Les Gloses de Cassel/Commentaire

Grammaire Les Gloses de Cassel Texte critique



2. Caput haupit.

All. mod. haupt. Nous avons ici affaire à une graphie latine, puisque le lat. vulg. disait déjà *CAPU, comme le fait est attesté par l’accord de toutes les langues romanes. Le réto-roman ne fait pas exception, voy. dans Gartner, Gram., p. 85, les représentants de *CAPU. CAPUT est bien le mot du réto-roman où l’on n’a pas TESTA, voy. Gartner. Gundriss, I, 463.

3. Verticem skeitila.

All. mod. scheitel. Graphie latine. C’est le rtr. verscha, guerscha, versch « Scheitel » (Carisch).

6. Aures aorun.

All. mod. ohren. Aures doit être un mot latin, le réto-roman employant, comme les autres langues romanes du reste, des représentants du dimin. AURICULA, voy. Gartner, Gram., § 1. Diez a déjà exprimé cette opinion.

7. Nares nasa.

All. mod. nase. C’est un des mots que Diez, p. 79, déclare n’avoir pas retrouvés en rtr. Cependant, je relève en brégalien nar (Zeitschr., VIII, 166) que Redolfi fait venir de l’a. h. a. NARRO.

9. Timporibus chinnapahhun, hiuffilun.

All. mod. kinnbacken. Graphie latine. En ancien tergestin. je relève tiénpula « tempia » (Cavalli, Arch. glottol., XII, 331).

10. Facias uuangun.

All. mod. wangen. La traduction n’est pas tout à fait exacte. Rtr. fatscha « Gesicht ».

11. Mantun chinni.

All. mod. kinn. Le rtr. est la seule langue qui connaisse une forme mantun (ap. Diez).

14. Scapulas ahsla.
23. Interscapulas untarhartinun.

All. mod. achsel. « Il n’y a que le roumanche schuvi (masc.), plur. chuvalla qui paraisse descendre de SCAPULA ou plutôt de SCAPELLA, » dit Diez. Le premier est exactement *SCAPELLUS, le second ne peut être qu’un de ces collectifs ayant un sens pluriel et propres au rtr., dont il a été parlé.

Interscapulas est la partie située entre les deux épaules.

15. Humerus ahsla.

All. mod. achsel. Je n’ai pas retrouvé de représentant de HUMERUS en rtr.

17. Tundi meo capilli skir min fahs.
4. Capilli fahs.

Tonds mes cheveux. Dans la première phrase, capilli est au sing. (= prov. ton meu cabelh). Le frioulan offre encore exactement la forme tchavéli au sing., voy. Gartner, Gram., p. 169. C’est un de ces pluriels que les Italiens appelleraient « fossilizzati » et qui s’emploient pour les deux nombres. On comprend assez que, dans le cas présent, le plur., bien plus fréquent que le sing., ait éliminé celui-ci. L’ancien tergestin paraît présenter de ces plur. « fossilizzati » dans fis, vis, fóins = FICOS, VITES et FUNGOS, voy. Cavalli, Arch. glottol., XII, 263.

18. Radi me meo colli skir minan hals.
13. Collo hals.

Rase-moi mon cou. Ce colli du premier exemple ne peut absolument pas s’expliquer comme capilli. Le second exemple donne du reste collo et le rtr. a un représentant tiré du sing. : à Erto kol (Gartner, Zeitschr. XVI, 326) ; en ancien tergestin kuól (Cavalli, Arch. glottol., XII, 331). Le plur. du reste ici ne pouvait agir sur le sing. C’est une simple faute du scribe, qu’il a faite parce qu’il avait capilli sous les yeux et peut-être aussi dans la tête.

Il y a à remarquer que cette phrase « rase-moi mon cou » semble attester que l’auteur était clerc ou moine.

20. Radices uurzun.

All. mod. wurzeln. Ce mot ne peut se trouver parmi les parties du corps qu’à cause de l’homophonie qu’il présente avec l’impératif radi. L’auteur du glossaire en écrivant radi a pensé à un autre mot roman très proche qu’il connaissait et l’a inscrit. Voy. les représentants de RADICES dans Gartner, Gram., p. 184.

21. Labia lefsa.

All. mod. lefze. Ce mot peut être le sing. latin LABIA ou le plur. LABIA. C’est un des mots que Diez déclare, p. 79, n’avoir pas retrouvés en rtr. Cependant je le relève dans Carisch : lèv. lèf m. ne peut être phonétiquement que LABIUM. Il existe du reste aussi en brégalien, voy. Redolfi. Zeitschr., VIII, 183.

24. Dorsum hrucki.

All. mod. rücken. Graphie savante, puisque le lat. vulg. disait déjà DOSSU.

25. Un osti spinale ein hruckipeini.

All. mod. ein rücken-bein. Ce ti qui est probablement un lapsus est resté jusqu’ici inexpliqué en dépit des diverses hypothèses. Je propose de l’expliquer par un bourdon, si je puis ainsi dire. Le scribe qui copiait le texte aurait, dans un moment de distraction, sauté de un os à tibia pein 30, puis se serait aperçu de son erreur, mais aurait omis de rayer ti.

28. Os maior daz maera pein deohes.

L’os majeur de la cuisse. Le représentant du compar. MAIOR (au nom.) existe encore en rtr. : mêr « grösser » (Pallioppi et Carigiet). Le premier dérive plaisamment le mot de mehr.

