Les Fruits de l’instruction/02
ACTE II
Scène PREMIÈRE
Oui, c’est mon avis, ne t’y oppose pas. Si c’est leur désir, à la grâce de Dieu ! La fille est sage, honnête. Ne fais pas attention à sa coquetterie, c’est l’habitude des villes ; c’est toujours comme ça. Mais la fille est intelligente…
Ça, mon ami, ça ne dépend pas de la mise, ça dépend du caractère. Puisqu’elle a un bon caractère, elle sera obéissante et docile.
Bon ! Je la prendrai si mon garçon y tient tant que cela ! C’est vrai que ce n’est pas agréable de vivre avec une femme qu’on n’aime pas. Je consulterai la vieille, et à la grâce de Dieu !
Alors, tope-là !
Oui, on voit déjà que c’est comme ça.
T’as de la veine, Zachar ! T’es venu à la ville pour conclure une affaire et voilà quelle belle bru tu as trouvée ! Il n’y a plus qu’à arroser la chose pour que ça soit en règle.
C’est tout à fait inutile. (Silence gêné.) Je connais votre vie de paysans, moi, et je la comprends bien. Moi-même, je vous dirai, je pense acheter un lopin de terre. J’y construirai une maison, je me ferai paysan : chez vous, par exemple.
C’est une bonne affaire.
Que dire ! Le travail des champs, disons-le, est dans tous les cas plus libre ; ce n’est pas comme en ville.
Eh bien ! m’accepterez-vous dans votre commune, si je me fixe chez vous ?
Pourquoi ne pas accepter ? Tu offriras du vin aux vieux : on t’acceptera immédiatement…
Ouvrez un cabaret, par exemple, ou une auberge, et votre vie sera un plaisir ! Un roi, pas moins.
On verra ça. Je voudrais seulement vivre tranquillement mes vieux jours. Je ne suis pas mal ici non plus ; j’ai même des regrets de quitter ; c’est que Léonid Féodorovitch est un homme d’une bonté rare !
Ben sûr ! Mais notre affaire donc, est-ce qu’elle va décidément en rester là ?
Lui, voudrait bien.
On voit qu’il a peur de sa femme.
Tu devrais, père, t’occuper de nous ! Autrement, comment pourrons-nous vivre ? Notre terre est petite…
Allons ! voyons d’abord ce qui résultera des démarches de Tania. Elle s’en est chargée, donc !
Aie pitié de nous, père ! Notre terre est petite : non seulement on n’y peut lâcher le bétail, disons-le, mais y a pas même de place pour une poule !
Ah ! si j’avais l’affaire en mains ! (Au second paysan.) Alors, mon ami, c’est entendu, nous sommes compères ? L’affaire de Tania est conclue !
Quand j’ai dit quelque chose, je ne m’en dédis pas, même sans l’avoir arrosé, seulement que notre affaire à nous réussisse…
Scène II
Tout à l’heure, de la cuisine des maîtres, on vient d’appeler Sémion au salon ; le maître et l’autre, celui qui évoque avec lui, le chauve, l’ont fait asseoir et lui ont ordonné d’agir à la place de Kaptchitch…
Qu’est-ce que tu racontes là ?
Mais c’est vrai, Iakov vient de le dire à Tania.
C’est étrange.
Scène III
Toi, eh bien ?
Vous pouvez lui dire que je ne suis pas engagé ici pour vivre avec des chiens ! Qu’un autre vive avec des chiens ! Quant à moi je ne consens pas à vivre avec des chiens !…
Avec quels chiens ?
Mais quand ça ?
Aujourd’hui, on les a amenés de l’Exposition. Ils sont chers, paraît-il ; des lévriers, est-ce que je sais ? Le diable les emporte ! Est-ce que ce sont les chiens qui doivent rester dans le logement des cochers, ou bien les cochers ? Comme ça…
Oui, ça n’est pas bien… Je vais lui en parler.
On ferait peut-être mieux de les mettre ici, chez Loukéria.
Comment ici ? Tout le monde vient manger ici, et tu voudrais y mettre les chiens… Déjà sans cela…
Et moi, j’ai là des caftans, des tabliers, des harnais… et on me demande encore la propreté !… Ou bien qu’on les mette chez le portier…
Il faut le dire à Vassili Léoniditch.
Scène IV
Oui, ça ne se fait pas, ça ne se fait pas ! (S’adressant aux paysans.) C’est conclu, n’est-ce pas ? Eh bien ! adieu, mes garçons.
Que Dieu te garde ! (Féodor Ivanovitch sort.)
Scène V
Est-il rond ! On dirait un général.
Oui ! Il a une chambre à part, il est blanchi ; le thé, le sucre, tout ça aux frais des maîtres ! Quant à la nourriture, ça lui vient aussi de leur table.
Comment ce diable-là ne vivrait-il pas bien ? Il vole assez !…
Qu’est-ce donc, là-bas, sur le poêle ?
