G. Charpentier, éditeur (p. 296).

LXIII

Les journées qui suivirent jusqu’au jour de la représentation, les deux frères les vécurent dans ce doux et trouble transport cérébral qu’apportent à la faible humanité les coups de fortune inattendus, les réalisations des choses inespérées, les surprises du sort. Ils se sentaient la tête pleine d’une chaleur qui brûlait dans du vide bienheureux. Une intérieure joie nerveuse leur coupait l’appétit comme un chagrin. Ils marchaient sur le pavé des rues avec le sentiment obtus de la marche sur un tapis. Et tous les matins, en se réveillant, ils interrogeaient en plein jour, un moment, la réalité de leur bonheur, lui demandant dans le premier doute du réveil : « N’es-tu point un rêve ? »