29. Innuolu chniu.

All. mod. knie. D’après Diez, on peut lire iunuclu aussi bien qu’innuolu. Il faudrait donc corriger en iunuclu ou iunuolu. Le réto-roman connaît des formes avec la diphtongue uo, ue, voy. Gartner, Gram., p. 174-5, et permet parfaitement de lire iunuolu. C’est le C alors qui est tombé sans laisser de traces. PEDUCULUS a des traitements absolument analogues, cf. Gartner, Grundriss, p. 477, note 3 et Gram., p. 87. Deux phénomènes importants seraient à observer dans cet iunuolu : d’abord le changement de E initial en o, dont il n’y a pas d’exemple dans le texte, puis celui de G en i. Ce serait une autre preuve que G + e était palatalisé et qu’il s’était confondu déjà avec J latin. Cependant, je préfère lire [g]innuolu en restituant un g oublié par le copiste, parce que l’initiale du mot dans les formes réto-romanes est habituellement e ou i (non o).

30. Tibia pein.

All. mod. bein. Je n’ai pas trouvé le représentant de tibia. Le frioulan a un verbe tibiâ (Pirona) représentant *TIBIARE et signifiant « fouler ».

31. Calamel uuidarpeini.

Contre-os. Je n’ai pu trouver de représentants de ce mot.

32. Talauun anchlao.

Cheville du pied. C’est une faute pour taluun = talun. Le deuxième a a sans doute été amené par le premier. Diez dit, p. 79, qu’à sa connaissance talon n’existe pas en rtr. Mais l’anc. tergestin a talón (Cavalli, Arch. glottol., XII, 331), le dial. d’Erto talon (Gartner, Zeits., XVI, 350).

Il faut probablement corriger le mot allemand de la traduction en anchalo, nom. plur. de anchala.

33. Calcanea fersna.

All. mod. ferse. Ceci est un des mots que Diez n’a pu retrouver en a. fr. (p. 79). Mais le Psautier a deux fois chauchein (Godefroy). Le mot est courant en rtr.

35. Ordigas zaehun.

All. mod. zehen. Diez voudrait qu’on lût ordiglas. Mais il ne faut pas faire de correction qui ne soit strictement nécessaire. Je préférerais voir dans ordigas le mot purement celtique (gaël. ordag), qui a dû vivre dans les langues romanes, au moins dans l’une d’elles, puisqu’il a influencé l’a fr. *arteil. Son existence semble encore attestée dans le latin de la Gaule par le verbe français ordoier « marcher, s’avancer » (Godefroy), qui se rattache évidemment à cette racine.

Je n’ai pas trouvé de descendant pour ordigas.

39. Brachia arm.

All. mod. arm. Brachia est traduit par un sing. en allemand et cependant le rtr. n’a pu tirer ses représentants de la forme pluriel féminisée, mais bien du sing. BRACHIUM (voy. Gartner, Gram., p. 84). Mais il possède encore le plur. BRACHIA sous forme d’un collectif féminin : bratcha (voy. Meyer-Lübke. Gram. des l. romanes, trad. franç. II, p. 55 fin).

41. Palma preta.

Paume de la main. Rtr. palma « flache Hand » (Pallioppi).

42. Digiti fingra.

All. mod. finger. Les mots index, medius, medicus, articulata (qu’il faut lire auricularis), minimus sont des mots savants (G. Paris, ap. Diez, p. X), ce qui n’a pas lieu de surprendre. Pour l’ancien tergestin, par exemple, Cavalli remarque : « ignoti i nomi delle dita » (Arch. glottol., XII, 331). Articulata (l. auricularis) et minimus désignent la même chose : « le petit doigt ». Altee fait difficulté. Je le regarde comme une faute pour le germanique alde = vel. Il aurait été inséré en même temps que les mots de la traduction germanique, ou bien par le second auteur, si l’on admet que cette traduction n’est pas de l’auteur même du texte roman, ou bien par un auteur unique qui, alors, n’aurait écrit la traduction qu’après achèvement complet du texte roman.

49. Putel darm.
50. Putelli darma.

All. mod. darm. Le mot se retrouve en frioulan : budièll (Pirona).

51. Lumbulum lentiprato.

All. mod. lenden-braten. Graphie savante. C’est un des mots que Diez déclare n’avoir pas retrouvés. Je relève en ancien tergestin nónbul « lombo » (Cavalli, Arch. glottol., XII, 331).

53. Pulmone lungunne.

All. mod. lunge. C’est un des mots que Diez, p. 79, déclare n’avoir pas retrouvés en rtr. Je relève en anc. tergestin palmon (Cavalli, Arch., XII, 331), à Erto pelmon (Gartner, Zeits., XVI, 338), en brégalien palmun Redolfi, Zeits., VIII, 174).

54. Intrange indinta.

Lisez innida = entrailles. C’est un des mots que Diez, p. 79, déclare n’avoir pas retrouvés en rtr. Mes recherches n’ont pas été plus heureuses que les siennes.

56. Latera sitte.

All. mod. seite. Un correspondant de LATUS existe en frioulan : làt (Pirona).

57. Costis rippi.

All. mod. rippen. Diez dit, p. 80, « qu’on est étonné de lire costis au lieu de costas », ce dernier thème étant à la base de toutes les formes romanes. Je crois qu’il s’agit purement et simplement d’une graphie latine. Le rtr. aussi dit costa : cf. Cavalli, Arch., XII, 331, Gartner, Zeitschr., XVI, 327, Redolfi, Zeitschr., VIII, 175, Carisch, Carigiet et Pallioppi.