Ce n’est rien : un homme. (Silence.)
On ne peut pas se plaindre ; pour ça, la maîtresse n’est pas avare. Du pain blanc tous les dimanches, du poisson les jours maigres, et ceux qui veulent, peuvent manger gras.
Comment ? est-ce qu’il y en a qui ne jeûnent pas ?
Eh ! presque tous. Pour faire maigre, il n’y a que le cocher (pas celui qui vient de venir, mais le vieux), puis Sémion et moi et encore la femme de charge, et tous les autres font gras.
Eh bien ! et le maître ?
Lui ? Mais il a même oublié ce que c’est que faire maigre !
Oh ! Dieu !
C’est leur affaire, aux maîtres. Ils ont trouvé ça dans des livres. Ça vient de l’instruction…
Je suis sûr qu’ils mangent tous les jours du pain bis…
Oh ! du pain bis ! Ils ne l’ont peut-être pas vu, ton pain bis ! Si tu voyais seulement leur nourriture !
C’est connu que la nourriture des maîtres est légère comme l’air !
Légère, légère, mais ils sont très forts aussi pour bouffer !
Ils ont de l’appétit alors ?
C’est qu’ils boivent pour faire descendre. Y en a-t-il de ces vins vieux, des eaux-de-vie, des liqueurs sucrées ! Pour chaque mets il y a un vin à part. Manger et boire par-dessus, et puis manger et encore boire…
La boisson fait passer la nourriture.
Ce qu’ils ont de force pour manger est inouï ! C’est pas dans leurs habitudes de s’asseoir, de manger le nécessaire, de se signer et de se lever. Ils mangent toujours…
Comme les cochons, alors, qui mettent les pattes dans l’auge ? (Les paysans rient.)
À peine, Dieu me pardonne ! ont-ils l’œil ouvert, qu’il faut le samovar, le thé, le café, le chocolat. Aussitôt qu’ils ont vidé deux samovars, il faut faire chauffer le troisième. Puis c’est le déjeuner ; puis c’est le dîner ; puis encore le café. À peine ont-ils digéré sur le dos qu’il leur faut de suite encore du thé. Puis le goûter, des bonbons, des biscuits, ça n’a pas de fin ! Au lit, ils mangent encore !
Oh ! là, là ! (Il rit.)
Qu’as-tu ?
Si seulement je pouvais passer une journée ainsi !
Mais alors, quand font-ils leurs affaires ?
Quelles affaires ? Les cartes, le piano, voilà toutes leurs affaires ! La demoiselle, celle-là, à peine a-t-elle ouvert les yeux, qu’elle a l’habitude de se mettre au piano, et allez ! L’autre, celle qui vit chez eux, l’institutrice, attend que le piano soit libre. À peine l’une a-t-elle fini que l’autre se met à taper. Ou bien encore, on apporte deux pianos : on se met deux à chaque et, à quatre, on tombe dru dessus, si fort, que ça s’entend d’ici.
Eh ben ! voilà toutes leurs affaires ! Le piano ou les cartes. À peine sont-ils réunis qu’aussitôt les cartes, du vin, on se met à fumer et en voilà pour toute la nuit ! On ne se lève que pour manger et on recommence.
Scène VI
Bon appétit !
Prends place aussi.
Grand merci. (Il s’avance vers la table, le premier paysan lui verse du thé.)
Où étais-tu ?
J’étais en haut.
Et pourquoi ?
Je n’y comprends rien ; je ne sais comment dire…
Qu’est-ce qu’on y fait ?
Je ne saurais même le dire. Ils ont essayé avec moi je ne sais quelle force. Mais moi je n’y comprends rien. Tania m’a dit que ça aiderait à vendre la terre aux paysans.
Mais comment s’y prendra-t-elle ?
C’est ce que je ne comprends pas ; elle ne dit rien. Elle a dit seulement : Fais comme je te l’ordonne !
Et qu’y a-t-il à faire ?
Rien, pour le moment. Ils m’ont fait asseoir, ils ont éteint les lumières et m’ont ordonné de dormir. Et Tania aussi s’est cachée là-haut ; eux ne l’ont pas vue, mais moi je l’ai vue…
Eh bien ! pourquoi faire ?
Dieu le sait ! On ne peut pas comprendre…
Pour sûr, c’est pour passer le temps.
Ce sont des affaires, je vois, où nous ne comprendrons rien toi et moi. Et voilà, dis donc : as-tu pris beaucoup d’argent sur tes gages ?
C’est très bien ! Mais tu sais, si Dieu le permet et que nous nous arrangions pour la terre, je te prends, Sémion, à la maison.
Je veux bien…
Tu as dû ben te gâter, je pense. Tu ne pourras labourer…
Labourer ! veux-tu essayer tout de suite ? Faucher, labourer, tu verras que je n’ai pas perdu la main !
Mais, pourtant, après la vie à la ville, ça ne te paraîtra pas amusant.
Ça ne fait rien, on vit aussi bien à la campagne.
