
Nous sommes trop heureux pour que sa mer d’effroi
Trouble notre prière.

Là-haut, le pur cristal des étoiles s’éclaire.
Voici le firmament plus net et translucide
Qu’un étang bleu ou qu’un vitrail d’abside ;

Et puis voici le ciel qui regarde à travers.

Les mille voix de l’énorme mystère
Parlent autour de toi.
Les mille lois de la nature entière
Bougent autour de toi,
Les arcs d’argent de l’invisible
Prennent ton âme et son élan pour cible,
Mais tu n’as peur, oh ! simple cœur,
Mais tu n’as peur, puisque ta foi
Est que toute la terre collabore
À cet amour que fit éclore
La vie et son mystère en toi.

Joins donc les mains tranquillement
Et doucement adore ;
Un grand conseil de pureté
Et de divine intimité
Flotte, comme une étrange aurore,

Sous les minuits du firmament.