58. Unctura smero.

All. mod. schmeer. C’est un des mots que Diez déclare n’avoir pas retrouvés en rtr. Je ne l’ai pas retrouvé non plus, mais comme UNGERE est courant en rtr., un dérivé unctura ne doit pas être surprenant.

59. Cinge curti.

All. mod. gürte, ceins. On peut admettre avec Diez que cinge = lat. *CINGA et qu’il y a un contre-sens dans la traduction ou bien avec G. Paris (ap. Diez, p. IX) qu’il égale CINGE. On n’est pas obligé, comme le croit M. G. Paris, d’admettre dans l’hypothèse de Diez, un second auteur qui serait le traducteur. Si l’auteur ne s’est traduit qu’après achèvement complet de son texte roman, il a bien pu faire des contre-sens dans la traduction, s’il travaillait avec quelque précipitation. Pour ma part, j’adopte l’opinion de M. Paris, parce que le rtr. n’a que des réprésentants de CINCTA et de CINGULA.

Cinge est un des mots que Diez déclare n’avoir pas retrouvés en rtr. Il veut probablement parler de cinge au sens de *CINGA qui, en effet, n’existe pas. Je pense qu’on peut donner à cinge son sens d’impératif, inséré qu’il est entre latera, costis et lumbus, umbilico. Cf. les phrases qui sont insérées au milieu des noms des parties du corps et (im)plenus est après la nomenclature des vases.

60. Lumbus napulo.

All. mod. nabel. Cette glose renferme une erreur de traduction, ce qui prouve que le traducteur travaillait avec assez de négligence. Rtr. lomm « Lunge » (Carisch), lomas « die Weichen » (Carigiet).

61. Umbilico napulo.

All. mod. nabel. Les représentants réto-romans de ce thème sont cités dans Gartner, Gram., § 95.

62. Pecunia fihu.

All. mod. vieh. Pecunia est le nom générique qui sert en quelque sorte de titre au chapitre comme en d’autres endroits homo 1, casu 91, pannu 110, uuasa 119. Suit une liste de noms d’animaux très remarquable par sa richesse de synonymie. On pourrait dire que c’est un caractère du vocabulaire réto-roman, de posséder cette innombrable variété de mots pour exprimer : « troupeau », « bétail », « animal », « bête bovine », « bête ovine ». Ainsi Gartner, Grundriss, I, 465, dit que ces diverses significations sont exprimées selon les lieux tour à tour par les thèmes les plus variés : ANIMAL, ARMENTUM, BESTIA, FETUS, MOBILE, PECUS, *MONTANARIA (= de la montagne), VACCA, NUTRIX, CAPUT-DE-BESTIA. BESTIAMEN, CAPSA (= le bien mobilier), *PASTURATICUM, etc.

Pecunia est un des mots que Diez déclare n’avoir pas retrouvés en rtr. Je ne l’ai pas retrouvé, mais j’ai relevé un dérivé pugnéra (pecuniaria) au sens de « Herrkuh » dans Carigiet.

65. Iumenta marhe.

Jument. Je n’ai retrouvé giumaint en rtr. qu’au sens de « Lasttier » (Pallioppi).

67. Puledro folo.
68. Puledra fulihha.

All. mod. füllen. C’est le réto-roman pulieder (Carisch), puledar en brégalien (Redolfi, Zeitschr., VIII, 170), puliar à Erto (Gartner, Zeitschr., XVI, 340), ce qui nous ramène donc à *PULLÉTRUS. Le féminin puledra « das weibliche Fohlen » est mentionné par Carigiet.

69. Animalia hrindir.

All. mod. rinder. Rtr. armal « Rind » (Carisch et Carigiet). L’engad. a le plur. ANIMALIA sous forme de collectif féminin : limardja (ap. Meyer-Lübke, Gr. des l. romanes, tr. franç, II, p. 76.)

72. Armentas hrindir.

All. mod. rinder. La forme ordinaire en rtr. est armaint, mais Körting (737) cite une forme féminine armenta et Pirona donne armente (-e = -A) au sens de « vacca ».

73. Pecora skaaf.

All. mod. schaf. Contrairement à l’opinion de Diez, les deux mots, roman et allemand, sont au sing. : à Avoltri piuoro « brebis » (-o = -A, Gartner, Grundriss, I, 466) ; en ancien tergestin piégura (Cavalli. Arch. glottol., XII, 336) ; en frioulan piòre (Pirona).

74. Pirpici uuidari.

All. mod. widder, béliers. -ci peut être, comme le pense Diez, une combinaison graphique ayant la valeur de ts ou tch. Cependant, ce pourrait être aussi un datif littéraire, conformément à l’opinion exprimée par Graff, que Diez accuse à ce propos de « pédanterie » (p. 81). Mais comp. timporibus 9. Dans Carigiet, je relève berbeisch « der Hammel », « der verschnittene Widder ».

Une autre explication, la meilleure, consistera à dire que pirpici est un masc. comme son représentant moderne et n’est autre qu’un nom. plur. refait en -i (comp. sapienti).

76. Oviclas auui.

Brebis. Je n’ai pas trouvé le représentant d’oviclas.