Et voilà l’oncle Dmitri qui aimerait bien essayer ici de cette vie délicate.
Oh ! oncle Dmitri, ça finirait par t’embêter. Ça paraît facile d’abord ; mais il faut beaucoup courir. La tête te tournerait.
Est-ce qu’on y mange aussi tout le temps ?
Ce n’est pas ça ; faut voir ce que c’est. Féodor Ivanovitch m’a laissé voir. J’ai regardé. Des femmes, c’est extraordinaire. Habillées…, tu sais, comme tu n’en as jamais vu ! Et nues, jusque-là. Et les bras nus aussi.
Seigneur !
Quelle abomination !
Ben, c’est que le climat leur permet.
Quand j’ai vu ça, je me suis dit : Qu’est-ce que c’est ? Toutes nues ! Le croirais-tu ? les vieilles — qui ont peut-être des petits enfants — aussi toutes nues !
Oh ! Dieu !
Mais, c’est encore rien. Aussitôt que la musique commence, alors les messieurs s’avancent chacun vers une dame ; il l’enlace et se met à tourner.
Les vieilles aussi ?
Non, les vieilles restent assises.
Qu’est-ce que tu dis ? Je l’ai vu moi-même !
Mais non !
C’est la polka-mazurka ; l’imbécile, elle ne sait pas ça ! On danse ainsi…
Toi, danseur, tu feras bien de te taire ! hein ! Voilà quelqu’un qui vient. (Le vieux cuisinier se cache hâtivement.)
Scène VII
Apporte la choucroute.
Je viens de remonter de la cave, et voilà qu’il faut encore y descendre ! Pour qui est-ce ?
Les jeunes demoiselles veulent en manger. Vite ! Fais-la porter par Sémion, moi je n’ai pas le temps.
Voilà, elles se gavent de plats sucrés, jusqu’à ce que ça ne passe plus, alors elles veulent de la choucroute !
C’est pour se purger, c’est-à-dire…
Oui, ils feront de la place, et recommenceront de nouveau. (Elle prend un bol et sort.)
Scène VIII
Vous voilà, attablés ! Prenez garde ! Si madame l’apprend, elle vous secouera comme ce matin ! (Il rit et sort.)
Scène IX
Ben sûr qu’elle a tempêté tantôt ; c’était terrible !
M’est avis que monsieur voulait nous défendre ; mais quand il a vu qu’elle enlevait le toit de la maison, il a claqué la porte, comme s’il avait voulu dire : que le diable l’emporte !
C’est toujours la même chose. Eh bien, ma vieille, disons, parfois elle s’échauffe que c’est terrible ! J’m’en vais de la maison. Vaut mieux la laisser ! Autrement, disons, elle m’assommerait avec le tisonnier. Oh ! Dieu !
Scène X
Sémion, cours à la pharmacie, vite ; tiens ! va chercher des poudres pour madame.
Mais on m’a ordonné de ne pas sortir.
Tu auras le temps ; on ne s’occupera de toi qu’après le thé. Bon appétit !
Asseyez vous avec nous. (Sémion sort.)
Scène XI
Je n’ai pas le temps ; mais versez-moi tout de même une tasse pour vous tenir compagnie.
Mais voilà, on causait de votre maîtresse ; qu’elle s’est conduite bien fièrement.
Voilà ! À propos, je voulais demander : Que parlait-elle tantôt de macrotes ? Des macrotes, disait-elle, des macrotes que vous apportez ici ! À quoi que ça s’applique ces macrotes-là ?
Ah ! ce sont des macrobes. Ils disent que ce sont de petits insectes, qui, voyez-vous, sont cause de toutes les maladies. Alors, voilà, par exemple, qu’ils sont sur vous. Ce qu’ils ont lavé, lavé derrière vous ; ce qu’ils ont aspergé, aspergé, là où vous étiez restés ! Il y a un remède spécial qui les fait crever, ces insectes.
Mais où qu’y a sur nous de ces insectes ?
Ben, ils disent qu’ils sont si petits qu’on ne les voit même pas avec des lunettes.
Et comment sait-elle qu’il y en a sur moi ? Peut-être qu’y en a plus, de ces saletés, sur elle que sur moi ?
Oui, mais demande-lui !
Moi je pense que ce sont des bêtises.
Ben sûr, des bêtises ! Mais il faut bien que les médecins inventent quelque chose ; autrement, à quoi bon leur donner de l’argent ? Voilà, y en a un qui vient là tous les jours : il vient, il cause un peu, et il a pour ça dix roubles.
C’est pas vrai ?
Ou bien, c’est un autre encore qui touche, celui-là, un billet de cent.
Oh ! un billet de cent !
Un billet de cent ? Tu parles d’un billet ? Il en prend de mille quand il faut sortir de la ville ! Donne, qu’il dit, un billet de mille, ou, si tu ne le donnes pas, crève !…
Oh ! Dieu !
