G. Charpentier, éditeur (p. 166-168).

XXXIII

Newsome avait engagé le couple à raison de dix livres sterling par semaine, et les deux frères maintenant attachés à la troupe vivaient en assez bonne confraternité avec les hommes et les femmes. Les hommes étaient de bons camarades avec un peu de morgue britannique. Les femmes, toutes honnêtes femmes, toutes mères de famille, étaient « douces comme des moutons » ; seulement de certains jours, sous une excitation de gin, ou d’un vent de nord-est, celles qui ne s’aimaient pas se mettaient à se boxer. Et ce n’étaient pas les batteries de femmes françaises, où il y a plus d’injures et de bonnets déchirés que de coups, mais bien vraiment de véritables combats de boxeurs, où la battue restait quelquefois quinze jours au lit.

Au fond, les deux frères avaient presque repris leur vie voyageuse de la France à travers les Trois-Royaumes, toutefois en des conditions meilleures et dans un pays plus curieux des exercices du corps. En cette Angleterre, où dans les petites villes l’arrivée d’un cirque est un événement, et où la promenade par les rues du personnel, de ses chevaux, de ses curiosités, de ses cages d’animaux féroces, fait fermer les boutiques comme un jour de fête, la gracieuse clownerie de Gianni et de Nello était admirablement accueillie, et commençait à avoir une influence sur les recettes. De temps en temps, pour s’attacher les deux artistes, Newsome donnait à leur profit une de ces représentations où les bénéficiaires vont de maison en maison placer les billets, une représentation qui leur rapportait cinq ou six livres. Et le nom des deux clowns, un nom de guerre qu’ils avaient pris là-bas, brillait, en vedette, sur les affiches imprimées avec l’encre la plus rouge de la Grande-Bretagne.