78. Porciu suuinir.

All. mod. schweine. Diez corrige « sans hésiter » en porci. Mais il ne faut pas faire de correction qui ne soit pas absolument nécessaire. Voici une explication bien simple de ce porciu jusqu’ici rebelle à toute interprétation. Il égale PORCI. Après les palatales, la règle du maintien d’i final a subi une exception : dans PORCI la palatale avait résorbé l’i comme dans quanta moi = MODII, comme du reste elle avait résorbé l’s dans vivaziu 158, voy. ce mot. Notre auteur a donc écrit très régulièrement, conformément à son système, porci comme il a écrit vivazi. Mais il s’est aperçu alors que cela donnerait une prononciation tout autre que la prononciation réelle, puisque ci, zi pour avoir leur valeur ts ou tch doivent être dans le corps du mot, devant une voyelle. C’est alors que très naturellement il a ajouté un u muet d’appui, lettre qui dans son système graphique, ne l’oublions pas, n’a aucune valeur à la fin des mots, voy. la loi des finales. C’est une sorte d’e féminin français.

On peut également bien admettre du reste que porciu = PORCU, C final se palatisant en rtr. tout comme C + E, I, voy. les exemples pour PORCUS dans Gartner, Grundriss, I, 476, où les formes du sing. ont la palatalisation. Les formes actuelles du plur. représentent PORCOS.

79. Ferrat paerfahr.

Sanglier. C’est un des mots que Diez, p. 79, déclare n’avoir pas retrouvés en rtr. Dans Carigiet, on trouve le primitif verr « Eber ». Rien donc d’étonnant que le rtr. ait possédé le dérivé verrat.

80. Troia suu.

All. mod. sau. C’est un des mots que Diez, p. 79, déclare n’avoir pas retrouvés en rtr. Mais Carisch donne troia « trächtige Sau ».

81. Scruva suu.

All. mod. sau. C’est un des mots que Diez déclare n’avoir pas retrouvés en rtr. On trouve dans Carisch scrua « Sau » et dans Pirona scròve. En frioulan, l’F médiale s’est donc changée en la sonore correspondante : c’est pourquoi je lis scruva et non scruua.

84. Auciun caensincli.

All. mod. gänslein. C’est un des mots que Diez déclare n’avoir pas retrouvés en rtr. Mais le primitif auca est usuel en rtr. ; le dérivé a donc bien pu exister.

85. Pulli honir.

All. mod. hühner. Je n’ai pas pu retrouver ce mot en rtr. M. Decurtins me signale l’existence d’un féminin pulas.

86. Pulcins honchli.

All. mod. hühnlein. Je relève en ancien tergestin pulezin « pulcino » (Cavalli, Arch. glottol., XII, 336).

87. Callus hano.

All. mod. hahn. GALLUS est bien le mot qu’on emploie pour désigner le coq dans toute la partie orientale du domaine réto-roman ; les Grisons seuls ont l’onomatopée coc, cot. Cf. Gartner, Grundriss, I, 468.

88. Galina hanin.

All. mod. henne. GALLINA est le thème uniforme qui existe dans tout le domaine réto-roman pour dire « poule », cf. Gartner, Grundriss, I, 479, note 3.

89. Pao phao.

All. mod. pfau. Il semble que l’on ait affaire ici au nom. PAVO, si l’on s’en rapporte au réto-roman moderne qui a pavun, pivun (Carisch, Carigiet, Pallioppi).

91. Casu hus.

All. mod. haus. Diez veut corriger en casa. Mais on peut expliquer casu (avec u muet) en disant que casa a une tendance à se raccourcir, comp. franç. chez et des patois réto-romans qui disent ca (Gartner. Gram. 170-1). La forme ordinaire en rtr. est cependant casa.

92. Domo cadam.

Maison. Diez dit qu’on ne retrouve DOMUS au sens propre de « maison » dans aucune langue romane. Ce n’est pas tout à fait exact. Le St Léger a duom, dom. En réto-roman, DOMUS a disparu devant CASA, mais il pouvait encore fort bien vivre à l’époque des Gloses.

93. Mansione selidun.

Séjour, auberge. C’est un des mots que Diez, p. 79, déclare n’avoir pas retrouvés en rtr. Il n’a pas le sens ordinaire de « maison ». Il existe encore en rtr. avec le sens spécial qu’il a ici : maschung « Kammer » (Carisch, p. 190) et avec un sens dérivé dans maschun « Hühnerstange » (Pallioppi).

94. Thalamus chamara.

All. mod. kammer. Je n’ai pas retrouvé ce mot en rtr.

95. Stupa stupa.

All. mod. stube. Ce mot germanique, dit Gartner (Zeitschr., XVI, 449, note 12), se présente dans les dialectes rétiques, lombard et vénitien avec les trois significations habituelles de : « chambre chauffable », « fournil » « poêle ».

96. Bisle phesal.

Chambre chauffable. C’est un des mots que Diez, p. 79, déclare n’avoir pas retrouvés en rtr. Il existe parfaitement. Dans Carigiet, la pegna « der Ofen » = PE(N)SILIA.

97. Keminada cheminata.

Appartement chauffable. Rtr. moderne caminada « Speisekammer » (Carisch et Pallioppi).

98. Furnus ofan.

All. mod. ofen. Rtr. fuorn « Backofen » (Carisch, Carigiet et Pallioppi).

99. Caminus ofan.

All. mod. ofen. Rtr. camin, chamin « Kamin » (Carisch et Pallioppi).