Qu’est-ce qu’il est donc ? Sait-il une parole magique ?
Sans doute qu’il sait. J’étais chez un général, près de Moscou. C’était un homme colère, très fier, ce général. Et bien ! voilà que sa fille tombe malade. On a envoyé chercher celui-là. Donnez mille roubles et j’y vais. Bon ! on s’est arrangé ; il vient. Mais voilà que quelque chose lui a déplu. Comme il s’est mis à crier après le général ! oh ! mes petits frères ! Oh ! qu’il a dit, c’est comme ça que tu me traites ! Comme ça ! Eh bien ! J’veux pas la soigner ! Alors, ce général, il a vite perdu son orgueil ; il l’a flatté de mille façons : Petit père, tout ce que tu voudras, mais ne l’abandonne pas !
Et le billet de mille, on lui a payé ?
Tu dis… autrement ?
Voilà du bon argent ! C’qu’un paysan aurait pu faire avec cet argent-là !…
Je crois que tout ça, c’est des bêtises. Y a quelque temps, j’avais un pied qui suintait ; je le soignais, je le soignais ! J’ai peut-être dépensé, disons-le, cinq roubles. Quand j’l’ai plus soigné, il a guéri tout seul. (Le vieux cuisinier tousse sur le poêle.)
Le voilà encore, ce malheureux !
Quel est cet homme ?
Il a été cuisinier de notre maître ; il vient ici chez Loukéria.
Non, ici on ne permet pas ; un jour ici, là-bas une nuit. Quand il a trois kopeks il va dans un asile ; et quand il a tout bu il vient ici.
Mais comment en est-il là ?
Comme ça. Il s’est relâché. Et cependant quel homme c’était !… On aurait dit un seigneur. Il portait une montre d’or, il touchait quarante roubles par mois, et maintenant, sans Loukéria, y a longtemps qu’il serait mort de faim.
Scène XII
Je vois que Pavel Petrovitch est encore ici ?
Où veux-tu qu’il aille ? Mourir de froid, hein ?
Voilà ce que fait le vin ! Le vin, disons… (Il claque de la langue avec commisération et secoue la tête.)
Loukéria, je te dis, donne-moi un petit verre !
Où vas-tu ? Je vais t’en donner, un petit verre !
Crains-tu le bon Dieu ? Je me meurs ! Mes bons amis donnez-moi une pièce de cinq kopeks !
J’te dis de grimper sur le poêle !
Cuisinière, la moitié d’un petit verre, je t’en prie, pour l’amour du Christ ! Je te dis, comprends-tu, je le demande au nom du Christ…
Va va… Tiens, voilà du thé !
Qu’est-ce que c’est du thé ? Qu’est-ce que c’est du thé ? C’est une boisson qui ne vaut rien, elle n’a pas de force… Je voudrais du vin…, rien qu’une gorgée… Loukéria !…
Ah ! le malheureux, comme il souffre !
Mais donne-lui donc quelque chose.
Loukeria !… Je boirai… et toi… tu comprends… ..
Assez, assez parlé ! Monte sur le poêle, et qu’on n’entende plus ton souffle. (Le vieux cuisinier monte docilement et sans cesse marmonne quelque chose.)
Ce que c’est quand un homme devient faible !
Ben sûr… la faiblesse humaine.
Oui, il n’y a pas à dire. (Le vieux cuisinier se couche. Tout le temps il murmure. Silence.)
Eh bien, voilà, je voulais te demander : Cette jeune fille de notre pays qui vit chez vous, la fille d’Axcinia, comment se conduit-elle ? Je veux dire : est-elle honnête ?
Une bonne fille, il n’y a rien à en dire…
Oui, ça, c’est vrai. Voilà, l’été passé, y’avait chez nous une jeune fille, Nathalie, quelle bonne fille c’était ! et bien elle s’est perdue pour rien, comme celui-là… (Il montre le vieux cuisinier.)
C’qui s’en perd ici, de notre sexe ! On pourrait en faire une digue. Chacun veut un travail facile, une nourriture sucrée, puis, en un clin d’œil, grâce à cette nourriture sucrée, on tourne mal, et dès qu’on a mal tourné, n’en faut plus, immédiatement on vous met à la porte, et on en prend une plus fraîche à la place. C’est ainsi que la malheureuse Nathalie a fait un faux pas, et aussitôt on l’a mise à la porte. Elle a accouché, elle est tombée malade, et, au printemps dernier, elle est morte à l’hôpital. Et cependant quelle fille c’était !
Oh ! Seigneur ! Ce sont des gens faibles, faut les prendre en pitié !
Ah ! oui ! ils vous prennent en pitié, ces diables-là ! (Il laisse tomber ses jambes du poêle.) Je me suis rôti trente ans auprès du fourneau, et voilà, lorsque je suis devenu inutile : Crève comme un chien ! Oui, ils en ont de la pitié !
Pendant qu’on buvait et mangeait, on t’appelait beau garçon ; quand on a fini de boire et de manger : adieu galeux !
