Les Gaietés/C’est le Roi

Les GaietésAux dépens de la Compagnie (p. 145-148).


C’EST LE ROI[1]

(1821).


Air : C’est l’amour, l’amour.


C’est le roi, le roi, le roi,
Qu’en ronde
Chante le monde ;
Rien n’est plus plaisant, ma foi,
Que de chanter le roi.

De cinq cents mille baïonnettes
Qui dirigea sur nous les coups ?
Qui porta jusqu’en nos retraites
Les fléaux de Mars en courroux ?
Au milieu d’une bande
De Prussiens et d’Anglais,

Qui vint, par contrebande,
Disant : Je suis Français.
C’est le roi, etc.

Qui nous fit mettre bas les armes,
Même au milieu de nos succès ;
Au sein des plus vives alarmes,
Qui nous fit accepter la paix ?
Du fardeau de la gloire
Qui nous a dégagés ?
Aux fils de la Victoire,
Qui donna leurs congés ?
C’est le roi, etc.

Qui de nos palmes immortelles
Voudrait encor ternir l’éclat ?
Qui regarde comme rebelles
Tous les défenseurs de l’État ?
De brigands de la Loire
Qui traita nos guerriers ?
Qui ne peut jamais croire
Qu’aux gothiques lauriers ?
C’est le roi, etc.

Qui fit, dites-moi, je vous prie,
Tant de beaux travaux à la fois ?
Cette superbe galerie
Avec papier doré sur bois[2] ?

Ce chétif Henri quatre
Sur un si gros cheval ?
Et ce vaste théâtre[3]
Dans un petit local ?
C’est le roi, etc.

De la princesse Caroline
Qui sut apaiser la douleur ;
Qui de cette femme divine
Devint le zélé défenseur ?
Qui de la rendre mère
Conçut l’heureux projet[4] ?
Qui fit dans cette affaire
Un tour de gobelet ?
C’est le roi, etc.

Qui nous avait promis la Charte
En faisant les plus beaux serments ?
En ce moment, qui s’en écarte ?
En nous disant : Je m’en repens !
Qui de belles promesses
Nous berne à chaque instant ?

Qui redira des messes
Quelque beau jour à Gand ?

C’est le roi, le roi, le roi,
Qu’en ronde
Chante le monde ;
Rien n’est plus plaisant, ma foi,
Que de chanter le roi.



  1. Chanson condamnée par arrêt de la Cour d’assises (31 mars 1822).
  2. La Galerie de Flore.
  3. L’Opéra de la rue Lepelletier qui remplaçait sur les terrains de l’hôtel Choiseul le théâtre de la place Louvois.
  4. Dans une note sur sa chanson des Deux Cousins, Béranger dit : « Le peuple de Paris n’a jamais cru bien généralement à la légitimité de la naissance du duc de Bordeaux… L’enfant du miracle pouvait être l’enfant de la fraude. » On prétendait que la grossesse de la duchesse de Berry avait été simulée a l’aide d’un oreiller. Les libéraux n’appelaient le duc de Bordeaux que l’Oreiller.