100. Furnax furnache.

C’est un des mots que Diez déclare, p. 79, n’avoir pas retrouvés en rtr. On le retrouve en ancien tergestin, où l’on a furnaza « fornace » (Cavalli, Arch. glottol., XII, 34G), dans Pallioppi qui donne furnatsch « Ofen ».

101. Segradas sagarari.

M. h. a. sageraere, sacristie. On ne comprendrait pas pourquoi, entre le poêle et l’étable, le glossographe ait pu vouloir mentionner une « sacristie ». Ici je partage l’opinion de Diez, à savoir que la traduction, qu’elle émane de l’auteur lui-même ou d’une seconde personne, renferme un contre-sens. Segradas (peut-être une faute pour segredas) doit représenter SECRETA, latrines. L’hypothèse est appuyée par le mot secret du réto-roman moderne qui signifie « Abtritt » (Carisch et Carigiet). Pour l’explication de ce contre-sens, voyez au Texte critique.

Une autre explication, moins bonne, consisterait à interpréter segradas par le rtr. segràd, sagràd (Pirona), « cimetière ». Mais alors on se demande, et c’est cela qui fait difficulté, comment il a pu être traduit par « sacristie » et pourquoi surtout il est inséré dans les noms des parties de la maison.

102. Stabulu stal.

All. mod. stall. Diez dit, p. 79, qu’à sa connaissance le mot n’existe pas en réto-roman. Je relève stävl, stäval en brégalien (Redolfi, Zeitschr., VIII, 184).

103. Pridias uuanti.

All. mod. wände. Je regarde pridias comme une faute pour pridas, le second i ayant été amené par le premier, comme le second a l’a été par le premier dans talauun. C’est le rtr. prei qui existe à côté de parei (Carisch), preit (Carigiet).

104. Esilos pretir.

All. mod. bretter. Je n’ai pas retrouvé le mot. Le rtr. dit assa, aissa.

105. Mediran cimpar.

Bois de charpente. C’est un des mots que Diez, p. 79, déclare n’avoir pas retrouvés en réto-roman. Je n’ai pas retrouvé expressément *MATERAMEN, mais MATERIES avec un sens voisin : madèr, madier « dicker Baumstamm (zu Ställen) », (Carisch et Pallioppi).

106. Pis first.

All. mod. first. On trouve dans les Gloses de Vienne (xie siècle) qui sont aussi, à n’en pas douter, des gloses réto-romanes[1], ce même mot : piz spiz (Diez, p. 126). C’est le rtr. pizz, péz, piz m. ou pizza f. « Spitze » (Carisch, Carigiet, Pallioppi). Pis est une forme PICUS qui a été influencée ensuite par le germ. spitz, spitze, ce qui a déterminé le changement de son s en z et la formation d’une forme féminine pizza. Il est impossible de songer à une étymologie directement allemande ; les groupes germaniques sc, st, sp en passant en rtr. ne perdent pas leur élément initial.

107. Trapes capretta.

Ce sont deux mots romans. Le second est l’engadin chavret « Schlüssel des Dachstuhles », chavrida ou chevrida « ein Schlag Waldbäume, die früher geschält und dadurch zum Fällen bezeichnet wurden » (Pallioppi).

Il est probable que nous n’avons pas affaire ici à deux synonymes, mais à une seule expression où le second mot joue le rôle d’adjectif.

108. Capriuns rafuun.

Chevron au toit. C’est un des mots que Diez. p. 79, déclare n’avoir pas retrouvés en réto-roman. Je le retrouve avec un sens dérivé dans cavriú « stehende, dürre Tanne » (Carigiet).

109. Scandula skintala.

All. mod. schindel. Rtr. schlonda. (Carisch, Carigiet).

110. Pannu lahhan.

All. mod. laken. Parmi les noms de vêtements, il ne subsiste plus en réto-roman moderne que pannu, camisa, pragas, uuanz. Il n’est pas étonnant pour plusieurs comme seia, devrus, uuindicas, qu’ils soient disparus avec la chose qu’ils signifiaient. Tunica survit aussi dans le frioulan tònie (Pirona).

114. Devrus deohproh.

All. theoh-brôch, littér. pantalon de cuisse. C’est « une sorte de tablier entourant les reins et les pantalons ». Le mot roman vient de l’allemand et se retrouve dans Isidore et Paul Diacre sous la forme latinisée TUBRUCUS, TUBRUGUS (cf. Diez).

115. Fasselas fanun.

All. mod. fahnen. Le ms. a fanun et non faciun comme a voulu lire Holtzmann, à l’avis de qui Diez s’est rallié. Cette glose sur laquelle Diez s’escrime vainement ne peut s’expliquer que par la comparaison avec une des gloses de Vienne (qui sont réto-romanes), où on lit : sella lenti fano (= toile des reins), glose que Diez a génialement restituée en [fa]sella lentifano (p. 127). Ce fasella fasselas représente donc un latin *FASCELLAS et signifie « bande ou écharpe entourant les reins ». Il est probable que dans notre glose le scribe a omis un mot de la traduction allemande et que la glose était fasselas lentifanun.

118. Uuanz irhiner.

Il faut suppléer hantscôh. Le sens est : gant en cuir blanc.