Oh ! Dieu !
Tu en comprends des choses ! Sais-tu ce que c’est qu’un sauté à la Beaumont, ce que c’est qu’un bavasaré… Ah ! ce que je savais faire ! Pensez un peu !… L’empereur mangeait mon ouvrage, et, maintenant, je ne suis bon que pour l’enfer ! Mais je ne céderai pas, moi !
Ah ! ah ! Voilà qu’il se met à causer ! Veux-tu te taire !… Fourre-toi dans le coin, pour qu’on ne te voie pas ! Autrement, si Féodor Ivanovitch entre, ou un autre, on me chassera avec toi. (Silence.)
Eh bien ! connaissez-vous mon pays Vosnesenskoïé ?
Comment ne pas connaître ! C’est à dix-sept verstes de chez nous, pas plus ; et si on y va par le gué, c’est moins loin encore. Toi as-tu de la terre ?
Ben sûr.
Ton frère, alors, c’est Anicim ?
Ah oui ! c’est mon frère… Au bout du village.
Eh oui ! Comment ne pas savoir, la troisième maison.
Scène XIII
Iakov Ivanitch, qu’est-ce que vous bêtifiez ici ? Elle vous appelle.
Tout de suite ! Qu’y a-t-il ?
Fifka aboie ; elle a faim, et madame se fâche après vous… Comme il est méchant ! dit-elle ; il n’a aucune pitié, il y a longtemps longtemps que Fifi doit dîner et il ne lui apporte rien. (Tania rit.)
Elle est fâchée ? Ça ira mal.
Prenez donc la choucroute.
Scène PREMIÈRE
À qui donc est le tour de dîner maintenant ?
Au chien ; c’est un chien à elle. (Elle s’assied et prend la théière.) Y a-t-il du thé ? N’importe, j’en ai apporté d’autre. (Elle jette le thé dans la théière.)
Un dîner, pour un chien ?
Certainement, on lui cuit une côtelette exprès pour lui, afin qu’il n’engraisse pas trop. Je lave même du linge pour lui, pour le chien…
Oh ! Seigneur !
C’est comme un autre monsieur qui a fait un enterrement à son chien.
Comment ça ?
Mais, comme cela ! Un homme m’a raconté qu’une fois un chien a crevé chez lui, chez ce monsieur, et le voilà qui sort en voiture, l’hiver, pour l’enterrer. L’enterrement fini, le voilà qui retourne en pleurant, le monsieur. Il gelait très fort, le cocher avait le nez qui lui coulait, il s’essuyait… Permettez que je verse. (Elle verse le thé.) Le nez coule et il s’essuie toujours. Le monsieur s’en aperçoit : « Pourquoi, dit-il, pleures-tu ? » Et le cocher de dire : « Comment, monsieur, ne pas pleurer ! Quel chien c’était ! » (Elle rit.)
Et je crois ben que lui-même pensait à part lui : « Même si tu crevais, toi, je ne te pleurerais pas ! » (Il rit.)
C’est juste !… c’est vrai !
Bon ! le monsieur rentre à la maison. Aussitôt, il va chez madame ; « Comme notre cocher, dit-il, est bon ! il a pleuré tout le long de la route, tellement il regrettait Ami. » Qu’on le fasse venir. Tiens ! bois un coup, et voilà un rouble pour te récompenser. La patronne est pareille. Iakov ne plaint pas son chien. (Les paysans rient.)
Voilà du joli !
Voilà, c’est comme ça.
Ah ! ma fille, ce que tu m’as fait rire !
Prenez-en encore. Oui, ça semble seulement que la vie est bonne ici. Mais parfois c’est dégoûtant de nettoyer les salétés qu’on fait ! Au village on est mieux. (Les paysans retournent leurs tasses.)
Prenez-en. À votre santé Ephim Antonitch ! Je vous en verse, Dmitri Vlassiévitch ?
Bon ! verses-en, verses-en !
Eh bien, et notre affaire ? Est-elle en train ?
Pas mal, ça marche.
Sémion nous a dit…
Il vous a dit ?…
On n’a pu rien comprendre…
Je ne peux pas vous le dire maintenant, mais je fais tout mon possible. Voici votre papier. (Elle montre le contrat sous son tablier.) Pourvu qu’une chose réussisse ! Ah ! que ce serait bien !
Prends garde ! ne perds pas le papier, on a payé de l’argent pour ça !
Que veux-tu de plus ? Si c’est signé c’est fini… (Il renverse sa tasse.) Ah ! assez.
Il signera, vous verrez qu’il signera ! Prenez encore. (Elle verse du thé.)
Arrange seulement l’affaire de la vente de ces terres ; fais cela, et c’est la commune elle-même qui te mariera. (Il refuse du thé.)
Prenez, s’il vous plaît.
Parviens-y et nous te marierons, et je viendrai, disons-le, danser à ta noce. Quoique je n’aie jamais dansé, je danserai cette fois.
