Les Forces éternelles/S’il est quelque autre chose au monde…

Comtesse de Noailles ()
Arthème Fayard & Cie, éditeurs (p. 395-396).

S’IL EST QUELQUE AUTRE CHOSE AU MONDE…


S’il est quelque autre chose au monde que l’amour,
S’il est quelque autre attrait, quelque autre récompense,
À travers la multiple et prodigue dépense
Que l’homme fait de soi, en luttant, chaque jour,

Si l’effort, le labeur, la fierté, la justice,
Ont, dans leurs vœux secrets, un but plus convoité
Que celui de l’auguste et triste volupté
Où la force et l’espoir des âmes aboutissent,

Dites-le-moi, Nature, ordre divin des jours.
Triomphale douceur du printemps qui s’élance,
Dites-le, mouvement onduleux du silence
Où les sons assoupis rêvent, puissants et sourds !


Dites-le, nuits d’été où les astres s’empressent,
Et, par leur insistant et net crépitement,
Guident l’être, ébloui d’un immense tourment,
Vers l’orage et la paix des étroites caresses !

Dites-le-nous ! Ouvrez notre humaine prison,
Enseignez-nous ! Sinon, la hantise éternelle
Qui jaillit de l’instinct, que nourrit la raison,
Ne connaîtra jamais, en ses nobles saisons,
Que ce vacillement enflammé des prunelles,
Où l’univers sans but offre aux corps anxieux
La présence terrible et suave d’un dieu !