119. Uuasa uuahsir.

Nous avons peut-être affaire ici à un de ces collectifs propres au réto-roman, qui aurait le sens de « la vaisselle », « les vaisseaux ». En tout cas, VAS existe en réto-roman : à Erto veṡ « Gefäss », « eiserne Oelflasche » (Gartner, Zeitschr., XVI, 357).

120. Dolea, Cava putin.
124. Cauuella potega.

All. mod. bütte et bottich. Malgré les scrupules de Diez, il faut absolument corriger en cuva et cuuuella (= CUPA, CUPELLA) parce que d’autres glossaires ont cuba putin, guba putina (Gloses de Vienne) et même gubellas, voy. Diez, p. 123. Du reste, le rtr. ne connaît pas CAVA dans ce sens, mais connaît CUPA, CUPELLA (cuvaigl « Eimer » dans Palliopi). Cuva, cuuuella sont une nouvelle preuve que B, P médials étaient devenus v dans la langue des Gloses (§ 14).

Je n’ai pas retrouvé dolea en rtr., mais les Gloses de Vienne renferment le mot : dolea zentanara (Diez, p. 123). Contrairement à ce que dit Diez, il existe une forme doille en a. fr.

121. Idrias tunne, choffa.

All. mod. tonnen, kufe. C’est le lat. HYDRIA, cruche à eau. Je ne l’ai pas retrouvé en rtr. Diez a fait une méprise en considérant tunne comme un mot roman.

122. Carisa ticinne, choffa fodarmaziu.

All. mod. fudermässige kufe. Ce carisa a exercé vainement jusqu’ici la perspicacité des commentateurs. Une chose est certaine, c’est que c’est le rtr. charôt, chariet (Pallioppi). « Kübel, den frischen Zieger zu formen ». Mais le mot paraît altéré. Comme son étymologie est obscure, il est difficile de le restituer. Il faut peut être penser à CARROTTUM : ce serait un vase en forme de petit char. Pallioppi dit cependant expressément : Jener Kübel ist wie ein Fässchen geformt.

Je corrige ticinne qui ne signifie rien en tunne et j’en fais, comme dans la glose précédente, un mot allemand, contrairement à ce que fait Diez, qui le considère aux deux endroits comme un mot roman.

123. Sisireol stanta.
128. Sestar sehtari.

All. mod. ständer. On n’a pas encore pu expliquer sisireol. Il est probable que ce mot, fort dénaturé, représente un diminutif de sestar (comme sesterol). Sestar est le rtr. stèr « Viertel » (Carisch).

125. Gerala, tina zuuipar.
178. Tinas zuuipar.

All. mod. zuber. La première glose renferme deux mots romans synonymes. Je rélève dans Pallioppi gierl, « Tragkorb », dans Carisch scherl « Tragkorb », tignia « Kübel », dans Carigiet tigna « Weinkufe », « Tonne ».

Gerala ne peut être qu’une faute pour gerula : les Gloses de Vienne, qui sont bien certainement un texte réto-roman, ont gerula zupar (voy. Diez, p. 123).

126. Siccla einpar.
179. Situlas einpar.

All. mod. eimer. Il ne faudrait pas croire que le second mot est une graphie latine. Le rtr. possède les deux thèmes : ainsi à Erto je relève ṡédya = SICLA (Gartner, Zeitschr., XVI, 343), dans Carisch setsch « Kupfereimer » = SICLUS et dans Körting (Dictionn. 7507) sedla = SITULA.

127. Sicleola, Sedella ampri.

Seau. Il faut vraisemblablement corriger le mot allemand en ainpri. Sedella est un des mots dont Diez. p. 79, reconnaît déjà le caractère réto-roman. Quant à sicleola, il ne peut être qu’un diminutif en -ola de sicla (l’e est étymologique). Je ne l’ai pas retrouvé en rtr., mais j’ai relevé en brégalien un diminutif sadalin qui égale *SITELLINUS (Redolfi, Zeitschr., VIII, 193).

129. Calice stechal.

Gobelet conique. Rtr. calisch « Kelch » (Carigiet), « calisch oder chalsch, Kelch (beim Abendmahl) ; Blumenkelch ; Becher » (Pallioppi).

130. Hanap hnapf.

C’est un des mots que Diez déclare, p. 79, n’avoir pas retrouvés en rtr. Malgré mes recherches, je n’ai pas été plus heureux que lui.

131. Cuppa chupf.

Rtr. coppa « Napf » (Carisch), cùppa « halbkugliges, irdenes oder metallenes Tischgefäss » (Carigiet), coppa « Schüssel, Schale » (Pallioppi).

132. Caldaru chezil.
133. Caldarora chezi.

All. mod. kessel. Je n’ai retrouvé en rtr. que des représentants d’une forme féminine CALDARIA, mais les Gloses de Vienne ont galdarios chezzila (Diez, p. 123).

Caldarora est évidemment une faute pour caldarola, le second r ayant été amené par le premier. Caldarola est très répandu en pays réto-roman, voy. ses représentants dans Carisch et Pallioppi.

134. Cramailas hahla.

Crochet de la chaudière. C’est un des mots que Diez, p. 79, déclare n’avoir pas retrouvés en reto-roman. Je dois avouer que je n’ai pas été plus heureux que lui. Comme je l’ai dit au § 11, je corrige en cramaclas. Les Gloses de Vienne ont encore gramagla (Diez, p. 123).