Alors, j’ai bon espoir. (Silence.)
Bien, bien ! mais tu n’es pas bonne pour le travail des champs.
Moi ? Croyez-vous que je n’aie pas de forces ? Si vous voyiez seulement comme je serre madame ! Un paysan ne pourrait pas mieux la serrer.
Mais elle a comme ça, avec des ressorts, une espèce de camisole qui vient jusqu’ici. Alors, on la serre avec des lacets, comme lorsqu’on attelle un cheval, vous savez, quand on crache dans ses mains.
Tu la harnaches donc ?
Ben oui, je la harnache, et on ne peut appuyer le pied sur elle. (Elle rit.)
Et pourquoi la serres-tu ?
Mais pour…
A-t-elle fait un vœu ?
Non, c’est pour la beauté.
Tu lui fais donc rentrer le ventre, pour que ce soit une belle forme ?
Je la boucle si fort, que les yeux lui sortent de la tête, et elle dit : Encore !… Les mains en brûlent. Et vous dites que je n’ai pas de forces. (Les paysans rient et hochent la tête.) Mais je perds mon temps ! (Elle sort en riant.)
Oui, elle est bien mise.
Oui, pas mal.
Scène XIV
Pas précisément un dîner, mais un déjeuner dînatoire, et je vous dirai une chose, il était excellent, ce déjeuner. Un jambon épatant, Roulier fait très bien. Je viens de rentrer à l’instant. (Apercevant les paysans.) Ah ! les paysans sont encore ici ?
Oui, oui, tout cela est très bien, mais nous sommes venus pour cacher l’objet. Où faut-il donc le cacher ?
Pardon, je suis à vous (À la cuisinière.) Et les chiens, où sont-ils ?
Ils sont dans la chambre des cochers, les chiens. Est-ce qu’on peut les mettre à l’office ?
J’attends.
Pardon, pardon. Eh quoi ! cacher, où ?… Sergueï Ivanovitch, voici ce que je vous dirai… Mettez-le dans la poche de l’un de ces paysans. Voilà, peut-être à celui-ci. Dis donc, eh ! Où est ta poche ?
Et pourquoi as-tu besoin de ma poche ? Voilà ma poche. J’ai de l’argent dans ma poche…
Eh bien ! où est ta bourse ?
Est-ce que ça te regarde ?
Qu’est-ce que tu dis ! C’est le jeune maître.
Savez-vous pourquoi il a si peur ? Je vais vous le dire. Il a énormément d’argent. Eh quoi ?
Oui, oui, je comprends. Alors voilà : occupez-les un instant, et moi, pendant ce temps, je la cacherai dans ce sac, de façon qu’ils ne sachent pas où elle est et ne puissent d’aucune façon le lui indiquer. Parlez avec eux.
Pour nous, nous en avons l’intention de tout notre cœur, mais voilà, l’affaire ne marche pas…
Mais vous, ne soyez pas avares. La terre est une chose très importante. Je vous l’ai dit. De la menthe ou bien encore du tabac…
Ben sûr on peut y faire croître toutes sortes de produits…
Et toi, monsieur, parles-en à ton papa pour nous. Impossible de vivre ! notre terre est petite, il n’y a pas même de place pour y lâcher une poule !
Et vous ne soyez pas avares. Eh bien ! Au revoir. (Ils sortent.)
Scène XVI
J’avais bien dit d’aller à l’auberge. Disons que nous aurions dépensé une pièce de dix kopeks par tête, disons, au moins on serait tranquille ! Mais ici que Dieu nous garde ! L’argent donne, dit-il. Pourquoi ça ?
Probablement qu’il a bu. (Les paysans retournent leurs tasses, se lèvent et se signent.)
Et toi, tu te rappelles. Et quelle idée de nous proposer de planter de la menthe ; aussi il faut comprendre…
Oui, planter de la menthe, vois-tu ! Va donc, essaie de peiner avec ta bosse ! Tu en demanderais de la menthe, alors ! Eh ben, grand’mère ! Alors, ma belle, où pouvons-nous coucher ici ?
Que l’un se couche sur le poêle, et les autres sur des bancs.
Que le Christ te sauve ! (Il prie.)
Si Dieu pouvait permettre que l’affaire soit conclue. Demain, après-midi, nous pourrions prendre encore le train, mardi nous serions de retour.
Allez-vous éteindre les lumières ?
Pourquoi éteindre. C’est un va-et-vient continuel. Tantôt on demande une chose, tantôt l’autre… Mais couchez-vous… Je vais baisser la lumière.
Est-ce qu’il y a moyen de vivre quand on n’a pas assez de terre ! J’ai commencé cette année à acheter du blé dès la Noël ; et la paille d’avoine est à sa fin. Si j’avais de la terre, j’aurais ensemencé quatre déciatines. J’aurais pris Sémion à la maison…
Tu as de la famille, toi ; tu peux moissonner sans difficulté, pourvu qu’il y ait de quoi. Si seulement l’affaire se faisait.
