Éditions Édouard Garand (p. 157).

LE GUÉ


Quand chez-nous en été sévit la canicule,
Que le soleil rosit les herbes du chemin,
À l’heure où sur les champs tombe le crépuscule,
Les moissonneurs, à gué, traversent l’Etchemin.

De leur voix éveillant l’obèse renoncule
Dans les roseaux cachée à tout regard humain.
Ils vont, pieds nus dans l’onde ; et l’un d’eux, tel Hercule,
Sur son dos porte assis quelquefois un gamin.

Tout est silence. Seul, sur le bord de la rive,
L’écho répète au loin la chanson d’une grive,
Et l’appel de ces gens qui se hèlent entr’eux.

Et si, d’un roc à l’autre en sautant, il arrive
Que l’un d’eux, soudain, choit lourdement dans l’eau vive,
Une folle clameur s’élève jusqu’aux cieux.