135. Implenus est fol ist.

All. mod. voll ist. Cette phrase insérée à la fin du chapitre des vases, doit signifier : Il (le vase) est plein. Nous avons vu des phrases particulières enchâssées aussi dans le chapitre des parties du corps. Comme le dit Diez, il faut corriger en impletus ou en plenus : le rtr. dit plenus et non implenus, cf. Gartner, Gram., p. 184.

136. Palas scufla.

All. mod. schaufel. Rtr. pala « Schaufel » (Carigiet).

137. Sappas hauua.

All. mod. haue. Rtr. zappa « Hacke » (Carisch et Carigiet).

138. Saccuras achus.

All. mod. axt. C’est un des mots dont Diez, p. 79, reconnaît déjà le caractère réto-roman. Je relève en brégalien une forme sagür qui a l’a initial (Redolfi, Zeitschr., VIII, 176).

139. Manneiras parta.

Large hache. C’est un des mots dont Diez, p. 79, reconnaît déjà le caractère réto-roman. Voy. les représentants dans Gartner, Gram., § 27 et dans le Grundriss, p. 478, note 1.

140. Siciles sihhila.

All. mod. sichel. Ce mot, contrairement à l’opinion de Diez, n’a pas complètement disparu dans les langues romanes. Le roumain a secere et, quant au réto-roman, un grand nombre de formes sont énumérées par Gartner, Zeitschrift, XVI, 343, note 3.

141. Falceas segansa.

All. mod. sense. On est surpris de ne trouver en rtr. que des formes dérivées de FALCEM (cf. Gartner, Gram., § 28). Les Gloses de Vienne ont aussi falces (Diez, p. 124). Mais le roumain a falca (Dict. de Körting, 3111).

142. Taradros napugaera.
143. Scalpros scraotisran.
144. Planas paumscapo.

Foret. — Burin (schrot-eisen). — Couteau servant à aplanir le bois. De ces trois mots, Diez énumère déjà les correspondants réto-romans : terader, scalper, plauna. Il faut vraisemblablement corriger scraotisran en scraotisarn.

145. Liones seh.

Couteau de la charrue et aussi houe. Diez dit qu’on ne retrouve plus ce mot qu’en aragonais. C’est une erreur : l’ital. a ligone et l’esp. ligona. Il range aussi le mot parmi ceux qu’il n’a pas retrouvés en réto-roman. Je dois dire que mes recherches sont restées vaines également.

146. Fomeras uuganso.

Soc de la charrue. Il faut restituer dans la traduction uuaganso soc de la charrue. Nous n’avons pas ici l’équivalent de l’it. vómere, vómero = VOMEREM, comme le pense Diez, mais celui du provençal vomier, it. gumeja, gumea, modénais gmera = l’adj. VOMERIUS, VOMERIA. C’est un des mots que Diez déclare, p. 79, n’avoir pas retrouvés en rtr. Je ne l’ai pas retrouvé non plus.

148. Mallei slaga, hamar.

All. mod. schlägel, hammer. Je n’ai pas retrouvé le mot.

149. Et forcipa anti zanga.

All. mod. und zange. Je n’ai pu retrouver en rtr. la forme équivalente de forcipa (FORCIPEM). Le réto-roman dit forsch = FORFICEM (prov. forsa, a. fr. force). Je relève bien dans Carisch une forme foarbasch, mais elle dérive aussi de FORFICEM (mieux de FORPICEM), it. forbice. Les Gloses de Vienne nous présentent aussi cette forme forcipe (Diez, p. 124).

150. Et inchus anti anapaoz.

All. mod. und amboss. C’est un des mots que Diez. p. 79, déclare n’avoir pas retrouvés en réto-roman : mais il existe bel et bien, voy. ses représentants dans Gartner, Gram., § 78.

151 et 152. De apis siluuarias picherir folliu.

Dans le ms. écrit ici sur lignes suivies et non en colonnes, cela forme deux gloses : deapis. picherir. siluuarias. folliu. Séparées, elles n’ont évidemment aucun sens et il faut nécessairement les réunir en une seule, ce qui donne d’un côté la traduction allemande : « ruches pleines » et de l’autre de apis siluuarias. Ainsi reconstituée, la glose n’a pu cependant encore être expliquée définitivement. Voici, à cet égard, la solution que je propose, solution qui me paraît se recommander par une certaine vraisemblance :

1o D’abord il est tout-à-fait certain qu’il faut corriger, conformément à l’ingénieuse hypothèse de Diez, en de apis (= apes) alvarias = cellules, loges et, par extension, ruches d’abeilles. Alvarias représente le latin ALVEARIA. ALVEUS désigne déjà en latin une ruche : ital. alveo, m. sens. Ce qui est tout à fait décisif du reste, c’est que le mot se retrouve en rtr. moderne : ualêr, úalè (3 silbig), « Bienenstand », « Bienenhäuschen » (Carisch et Carigiet) = ALVEARIUM (aluêr, puis ualêr avec une métathèse).

2o Le pléonasme et l’interversion même qu’on trouve dans de apis alvarias sont aussi surprenants et doivent s’expliquer. Comme je crois l’avoir montré plus loin, au Texte critique, les Gloses, à mon avis, existèrent un certain temps dans le texte roman seul. C’est alors que fut ajoutée à celui-ci au dessus d’alvarias, une glose explicative de apis. Le traducteur, voyant donc écrit « ruches d’abeilles », ne traduisit pas simplement par « ruches », mais voulant éviter toute équivoque par « ruches pleines » (d’abeilles). Cette glose écrite sur deux colonnes comme suit :

de apis picherir
aluuarias folliu

fut prise par le scribe du ms. qui écrivait (à cet endroit) sur lignes continues pour deux gloses différentes, que, ne comprenant pas, il copia machinalement ainsi, en faisant une faute au second mot roman : deapis. picherir. siluuarias. folliu. À mon avis, le glose primitive était donc simplement alvarias « ruches » et de apis ne faisait pas primitivement partie du texte.