Il faut implorer la Reine des cieux, peut-être s’apitoiera-t-elle.
Scène XVII
Mais, non, voyons !
Il ne faut pas le conduire, mais il ne faut pas non plus lui résister. (À Léonid Féodorovitch.) Je connais ces expériences, j’en ai fait moi-même. Il m’arrivait de sentir un fluide, et aussitôt…
Permettez-moi de vous prier de garder le silence.
Oh ! je comprends bien, je l’ai éprouvé par moi-même. Aussitôt que l’attention se distrait je ne puis déjà plus…
Chut ! (Ils marchent, vont vers les deux premiers paysans, puis s’avancent vers le troisième. Grossmann se bute au banc.)
Mais dites-moi, on le paye ?
Je ne saurais vous dire.
Mais, c’est un monsieur ?
Oh ! oui.
Je ne saurais vous le dire, mon mari vous l’expliquera. (Apercevant les paysans, se retourne et voit la cuisinière.) Pardon ! Qu’est-ce ? Pardon ! (La baronne s’approche du groupe.) Qui a laissé entrer ici les paysans ?
C’est Iakov qui les a introduits.
Qui l’a ordonné à Iakov ?
Je ne peux pas le savoir. Féodor Ivanovitch les a vus ici.
Léonid ! (Léonid Féodorovitch n’entend pas, tout aux recherches de Grossmann.) Féodor Ivanovitch, qu’est-ce que cela veut dire ? N’avez-vous pas vu que j’ai désinfecté toute l’antichambre, et maintenant vous m’avez infecté toute la cuisine, le pain noir et le kvass.
Je pensais que ce n’était pas dangereux. Ces hommes sont venus pour une affaire ; ils sont venus de loin, de la campagne…
Mais précisément, ils sont venus du village de la province de Koursk, où les gens meurent comme mouches de la diphtérie ! Et j’ai donné des ordres pour qu’on ne les garde pas à la maison. L’ai-je dit, oui ou non ? (Elle avance vers le groupe qui s’est formé autour des paysans.) Prenez garde, ne les touchez pas, ils sont tous infestés de la diphtérie ! (Personne ne l’écoute ; elle s’éloigne avec dignité et attend immobile.)
Je ne sais pas si c’est la contagion de la diphtérie, mais il y a dans l’air une contagion. Vous sentez ?
N’inventez pas ! Vovo, dans quel sac ?
Dans l’autre, dans l’autre ! Il s’en approche, il s’en approche…
D’où vient cette odeur ? D’un esprit ?
Voilà le moment où vos cigarettes viennent à propos. Fumez, fumez plus près de moi. (Pétristchev se penche et s’enfume.)
Il approche, je vous dis qu’il approche ! Eh quoi ?
C’est ici, c’est ici ! Je sens que c’est ici !
Bravo !
Ah ! voilà donc où était notre cuiller ! (Au paysan) Ah ! voilà comment tu es toi ?
Quoi ? qu’est-ce que tu dis ? Je n’ai pas pris ta cuiller ! qu’est-ce qu’il invente ! Je ne l’ai pas touchée ! je ne l’ai pas touchée ! Vraiment je ne sais rien ! qu’il dise ce qu’il voudra ! J’ai bien vu qu’il n’était pas venu ici dans une bonne intention. « Donne-moi, ta bourse » qu’il a dit ! Quant à moi je ne l’ai pas prise ; Christ est témoin que je ne l’ai pas prise ! (Les jeunes gens l’entourent et rient.)
Toujours des bêtises ! (Au troisième paysan.) Ne t’inquiète pas, mon ami. Nous savons bien que tu ne l’as pas prise. C’était une expérience.
De l’eau s’il vous plaît. (Tous s’empressent autour de lui.)
Allons à la chambre des cochers, je vous montrerai le beau lévrier mâle que j’ai. Épatant ? hein ? quoi ?
Non, ainsi on ne peut dire de toi ? Quel homme épatant que ce Betsy ! Il faut dire : Quelle jeune fille ! C’est la même chose ici, pourquoi ? N’est-ce pas, Maria Constantinovna, c’est bien ? (Il rit.)
Eh bien, allons. (Maria Constantinovna, Betsy, Pétristchev, Vassili Léoniditch sortent.)
Scène XVIII
Quoi ! Êtes-vous reposé ? (Grossmann ne répond pas. À Sakhatov). Avez-vous senti le fluide, Sergueï Ivanovitch ?
Je n’ai rien senti du tout ; mais c’est parfait, parfait, tout à fait réussi !
Admirable ! Ça ne le fait pas souffrir ?
Pas le moins du monde.
Permettez, s’il vous plaît. (Il lui présente un thermomètre.) Au commencement de l’expérience vous aviez 37° 2. (Au docteur.) C’est ça, n’est-ce pas ? Ayez l’obligeance de lui tâter le pouls, je vous en prie. La perte de force est inévitable.
