III

Extrait du Rapport de Lévêque,
commissaire central, au Ministre.


Anvers, le 6 brumaire an 7.
Le Commissaire central près le départe­ment des Deux-Nèthes.
Au Ministre de la Police Générale.
Citoyen Ministre,

Ce que j’avais prévu dans ma lettre du 29 vendémiaire dernier (20 oct.) ne s’est que trop réalisé. Le 30, qui était en même temps un jour de dimanche, a vu éclater une rébellion furieuse sur presque tous les points de ce département. Prévenu de grand matin de ce qui se passait à Boom, commune située à l’embouchure du Rupel et de l’Escaut, j’y fis passer sur-le-champ le détachement venu la veille de Bruxelles avec les canons.

La révolte éclatait au même instant à Duffel et à Lierre, communes sur la Nèthe, et c’était à Duffel qu’elle avait été concertée. Je fis porter sur-le-champ trente hommes sur Duffel par Contich et Waelheim, mais les brigands se trouvant en force, ce détachement fut obligé de se borner à la garde du pont de Waelheim, poste important qui établit la communication entre Anvers et Malines. Le matin Lierre fut occupé par les révoltés, ils y commirent toutes sortes d’excès, ainsi qu’à Duffel. Il paraît qu’ils devaient s’emparer la nuit de Malines, mais le général Béguinot, commandant de Bruxelles, prévenu à temps, y arriva à onze heures du soir avec du canon. Cependant ayant quitté Malines le 1er brumaire au matin pour balayer la campagne jusqu’à Anvers et venir à notre secours, les rebelles occupèrent alors Malines, qui fut repris aussitôt par lui.

L’administration centrale était en permanence à son poste depuis le 30 au matin et prenait de concert avec moi les mesures commandées par les circonstances. Avec 250 hommes au plus, nous contenions cette grande commune où des placards incendiaires affichés avec profusion nous annonçaient un soulèvement prêt à éclater. On approvisionnait à la hâte la citadelle, pour s’y retirer au cas qu’on y fût forcé.

Le 2 (23 octobre) nous renvoyâmes à Malines, pour se joindre au général Béguinot que les rebelles y tenaient bloqué, le dit détachement qu’il nous avait fait passer, et nous y ajoutâmes un renfort en gendarmerie et infanterie. Ce détachement le dégagea en opérant sa jonction et le mit à même de repousser une attaque des rebelles. Mais alors la révolte avait embrassé presque tous les cantons ruraux, et les communications furent coupées par les attroupements révoltés dans les villages, entre Anvers et Malines. Il paraît que c’était le premier projet des brigands, pour isoler Anvers et y tenter un soulèvement ou une surprise. Nous avions écrit de tous côtés pour demander des secours. Le général Desjardin nous amena heureusement le 3 un renfort de 8 à 900 hommes. Le 4 au matin il en détacha 600 sous les ordres de l’adjudant-général Durutt pour marcher sur Lierre et Duffel. Il ne nous est pas encore parvenu de nouvelles officielles de ses opérations, les brigands interceptant les courriers et ordonnances. Nous savons cependant qu’il a occupé Lierre et que les brigands avaient quitté la ville, mais dont il a été obligé d’enfoncer les portes avec le canon, les habitants ayant refusé de les ou­vrir. Un autre détachement de 100 hommes entra dans Boom que les rebelles évacuèrent à son approche.