153. Flasca, Puticla

Rtr. flascha « Flasche » (Carigiet et Pallioppi). Carisch mentionne une forme fracla « Schoppen » qui suppose une métathèse *FASCLA.

154. Mandacaril moos.

Nourriture. On comprend bien que ce mot doit se rattacher à MANDUCARE, mais la finale en reste obscure. Je corrigerais en manducaria, « mangerie », « mangeaille ».

155. Va canc.

All. mod. dialectal canc. C’est la forme ordinaire du réto-roman, voy. Gartner, Gram., § 26.

156. Fac iterum to auar.

All. mod. thu abermals. ITERUM survit dans è (er nur vor Vokalen) « auch » (Carigiet), er, era, eir « auch », « noch » (Carisch).

157. Citius sniumo.

Aussitôt, à la hâte. Il n’est pas rare que des adverbes au comparatif prennent le sens du positif. C’est un phénomène qu’on trouve déjà dans le latin classique, ex. : SERIUS, OCIUS = OCITER. Je n’ai pas retrouvé les descendants de citius dans le rtr. moderne.

158. Vivaziu iili.

All. mod. eile. C’est le comparatif VIVACIUS qui donne l’adv. provençal vivatz, viatz, vite, l’adj. italien (a)vaccio, pressé, voy. Körting, 8790. Il n’y a donc pas de difficulté dans cette glose, comme semble le croire Diez. Ce comparatif a pris le sens du positif, cf. la glose précédente. Si l’s a disparu ici, c’est qu’elle a été résorbée par le son palatal graphié par zi. Quant à u, c’est une lettre absolument muette, comme dans porciu 78. Vivaziu n’existe plus dans le rtr. moderne.

159. Argudu skeero.

Rapide. ARGUTUS a, en latin, le sens de « sagace ». Ici, il a passé à celui de « rapide », ce qui s’explique sans difficulté, voy. Diez. Il ne se retrouve plus dans la langue moderne.

160. Moi mutti.
161. Quanta moi in manage mutti.

Moi de la première glose = MODIUM. L’i a la valeur d’une palatale, car DJ intervocalique en rtr. devient soit une sifflante, soit une palatale, voy. Gartner, Gram., p. 178, v. MEDIUS.

Dans la deuxième glose, la partie allemande doit être corrigée en weo manage mutte, combien de boisseaux ? Il serait difficile d’expliquer quanta comme un neutre. Pour moi, je n’hésite pas à corriger en quanti moi = QUANTI MODII. Dans MODII l’i a été résorbé par la palatale comme dans porciu 78.

162. Sim halp.

All. mod. halb. Le frioulan possède le mot : scem, sem (Pirona).

163. Aia tutti uuela alle.

All. mod. wohl alle. Aia = le lat. EIA : roumain ia, prov. eia, a. fr. aie, esp. ea, port. eia (Körting, 2787). En réto-roman, ei, ehi « Ausruf der Verwunderung » (Carisch).

164. Vestid cauuati.

Rtr. vaschieu, vischieu (Carisch), vistgú (Carigiet).

167. Tramolol sapan.

Toile fine. On n’est encore parvenu en aucune façon à expliquer ce tramolol. Je conjecture que ce mot, résultat, comme pense Diez, d’un lapsus du scribe, doit se lire tramol et équivaut au frioulan tramuèle « trémie » (Pirona), manifestement dérivé de TREMERE. L’all. sapan, par extension, peut bien avoir signifié « tamis », « trémie ».

168. Vellus uuillus.

Toison. Je n’ai pas retrouvé le mot.

171. Campa hamma.

Fesse, gigot. On peut lire campa ou canpa. Voy. les représentants de CAMBA dans Gartner, Gram., p. 72.

172. Ponderosus haolohter.

Souffrant d’une hernie. Cette signification attribuée ici à PONDEROSUS n’est pas latine, mais elle peut dériver de la signification « lourd ». Je n’ai pas retrouvé le mot en rtr., si ce n’est sous la forme ponderús « gewichtig », « schwer », « wichtig » (Carigiet), qui ne paraît pas être un mot essentiellement populaire, puisqu’il a conservé la voyelle contre-finale.

173. Albios oculus staraplinter.

All. mod. staarblind, aveugle de la cataracte. Albios oculus ne signifie absolument rien et il est de toute nécessité d’admettre ici une faute de copiste. Comme le rtr. ne connaît pas *ABOCULUS, mais seulement ORBUS et CAECUS, je propose de corriger en orbus oculis.

174. Gyppus houarohter.

Bossu. Rtr. gob. Je n’ai pas retrouvé les deux mots suivants, lippus et claudus, en rtr. Pour mutus, il est usuel.

180. Gulvium noila.

A. h. all. nuoil, rabot. Nous avons affaire ici à une graphie latine évidemment. Je n’ai pas retrouvé le mot, qui est le fr. gouge.

  1. Je compte le démontrer peut-être ultérieurement. On les croit françaises.