Eh bien, monsieur, vérifions, vérifions. (À Grossmann.) Donnez-moi votre pouls. (Il sort la montre et lui tient la main.)
Permettez, mais l’état dans lequel vous vous trouvez ne peut s’appeler le sommeil ?
C’est quand même l’hypnose…
Alors, il faut comprendre que vous vous êtes hypnotisé vous-même ?
Et pourquoi pas ? L’hypnose peut se produire non seulement par association ou au son des tams-tams, comme chez Charcot par exemple, mais par la seule entrée dans la zone hypogène.
C’est ça, par exemple. Mais cependant il est désirable de définir plus exactement ce que c’est que l’hypnose.
L’hypnose est un phénomène de transformation d’une énergie en une autre.
Permettez, permettez c’est votre avis… mais Libeau m’a dit à moi-même…
Bien, mais maintenant il faut prendre la température.
Ah ! non ! permettez !… Je suis d’accord avec Alexis Vladimirovitch. Et tenez ! voilà la meilleure des preuves ! Lorsque, après ma maladie, je me trouvais sans connaissance, je sentais tout à coup le besoin de parler. Je suis généralement silencieuse ; mais à ce moment j’avais le besoin de parler, de parler ! Et on m’a dit que je parlais tellement que tout le monde s’en étonnait. (À Sakhatov.) D’ailleurs, je vous ai interrompu, je crois.
Nullement. S’il vous plaît.
Le pouls est de 82 ; la température est montée de 3 dixièmes.
Comme médecin je puis témoigner que votre prédiction est totalement confirmée.
Alors vous disiez ?
Je voulais dire que Libeau m’a dit lui-même que l’hypnose n’est autre chose qu’un état psychique ordinaire, exagéré par une attention anormale. Donc…
C’est ça, mais pourtant c’est surtout la loi de l’équivalence…
En outre, Libeau est loin d’être une autorité. Mais Charcot a étudié la question sous tous ses aspects, et il a démontré que l’hypnose produite par un coup…
Certes, je ne nie pas l’œuvre de Charcot, je la connais aussi. Je répète seulement ce que Libeau m’a dit.
Il y a à la Salpêtrière 3.000 malades et j’ai suivi les cours complets…
Permettez… monsieur, il ne s’agit pas de cela.
Je vais vous l’expliquer en deux mots. Quand mon mari était malade, et que tous les médecins l’eurent abandonné…
Allons, rentrons au salon ! Baronne, s’il vous plaît. (La grosse dame, Grossmann, le professeur, le docteur, la baronne et Sakhatov sortent en parlant et s’interrompant.)
Scène XIX
Que de fois vous ai-je prié de ne pas donner d’ordres dans la maison ! Occupez-vous de vos bêtises, et laissez-moi la maison ! Vous allez donner la contagion à tout le monde.
Qui ? Quoi ? Je ne comprends rien du tout.
Comment ! Voilà des gens malades, qui ont la diphtérie, et ils couchent à la cuisine où ils se trouvent en contact perpétuel avec tous nos domestiques !
Mais je…
Quoi, je ?…
Quand on est père de famille, il faut savoir ; on ne peut faire cela !
Mais je ne pensais pas, je pensais que…
C’est révoltant de vous entendre ! (Léonid Féodorovitch se tait.)
Tout de suite à la porte ! Qu’ils ne restent pas dans ma cuisine ! C’est terrible ! Personne ne vous écoute ! On le fait exprès ! J’ai beau les chasser, on les fait rentrer. (Elle s’excite de plus en plus et commence à pleurer.) On le fait exprès pour me contrarier ! Et moi qui suis si malade ! Docteur ! Docteur ! Piotr Petrovitch ! Lui aussi est parti ! (Elle pleurniche et sort. Léonid Féodorovitch la suit.)
Scène XX
Tableau. Tous demeurent silencieux quelque temps.
Que Dieu les garde ! Ces gens-là vous feraient saisir par la police ! Et moi, qui, de toute ma vie, n’a pas eu de procès ! Allons à l’auberge, mes enfants !
Mais rien, Féodor Ivanovitch ! Mettons-les dans la chambre des cochers.
Comment cela ? Le cocher s’est déjà plaint d’avoir sa chambre pleine de chiens !
Eh bien ! alors, chez le portier.
Et si on l’apprend ?
On n’en saura rien. Soyez tranquille, Féodor Ivanovitch. Peut-on les mettre à la porte, la nuit ? Ils ne trouveront rien.
Eh bien ! fais comme tu voudras, pourvu qu’ils ne restent pas ici ! (Il sort.)
Scène XXI
Oh ! les sacrés diables ! Ils enragent dans leur graisse, ces diables !
Allons, mes oncles, chez le portier.
Et notre affaire, alors ? Qu’en sera t-il de la signature du contrat ? Faut-il conserver quelque espoir ?
Dans une heure, nous saurons tout.
Seras-tu assez maligne ?
À la volonté de Dieu !